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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/46/2003

ATA/151/2003 du 18.03.2003 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : IMPOT; DOMICILE FISCAL; DOUBLE IMPOSITION; FIN
Normes : CST.127 al.5; CC.23 al.1
Résumé : Il n'appartient pas au TA de statuer sur une éventuelle double imposition interdite par l'art. 127 al.3 CST. Cette question relève de la compétence du TF. Le TA devra uniquement trancher si à la date déterminante, le contribuable était ou non domicilié légalement dans le canton de GE et assujetti de manière illimitée aux impôts dans ce canton. Rappel de la notion de domicile fiscal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 18 mars 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur P. W.

représenté par son père, M. A. W.

 

 

 

contre

 

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

et

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE D'IMPOTS

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur P. W., né en 1973, habitait avec ses parents dans le canton du Valais.

 

2. En 1995, il est venu habiter à Genève. Il a travaillé pendant une année et demie comme stagiaire dans un hôtel avant d'effectuer six mois, dès le 1er octobre 1996, à l'Ecole hôtelière du Vieux-Bois. Dès le 1er octobre 1996, il a été enregistré à l'office cantonal de la population comme résident, avenue de Sécheron. Dans le courant de 1997, il a travaillé à l'hôtel R. à la rue de Lausanne et logeait dès le 1er novembre 1997 à la rue des Pâquis.

 

Dès le 1er mai 2000, il a travaillé à l'hôtel des A.. Il a alors logé dans un appartement sis à la rue Abraham-Gevray.

 

3. Ayant appris par l'office cantonal de la population que M. W. était domicilié à Genève, l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) lui a envoyé une déclaration pour l'impôt cantonal 1999, déclaration que M. W. n'a pas remplie de sorte qu'il a été taxé d'office selon un bordereau expédié le 7 décembre 1999.

 

4. Le 23 décembre 1999, M. W. a écrit à l'AFC qu'il avait conservé son domicile fiscal en Valais ainsi que cela résultait de la déclaration de domicile établie le 22 février 1999 par le contrôle de l'habitant de ladite commune. Selon ce document, il était indiqué que M. W., célibataire, domicilié à Mollens, était inscrit au contrôle des habitants de cette commune où il avait conservé son domicile civique et fiscal. Cette déclaration lui avait été remise pour servir de pièce de légitimation durant son séjour temporaire à la rue des Pâquis. à Genève et elle était valable une année. Malgré cela, la direction de la taxation de Genève a prié M. W. de remplir une déclaration fiscale, ce que celui-ci a fait le 7 avril 2000 tout en maintenant que son domicile civique et fiscal était demeuré en Valais.

 

5. Par une décision émise à la date du bordereau, l'AFC a fait part à M. W. du fait qu'elle le déclarait personnellement assujetti aux impôts genevois pour l'année 1999. Elle faisait référence à la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle le domicile fiscal des personnes physiques se trouvait au lieu où elles avaient le centre de leurs intérêts vitaux, soit en principe au lieu où elles travaillaient. Cette décision était susceptible de réclamation. Elle était accompagnée d'un bordereau rectificatif 1999 émis le 22 juin 2001 taxant le contribuable sur la base d'un revenu imposable de CHF 25'204.--. L'impôt réclamé s'élevait à CHF 4'914,80.

 

6. Le 20 juillet 2001, M. W. a recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : CCRMI) en contestant son assujettissement à Genève pour les motifs déjà exposés. De plus, il avait déjà payé ses impôts 1999 et 2000 en Valais. Il produisait encore une attestation établie le 19 juillet 2001 par le département des finances du canton du Valais selon laquelle il était contribuable à Mollens où il payait régulièrement ses impôts tant cantonaux, communaux que fédéraux. Il faisait l'objet, dans le canton du Valais, d'un assujettissement illimité.

 

7. L'AFC a conclu au rejet du recours. Elle a fait valoir en substance que le contribuable était célibataire et qu'il n'avait pas établi l'existence d'attaches particulièrement fortes à Mollens de sorte qu'il était présumé s'être constitué un domicile à Genève, lieu où il exerçait son activité professionnelle.

 

8. En répliquant le 31 octobre 2001, M. W. s'est déclaré d'accord de déposer ses papiers à Genève et de payer ses impôts à Genève dès 2002. Il s'était en effet déjà acquitté de ses impôts en Valais pour les années 1999, 2000 et 2001. Par ailleurs, il a indiqué que ses liens affectifs relevaient de sa sphère privée et ne concernaient en rien l'administration. Quant à ses déplacements, il les effectuait en train avec un abonnement CFF demi-tarif ou grâce à la voiture que ses parents mettaient à sa disposition. Ceux-ci venaient également le chercher puisqu'ils étaient à la retraite.

 

9. Le 27 novembre 2001, l'AFC a, par gain de paix, proposé d'opérer un dégrèvement sur l'année fiscale 1999. Elle a également proposé de renoncer à une imposition de l'année 2000 à la condition que le contribuable accepte de remplir ses obligations fiscales sur le canton de Genève à compter de l'année 2001.

 

10. Le 13 décembre 2001, M. W. a répondu qu'il avait déjà payé ses impôts 2001 en Valais mais qu'il était prêt à déposer ses papiers à Genève dès janvier 2002.

 

11. Par décision du 12 décembre 2002, la commission cantonale de recours en matière d'impôts a retenu que l'AFC avait, à la date déterminante du 1er janvier 1999, considéré à juste titre que M. W. était domicilié à Genève et qu'il devait être assujetti de manière illimitée aux impôts à Genève dès cette année-ci. Il n'avait pas établi qu'il aurait conservé avec la commune de Mollens des liens particulièrement forts, et d'ailleurs ses parents à la retraite étaient souvent absents de Suisse. Le recourant ne faisait pas état d'autres relations, amis ou activités sociales en Valais de sorte que le recours ne pouvait qu'être rejeté.

 

12. Par pli posté le 10 janvier 2003, M. W. a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif en concluant à sa mise à néant. Il a réitéré ses explications en indiquant qu'au vu de son salaire, il lui était impossible de payer à double des impôts pour les années 1999, 2000 et 2001.

 

13. L'AFC a conclu au rejet du recours pour les motifs déjà exposés.

 

La commission cantonale de recours a attesté que la décision contestée avait été signifiée à M. W. le 27 décembre 2002.

 

14. Le 6 mars 2003, le juge délégué a procédé à l'audition du recourant représenté et accompagné par son père.

 

a. M. W. a réitéré qu'il avait conservé son domicile à M. chez ses parents. Durant l'année 1999, il s'était rendu une à deux fois par mois dans son village. Ses parents n'étaient pas toujours là. Il allait voir sa soeur qui habitait à proximité. De plus, il rencontrait ses amis d'enfance. Il n'était pas membre d'autres sociétés locales que du club de football de Mollens, en qualité de membre sympathisant.

 

Le père du recourant a précisé qu'au cours de l'année 1999, il avait été en semi-retraite car il était malade. Depuis le 1er janvier 2000, il était retraité et passait la moitié de son temps avec son épouse dans la maison que le couple possédait à B. dans le midi de la France.

 

Le recourant a indiqué qu'il devait s'occuper des affaires administratives de ses parents, à savoir relever le courrier et effectuer les paiements.

 

Le contribuable a ajouté qu'il n'obtiendrait jamais des autorités valaisannes le remboursement des impôts qu'il leur avait payés. Il n'avait pas les moyens de payer deux fois ses impôts ni d'interjeter un recours au Tribunal fédéral si d'aventure la position de l'AFC devait être confirmée. En revanche, il avait déposé ses papiers à Genève le 1er janvier 2002.

 

b. La représentante de l'AFC a indiqué qu'aucun des éléments mentionnés par le recourant n'était de nature à infléchir sa position.

 

c. Le recourant a produit une lettre du 24 janvier 2003 qu'il avait reçue de l'AFC et par laquelle celle-ci renonçait à l'assujettir aux impôts à Genève pour l'année 2001.

 

d. Selon la représentante de l'AFC, il s'agissait d'une erreur du système informatique. Si le tribunal admettait que le recourant devait être assujetti de manière illimitée à Genève en 1999, il en serait vraisemblement de même pour l'année 2000. Au vu de ce courrier, le recourant pourrait être mis au bénéfice du principe de la bonne foi pour 2001.

 

De plus, pour éviter une double imposition intercantonale, il appartenait au contribuable d'obtenir de son canton le remboursement des impôts qu'il aurait payés à tort en Valais.

 

15. Sur quoi la cause a été gardée à juger.

 

 

 

 

EN DROIT

 

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Lorsqu'un contribuable conteste la souveraineté fiscale d'un canton, ce dernier doit en principe trancher cette question par une décision préjudicielle sur l'assujettissement, qui doit être entrée en force avant que la procédure de taxation puisse suivre son cours (ATF 125 I 124 consid. 1a p. 55; ATF 123 I 289 consid. 1a p. 291 et ss; ATA T. du 14 novembre 2000 confirmé par ATF du 29 juin 2001).

 

3. Il n'appartient pas au tribunal de céans de statuer sur une éventuelle double imposition interdite par l'article 127 alinéa 3 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999, entrée en vigueur le 1er janvier 2000 (CF - RS 100. 1). Cette question relève de la compétence du Tribunal fédéral (ATF précité).

 

4. Ainsi, la seule question à trancher dans le présent litige est de savoir si à la date déterminante, soit au 1er janvier 1999, M. W. était légalement domicilié à Genève et assujetti de manière illimitée aux impôts dans ce canton où il exerçait à l'époque une activité dépendante à temps complet.

 

5. Les lois cantonales du 22 septembre 2000 relatives à l'imposition des personnes physiques (LIPP I à V - D 3  11 - D 3 13 - D 3 14 - D 3 16), adoptées en application de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID - RS 642.14) mettent en oeuvre, dès leur entrée en vigueur le 1er janvier 2001, un calcul du revenu imposable d'après le revenu acquis pendant la période fiscale (art. 2 al. 1 de la loi sur l'imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 - LITPP - II - D 3 12). Elles ne s'appliquent donc pas à la taxation 1999 objet du présent litige (ATA AFC c/ T. du 6 février 2001; AFC c/ B. du 23 octobre 2001).

 

6. Le domicile fiscal correspond en principe au domicile civil, c'est-à-dire le lieu où la personne réside avec l'intention de s'établir durablement (art. 23 al. 1 CCS), ou le lieu où se situe le centre de ses intérêts (ATF 125 I 54).

 

7. Le domicile politique comprenant le lieu de dépôt des papiers et l'exercice des droits politiques ne joue pas de rôle décisif dans la détermination du domicile fiscal; ils constituent seulement des indices permettant de déterminer ledit domicile fiscal (ATF 125 I 54).

 

8. Pour déterminer le domicile fiscal d'une personne qui alterne les séjours à deux endroits différents, notamment lorsque le lieu où elle exerce son activité ne coïncide pas avec celui où elle réside (en dehors de son travail), il faut examiner avec lequel de ces endroits ses relations sont les plus étroites. Le centre des intérêts vitaux se détermine d'après l'ensemble des éléments objectifs extérieurs permettant de reconnaître ces intérêts, et non simplement d'après les souhaits exprimés par la personne concernée (ATF 123 I 289).

 

9. Dans ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral a posé comme principe que le domicile fiscal des personnes célibataires se situe à leur lieu de travail.

 

10. Il appartient au contribuable de tenter de renverser cette présomption en établissant qu'il continue à entretenir avec la commune de M. des liens particulièrement étroits. Or, le contribuable indique ne rentrer dans son village qu'une à deux fois par mois, à des dates où ses parents ne sont pas toujours là, puisque dès l'année 1999 son père s'est trouvé en semi-retraite. De plus, le recourant est membre sympathisant du club de football mais il n'est membre d'aucune autre société locale aux activités de laquelle il devrait participer activement. Certes, sa soeur habite à A. et il va lui rendre occasionnellement visite, mais cet élément et le fait qu'il doive relever le courrier ou effectuer les paiements pour ses parents en leur absence ne sauraient constituer des liens tels qu'ils permettent de considérer que M. W. a conservé à M. le centre de ses intérêts vitaux.

 

11. Du fait qu'il travaille dans l'hôtellerie, domaine où les horaires sont irréguliers, il faut admettre qu'il ne peut pas rentrer fréquemment en Valais. M. W. n'a pas prouvé qu'il avait des liens plus forts en Valais qu'à son lieu de travail. Le dépôt de ses papiers et son inscription comme électeur de la commune de Mollens ne modifient pas son domicile fiscal à Genève au vu de la portée toute relative que donne la jurisprudence au domicile politique.

Son domicile fiscal est donc à Genève.

 

12. Le recours de M. W., mal fondé, sera rejeté.

 

13. Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 500.-- sera mis à la charge de M. W. (art. 87 LPA).

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

 

 

 

déclare recevable le recours interjeté le 10 janvier 2003 par Monsieur W. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 12 décembre 2002;

 

 

au fond :

 

 

le rejette ;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.--;

communique le présent arrêt à Monsieur W., à Monsieur A. W. son représentant, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts et à l'administration fiscale cantonale.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci