Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/924/2002

ATA/217/2003 du 15.04.2003 ( HG ) , REJETE

Descripteurs : PRESTATION D'ASSISTANCE; ASSISTANCE PUBLIQUE; DROIT A DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE; COLLABORATION(EN GENERAL); PRINCIPE DE LA BONNE FOI; ABUS DE DROIT; SIGNATURE; HG
Normes : LAP.4A litt.b; CST.12; LAP.7
Résumé : En refusant de signer les procurations ad hoc nécessaires au contrôle de sa situation financière, le recourant a violé son obligation de renseigner et de laisser l'hospice procéder à des vérifications. Ce refus est constitutif d'abus de droit, dans la mesure où l'obligation de renseigner est liée à la nature même de l'assistance publique. La proportionnalité ayant par ailleurs été respectée, l'hospice était fondé à cesser le versement des prestations.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 15 avril 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur D__________

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

 

1. Depuis août 1999, Monsieur D__________ a bénéficié à plusieurs reprises d'un appui financier et de conseils de la part de l'Hospice général (ci-après : l'hospice), au titre de la loi sur l'assistance publique du 19 septembre 1980 (LAP - J 4 05).

 

Dans ce cadre, M. D__________ a signé le 18 août 1999 un document intitulé "Ce qu'il faut savoir en demandant l'intervention de l'assistance publique", autorisant notamment "les administrations fiscales, les établissements publics et privés (banques, compagnies d'assurance, caisses de pension, etc...) à donner à l'Hospice général et à son service des enquêtes, tous renseignements sur [ses] avoirs, comptes et autres biens". L'autorisation portait notamment sur "les renseignements soumis aux secrets de fonction, professionnel, fiscal et bancaire".

 

2. M. D__________ a été informé fin 2001 ou début 2002 que le service des enquêtes de l'hospice était chargé d'enquêter sur sa situation.

 

Dans le cadre de cette enquête, M. D__________ a fourni à l'enquêteur de nombreux renseignements concernant sa situation personnelle. Il a cependant, à réitérées reprises et malgré de nombreux courriers, entretiens et avertissements, refusé de signer les procurations permettant au service des enquêtes de se renseigner sur l'état de sa situation, en particulier auprès des banques.

 

3. Par décision du 15 avril 2002 faisant suite à plusieurs courriers et entretiens, l'hospice a informé M. D__________ qu'il mettait un terme à l'aide qu'il lui octroyait au titre de la LAP. Cette décision, déclarée exécutoire nonobstant recours, était fondée sur le refus répété de M. D__________ de remplir ses obligations - signer les procurations nécessaires à une vérification de sa situation, en vue de confirmer l'existence de son droit aux prestations de la LAP - quand bien même il avait été informé à plusieurs reprises que son refus entraînerait la cessation du versement des prestations.

 

4. Le 29 mai 2002, M. D__________ a élevé réclamation auprès du président du conseil d'administration de l'hospice contre la décision précitée, reçue suite à une erreur de transmission le 3 mai 2002 seulement. Il avait répondu à toutes les questions posées, fourni toutes les pièces et donné tous les renseignements demandés; une procuration supplémentaire était inutile, dans la mesure où il avait déjà signé une procuration générale et que des démarches auprès des banques lui nuiraient beaucoup dans la suite de ses activités professionnelles.

 

5. Par décision du 12 juillet 2002, notifiée à M. D__________ le 20 septembre 2002, le président du conseil d'administration de l'hospice a rejeté la réclamation, au motif que le refus répété de M. D__________ de signer les procurations demandées, malgré les avertissements donnés à plusieurs reprises, démontrait qu'il n'entendait pas se plier aux obligations prévues par la loi et rappelées notamment dans le document précité; c'était donc à bon droit que l'hospice avait mis un terme au versement des prestations.

 

6. a. Le 4 octobre 2002, M. D__________ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée, en insistant sur le fait qu'il avait respecté scrupuleusement toutes ses obligations.

b. L'hospice conclut au rejet du recours.

