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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/675/2001

ATA/141/2002 du 19.03.2002 ( ASSU ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ASSURANCE SOCIALE; AM; PROCEDURE ADMINISTRATIVE; REVISION; CHOIX DE L'ETABLISSEMENT HOSPITALIER; NECESSITE D'UN TRAITEMENT HOSPITALIER; TRAITEMENT A L'ETRANGER; ASSU/LAMAL
Normes : OAMAL.36 al.2; LAMAL.34 al.2; LOJ.137 litt.b; LAA.108 al.1 litt.i
Résumé : Par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l'administration est tenue de procéder à la révision (procédurale) d'une décision entrée en force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux ou des nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à une appréciation des faits différents (ATF 119 V 477). Rappel de la notion de "faits nouveaux". Examen du caractère urgent et de la nécessité d'un traitement à l'étranger.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 19 mars 2002

 

 

 

dans la cause

 

 

Madame T__________

représentée par Me Mauro Poggia, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

INTRAS CAISSE-MALADIE

 



EN FAIT

 

 

1. Mme T_________, domiciliée à Genève, est assurée auprès d'Intras pour l'assurance obligatoire des soins et pour une assurance complémentaire d'hospitalisation Quadra. Selon cette dernière, sont pris en charge, en cas de séjour hospitalier volontaire à l'étranger dans un établissement pour le traitement des maladies aiguës, les frais de traitement et de pension jusqu'à concurrence de CHF 1'000.-- par jour pendant une durée maximale de trente jours par année civile. L'assurée doit obtenir l'accord écrit d'Intras avant son hospitalisation (art. 14 des conditions spéciales pour l'assurance-maladie complémentaire d'hospitalisation Quadra).

 

2. Après avoir ainsi reçu plusieurs factures concernant des traitements effectués au Massachusetts General Hospital à Boston, Intras a demandé à Mme T_________, le 2 octobre 1995, la raison médicale du traitement à l'étranger.

 

3. Par courrier du 7 décembre 1995, le Dr Michel Forni, spécialiste FMH en médecine interne auprès de la clinique de Carouge et médecin traitant de l'assurée, a exposé que Mme T_________ s'était rendue aux États-Unis après qu'il eut lui-même pris contact avec le Dr Hausser, médecin-conseil de la caisse, cette patiente devant subir une troisième intervention concernant une récidive tumorale au niveau de sa colonne vertébrale. Selon le professeur Suit de Boston, la patiente devait se rendre dans cette ville dans un premier temps pour des premières consultations devant permettre d'analyser l'opportunité de ce type de traitement et d'établir un plan financier. L'opération elle-même devait se faire en deux temps, soit une opération permettant de préserver le cordon médullaire puis un traitement d'irradiation local.

 

Seuls les spécialistes de cet hôpital de Boston étaient en mesure d'effectuer ce type d'intervention.

 

Il existait un petit risque d'ordre infectieux dans le contexte d'une troisième récidive. Le Dr Forni ajoutait qu'il avait proposé à sa patiente de rencontrer prochainement le professeur Suit afin que celui-ci puisse établir un calendrier et chiffrer le montant de l'intervention qui s'élèverait à plusieurs dizaines de milliers de dollars. Le Dr Forni souhaitait que le Dr Hausser rencontre Mme T_________ et définisse clairement la position de la caisse face à des cas de ce type. A ce courrier était joint un document en anglais établi par le professeur Suit le 20 septembre 1995.

 

4. Le 15 décembre 1995, Intras a confirmé au Dr Forni qu'elle prendrait en charge les frais de traitement à Boston de Mme T_________ dans les limites de la couverture d'assurance. Le remboursement serait effectué sur présentation des factures originales détaillées.

 

5. Le 22 juillet 1997, Mme T_________ s'est rendue auprès du professeur Suit à Boston. Le Massachusetts General Hospital a établi une facture de US$ 3'540.--. Le 17 septembre 1997, Intras a prié Mme T_________ de lui fournir toutes les explications utiles concernant ce traitement à l'étranger, lequel devait faire l'objet d'une demande préalable auprès de l'assureur.

 

6. Le 29 octobre 1997, le Dr Forni a répondu à Intras en faisant état de ses contacts préalables avec le Dr Hausser, en exposant la nature du traitement et en précisant encore que la facture précitée avait été payée par Mme T_________ au moyen de différents emprunts.

 

7. Le 21 janvier 1999, le Dr Forni a informé le Dr Hausser du fait que Mme T_________ présentait une cinquième récidive d'un histiocytome malin fibreux affectant son axe dorsal bas et comprimant l'artère d'Adamkievics.

 

La technique de "neuroradiothérapie" n'étant pas praticable à Genève, Intras avait donné son accord en 1995 pour couvrir une partie des frais engagés par Mme T_________ à Boston. Ce traitement s'effectuait chez le professeur Suit, expert mondial des tumeurs des parties molles (hémangiopéricytome).

 

Les médecins américains préconisaient alors une artériographie et désiraient revoir l'indication à une chirurgie loco-régionale qui devenait impérative, compte tenu des douleurs de la patiente, et définir une radiothérapie de type proton beam. A cet effet, Mme T_________ se rendrait prochainement à Boston en vue d'établir un plan financier. Le Dr Forni espérait qu'Intras serait convaincue de l'utilité de ce voyage à Boston et surtout de l'indication à un traitement de radiothérapie complémentaire dans le contexte de cette cinquième rechute mettant en cause non seulement la survie de la patiente mais également la qualité de sa survie, de par les répercussions neurologiques qui étaient en train de s'amplifier.

 

8. Le 2 février 1999, Intras a répondu au Dr Forni qu'au vu des indications de son médecin-conseil, elle prendrait en charge une partie des frais du traitement envisagé aux États-Unis. Elle demeurait dans l'attente de l'estimation des coûts.

 

9. Par l'intermédiaire d'Assuas (Association suisse des assurés), Intras a reçu le 21 juin 1999 une facture totalisant US$ 126'980.-- relative au traitement subi par Mme T_________ à Boston du 26 au 27 janvier et du 29 janvier au 7 février 1999.

 

10. Le 10 novembre 1999, Intras a écrit à Mme T_________ que sur la base des documents et des renseignements en sa possession, elle prendrait en charge, à titre exceptionnel, les hospitalisations aux USA dans les limites de l'article 14 du règlement Quadra et les soins ambulatoires qui avaient précédé et suivi ces hospitalisations.

 

11. Le 11 novembre 1999, Intras a payé CHF 11'000.-- pour l'hospitalisation volontaire à l'étranger du 26 janvier au 6 février 1999 au titre de l'assurance complémentaire Quadra.

 

12. Le 13 janvier 2000, Mme T_________, représentée par Assuas, a sollicité le remboursement des prestations dues ou, à défaut, une décision formelle. Le Dr Forni avait en effet démontré le caractère urgent du traitement entrepris.

 

13. Le 28 janvier 2000, Intras a rendu une décision formelle en relevant que le Dr Forni avait indiqué, le 21 janvier 1999, que Mme T_________ devait se rendre prochainement aux États-Unis et qu'un plan financier allait être demandé aux spécialistes américains.

 

Le 2 février 1999, Intras avait fait savoir qu'elle restait dans l'attente de l'estimation des coûts. Or, elle avait reçu une facture pour un traitement et une hospitalisation effectués. Un voyage ayant été envisagé à Boston pour des suites de traitement, le caractère urgent de celui-ci ne pouvait être admis.

 

En conséquence, seuls les CHF 1'000.-- par jour dus au titre de l'article 14 du règlement Quadra étaient payés à l'exclusion de toute autre prestation.

 

La voie de l'opposition était indiquée.

 

14. Par courrier du 25 janvier (recte 25 février) 2000, Mme T_________ en personne a fait opposition à cette décision. En janvier 1999, elle s'était rendue à Boston alors qu'elle suivait un traitement de cortisone. Arrivée dans cette ville, son état s'était dégradé à un point tel qu'elle ne pouvait plus rester debout et les médecins l'avaient avisée du risque que représentait un long voyage de retour en Suisse. Devant l'urgence, ils avaient décidé de l'opérer et de procéder à un traitement au proton beam car il fallait procéder à une transplantation de vertèbres, la moelle épinière étant comprimée et la vertèbre abîmée. Elle concluait donc à l'annulation de la décision formelle et proposait de demander la confirmation de ses affirmations à ses médecins américains.

 

15. Par décision du 2 mars 2000, Intras a rejeté l'opposition en maintenant sa position initiale. Le caractère urgent ne pouvait pas être justifié; elle ne se prononçait pas sur l'aggravation alléguée par Mme T_________ alors que celle-ci se trouvait aux États-Unis.

 

16. Mme T_________ a fait parvenir par Assuas, le 28 juillet 2000, des certificats médicaux établis les 13 et 22 juin 2000 par le professeur Suit, rédigés en anglais, attestant de l'urgence du traitement.

 

17. Par courrier du 7 août 2000, Intras a informé Assuas que sa décision sur opposition du 2 mars 2000 n'ayant pas fait l'objet d'un recours, elle était devenue définitive. Cette affaire était donc liquidée.

 

18. Agissant par l'intermédiaire d'un avocat, Mme T_________ a saisi Intras le 29 septembre 2000 d'une demande en reconsidération de la décision sur opposition du 2 mars 2000.

 

L'urgence du traitement avait été démontrée par les courriers du professeur Suit du mois de juin 2000, postérieurs à la décision sur opposition, et le fait que Mme T_________ s'était rendue à l'étranger dans le but de subir des examens n'était pas relevant.

 

L'article 36 alinéa 2 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) (sic) n'excluait le cas d'urgence que lorsque le traitement prodigué à l'étranger était envisagé lors du déplacement de l'assuré. Tel n'était pas le cas car Mme T_________ n'avait pas lieu de s'attendre à ce que les résultats des examens mettent en évidence la nécessité d'une opération rapide, un retour en Suisse pouvant occasionner un risque grave pour sa santé. Au vu de ces éléments nouveaux, Intras était invitée à reconsidérer sa décision sur opposition.

 

19. Le 6 octobre 2000, Intras a répété que la décision du 2 mars 2000 était devenue définitive faute de recours dans le délai légal.

 

20. Le 10 novembre 2000, le conseil de l'assurée a répété à Intras que la décision du 2 mars 2000 était fondée sur une inadvertance manifeste car la demande de Mme T_________ aurait dû être examinée selon l'article 36 alinéa 2 OLAA et non selon l'article 36 alinéa 1 OLAA.

 

21. Le 16 novembre 2000, Intras a indiqué qu'un nouvel examen de la situation était en cours compte tenu des termes de la lettre du 10 novembre 2000.

22. Le 21 novembre 2000, Intras a écrit au conseil de Mme T_________ qu'elle s'était prononcée à maintes reprises dans cette affaire, qu'elle ne comptait pas y revenir et que le dossier était classé.

 

23. Par courrier du 3 janvier 2001, le conseil de Mme T_________ a sollicité une décision motivée avec l'indication des voies de droit au sujet de la demande de reconsidération qu'il avait présentée, fondée sur l'avis médical de juin 2000.

 

24. Par courrier du 12 janvier 2001, Intras a répété que sa décision sur opposition était définitive.

 

25. Le 17 janvier 2001, le conseil de Mme T_________ a écrit à Intras que sa dernière prise de position constituait une décision de refus de la demande de reconsidération à laquelle sa mandante formait opposition.

 

26. Le 25 janvier 2001, Intras a confirmé sa position du 12 janvier 2001.

 

27. Le 7 mai 2001, le conseil de Mme T_________ a imparti un délai de trente jours à Intras pour qu'elle rende une nouvelle décision à la lumière des pièces qui lui avaient été adressées en juin 2000.

 

28. Par courrier du 16 mai 2001, Intras a constaté qu'aucun motif justifiant la reconsidération de la décision sur opposition du 2 mars 2000 n'était allégué et que la demande était rejetée dans la mesure où elle était recevable. Aucune voie de droit n'était indiquée.

 

29. Le 29 mai 2001, le conseil de Mme T_________ a considéré le courrier précité comme une décision de refus de la demande de reconsidération et il a formé opposition.

 

30. Par décision sur opposition du 7 juin 2001, Intras caisse-maladie a confirmé à Madame T_________ la teneur de sa lettre du 16 mai 2001 par laquelle elle refusait de reconsidérer sa décision sur opposition du 2 mars 2000. Cette nouvelle décision était susceptible de recours dans les trente jours auprès du tribunal cantonal des assurances du canton de Genève.

 

31. Par acte déposé au greffe le 5 juillet 2001, Mme T_________ a recouru contre cette décision auprès du tribunal administratif fonctionnant comme tribunal cantonal des assurances en concluant principalement à l'annulation de la décision sur opposition du 2 mars 2000; des faits nouveaux justifiaient la reconsidération et la condamnation d'Intras à payer les frais d'intervention et d'hospitalisation occasionnés par le séjour au General Hospital du Massachusetts sous déduction de CHF 16'928,45 déjà versés sous suite de frais. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à Intras pour nouvelle décision.

32. Intras a conclu au rejet du recours dans la mesure où il était recevable.

 

33. A la requête du juge délégué, la recourante a produit une traduction française des attestations médicales établies en anglais par le professeur Suit les 13 et 22 juin 2000.

 

Elle a précisé ses conclusions tendant au remboursement par Intras du traitement au Massachusetts General Hospital du 26 au 27 janvier 1999 et du 29 janvier au 6 février 1999, soit US$ 126'980.-- dès le 29 janvier 1999, sous déduction de CHF 16'928,45 du 11 novembre 1999.

Enfin, elle a spécifié que ses prétentions étaient fondées sur l'article 36 de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102) et non OLAA, comme indiqué par erreur dans les précédentes écritures.

 

EN DROIT

 

1. La décision attaquée, soit la décision sur opposition du 7 juin 2001, donne à penser qu'elle a été rendue en application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), mais cette loi n'est pas citée.

 

Quant à la décision sur opposition du 2 mars 2000, elle se réfère à la LAMal et à l'assurance complémentaire tout en spécifiant qu'elle sera exécutoire si aucun recours n'est interjeté dans les trente jours !

 

2. Le présent recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente et il est recevable (art. 56C litt. a de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 86 de la LAMal).

 

3. Il est constant qu'aucun recours n'a été interjeté par Mme T_________ dans les trente jours dès réception de la décision sur opposition du 2 mars 2000. Cependant,

par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l'administration est tenue de procéder à la révision (procédurale) d'une décision entrée en force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 119 V 477 consid. 1a).

 

La notion de faits ou moyens de preuve nouveaux s'apprécie de la même manière en cas de révision (procédurale) d'une décision administrative, de révision d'un jugement cantonal dans le cadre de l'article 108 alinéa 1 lettre i LAA ou d'une révision fondée sur l'article 137 lettre b OJ (à propos de la révision procédurale de décisions administratives : ATF 108 V 168 consid. 2b; à propos de l'article 108 alinéa 1 lettre i LAA : RDAF 1993 I 86 196 consid. 2; à propos de l'article 137 lettre b OJ : ATF 108 V 170 et 110 V 141 consid. 2).

 

4. Sont "nouveaux" les faits qui se sont produits jusqu'au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. En outre, les faits nouveaux doivent être importants, c'est-à-dire qu'ils doivent être de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de la décision entreprise et à conduire à un jugement différent, en fonction d'une appréciation juridique correcte. Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu'il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu'il faut admettre qu'elle aurait conduit l'autorité (administrative ou judiciaire) à statuer autrement, si elle en avait eu connaissance, dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c'est que le moyen de preuve ne serve pas à l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu'une nouvelle expertise donne une appréciation différente des faits; il faut bien plutôt des éléments de faits nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la révision d'une décision, il ne suffit pas que l'expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du procès principal, d'autres conclusions que l'autorité. Il n'y a pas non plus motif de révision du seul fait que celle-ci paraît avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la procédure principale. L'appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l'ignorance ou de l'absence de preuve de faits essentiels pour le jugement (ATF 110 V 141 consid. 2; 293 consid. 2a; 108 V 171 ss, consid. 1; ATFA B c/CNA du 19 juin 1996, U 5/95).

 

Aussi, au lieu de répondre le 7 août 2000 que la décision sur opposition était devenue définitive et que l'affaire était liquidée, Intras aurait dû entrer en matière sur la demande de reconsidération lorsqu'elle a reçu d'Assuas, le 28 juillet 2000, des certificats médicaux établis les 13 et 22 juin 2000 par le professeur Suit, soit postérieurement à la décision sur opposition, et attestant de l'urgence du traitement. C'est finalement dans son courrier du 16 mai 2001 qu'Intras s'est prononcée pour se borner d'ailleurs à indiquer que la recourante n'alléguait aucun motif justifiant la reconsidération dans ses courriers des 29 septembre 2000 et 7 mai 2001. Or, dans ces courriers-ci, Mme T_________ a cité par erreur l'article 36 OLAA mais elle a bien fait référence aux certificats médicaux du professeur Suit établis en juin 2000 et dont, par définition, Intras n'avait pas connaissance lorsqu'elle a statué le 2 mars 2000 pour établir que la situation de l'assurée s'était péjorée alors qu'elle se trouvait aux États-Unis, qu'un retour en Suisse n'était pas approprié et qu'en raison de l'urgence non prévisible, l'opération avait été effectuée. Les certificats médicaux du professeur Suit démontraient que le traitement dispensé à Mme T_________ n'était pas celui pour lequel elle s'était initialement rendue sur place.

 

Force est d'admettre que dans son courrier du 16 mai 2001, Intras n'est pas entrée en matière sur ces griefs. Elle ne semble d'ailleurs pas avoir transmis ces attestations du professeur Suit à son médecin-conseil et ne conteste pas que le rapatriement de Mme T_________ n'était pas possible compte tenu de son état, ni que le traitement dispensé ne pouvait l'être en Suisse.

 

5. Le tribunal de céans a déjà eu l'occasion de préciser le rôle du médecin-conseil tel qu'il est défini par l'article 57 LAMal. Celui-ci doit notamment examiner si les conditions de prise en charge d'une prestation sont remplies (ATA V. du 1er décembre 1998). Étant donné la place accordée par la loi au médecin-conseil, il y a lieu d'admettre, que les principes développés par la jurisprudence concernant la valeur probante que le juge peut accorder à l'appréciation émise par le médecin désigné par la caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents ou par les autres assureurs participant à l'application de l'assurance-accidents obligatoire, sont applicables en matière d'assurance-maladie (ATF 120 V 357 consid. 1 p. 360-362).

 

Il faut donc retenir que lorsqu'aucun indice concret ne permet de douter du bien-fondé des appréciations émises par les médecins-conseils des assureurs pratiquant l'assurance obligatoire des soins (art. 11 et 57 LAMal), les rapports émis par ces praticiens ont valeur de preuve s'ils ont été établis à un moment où l'assureur concerné n'était pas partie à la procédure (ATA C. du 13 avril 1999).

 

En l'espèce, Intras n'a pas sollicité l'avis de son médecin-conseil sur cette question et a décidé que la condition de la révision - et de la prise en charge - n'était pas remplie, l'assurée s'étant rendue à l'étranger pour y subir le traitement envisagé initialement.

 

6. Ce faisant, Intras n'a pas instruit correctement la présente cause. Elle aurait dû soumettre cette question à son médecin-conseil, voire à un expert.

 

7. En l'état du dossier, le tribunal de céans n'est pas à même de trancher la question de l'existence ou non de l'urgence. L'avis dépend de la question préalable relative à l'identité ou non du traitement envisagé et de l'opération effectivement pratiquée.

 

8. Dans ces conditions, le recours sera admis partiellement, la décision du 7 juin 2001 annulée et la cause renvoyée à Intras pour qu'elle procède à des investigations complémentaires en recourant si nécessaire à l'avis d'un oncologue. Le cas échéant, elle devra ordonner une expertise et soumettre, avant de l'entreprendre, le nom de l'expert et le questionnaire à la recourante.

 

9. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 89G LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'250.-- sera allouée à la recourante à charge d'Intras.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 5 juillet 2001 par Madame T_________ contre la décision sur opposition d'Intras caisse-maladie du 7 juin 2001;

 

au fond :

 

l'admet partiellement;

 

annule la décision du 7 juin 2001;

 

renvoie la cause à Intras caisse-maladie pour instruction complémentaire au sens des considérants;

 

alloue une indemnité de CHF 1'250.-- à Madame T_________ à charge d'Intras;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, auprès du Tribunal fédéral des assurances. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire de recours sera adressé, en trois exemplaires, au Tribunal fédéral des assurances, Adligenswilerstrasse 24, 6006 Lucerne;

communique le présent arrêt à Me Mauro Poggia, avocat de la recourante, ainsi qu'à Intras caisse-maladie et à l'office fédéral des assurances sociales.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin et Schucani, Mme Bonnefemme-Hurni, juges et M. Torello, juge-suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.: le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci