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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/352/2003

ATA/195/2004 du 09.03.2004 ( IP ) , REJETE

Descripteurs : OBLIGATION D'ENTRETIEN; AVANCE(EN GENERAL); PRESTATION D'ASSISTANCE; REVOCATION(EN GENERAL); ip
Normes : LARPA.8A; LARPA.11; LARPA.2 al.3; LARPA.5
Résumé : Conformément à la loi, le Scarpa agit sur demande. Suite à l'entrée en vigueur des art. 8 et 11 LARPA, le Scarpa n'avait pas à reprendre d'office le versement des avances, ni en vertu de la loi ni en vertu de la convention signée entre les parties. Enfin, il n'avait pas non plus l'obligation de révoquer sa décision suspendant, selon le droit alors en vigueur, le versement des prestations.
En fait
En droit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 9 mars 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

Madame B __________

représentée par Me Muriel Pierrehumbert, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur A __________ et Madame C __________, née B __________ se sont mariés au Portugal le 6 novembre 1983.

 

Deux enfants sont issus de cette union, nés respectivement en __________ et en __________.

 

2. Le 8 janvier 1991, le Tribunal de première instance a ordonné des mesures protectrices de l'union conjugale. M. C __________ s'était engagé à verser CHF 1'000.- par mois pour l'entretien de sa famille.

 

3. Par jugement du 19 septembre 1996, le tribunal précité a prononcé le divorce des époux C __________, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 23 mai 1997.

 

4. M. C __________ était condamné à verser à ses enfants des pensions mensuelles de CHF 500.-, montant porté à CHF 600.- dès l'âge de 15 ans.

 

5. Auparavant, le débiteur n'ayant pas satisfait à ses obligations alimentaires, Madame B __________ a signé le 20 avril 1993 une convention avec le service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : le Scarpa) et elle a bénéficié mensuellement des avances de ce service dès le 1er mai 1993, pour un montant de CHF 1'000.-, lequel fut indexé par la suite.

 

6. Par décision du 9 décembre 1996, le Scarpa a informé l'intéressée que le versement des avances cesserait au 28 février 1997, au motif que le débiteur se trouvait dans un état d'insolvabilité durable.

 

Au pied de cette décision, le Scarpa a indiqué qu'aussi longtemps que Mme B __________ n'aurait pas révoqué son mandat, il n'aurait plus que pour tâche le recouvrement des pensions alimentaires.

 

7. Les articles 8A et 11 de la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires du 22 avril 1977 (LARPA - E 1 25), concernant la suppression des avances en cas d'insolvabilité ou de départ à l'étranger, ont été abrogés le 29 juin 2001.

 

Cette modification législative est entrée en vigueur le 1er janvier 2002.

 

8. Par lettre du 13 février 2003, l'intéressée s'est adressée au Scarpa par l'intermédiaire de son conseil. Elle s'est étonnée que le Scarpa n'ait pas repris les avances dès le 1er janvier 2002, puisque le mandat qui lui avait été donné n'avait jamais cessé d'exister. Ce mandat ne portait pas que sur le recouvrement des pensions, mais aussi sur leur avance. Mme B __________ a ainsi conclu à la reprise des avances, mais aussi au versement de celles dues entre le 1er janvier 2002 et le 28 février 2003. C'était ainsi un montant de CHF 11'322.- dont elle demandait le versement.

 

9. Par décision du 24 février 2003, le Scarpa a accepté de reprendre le versement des avances, mais à compter du 1er mars 2003.

 

10. Par acte du 28 mars 2003, Mme B __________ a recouru auprès du Tribunal administratif. Le Scarpa devait reprendre spontanément le versement des avances dès le 1er janvier 2002. Elle a invoqué le fait que la convention signée en 1993 n'avait jamais perdu sa validité. Cette convention contenait une close selon laquelle le Scarpa acceptait "le mandat pour autant que les conditions posées par la loi et son règlement d'exécution soient et restent remplis". Or, l'intimé était tenu de reprendre le versement des avances par le simple effet de l'abrogation de l'article 11. Sa créance en avances de pensions alimentaires renaissait par le simple effet de l'application de la loi. C'était à tort que le Scarpa faisait une distinction entre le mandat de recouvrement et celui de verser des avances. Les parties n'avaient signé qu'une seule convention et le Scarpa avait toujours fait dépendre le versement de pensions de la seule existence d'un mandat de recouvrement. Les deux missions confiées au Scarpa étaient ainsi liées.

 

11. Le Scarpa s'est opposé au recours. La reprise automatique des avances équivalait à une révocation d'office de la décision de suppression rendue le 9 décembre 1996. La reprise sollicitée par la recourante relevait clairement de l'intérêt privé qu'elle avait à la modification de la décision du Scarpa. Aussi, les conditions justifiant une révocation n'étaient pas remplies, l'administration n'agissant d'office que s'il existait un intérêt public prépondérant. En revanche, le Scarpa pouvait intervenir sur demande, conformément aux articles 2 et 5 LARPA. Dans ce cas, il s'agissait d'une demande en reconsidération, à laquelle le Scarpa avait donné suite, mais en faisant partir le début de la reprise du premier jour du mois suivant la demande.

 

12. Le Scarpa a relevé que les ayants droit étaient rendus attentifs au fait que les tâches de recouvrement et d'avances étaient dissociées. La convention permettait au Scarpa de poursuivre le recouvrement des pensions, puisqu'il était subrogé aux droits des enfants et qu'en ce qui concernait l'ex-conjoint, il était cessionnaire des droits. Rien de tel en ce qui concernait les avances de pensions, lesquelles supposaient nécessairement le dépôt préalable d'une requête.

 

13. Cela étant, la grande majorité des personnes concernées avaient été informées par la presse et par la télévision. Beaucoup d'institutions sociales ou des avocats avaient déposé leur demande dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre __________ - LPA - E 5 10).

 

2. La recourante reproche au Scarpa de ne pas avoir repris spontanément le versement des avances dès l'entrée en vigueur du changement de loi. Si tel avait été le cas, il se serait alors agi de la révocation d'un acte administratif.

 

a. La doctrine et la jurisprudence considèrent que la révocation d'une décision irrégulière est possible, après pesée des intérêts publics et privés en présence.

 

Il découle du caractère impératif du droit public qu'un acte administratif qui ne concorde pas avec le droit positif puisse être modifié. Cependant, la sécurité du droit peut imposer qu'un acte qui a constaté ou créé une situation juridique ne puisse pas être mis en cause. En l'absence de règles sur la révocation prévues dans la loi, l'autorité doit mettre en balance d'une part l'intérêt à une application correcte du droit objectif, d'autre part les exigences de la sécurité du droit. Celles-ci l'emportent en principe lorsque la décision en cause a créé un droit subjectif au profit de l'administré, lorsque celui-ci a déjà fait usage d'une autorisation obtenue, ou encore lorsque la décision est le fruit d'une procédure au cours de laquelle les divers intérêts en présence ont fait l'objet d'un examen approfondi. Cette règle n'est cependant pas absolue et la révocation peut intervenir même dans l'une des trois hypothèses précitées lorsqu'elle est commandée par un intérêt public particulièrement important. Au contraire, les exigences de la sécurité du droit peuvent être prioritaires même lorsqu'aucune de ces trois hypothèses n'est réalisée (ATF 115 Ib 155 c. 3a ainsi que la doctrine et la jurisprudence citées, ATF 117 V 136; ATA D. du 13 décembre 1989, ATA B. du 3 septembre 1993; ATA C. du 3 février 2004).

 

Sur le plan formel, la révocation est prise dans les mêmes formes et selon la même procédure que la décision révoquée. Est compétente l'autorité qui a pris la décision ou l'autorité hiérarchiquement supérieure (P. MOOR, Droit administratif, vol. II, Les actes administratifs et leur contrôle, 2e éd., Berne, 2002, p. 338).

 

b. Le versement d'avances au créancier d'une pension alimentaire est manifestement effectué dans l'intérêt privé du bénéficiaire, et ne correspond pas à un intérêt public prépondérant. Les considérations qu'a développées la recourante à propos de l'intérêt qu'il y a pour la société de subvenir aux besoins élémentaires des enfants dont les parents sont défaillants constituent un intérêt public au sens large, mais qui ne saurait être qualifié de prépondérant. A suivre le raisonnement, les modifications législatives étant par essence justifiées par l'intérêt public, l'administration devrait révoquer d'office toutes ses décisions lors de chaque modification du droit.

 

Il en résulte que le Scarpa n'avait pas à révoquer sa décision du 17 juin 1997.

 

3. La démarche de la recourante ayant invité le Scarpa à reprendre ses avances constitue une nouvelle demande.

 

4. Le Scarpa a donné suite immédiatement à la demande présentée par la recourante le 29 janvier 2003, mais elle a accordé les avances à compter du 1er jour du mois suivant.

 

La recourante reproche au Scarpa de ne pas avoir procédé à la reprise des avances dès le moment où l'abrogation de l'article 11 LARPA est entrée en vigueur soit dès le 1er janvier 2002.

 

5. Selon l'article 2 LARPA, sur demande, le service aide de manière adéquate et gratuitement tout créancier d'une pension alimentaire ... (alinéa 1). Le créancier signe une convention par laquelle il donne mandat au service d'intervenir (alinéa 2). Ladite convention n'a pas d'effet rétroactif (alinéa 3).

 

Quant aux avances, le créancier d'une contribution d'entretien peut demander au service de faire des avances. Le droit à l'avance naît le premier du mois suivant celui au cours duquel la convention avec le service est signée (art. 5 al. 1 et 2).

 

Ni les travaux préparatoires, ni la modification législative n'ont prévu que la reprise des avances interviendrait d'office au moment de l'entrée en vigueur de la modification. Ce sont donc les principes généraux qui s'appliquent en la matière. Selon les termes même de la loi, le Scarpa agit sur demande. Il n'agit pas d'office. Lorsque le droit met à la disposition des citoyens certaines institutions et ne leur impose aucune obligation de s'en servir, les citoyens décident de se prévaloir ou non des facultés qui leur sont offertes. Il leur appartient de présenter une demande. L'autorité ne peut pas intervenir d'office, car ses actes ne peuvent être valables que s'ils ont été provoqués par une demande (B. KNAPP, Précis de droit administratif, Bâle, 1991, No 980).

 

Dans le cas d'espèce, l'on ne saurait reprocher au Scarpa d'avoir repris le versement des avances le premier du mois suivant la demande. En cela, il s'est conformé à la loi. Selon l'article 5 alinéa 2, le droit à l'avance naît le premier du mois suivant celui au cours duquel la convention avec le service est signée. Ce principe est également valable pendant toute la durée de validité de la convention.

 

D'autres lois sociales prévoient comme dies a quo le premier jour du mois où la demande est déposée (art. 18 al. 1 de la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 octobre 1968 (J 7 15) ou encore l'article 24 alinéa 5 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance maladie du 29 mai 1997 (J 3 05). En matière de surtaxes, s'il y a modification de la situation, la nouvelle surtaxe prend effet au plus tôt le premier jour du mois suivant la date de modification de la situation du locataire (art. 11 al. 3 du règlement de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05).

 

6. La recourante soutient encore que la convention qu'elle avait signée avec le Scarpa n'avait pas perdu sa validité. Aussi le Scarpa aurait-il dû l'appliquer d'office en matière d'avances.

 

Cet argument n'est pas pertinent. La loi poursuit deux objectifs :

 

Elle se charge du recouvrement des pensions alimentaires par la voie de l'exécution forcée. Dans ce cas, elle agit d'office d'autant plus que l'Etat est subrogé à due concurrence des montants avancés en faveur des enfants (art. 10 al. 1 LARPA) et les avances qu'il effectue en faveur des conjoints ou ex-conjoints sont subordonnées à la cession à l'Etat jusqu'à due concurrence, de la créance du bénéficiaire (art. 10 al. 2 LARPA). Dans ce cas, le service intimé agit d'office pour recouvrer les créances qui lui ont été cédées ou les montants dont l'Etat est subrogé.

 

L'autre objectif consiste dans le versement d'avances. Même si la personne qui a recours aux services du Scarpa ne signe qu'une seule convention, cette dernière tâche est indépendante du mandat de recouvrement. Les avances peuvent en effet cesser pour différents motifs, autrefois en application des articles 8A et 11, et actuellement lorsque le revenu annuel déterminant ou la fortune imposable dépasse les barèmes contenus dans le règlement d'application du Scarpa, ou encore lorsque le bénéficiaire compromet l'action du service notamment en fournissant volontairement des renseignements inexacts ou incomplets (art. 12 LARPA). Dans l'hypothèse où cessent les avances, le Scarpa conserve pour tâche le recouvrement des pensions alimentaires aussi longtemps que le mandat n'est pas révoqué.

 

Ce grief doit dès lors être écarté.

 

7. Compte tenu de ce qui précède, le recours ne peut être que rejeté.

 

Aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante qui est au bénéfice de l'assistance juridique.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 28 mars 2003 par Madame B __________ contre la décision du Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires du 24 février 2003;

 

au fond :

 

le rejette;

 

dit qu'aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante.

communique le présent arrêt à Me Muriel Pierrehumbert, avocate de la recourante, ainsi qu'au service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère et Schucani, Mmes Hurni et Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega