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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/23/1996

ATA/211/1997 du 08.04.1997 ( TPE ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS; CONSTRUCTION ET INSTALLATION; TRAVAIL; ENTRETIEN; RENOVATION D'IMMEUBLE; ASSUJETTISSEMENT(IMPOT); TPE
Normes : LDTR.3 al.1
Résumé : Consid. 8 e) in fine + 9 in fine. Les travaux de réfection des cuisines, de la toiture et la pose de double vitrage sont des travaux d'entretien. En revanche, sont des travaux de transformation, la réfection des façades.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 8 avril 1997

 

 

 

dans la cause

 

 

SI T.

représentées par Me Yves Jeanrenaud, avocat

 

 

 

contre

 

 

DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS ET DE L'ENERGIE

et

COMMISSION DE RECOURS INSTITUEE PAR LOI SUR LES CONSTRUCTIONS ET INSTALLATIONS DIVERSES

et

Monsieur et Madame H.-O.

et

Monsieur et Madame M.

représentés par l'Asloca, mandataire

 



EN FAIT

 

 

1. Les sociétés anonymes T. (ci-après : les SI) sont propriétaires des parcelles Nos ... et ... du registre foncier de la commune de Genève. Deux immeubles ont été bâtis sur ces bien-fonds en 1968.

 

Le bâtiment sis x, chemin du Champ d'Anier compte 113,5 pièces et a une valeur d'assurance incendie de 5'812'300.- Frs. Le second, sis y, chemin du Champ d'Anier compte 138 pièces et a une valeur d'assurance incendie de 7'241'900.- Frs.

 

2. Il ressort de deux études menées par les sociétés R. S.A. et G. en 1992 et déposées en langue originale allemande, que les immeubles litigieux étaient atteints par la carbonatation du béton et que des fentes entraînant le détachement de morceaux en béton représentant un danger pour les personnes s'étaient ouvertes. En 1993, la société anonyme S. (ci-après : la régie) qui gère ces deux immeubles a dû faire refaire le parapet de balcon en béton préfabriqué d'un appartement situé au premier étage de l'immeuble y, chemin du Champ d'Anier.

 

3. Le 3 juin 1994, la régie a établi un programme des travaux concernant les immeubles Nos x et y du chemin du Champ-d'Anier comportant les postes suivants :

 

Pour l'immeuble No x

 

Echafaudages Frs 32'000.-

 

Travaux entreprise maçonnerie

Assainissement du béton Frs 182'000.-

 

Fenêtres

Remplacement des vitrages simples par

vitrages isolants K = 1,3 W/m2/K Frs 176'000.-

 

Etanchéités souples

inclus, ferblanterie en inox.

amélioration isolation thermique (10 cm) Frs 85'000.-

 

Peinture extérieure

Fenêtres et plafonds balcons Frs 30'000.-

 

Installations provisoires Frs 4'000.-

 

Chauffage

Installation des nouvelles vannes

thermostatiques Frs 3'500.-

 

Cuisines

Meubles, appareils, carrelages et

peinture etc. Frs 322'550.-

 

Nettoyage Frs 4'000.-

 

Architecte (honoraires) Frs 86'050.-

 

Ingénieur civil (honoraires) Frs 4'200.-

 

Spécialistes Frs 4'000.-

 

Autorisation/taxes Frs 2'000.-

 

Reproductions/héliographies Frs 500.-

 

Assurances spéciales

RC maître de l'ouvrage Frs 1'500.-

 

Intérêts intercalaires

6,5 % de Frs 937'300.- pendant 6 mois Frs 30'500.-

 

Total Frs 967'800.-

================

 

Pour l'immeuble No y

 

Echafaudages Frs 54'000.-

 

Travaux entreprise maçonnerie

Assainissement du béton Frs 273'000.-

 

Fenêtres

Remplacement des vitrages simples par

vitrages isolants K = 1,3 W/m2/K Frs 340'000.-

 

Etanchéités souples

inclus, ferblanterie en inox.

amélioration isolation thermique (10 cm) Frs 95'000.-

 

Peinture extérieure

Fenêtres et plafonds balcons Frs 45'000.-

 

Installations provisoires Frs 6'000.-

 

Chauffage

Installation des nouvelles vannes

thermostatiques Frs 4'500.-

 

Cuisines

Meubles, appareils, carrelages et

peinture etc. Frs 380'100.-

 

Nettoyage Frs 6'000.-

 

Architecte (honoraires) Frs 113'600.-

 

Ingénieur civil (honoraires) Frs 6'300.-

 

Spécialistes Frs 6'000.-

 

Autorisation/taxes Frs 3'000.-

 

Reproductions/héliographies Frs 500.-

 

Assurances spéciales

RC maître de l'ouvrage Frs 1'500.-

 

Intérêts intercalaires

6,5 % de Frs 1'334'500.- pendant 6 mois Frs 43'400.-

 

Total Frs 1'377'900.-

================

 

Outre les travaux d'assainissement du béton, les SI comptaient principalement remplacer le vitrage simple des fenêtres par un vitrage isolant et refaire les cuisines.

 

4. L'état locatif avant les travaux de l'immeuble X, chemin du Champ d'Anier montrait que le loyer annuel d'une pièce allait de 3'624.- Frs à 5'164,80 Frs. Après les travaux, le prix de 100 des 113,5 pièces serait augmenté et le prix des loyers annuels par pièce se situerait entre 4'116,40 Frs et 5'164,80 Frs. Exprimées en pourcentages, les hausses prévues s'échelonnaient entre 0 % et 13,59 %.

 

En ce qui concernait l'état locatif de l'immeuble y, chemin du Champ d'Anier, il montrait avant travaux un loyer annuel par pièce allant de 3'144.- Frs à 5'068.- Frs. Après travaux, ces montants se situeraient entre 3'720,60.- Frs et 5'338.- Frs, les augmentations de loyers s'échelonnant entre 0% et 20,69%.

 

5. Par une décision du 6 janvier 1995, le département des travaux publics et de l'énergie (ci-après : le DTPE) a délivré une autorisation de construire en se basant sur les décomptes susdécrits.

 

Par une écriture du 10 février 1995, déposée le même jour au greffe de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses (ci-après : la commission de recours), deux locataires représentés par l'Asloca ont recouru contre l'autorisation précitée et ont conclu à son annulation.

 

6. Le 24 novembre 1995, la commission de recours a annulé l'autorisation délivrée par le DTPE au motif que les loyers pratiqués par les SI étaient déjà supérieurs à ceux correspondant aux besoins prépondérants de la population selon la jurisprudence du Tribunal administratif.

 

7. Le 8 janvier 1996, les SI ont remis à un office des postes un acte de recours contre la décision de la commission de recours, reçue le 4 décembre 1995. Elles ont conclu à titre préalable à ce que le Tribunal administratif ordonne un transport sur place et, à titre principal, à l'annulation de la décision de la commission de recours et à la confirmation de la décision du DTPE.

 

Le 28 mars 1996, les SI ont déposé une écriture complémentaire dans laquelle elles soutenaient que les travaux litigieux n'étaient pas soumis à autorisation au sens de la nouvelle loi sur les démolitions, transformations et rénovation de maisons d'habitation: mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi du 25 janvier 1996, entrée en vigueur le 23 mars 1996 (LDTR - L/5/9).

 

8. Par deux écritures des 2 mai et 10 juillet 1996, les locataires intimés ont conclu à titre principal à la confirmation de la décision de la commission de recours du 24 novembre 1995.

 

Le 7 juin 1996, le DTPE a conclu à l'admission du recours et à la confirmation de sa propre autorisation de construire du 6 janvier 1995.

 

9. Les parties se sont encore exprimées les 26 août et 27 septembre 1996 et elles ont persisté dans leurs conclusions.

 

10. Le 16 octobre 1996, le juge délégué à l'instruction de la cause, assisté de sa greffière, s'est déplacé aux Nos x-y du chemin du Champ d'Anier.

 

En présence des parties, le juge délégué s'est transporté tout d'abord sur le toit de l'immeuble No x du chemin du Champ d'Anier. Il a constaté, du sommet de la façade sud, que des éléments de la structure étaient visibles sur les parapets des balcons, témoignant de la dégradation de l'enrobage en béton. Un représentant des SI a exposé que le phénomène dit de carbonatation du béton avait été révélé par la perte d'éléments en béton au 1er étage de l'immeuble No y et par les rapports d'expertise, notamment de la société R., susdécrits.

 

Le juge délégué à l'instruction de la cause a visité ensuite un appartement sis également au 1er étage de l'immeuble No y où un représentant des SI lui a exposé les travaux déjà effectués, soit le remplacement du vitrage simple par un vitrage isolant sur les châssis d'origine en acajou. Sur question du conseil des intimés, les représentants des SI ont exposé qu'en raison de la conception de l'immeuble comprenant de grandes surfaces vitrées, l'amélioration du confort phonique et thermique passait par le remplacement du verre simple par du verre isolant. Les locataires intimés ont souligné qu'en l'état, les vitrages n'étaient absolument pas étanches et que l'on sentait des courants d'air froid.

 

11. Au 8ème étage de l'immeuble No y, le juge délégué à l'instruction de la cause a visité l'appartement de l'un des deux locataires intimés qui lui a fait remarquer le bon état général des meubles de cuisine. Les SI ont exposé qu'elles entendaient maintenir le carrelage au sol, mais remplacer les faïences sur les murs entre les meubles de cuisine en raison du changement notamment des éviers en "inox". Elles ont exposé encore que leur projet comportait l'adaptation de l'aération, le remplacement des appareils ménagers par d'autres appareils d'un niveau de confort supérieur, par exemple des cuisinières en vitrocéramique. Le réfrigérateur quant à lui serait remplacé par une armoire frigorifique avec congélateur séparé.

 

Sur question des intimés, les SI ont précisé que l'étanchéité et l'isolation des terrasses des derniers étages seraient refaites au moment des travaux, car elles faisaient partie intégrante de l'enveloppe de l'immeuble.

 

A l'issue du transport sur place, les locataires intimées ont souligné qu'elles étaient satisfaites de l'état de leur cuisine.

 

12. Le transport sur place s'est terminé sans autres réquisitions des parties.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 8 al. 1 ch. 108 de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits du 29 mai 1970 - LTA - E/3,5/1; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E/3,5/3).

 

2. Les dispositions de la nouvelle loi s'appliquent dès son entrée en vigueur aux demandes d'autorisation qui font l'objet de procédures pendantes devant le Tribunal administratif (art. 50 al. 2 LDTR).

 

3. a. La nouvelle version de la LDTR ne se distingue pas fondamentalement de l'ancienne (ci-après : aLDTR) du 22 juin 1989. Dans l'esprit du législateur, il s'est agi avant tout d'assouplir la loi tout en gardant le fond (Mémorial des séances du Grand Conseil 1996 p. 60). Ainsi, l'une des principales innovations a été de faire passer les travaux de transformation et de rénovation d'un régime de dérogation à un régime d'autorisation (ibidem). De plus, les travaux de la commission chargée d'étudier le projet de loi ont abouti à l'instauration d'un système de bonus conjoncturel à la rénovation (Mémorial 1996 p. 67), qui figure aux articles 16 et suivants.

 

Cependant, le but de préservation de l'habitat et des conditions de vie existants, ainsi que le caractère actuel de l'habitat dans certaines zones (art. 1 al. 1 LDTR) est resté le même que dans l'aLDTR. De plus, l'esprit de la loi initiale du 26 juin 1983, issue d'une initiative populaire, est demeuré dans la novelle, toutes les modifications apportées par cette dernière l'ayant été, selon le rapport de majorité de la commission chargée d'étudier le projet "dans le respect des locataires" (Mémorial 1996 p. 69), l'idée de fond de la révision étant de promouvoir parallèlement la création et le maintien d'emplois dans l'industrie du bâtiment (Mémorial 1996 p. 60).

 

b. La révision n'a pas apporté de modifications notables aux dispositions régissant les transformations. Dans la version de l'aLDTR, il fallait entendre par transformation:

 

a) tous les travaux d'une certaine importance ayant notamment pour objet de modifier l'architecture, le volume, l'implantation, la destination, le style, l'équipement, la distribution intérieure d'une maison d'habitation, d'un ou plusieurs logements;

 

b) la création d'installations nouvelles d'une certaine importance, telles que chauffage, distribution d'eau chaude, ascenseur, salles de bains et cuisines;

 

c) la création de nouveaux logements dans la maison d'habitation concernée, notamment dans les combles;

 

d) les travaux de rénovation ayant pour objet d'améliorer le confort existant sans modifier la distribution des logements (art. 3 al. 1 aLDTR).

 

Selon la version actuelle de l'article 3 alinéa 1 LDTR, on entend par transformation tous les travaux qui ont pour objet :

 

a) de modifier l'architecture, le volume, l'implantation, la destination, la distribution intérieure de tout ou partie d'une maison d'habitation;

 

b) la création de nouveaux logements, notamment dans les combles;

 

c) la création d'installations nouvelles d'une certaine importance, telles que chauffage, distribution d'eau chaude, ascenseur, salles de bains et cuisines;

 

d) d'améliorer le confort existant sans modifier la distribution des logements, sous réserve de l'alinéa 2.

 

Les travaux d'entretien réguliers et raisonnables ne sont pas considérés comme travaux de transformation (art. 3 al. 2 LDTR).

 

La notion de transformation est issue sans changement du projet présenté par le Conseil d'Etat, qui commentait l'article 3 alinéa 1 en indiquant que "sauf à vouloir faire figurer dans une loi une liste exhaustive de travaux considérés comme transformations et, par conséquent, automatiquement soumis à un contrôle - ce qui n'est guère envisageable et poserait certainement passablement de problèmes pratiques - il apparaît donc nécessaire de maintenir le recours à des définitions plus souples des travaux considérés comme une transformation. [...].

 

La proposition du Conseil d'Etat consiste donc à reprendre de la loi actuelle les définitions contenues aux lettres a, b, c et d de la loi actuelle, en retirant ce qui apparaissait comme trop vague ou trop général - et partant sujet à contestation - soit [les travaux d'une certaine importance], [le style], [l'équipement]" (Mémorial 1995, p. 4567).

 

Il résulte clairement de ce qui précède qu'en ce qui concerne la définition des travaux de transformation, pour ainsi dire inchangée dans l'actuelle LDTR, la jurisprudence développée jusqu'à présent par le Tribunal administratif et le Tribunal fédéral conserve sa valeur.

 

c. S'agissant des travaux d'entretien régulier et raisonnables visés par l'article 3 alinéa 2 LDTR, il faut relever que le projet du Conseil d'Etat se présentait de manière fort différente. Il prévoyait que n'étaient pas considérés comme travaux de transformation "les travaux d'entretien courant. Les travaux dont l'incidence sur les loyers après travaux est inférieure à 15 % sont en principes considérés comme des travaux d'entretien courant" (Mémorial 1995, p. 4542). Le Conseil d'Etat expliquait à ce propos qu'en lieu et place des notions imprécises contenues à l'article 3 alinéa 1 lettre a LDTR du 22 juin 1989, "il est proposé un nouvel alinéa 2, qui, dans un premier temps, rappelle que les travaux d'entretien courant ne sont pas soumis à la loi; puis dans un deuxième temps, cet alinéa arrête que les travaux, qu'il s'agisse d'une transformation uniquement ou de travaux d'entretien mélangés avec des travaux de transformation, dont l'incidence sur les loyers après travaux est inférieure à 15 %, sont en principe assimilés à de l'entretien et, en conséquence, exemptés de la loi.

 

L'avantage de cette proposition pour le Conseil d'Etat réside dans le fait, qu'en dehors d'une simple définition de travaux, elle offre un critère chiffré objectif [...]. Cela étant, le Conseil d'Etat estime que la modification proposée, soit l'institution d'une présomption de non assujettissement pour certains travaux, ne s'écarte pas fondamentalement de la teneur actuelle de la loi et qu'elle représente une amélioration de la situation, dans le mesure où elle permettra de soustraire du filtre administratif des opérations mineures et, ainsi, d'accélérer les procédures sans toutefois porter atteinte aux droits essentiels des locataires, qui restent réservés" (Mémorial 1995, p. 4568).

 

Ce point du projet n'a toutefois pas recueilli l'approbation de la commission chargée de son étude, qui a proposé à la place la version selon laquelle "les travaux d'entretien ne sont pas considérés comme travaux de transformation" (Mémorial 1996 p. 65).

 

Lors des débats du Grand Conseil, cette disposition du projet a été à nouveau modifiée sur proposition du porte-parole de la majorité parlementaire, et a pris la formule actuelle (Mémorial 1996, p. 156). Une autre proposition d'amendement, rejetée par la majorité, prévoyait que "ne sont pas considérés comme des travaux de transformation les travaux d'entretien courant, dans la mesure où ceux-ci n'entraînent pas un changement qualitatif de l'immeuble ou du logement, notamment par suite d'une augmentation des loyers". Cette définition devait permettre de distinguer les travaux d'entretien sans incidence sur la qualité de l'immeuble ou du logement (non soumis à autorisation) et ceux qui entraînaient une hausse de la qualité (considérés dès lors comme transformations) (Mémorial 1996, p. 156 et suivante).

 

Les travaux d'entretien n'ont donc pas reçu à travers la nouvelle loi de définition particulière et celle retenue jusque-là par la jurisprudence du Tribunal administratif et du Tribunal fédéral, dont il sera question ci-après, demeure applicable.

 

4. L'abondante jurisprudence développée par le Tribunal administratif et le Tribunal fédéral sur le problème de la distinction entre travaux d'entretien et de transformation, a visé d'une part, lorsque cela était possible, à décrire le type d'interventions pouvant recevoir l'une ou l'autre qualification, et d'autre part à développer des critères à prendre en compte en dehors de la simple nature des travaux.

 

Avant l'entrée en vigueur de la nouvelle LDTR, la jurisprudence avait déjà établi que les simples travaux d'entretien n'étaient pas soumis à la loi (ATF 116 Ia 401).

 

La démarche suivie par le Tribunal administratif a toujours été d'examiner si l'on se trouvait en présence de travaux d'entretien, à défaut de quoi il s'agissait alors de transformations. Cette notion-ci, relativement imprécise dans l'ancienne et la nouvelle version de la LDTR, se définissait ainsi généralement par la négative, comme travaux dépassant le cadre du strict entretien.

 

Les travaux d'entretien sont ceux que le bailleur est tenu de réaliser au regard de son obligation d'entretien de la chose louée prescrite par l'article 256 alinéa 1 CO et qui échappent à la LDTR (ATA du 1er décembre 1992 en la cause SI du C.). Ils visent à maintenir l'ouvrage dans son état en réparant les atteintes dues au temps ou à l'usage (ATA du 14 février 1990 p. 37 et ss, en la cause M.-B.; du 19 décembre 1985 en la cause Z. et P.; du 30 janvier 1985 en la cause B. et C.; du 9 janvier 1985 en la cause C.).

 

Peuvent également être considérés comme tels, des travaux qui, dépassant le strict entretien, consistent à substituer à des installations intérieures vétustes des éléments neufs servant au même usage, soit simplement à moderniser une construction sans en modifier la nature, le caractère et l'affectation. Il en est ainsi du remplacement de sols, de poutres, la réfection de cheminées, voire la réparation d'un toit par le remplacement de parties défectueuses.

 

On peut encore assimiler aux travaux non soumis à autorisation, de modestes changements dans la répartition interne du volume d'un bâtiment, n'entraînant que de minimes transformations. Ainsi, pour être soumis à autorisation, de tels travaux doivent atteindre une certaine importance, c'est-à-dire modifier notablement, soit en tout ou partie, la répartition interne du volume construit, soit l'affectation de ces locaux (ATA du 14 février 1990 en la cause M.-B; RDAF 1977, p. 259 et ss).

 

On peut aussi citer comme exemple le remplacement d'un ascenseur existant ou celui de colonnes d'eau chaude et d'eau froide (ATA du 1er décembre 1992 en la cause SI du C.). Le Tribunal fédéral va jusqu'à admettre que les travaux améliorant le confort du logement, pour autant qu'ils soient mineurs, ne sauraient être soumis à autorisation. Il en irait ainsi de l'installation d'une armoire frigorifique, d'une machine à laver le linge ou la vaisselle et d'une cuisinière (ATF 116 Ia 409).

 

b. Quant à la notion de rénovation, reprise à l'article 9 alinéa 1 lettre e LDTR et considérée par cette disposition comme une transformation, elle couvre selon la jurisprudence tous les travaux d'entretien, de réparation et de modernisation qui laissent intact le volume, l'aspect extérieur et la destination de l'immeuble; ces travaux constituent une transformation s'ils provoquent des modifications allant au-delà de ce qui est usuel, comme un important accroissement du confort (ATF du 9 février 1993 en la cause L. confirmant l'ATA du 24 juin 1992 publié in SJ 1994 p. 531; RDAF 1988 p. 383).

 

Les travaux de rénovation ont également été définis comme étant destinés à permettre de rétablir dans son premier état un ouvrage ayant subi l'usure du temps (ATF 113 Ia 119; ATA du 27 septembre 1989 en la cause P.) Or, il s'agit là également d'une caractéristique propre aux travaux d'entretien.

 

5. a. L'examen de la nature des travaux ne saurait être toutefois le seul critère à prendre en considération pour déterminer si les interventions concernées échappent à la LDTR. Celles-ci peuvent atteindre une ampleur telle qu'elles sont susceptibles d'aboutir à un changement qualitatif de l'immeuble. De même, l'augmentation du loyer consécutive à des travaux peut avoir pour effet d'entraîner un changement d'affectation qualitatif des logements. Les appartements ne sont plus accessibles aux personnes à bas revenus, en particulier aux personnes âgées, et ils ne répondent plus aux besoins de la population où sévit la plus forte pénurie (ATF du 10 octobre 1991 en la cause SI du square Bellevue I; ATF 116 Ia 409; ATA du 1er décembre 1992 en la cause SI du C.).

 

Une solution consistant à qualifier les travaux uniquement à partir de leur nature, comporte le risque d'un effritement progressif et généralisé du patrimoine immobilier par le biais d'un changement d'affectation. En effet, des travaux d'entretien sont susceptibles d'aboutir à une rénovation, voire à une transformation d'un immeuble; il en est ainsi par exemple lorsque n'ayant pas été exécutés périodiquement ou par rotation tout au long de l'existence d'un immeuble, ou encore parce qu'ils n'ont pas été exécutés du tout pendant de nombreuses années, leur accumulation leur confère une ampleur propre à engendrer un changement du niveau des loyers tel que la destination de l'immeuble en est modifiée (ATA du 14 février 1990 en la cause SI Moïse-Duboule 19-21).

 

b. L'article 3 alinéa 1 du règlement d'application de la LDTR du 29 avril 1996 (RLDTR - L/5/9,5), dont les intimés contestent la légalité, prescrit que les travaux d'entretien au sens de l'article 3 alinéa 2 LDTR sont ceux qui n'ont pas été différés dans le temps et qui s'avèrent nécessaires pour maintenir l'immeuble en bon état, soit en procédant à des réparations, soit en remédiant à l'usure normale (remplacement d'installations vétustes par du matériel neuf servant au même usage).

 

Les intimés contestent surtout le fait que des travaux visant de manière générale à maintenir l'immeuble en bon état puissent répondre par principe à la définition de travaux d'entretien réguliers et raisonnables retenue par la loi. Or, la jurisprudence précitée a déjà eu l'occasion d'admettre que tel pouvait être le cas si ces travaux restaient modestes. La disposition contestée devra par conséquent conduire l'autorité administrative à prendre en considération non seulement la nature des travaux, mais également leur coût d'ensemble. Interprété dans ce sens, l'article 3 alinéa 1 RLDTR ne s'écarte pas du contenu de la loi.

 

c. Dans deux cas récents, le tribunal de céans a aussi examiné, eu égard à la valeur de l'immeuble, si le coût global des travaux projetés, en soi assimilables à des travaux d'entretien, ne devait pas conduire à les considérer comme transformations. Dans l'ATA du 14 février 1990 en la cause SI Moïse-Duboule 19-21, il a ainsi refusé d'admettre que des travaux s'élevant à 725'000.- Frs, soit à la moitié du prix de l'immeuble, se limitassent à conserver la chose en bon état et à éviter qu'en se dégradant elle ne perdît de sa valeur. Il s'agissait de travaux de rénovation, rendus nécessaires par l'absence de tous travaux d'entretien pendant de longues années et dont l'ampleur était de nature à modifier fondamentalement le standing de l'immeuble.

 

Dans l'ATA du 1er décembre 1992 en la cause SI du Crest-Levant, le tribunal avait relevé que les travaux ne dépassaient pas le 10 % de la valeur d'assurance de l'immeuble, et qu'ils n'avaient pas eu pour effet de transformer des appartements au loyer modeste en appartements de luxe.

 

6. a. En l'espèce, les travaux projetés, pour ce qui concerne les cuisines ainsi que les doubles vitrages et la toiture, sont de ceux que la jurisprudence a déjà classés, de par leur nature, parmi les travaux d'entretien. Concernant les éléments de cuisine, il s'agit de souligner que ceux-ci n'ont pas été remplacés depuis l'origine, c'est-à-dire depuis presque trente ans. Il s'agit d'appareils vétustes et parfois défectueux, dont l'entretien au jour le jour est de moins en moins rationnel. Leur remplacement après une telle durée, ainsi que la rénovation des locaux de cuisine eux-mêmes, ressort au simple maintien en bon état d'éléments qui ont vieilli, soit de travaux d'entretien. Le fait que les futurs meubles de cuisine répondent aux critères actuels de qualité (pour ce qui est par exemple des cuisinières en vitrocéramique) et que le niveau des cuisines en sera amélioré, ne permet pas d'aboutir à une autre solution, sauf à vouloir figer l'équipement d'un immeuble en l'état des techniques prévalant lors de sa construction.

 

b. La pose de vitrages isolants et l'isolation des toitures répondent à une obligation légale (art. 56 et 56A du règlement d'application de la loi sur les constructions et installations diverses du 27 février 1978 - RLCI L/5/4), instituée en février 1996. Il en va de même de l'installation de systèmes de ventilation dans les cuisines (art. 116, 116 a et 117 RLCI). On ne saurait toutefois en déduire que ces travaux sont soumis ou non à la LDTR. Il convient plutôt d'observer qu'ils augmentent certes légèrement le confort des logements, mais qu'ils sont en eux-mêmes mineurs (ATF 116 Ia 409) et que les améliorations qui en résultent ne font que placer les logements concernés au niveau de confort de n'importe quel bâtiment actuel.

 

c. S'agissant des travaux de réfection des façades, il faut les considérer comme travaux de transformation. S'ils ne répondent pas aux différentes définitions qu'en donne l'article 3 alinéa 1 LDTR, ils ne correspondent pas non plus à de simples travaux d'entretien au sens de l'alinéa 2 de la même disposition, comme pourrait l'être par exemple le nettoyage de façades noircies par la pollution. Dans le cas présent, la destruction progressive de la couche superficielle des façades résulte d'un défaut de construction dont souffre la plupart des immeubles datant de la même époque, et constitue en même temps un danger pour la sécurité des habitants, voire des tiers car des morceaux de la façade sont susceptibles de se détacher à tout moment. A cet égard, les travaux que nécessite la remise en état des murs extérieurs et des balcons relèvent des transformations visées par l'article 9 alinéa 1 lettre a LDTR. On conçoit mal, du reste, que des travaux urgents, nécessaires parce que "l'état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants ou des tiers" (art. 9 alinéa 1 lettre a LDTR) répondent en même temps à la définition d'entretien régulier et raisonnable (art. 3 al. 2 LDTR).

 

7. a. Comme on l'a vu plus haut, il ne suffit toutefois pas d'examiner chaque intervention projetée pour elle-même et de la qualifier d'entretien échappant à la LDTR ou de transformations soumises à cette loi. Il faut également, dans un second temps, vérifier si le coût global des travaux est tel qu'ils doivent alors être considérés de manière globale comme travaux de transformation.

 

En l'espèce, le coût global des travaux correspond, pour l'immeuble sis au X, chemin du Champ d'Anier, au 14% de sa valeur d'incendie, et au 19 % de cette même valeur pour l'immeuble sis au y, chemin du Champ d'Anier. Si ces proportions ne sauraient a priori être considérées comme négligeables, il convient de relever tout d'abord que la nouvelle LDTR vise un assouplissement des restrictions aux travaux soumis à la loi, et que l'on ne saurait par conséquent se montrer trop restrictif dans l'appréciation du coût global des travaux.

 

Par ailleurs, les travaux qui répondent par leur nature à la définition de transformations représentent financièrement une part importante de l'ensemble du projet, soit environ 245'000.- francs et 380'000.- francs (si l'on tient compte d'une part proportionnelle des frais annexes tels les honoraires d'architectes, frais d'assurances, intérêts intercalaires, etc...), qui réduit dans la même mesure le coût des travaux d'entretien. Ces derniers représentent environ 11,5%, respectivement 14% de la valeur d'assurance des deux immeubles.

 

Il ne faut donc pas assimiler les travaux qualifiés quant à leur nature d'entretien à des travaux de transformation. Seuls les travaux de réfection des façades doivent être considérés comme transformation soumise à autorisation.

 

8 a. L'autorisation est accordée lorsque l'état du bâtiment comporte un danger pour la sécurité et la santé de ses habitants ou des tiers (art. 9 al. 1 let. a LDTR). Le département accorde l'autorisation si les logements transformés répondent, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix, aux besoins prépondérants de la population (art. 9 al. 2 ab initio LDTR).

 

Le département tient compte, dans son appréciation, des éléments suivants:

 

a) du genre, de la typologie et de la qualité des logements existants;

 

b) du prix de revient des logements transformés ou nouvellement créés, notamment dans les combles;

 

c) du genre de l'immeuble;

 

d) du nombre de pièces et de la surface des appartements ainsi que de la surface des logements nouvellement créés;

 

e) des exigences liées à l'objectif de préservation du patrimoine (art. 9 al. 2 in fine LDTR).

 

b. Il convient à ce stade de distinguer le cas des logements dont le genre, le loyer ou le prix avant travaux correspondent aux besoins prépondérants de la population et celui des logements qui n'entrent déjà plus dans cette catégorie.

 

S'agissant des premiers, l'article 9 alinéa 2 LDTR prévoit la possibilité pour le DTPE de refuser l'autorisation lorsqu'ils ne répondraient plus, après transformation, aux besoins prépondérants de la population, quant à leur genre, leur loyer ou leur prix. En ce qui concerne les autres, le Tribunal fédéral a clairement indiqué que le législateur ne pouvait pas étendre l'interdiction de transformer à des logements dont la conservation ne répondait pas à l'intérêt public de lutte contre la pénurie de logements (ATF 105 Ia 362 consid. 5 p. 367). Le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel a rendu un arrêt similaire, considérant qu'une mesure restreignant la garantie de la propriété n'était pas conforme notamment au principe de la proportionnalité lorsqu'elle ne permettait pas de lutter effectivement contre la pénurie de logements; il n'y avait ainsi pas de raison d'interdire la vente d'un appartement dont le loyer était prohibitif (arrêt du Tribunal administratif du 23 mai 1990 en la cause K., in Revue de jurisprudence neuchâteloise 1990, p.256). Le Tribunal fédéral a encore jugé, à propos de l'article 6 alinéa 6 de l'aLDTR (correspondant à l'actuel art. 9 al. 2), que la loi "ne répond à l'intérêt public que dans la mesure où elle vise à maintenir l'affectation des logements qui répondent, par leur loyer, leur prix et leur conception, aux besoins prépondérants de la population. Les restrictions à la propriété qu'elle institue doivent être propres à atteindre ce but. A cet égard, s'il se justifie d'empêcher que des logements à loyer modéré soient transformés en appartements de luxe, l'intérêt public ne commande pas, en revanche, de limiter la transformation et la rénovation de logements de luxe préexistants. Le législateur aurait sans doute pu limiter le champ d'application de la loi à certains logements à loyer modéré et en exclure les logements de luxe; il aurait aussi pu se fonder sur un critère qualitatif permettant de distinguer entre les logements à préserver et ceux dont les propriétaires pourraient librement disposer. Le Grand Conseil n'a pas envisagé ces possibilités." (ATF 107 Ia 418 consid. 11).

 

c) La notion de besoins prépondérants de la population n'a jusqu'à présent été déterminée qu'en fonction du critère du loyer, dont le tribunal de céans a admis qu'il répondait encore à ce besoin jusqu'à un maximum de 3'225.- francs par pièce et par année, voire à 3'500.- francs dans des circonstances particulières (ATA du 7 décembre 1993 en la cause SI Moïse-Duboule, SJ 1994 pp. 225 ss). Les dernières données statistiques utiles n'étant pas encore disponibles, le tribunal renoncera dans la présente cause à réexaminer la validité actuelle de ces chiffres, la question d'un calcul basé sur d'autres facteurs ne se posant par ailleurs pas en l'espèce.

 

d) Parmi les nombreuses autres législations cantonales similaires à la LDTR, il faut relever le cas notamment de la loi vaudoise, dont le champ d'application concerne, pour tous les travaux de démolition, transformation et rénovation de maisons d'habitation, les communes dans lesquelles sévit la pénurie de logements (art. 1 al. 1 de la loi concernant la démolition, la transformation et la rénovation de maisons d'habitation du 4 mars 1985). Le Tribunal fédéral a considéré à plusieurs reprises que le critère de la pénurie de logements retenu par cette loi permettait de soumettre les travaux concernés au contrôle de l'Etat (ATF 106 Ia 409; 101 Ia 506; 89 I 180).

 

La loi jurassienne s'applique "lorsque, dans la commune, l'offre de logements n'est pas équilibrée par rapport à la demande et au nombre d'emplois" (art. 2 al. 2 de la loi sur le maintien de locaux d'habitation du 9 novembre 1978).

 

Le canton de Zurich a soumis au contrôle de l'autorité tous les appartements répondant aux besoins des familles (Gesetz über die Erhaltung von Wohnungen für Familien, vom 30. Juni 1974, art. 4), c'est-à-dire, selon la jurisprudence développée par le Tribunal administratif de ce canton, tous les appartements à partir de deux pièces et demie, cuisine non comprise (Verordnung zum Gesetz über die Erhaltung von Wohnungen für Familien, vom 25. September 1974, art. 1), dont la taille et la distribution des pièces permettent d'accueillir une famille, ceci sans égard au montant du loyer, à moins qu'il ne s'agisse d'un appartement luxueux (Schweizerisches Zentralblatt für Staats- und Gemeindeverwaltung, 1977, p. 186 ss).

 

En droit genevois, la loi et jusqu'ici la jurisprudence n'ont pas précisé ce qu'il fallait entendre par logement répondant par son genre aux besoins prépondérants de la population. Les travaux préparatoires démontrent qu'à l'apparition de ce critère dans la LDTR du 22 juin 1989, le Grand Conseil n'a en réalité porté son attention que sur celui des besoins prépondérants de la population sous l'angle du loyer, alors déjà défini par la jurisprudence (Mémorial 1989, p. 3579).

 

e) Les différents éléments dont le département doit tenir compte dans son appréciation selon l'article 9 alinéa 2 in fine LDTR n'établissent quant à eux aucune limite permettant de distinguer les logements qui répondent par leur genre aux besoins prépondérants de la population et ceux dont ce n'est pas le cas. Néanmoins, les notions de qualité des logements existants, du genre de l'immeuble ou du nombre de pièces et de la surface des appartements concernés renvoient à d'autres notions-clé de la LDTR, à savoir celle de catégorie de logements dans lesquelles sévit la pénurie (art. 25 LDTR) et celle d'appartements de luxe, dont l'article 10 alinéa 2 lettre b LDTR prévoit conformément à la jurisprudence fédérale qu'ils ne sont pas soumis à un contrôle des loyers (ATF 116 Ia 419 consid. 12).

 

Il résulte de ce qui précède qu'un logement correspond en principe par son genre ou par son loyer aux besoins prépondérants de la population lorsqu'il se trouve dans la fourchette de loyer susmentionnée, ou lorsque ce logement entre dans la catégorie des appartements dans lesquels règne la pénurie au sens de l'article 25 alinéa 1 et 2 LDTR.

 

Cette catégorie est déterminée chaque année par arrêté du Conseil d'Etat (art. 11 al. 1 RLDTR), sous réserve du fait que les appartements de plus de six pièces en sont d'emblée exclus (art. 25 al. 3 LDTR).

 

La notion de "genre" correspondant aux besoins prépondérants de la population implique par ailleurs d'en exclure les logements de luxe, sans égard au nombre de pièces dont ils disposent.

 

Le département devra par conséquent refuser l'autorisation de transformer lorsque, répondant avant travaux quant à leur loyer, leur genre ou leur prix aux besoins prépondérants de la population, les logements transformés ne satisferaient plus à ce critère sous l'angle pris en considération. Ainsi, un appartement correspondant à la fois par son genre et par son loyer aux besoins prépondérants de la population avant travaux devra continuer d'y répondre sous ces deux angles. En revanche, un appartement ne correspondant avant transformation ni par son genre ni par son loyer ou son prix aux besoins de la population, ou un appartement de luxe, ne saurait faire l'objet d'un refus d'autorisation, sous réserve des exigences liées à l'objectif de préservation du patrimoine (art. 9 al. 2 let. e LDTR).

 

e) Par arrêté du 10 mars 1997, publié dans la Feuille d'Avis officielle du 14 mars 1997, le Conseil d'Etat a rangé les appartements de deux pièces et demi à six pièces inclusivement dans la catégorie de logements où sévit la pénurie. Cet arrêté est valable une année (art. 11 al. 1 RLDTR).

 

En l'espèce, tous les logements des résidences sises au x et au y, chemin du Champ d'Anier, comprennent entre deux et demi et six pièces, ou alternativement (voire cumulativement) ont un loyer ne dépassant pas 3'225.- francs par pièce et par année. Il faut ajouter qu'aucun de ces logements ne correspond à la notion d'appartement de luxe telle que l'ont définie la jurisprudence et la doctrine (SJ 1979 p. 571; David LACHAT, Jacques MICHELI, Le nouveau droit du bail, Lausanne 1992, p. 56 s.), ou encore, à titre d'exemple, la loi zurichoise, qui fait entrer dans cette catégorie les appartements constitués d'une ou plusieurs pièces de plus de 35 m2, ou dont les parties sanitaires excèdent le confort courant, ou situés dans un immeuble équipé d'installations telles une piscine ou encore offrant des services de type hôtelier (Verordnung zum Gesetz über die Erhaltung von Wohnungen, für Familien vom 25. September 1974, art. 9). Les appartements, pas plus que les immeubles, ne font en l'espèce apparaître un confort et un raffinement extraordinaires.

 

Ils répondent par conséquent avant travaux, par leur genre ou par leur loyer, aux besoins prépondérants de la population.

 

Les travaux litigieux n'entraînant aucune modification de la distribution ou du nombre de pièces des appartements, seul le loyer est susceptible de changer.

9. Selon l'article 10 alinéa 1 LDTR, le département fixe, comme condition de l'autorisation, le montant maximum des loyers des logements après travaux.

 

A teneur de l'article 10 alinéa 2 LDTR, le département renonce à la fixation des loyers et des prix prévus à l'alinéa 1 lorsque cette mesure apparaît disproportionnée, notamment :

 

a) lorsque les loyers après transformations demeurent peu élevés;

 

b) lorsque les logements à transformer sont des logements de luxe ou que leur loyer dépasse d'ores et déjà d'au moins deux fois et demie les besoins prépondérants de la population.

 

En l'occurrence, les conditions posées par l'article 10 alinéa 2 LDTR n'étant pas réalisées, le département devra fixer les nouveaux loyers de telle façon que, pour les appartements dont les loyers sont à l'heure actuelle inférieurs à 3'225.- francs par pièce et par année, les nouveaux loyers ne dépassent pas cette somme (art. 9 al. 2 LDTR). Il ne se justifie pas d'admettre des nouveaux loyers maximum de 3'500.- francs, les travaux n'étant pas en l'espèce aussi coûteux que dans la jurisprudence précitée (ATA du 7 décembre 1993 en la cause SI Moïse-Duboule 19-21, SJ 1994 p 225).

 

S'agissant des appartements qui excèdent d'ores et déjà la limite de loyer de 3'225.- francs par pièce et par année, le département fixera les nouveaux loyers de manière à ce qu'ils ne dépassent pas la limite qu'impose la prise en compte des critères posés par l'article 11 LDTR.

 

La détermination des loyers admissibles après transformations doit en outre tenir compte de la part des investissements qui a été financée - ou qui aurait dû l'être - par la réserve pour travaux, en fonction des loyers antérieurs (ATF 116 Ia 413 consid. 7).

 

Il convient encore de préciser que la fixation des loyers répond au but de la LDTR de maintenir, pour les travaux soumis à cette loi, des logements répondant aux besoins prépondérant de la population, et, en vertu du principe de la force dérogatoire du droit fédéral, ne saurait lutter, parallèlement aux dispositions du Code des obligations, contre les hausses abusives de loyer (ATF 119 Ia 348 consid. 2a) p. 361; ATA du 10 novembre 1992 en la cause Muller et Magnin). Il s'ensuit que les travaux qualifiés en l'espèce d'entretien peuvent entraîner le cas échéant une hausse de loyer, sur la base du loyer antérieur aux travaux, susceptible de dépasser la limite fixée en application de la LDTR. Le contrôle d'une telle hausse se fait sur la base du droit civil fédéral et non plus de la LDTR.

 

Compte tenu de ce qui précède, le DTPE ne pouvait se contenter de délivrer l'autorisation sollicitée sans examiner en détail l'état locatif des immeubles concernés, et en particulier sans chercher à savoir si ceux-ci comptaient des logements répondant avant travaux par leur loyer ou leur genre aux besoins prépondérants de la population. Dans cette mesure, la décision du DTPE était contraire à l'ancien système de la LDTR aussi bien qu'au système actuel.

 

10. Le tribunal annulera la décision litigieuse et renverra le dossier au DTPE afin qu'il rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

Les SI obtenant partiellement gain de cause, un émolument de Frs 1'000.- sera mis à la charge des intimés, qui succombent.

 

Une indemnité de Frs 1'000.-, à charge des intimés, sera allouée aux SI.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 8 janvier 1996 par les SI T. contre la décision de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et installations diverses du 24 novembre 1995;

 

au fond :

 

admet partiellement le recours;

 

annule la décision de la commission de recours du 24 novembre 1995;

 

renvoie la cause au département des travaux publics et de l'énergie afin qu'il statue à nouveau dans le sens des considérants;

 

met à la charge de Monsieur et Madame et H.-O. et Monsieur et Madame et M., pris conjointement et solidairement, un émolument de 1'000.- Frs;

 

alloue aux sociétés anonymes Résidence T. une indemnité de 1'000.- Frs à la charge de Monsieur et Madame H.-O. et Monsieur et Madame M., pris conjointement et solidairement;

communique le présent arrêt à Me Yves Jeanrenaud, avocat des recourantes, à la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et installations diverses, au département des travaux publics et de l'énergie, ainsi qu'à l'Asloca, mandataire des locataires intimés.

 


Siégeants : M. Schucani, président, Mme Bonnefemme-Hurni, MM. Thélin, Paychère, juges, M. de Boccard, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le p.o. la greffière :

 

J. Rossier-Ischi