 

7. Suite à une demande du juge délégué, l'hospice a précisé, par courrier du 19 décembre 2002, que la procuration générale que comportait le document "Ce qu'il faut savoir en demandant l'intervention de l'assistance publique" permettait certes à l'hospice d'obtenir certains renseignements sur les avoirs, comptes et autres biens du bénéficiaire de l'assistance publique, mais que les établissements bancaires considéraient cependant cette pièce comme insuffisamment précise pour les autoriser à donner des renseignements sur les comptes de leurs clients. Pour cette raison, l'hospice avait établi une formule plus complète, acceptée par les établissements bancaires de la place. C'était ce document que M. D__________ avait refusé de signer, malgré les explications qui lui avaient été fournies.

 

 

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. Selon l'article 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101), entrée en vigueur le 1er janvier 2000, "quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine". Ce droit à des conditions minimales d'existence fonde une prétention justiciable à des prestations positives de la part de l'Etat (ATF 122 II 193, consid. 2/dd p. 198)

 

b. La Constitution fédérale ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence; il appartient ainsi au législateur - fédéral, cantonal et communal - d'adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l'article 12 Cst. féd., mais qui peuvent, cas échéant, aller au-delà (ATF du 11 septembre 2001, cause 2P. 115/2001).

 

c. Le Tribunal fédéral a considéré que les prestations d'assistances pouvaient être réduites, voire supprimées en cas d'abus de droit, pour autant que soit respecté le principe de la proportionnalité. Il a jugé également que la violation d'obligations ou d'incombances liées à la nature même de l'assistance publique était constitutive d'abus de droit (ATF 122 II 193, consid. 2/c/ee), p. 198).

 

3. a. A Genève, la LAP prévoit que l'assistance publique est destinée à venir en aide aux personnes qui ont des difficultés sociales ou sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux et personnels indispensables (art. 1 al. 2 LAP).

 

b. Selon l'article 4A lettre b LAP, l'hospice peut faire procéder, par sondage ou au besoin, à des enquêtes sur la situation financière et sociale des personnes qui requièrent son intervention. L'article 7 LAP prévoit quant à lui une obligation de renseigner : "les personnes qui sollicitent une aide sont tenues, sous peine de refus des prestations, de fournir aux organismes d'assistance tous les renseignements utiles sur leur situation personnelle et financière, ainsi que de leur communiquer tout changement de nature à modifier les prestations dont elles bénéficient" (al. 1).

Comme le relève très justement l'hospice dans la décision attaquée, il importe, vu le caractère subsidiaire de l'assistance publique, que l'organisme chargé de l'accorder puisse vérifier le bien-fondé de la requête en se basant certes sur les indications données par le requérant lui-même, mais également en procédant à des contrôles, notamment auprès des établissements bancaires.

 

c. Le Tribunal de céans a considéré que le refus de signer une procuration était suffisant pour limiter l'aide accordée au requérant au minimum prévu par l'article 12 Cst. féd. (ATA D. du 3 septembre 2002).

 

4. En refusant de signer les procurations ad hoc nécessaires à ces contrôles, M. D__________ a donc violé son obligation de renseigner et de laisser l'hospice procéder à des vérifications. L'argument selon lequel il aurait déjà signé une procuration générale tombe à faux, dans la mesure où l'hospice a expliqué que les banques considéraient cette procuration comme insuffisamment précise pour les autoriser à donner des renseignements sur les comptes de leurs clients. Par ailleurs, les craintes de M. D__________ quant à un éventuel préjudice lié aux demandes adressées aux banques par l'hospice ne sont pas pertinentes : celui qui demande une aide à l'Etat doit se soumettre aux obligations posées par la loi et ne peut s'y dérober pour des motifs de pure convenance personnelle.

 

Le refus de M. D__________ de signer la procuration est constitutif d'abus de droit, dans la mesure où l'obligation de renseigner est liée à la nature même de l'assistance publique. La cessation du versement des prestations respectant également le principe de la proportionnalité, dès lors qu'elle est intervenue après de nombreux rappels et mises en garde et qu'aucun autre moyen ne semble permettre d'obtenir de M. D__________ le respect de ses obligations, l'hospice était fondé à cesser le versement des prestations d'assistance.

 

5. Le recours est dès lors mal fondé et sera rejeté.

 

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - E 5 10.03).

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 4 octobre 2002 par Monsieur D__________ contre la décision de l'Hospice Général du 12 juillet 2002;

 

au fond :

 

le rejette;

 

dit qu'aucun émolument n'est perçu;

 

communique le présent arrêt à Monsieur D__________ ainsi qu'à l'Hospice Général.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.: le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega