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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1129/2003

ATA/2/2004 du 06.01.2004 ( JPT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : AVOCAT; EXAMEN(EN GENERAL); EGALITE DE TRAITEMENT; JPT
Normes : LPAv.30; LPAv.20; aRLPAV.31 al.2; aRLPAV.39 al.2
Résumé : Examen de fin de stage en vue de l'obtention du brevet d'avocat. Cet examen ne vise pas tant à tester les connaissances théoriques que les compétences professionnelles des futurs avocats. En situation réelle, ces derniers peuvent en tout temps consulter toutes les lois qu'ils jugent nécessaires. En ne donnant qu'une partie des textes légaux utiles, la commission déplace l'objet de l'examen sur les connnaissances théoriques des candidats et manque le but qu'elle a elle-même assigné à celui-ci. Inégalité de traitement entre les candidats soumis à l'ancien RLPAv et ceux soumis au nouveau.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 6 janvier 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur R. B.

représenté par Me Christian Grobet, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

COMMISSION D'EXAMENS DES AVOCATS

 



EN FAIT

 

 

1. Désireux d'obtenir un brevet d'avocat, M. R. B., au terme d'un stage d'avocat, s'est présenté pour la première fois à la session de mai 2002. Alors qu'il avait obtenu la note de 5.25 à l'examen oral, la note de 1.50 lui a été attribuée à l'examen écrit.

 

Il s'est à nouveau présenté à la session de novembre 2002 et a obtenu la note de 3.25 à l'examen écrit et le note de 4.00 à l'examen oral.

 

Il a donc échoué lors de ces deux tentatives.

 

A l'examen de mai 2003 (l'examen écrit a eu lieu le 29 avril), il s'est présenté à nouveau aux mêmes examens pour un troisième et ultime essai.

 

2. Les modalités de l'examen final sont fixées par des directives de la commission d'examens des avocats (ci-après : la commission) du 1er janvier 2003. Elles prévoient que les candidats se munissent des éditions annotées des codes fédéraux et précise: "Si la solution des questions posées implique le recours à des dispositions légales autres que celles publiées dans les ouvrages précités, les textes utiles sont remis aux candidats au début de la préparation de l'examen".

 

Dans l'épreuve écrite du 29 avril 2003, les candidats devaient identifier les problèmes qui se posaient. Les collaborateurs d'une société commerciale versée dans la vente d'objets confectionnés par des Indiens d'Amérique, avaient quitté celle-ci et fondé une autre société dont la raison sociale et le but étaient quasiment semblables, faisant ainsi concurrence à leur ancien employeur. Ils auraient aussi obtenu le fichier clients en soudoyant d'anciens collègues. De plus, il était aussi question d'un litige de droits d'auteur. Les candidats devaient entreprendre toutes démarches judiciaires utiles en rédigeant le ou les actes nécessaires, puis établir une consultation à l'attention du client relative à divers points de droit.

 

A cet effet, ils ont reçu un énoncé et les textes légaux suivants: la loi fédérale du 19 novembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD, RS 241); la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins (LDA, RS 231.1), la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ, E 2 05) et la loi de procédure civile du 10 avril 1987 (LAC, E 3 05).

 

La loi cantonale d'application de la LCD, soit la loi sur la concurrence déloyale, les liquidations et opérations analogues et sur les jeux-concours publicitaires du 3 mai 1991 (I 1 10) n'a pas été mise à disposition des candidats. Cette loi détermine notamment l'autorité cantonale qui connaît des litiges résultant de l'application de la loi fédérale, soit en l'occurrence la Cour de justice.

 

3. Le 2 mai 2003, neuf candidats ont écrit à Monsieur Michel Muhlstein, président de la commission, pour se plaindre du fait que ladite loi d'application n'avait pas été mise à disposition, et pour demander qu'il en soit tenu compte lors de la correction des épreuves.

 

Le 15 mai 2003, le président a répondu que les correcteurs avaient décidé de ne pas pénaliser les candidats pour le choix que ces derniers avaient fait de la juridiction compétente en matière de mesures provisionnelles, et qu'ils allaient tenir compte du manque de temps dont les étudiants se plaignaient consécutivement à l'absence du texte légal.

 

4. Le 3 juin 2003, la commission a communiqué à M. B. le résultat de son examen. Il a obtenu les notes suivantes: épreuve écrite (coefficient 2) - 4.00; épreuve orale 1 - 3.00; épreuve orale 2 - 3.25; moyenne des épreuves de procédure et de déontologie - 4.50, soit un total de 18.75 points. Selon l'article 30 alinéa 2 du règlement d'application de la loi sur la profession d'avocat du 5 juin 2002 (RLPAv - E 6 10.01), l'examen final est réussi si le total des points est égal ou supérieur à 20.

 

La décision précisait que cet échec étant le troisième, il était définitif. Elle indiquait les voies de recours ouvertes. Enfin, une séance de correction collective était annoncée.

 

5. Le 13 juin s'est déroulée la séance de correction collective de l'épreuve écrite, en présence de trois délégués de la commission. A cette occasion, il a été annoncé d'une part que la détermination de l'autorité compétente pour la requête de mesures provisionnelles avait été récompensée par un bonus de 0.25 point - sans pour autant pénaliser les candidats qui n'avaient pas été en mesure de le faire, et d'autre part que les correcteurs avaient fait preuve de mansuétude, voire d'indulgence pour tenir compte du stress supplémentaire possiblement occasionné aux candidats par l'absence de la loi genevoise sur la concurrence déloyale.

 

6. Le 30 juin 2003, le premier secrétaire du Comité du jeune Barreau, Monsieur Fabrizio La Spada, s'est adressé par lettre à Monsieur Muhlstein pour l'informer de la position du Comité du jeune Barreau concernant l'examen de fin de stage. Celui-ci a considéré que vu le haut niveau de compétence attendu des candidats, il était légitime d'attendre que l'examen se déroule dans des conditions irréprochables et conformes aux exigences légales. Il a également considéré que lorsque l'examen était entaché d'un problème qui perturbait son déroulement de manière significative, il était approprié de donner aux candidats la possibilité de repasser l'épreuve.

 

A propos de l'examen de mai 2003 en particulier, le comité a considéré que les mesures prises par la commission ne permettaient pas de réparer les inégalités créées par l'absence de la loi genevoise.

 

7. Par acte du 3 juillet 2003, M. B. a interjeté recours contre la décision de la commission d'examens des avocats du 3 juin 2003, reçue le 6 juin. Il a conclu principalement à ce que lui soit donnée la possibilité de se représenter aux examens de procédure civile et de procédure pénale. Au cas où les nouvelles notes ne seraient pas améliorées de 0.5 point au moins, la note de 4.00 attribuée à l'examen écrit devait être annulée et remplacée par la note de 4.50 au moins. A défaut, ledit examen écrit devait être annulé et il devait être autorisé à repasser l'examen écrit.

 

Il a insisté sur le fait que l'absence de la loi loi d'application genevoise de la LCD l'avait fortement déstabilisé et qu'elle lui avait fait perdre un temps considérable. Après avoir longuement réfléchi, ce qui avait entraîné une perte de temps importante, il s'était décidé à rédiger deux requêtes, l'une destinée au Tribunal de première instance et l'autre à la Cour de justice, ce qui avait doublé son temps de rédaction par rapport à la confection d'une seule requête. De plus, cette incertitude avait augmenté le stress lié au fait qu'il se présentait pour la dernière fois aux examens de brevet.

 

Le recourant a également protesté contre l'introduction de nouvelles modalités d'examen de fin de stage. Il s'estimait victime d'une inégalité de traitement, en ce sens que les candidats qui s'étaient déjà présentés à l'examen de brevet étaient privés de la possibilité de se représenter aux examens intermédiaires, comme cela était le cas des nouveaux candidats. Il estimait choquant que la possibilité de refaire les examens de procédure ne soit pas offerte à tous les candidats.

 

Au cours de l'échange d'écritures, le recourant a précisé ses conclusions en demandant également à titre principal de pouvoir bénéficier de la possibilité de refaire l'examen écrit litigieux.

 

8. La commission s'est exprimée les 5 septembre et 7 novembre 2003.

 

Elle a considéré que l'article 39 RLPAv, en particulier son alinéa 2, ne violait pas le principe de l'égalité de traitement. En effet, les candidats s'étant déjà présentés à un examen final sous l'ancien régime avaient nécessairement obtenu une moyenne suffisante aux examens intermédiaires, puisque leur réussite était une condition d'admission à l'examen final. Cette moyenne ne pouvait donc en aucun cas leur être défavorable lorsqu'elle était prise en compte, en application du nouveau régime. Les candidats soumis au nouveau régime, eux, couraient par contre le risque que leur moyenne intermédiaire soit insuffisante et les pénalise dans le calcul final, puisqu'il n'était plus exigé que les examens intermédiaires soient réussis pour se présenter à l'examen final. La distinction entre les deux situations était donc objectivement fondée et n'était pas constitutive d'une inégalité de traitement.

 

La commission a également relevé que M. B. n'avait jamais remis en cause cette nouvelle disposition, et qu'il ne recourait pas contre une décision lui interdisant de subir à nouveau les épreuves intermédiaires, mais contre la décision constatant son échec à l'examen final.

 

En ce qui concerne le fait que la loi d'application de la LCD n'ait pas été distribuée lors de l'examen, la commission a considéré qu'elle n'était pas indispensable à la résolution du cas. En traitant le cas sur la base des dispositions du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO - RS 220), les candidats n'auraient eu aucun problème à déterminer l'autorité compétente pour le dépôt d'une requête de mesures provisionnelles. L'omission de remettre le texte de la loi genevoise n'avait donc eu aucune incidence sur le déroulement de l'examen. Il n'y avait eu ni violation de la directive du 1er janvier 2003, ni arbitraire.

 

Estimant cependant que l'application de la LCD ainsi que de sa loi d'application n'aurait pas été erronée, la commission a décidé non pas de modifier la grille et le barème de correction de l'examen, mais de ne pas pénaliser les candidats qui n'avaient pas été en mesure de déterminer l'autorité compétente, et de faire preuve de générosité dans l'appréciation des prestations, pour tenir compte du stress supplémentaire occasionné par l'absence de la loi d'application de la LCD. Là encore, la commission a considéré qu'il n'y avait pas d'arbitraire et que le grief était infondé.

 

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la commission a conclu au rejet du recours.

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A LOJ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. En vertu de l'article 31 alinéa 2 RLPAv, le recours peut être formé pour motif d'illégalité ou d'arbitraire. Le premier grief qui doit être examiné est celui de la violation du principe d'égalité, garanti par l'article 8 Cst. féd.

 

Les dispositions transitoires de l'article 39 alinéa 2 RLPAv prévoient que les nouvelles modalités de l'examen de fin de stage (calcul de la note de l'examen final notamment, art. 30 RLPAv) sont applicables à tous les candidats. Cependant, elles offrent le choix aux candidats ayant passé des examens intermédiaires avant le 1er janvier 2003, mais à l'exclusion des candidats s'étant déjà présentés à l'examen final, de garder les notes obtenues ou de refaire la totalité des épreuves intermédiaires.

 

Le principe de l'égalité dans la loi s'adresse au législateur, tant formel que matériel. Il signifie que le législateur - fédéral, cantonal, communal - doit respecter le principe d'égalité lorsqu'il adopte des lois. Selon la jurisprudence, le principe d'égalité interdit, dans ce contexte, de faire, entre divers cas, des distinctions qu'aucun fait important ne justifie, ou de soumettre à un régime juridique identique des situations de fait qui présentent entre elles des différences importantes et de nature à rendre nécessaire un traitement différent (A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2000, n° 987, p. 483).

 

Le principe d'égalité interdit à la fois les distinctions et les assimilations injustifiées. Mais pour que le principe d'égalité puisse trouver à s'appliquer, une condition préalable doit être réalisée: les situations doivent être comparables, ou analogues (ibid., n° 991, p. 484).

 

La question se pose donc de savoir si le candidat qui n'a pas encore subi l'examen final et celui qui l'a déjà subi se trouvent, par rapport aux épreuves intermédiaires, dans une situation analogue qui exige un traitement semblable ou dans une situation différente justifiant un traitement distinct.

 

La nouveauté introduite à l'article 30 du RLPAv consiste à faire entrer, pour 1/5e, la moyenne des examens intermédiaires dans le calcul de la note finale de l'examen du brevet d'avocat. Cette mesure s'accompagne de la suppression de l'exigence de la réussite de cette série pour se présenter au brevet. L'élément-clé de cette nouveauté réside dans l'intérêt, pour les candidats, d'avoir la moyenne la plus élevée possible pour augmenter leurs chances de réussite au brevet.

 

Pour le recourant, qui a passé tous les examens intermédiaires sous l'ancien règlement, l'objectif n'était alors que de réussir la série, la note obtenue n'ayant aucune importance une fois atteinte la moyenne de 4.00. Au moment de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, l'article 39 alinéa 2 RLPAv introduisait une distinction entre elle et ceux qui n'étaient pas encore présentés à l'examen final.

 

Le recourant, qui s'est déjà présenté à l'examen final avant le changement de règlement, a nécessairement réussi la série des examens intermédiaires et ne risque pas d'être pénalisé par une moyenne insuffisante. Il perd cependant la possibilité d'améliorer la moyenne de la série intermédiaire pour compenser, si nécessaire, les résultats des épreuves finales. Cette possibilité est par contre offerte aux personnes visées par la disposition transitoire de l'article 39 alinéa 2 RLPAv, soit celles qui ne se sont pas encore présentées à l'examen final, puisqu'elles sont, elles, autorisées à refaire ces examens, quel que soit le résultat obtenu lors de la tentative précédente.

Ainsi, face à l'introduction de la moyenne intermédiaire dans la note finale, tous les candidats qui ont commencé les épreuves en vue de l'obtention du brevet d'avocat sous une réglementation (art. 28 de l'aLPAv du 15 mars 1985, art. 17 ss. de l'aRLPAv du 31 juillet 1985) et les terminent sous une autre (l'actuelle LPAv et son règlement d'application) se trouvent objectivement dans une situation analogue (intérêt à avoir la meilleure moyenne possible). Ils sont pourtant traités de manière différente selon un critère sans rapport avec les faits concernés, celui de s'être déjà présentés ou non à l'examen final. Le critère aurait pu être pertinent si, par exemple, l'article 39 alinéa 2 RLPAv avait réservé la possibilité de refaire les examens intermédiaires aux seuls candidats qui ne s'étaient pas présentés à l'examen final et avaient une moyenne inférieure à 4.00. En l'état cependant, la disposition litigieuse établit une distinction sans rapport avec le but visé.

 

Dans les circonstances particulières dues à l'introduction d'une nouvelle réglementation, il a subi une inégalité de traitement face aux candidats qui, ayant réussi comme lui leur série intermédiaire mais ne s'étant pas encore présentés au brevet, ont pu les refaire pour améliorer leur moyenne et donc leurs chances de réussite à l'examen final.

 

Ainsi circonscrit, le grief d'inégalité de traitement s'avère fondé. Il convient de laisser le recourant faire le choix, irrévocable, de présenter une nouvelle fois - et une seule - les examens intermédiaires.

 

3. Le recourant invoque la violation des directives du 1er janvier 2003 déterminant les modalités de l'examen.

 

L'article 32 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 (LPAv - E 6 10) prévoit que l'examen de fin de stage est subi devant une commission d'examens et il renvoie au RLPAv pour l'organisation de la commission et les modalités de l'examen. L'article 21 alinéa 2 RLPAv donne à la commission la compétence de fixer les modalités de l'examen.

 

Le 1er janvier 2003, la commission a adopté des directives réglant notamment les modalités de l'examen final. Il s'agit d'un examen professionnel qui n'a pas pour unique objet de tester les connaissances théoriques des candidats, mais aussi et surtout leurs compétences professionnelles. Les candidats sont donc invités à se placer dans la situation où ils se trouveraient s'ils intervenaient dans une cause réelle.

 

Les directives donnent la liste des ouvrages dont les candidats doivent se munir et précisent que si la solution des questions posées implique le recours à des dispositions légales autres que celles publiées dans les ouvrages mentionnés, les textes utiles seront remis aux candidats au début de la préparation de l'examen.

 

En l'espèce, il s'agit de déterminer si la solution des questions posées à l'examen du 29 avril 2003 impliquait le recours à la loi d'application de la LCD, et quelles sont les conséquences de la non-remise de cette loi aux candidats.

 

4. Selon l'avis de l'autorité intimée, le cas devait être résolu en appliquant les dispositions pertinentes du Code des obligations, mais l'application de dispositions de la LCD, fournie aux candidats, "n'aurait pas été erronée". Il faut conclure de cette appréciation que deux voies juridiques s'offraient aux candidats pour la défense de leur client.

 

Pour l'examen, les candidats disposaient de l'édition "Scyboz & Gilliéron" du CO, laquelle contient également la LCD. Le fait de leur remettre par ailleurs des photocopies de la LCD pouvait donc légitimement être compris comme une invitation à l'utiliser prioritairement pour la résolution du cas.

 

En mentionnant dans la question "les agissements illégaux" auxquels il s'agit de mettre fin, les examinateurs signalent qu'il y a plusieurs problèmes à traiter: celui de la protection de la raison de commerce, certes, mais aussi l'obtention illicite du fichier client et les campagnes publicitaires déjà réalisées ou en voie de l'être. Il n'est pas illogique de penser que ce complexe de faits doit être appréhendé globalement par la législation sur la concurrence déloyale plutôt que par les dispositions du CO concernant les seules raisons de commerce. L'urgence de la situation commandait en outre de préférer les voies, notamment pénales, qu'ouvrait l'application de la loi sur la concurrence déloyale.

 

Enfin, la commission revient à plusieurs reprises sur le fait que l'application de l'une ou l'autre loi aboutit au même résultat, que ce soit sur le fond ou sur le plan de la compétence ratione materiae.

 

A supposer que les deux démarches soient au moins équivalentes, il revient à la commission de s'assurer que les candidats peuvent construire leur raisonnement quelle que soit la solution qu'ils choisissent, ce qui implique de mettre à leur disposition la loi genevoise d'application de la LCD.

 

5. Comme le précisent les directives du 1er janvier 2003, le but de l'examen ne consiste pas tant à tester les connaissances théoriques que les compétences professionnelles des futurs avocats, qui doivent en conséquence rédiger leur examen "comme s'ils intervenaient dans une cause réelle".

 

En situation réelle, les avocats peuvent en tout temps consulter toutes les lois qu'ils jugent nécessaires. En ne donnant qu'une partie des textes légaux utiles, la commission déplace l'objet de l'examen sur les connaissances théoriques des candidats et ne respecte pas le but qu'elle a elle-même assigné à celui-ci.

 

En omettant de fournir aux candidats la loi genevoise d'application de la LCD, la commission a donc violé les directives qu'elle a elle-même émises pour régler les modalités de l'examen de fin de stage. Le grief de violation du droit est donc fondé.

 

6. Cette violation du droit est constitutive d'un vice de procédure dans le déroulement de l'examen. En effet, selon la jurisprudence, se rapportent à des questions de procédure tous les griefs qui concernent la façon dont l'examen ou son évaluation se sont déroulés (ATF 106 Ia 1, JT 1982 I 227). Un vice de procédure ne justifie cependant l'admission d'un recours et l'annulation ou la réforme de la décision attaquée que s'il existe des indices que ce vice ait pu exercer une influence défavorable sur les résultats de l'examen. Un vice purement objectif ne saurait, faute d'intérêt digne de protection de celui qui s'en prévaut, constituer un motif de recours (décision du Conseil fédéral du 27 mars 1991, in JAAC 56/I, 1992, p. 131).

 

En l'espèce, le vice de procédure a eu diverses conséquences sur les résultats de l'examen. D'abord l'impossibilité de déterminer la juridiction compétente si le candidat choisissait de traiter la question sous l'angle de la LCD. Ensuite, selon le recourant et d'autres candidats, une importante perte de temps qui s'est répercutée sur la résolution des autres questions de l'examen. Enfin, pour un candidat qui, tel le recourant, présentait son ultime tentative, une tension supplémentaire diminuait la qualité de son travail.

 

La commission a reconnu l'influence qu'a pu avoir l'absence du texte légal sur le résultat de l'examen lorsqu'elle a décidé de faire preuve de mansuétude dans la correction "pour tenir compte du stress supplémentaire possiblement occasionné".

 

7. Il reste à déterminer si le vice constaté peut être réparé, notamment en prenant en considération lors de la correction des travaux l'absence de la loi d'application de la LCD.

 

La commission de recours du département fédéral de l'économie publique, statuant sur l'absence, lors d'un examen, du matériel nécessaire à la résolution des problèmes soumis, a considéré qu'il n'était pas possible de déterminer quelle prestation aurait été fournie si le matériel nécessaire avait été distribué. En conséquence, l'examen ne devait pas être évalué, pas même avec un autre barème, et l'étudiant devait pouvoir le refaire (décision de la Rekurskommission END du 14 mai 1996, in JAAC 61/I, 1997, p. 336).

 

Cette argumentation est également applicable en la présente cause. Vu les circonstances du cas, il a été retenu que la loi d'application de la LCD était nécessaire à la résolution du cas. Or, il est impossible de déterminer quelles réponses le recourant aurait pu développer si il n'avait pas perdu son temps à cause de l'absence de ladite loi. Ne pas pénaliser des réponses erronées sur un seul aspect de l'examen ne suffit pas. De même, faire preuve de mansuétude, voire de générosité, ne prend pas en considération le fait que l'ensemble de la prestation du candidat, c'est-à-dire l'élaboration du raisonnement juridique dans sa totalité, a pâti des circonstances dans lesquelles s'est déroulé l'examen.

 

Les mesures prises par la commission ne permettent donc pas de réparer le vice de procédure constaté. Pour les mêmes raisons, il n'est pas possible au tribunal de céans de substituer une autre note au recourant que celle que lui a fixée la commission. Le seul remède possible consiste à refaire l'examen écrit.

 

8. Le recours sera ainsi partiellement admis. La décision de la commission d'examens des avocats sera annulée. Le choix devra être offert au candidat de représenter la série des examens intermédiaires à la prochaine session. En effet, selon l'art. 39, al. 2 RLPav, si le candidat choisit de subir à nouveau les épreuves intermédiaires, il doit en repasser la totalité. Il ne peut porter son choix sur une ou deux d'entre elles. En ce qui concerne l'examen final, les examens oraux n'étant contestés ni dans leur déroulement, ni dans leur résultat, il n'y a pas de motifs justifiant d'autoriser le recourant à les représenter. Il sera donc autorisé à repasser l'épreuve écrite de l'examen de fin de stage lors de l'une des prochaines sessions.

 

9. Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant à charge de l'intimée (87 LPA) .

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

 

déclare recevable le recours interjeté le 3 juillet par Monsieur R. B. contre la décision du Commission d'examens des avocats du 3 juin 2003;

 

au fond :

 

l'admet partiellement;

 

annule la décision de la commission d'examens des avocats du 3 juin 2003 en tant qu'elle concerne le résultat de l'épreuve écrite de l'examen de fin de stage;

 

autorise le recourant à choisir de se représenter, une fois, ou non aux épreuves intermédiaires lors de la prochaine session, puis à se représenter à l'épreuve écrite de l'examen de fin de stage;

 

alloue au recourant une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à charge de l'intimée;

 

communique le présent arrêt à Me Christian Grobet, avocat du recourant, ainsi qu'à la Commission d'examens des avocats.

 


Siégeants : M. Thélin, président, M. Schucani, Mme Bonnefemme-Hurni, juges, MM. Hottelier, Grant, juges suppléants.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le président :

 

M. Tonossi Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

N. Mega