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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1060/2002

ATA/111/2003 du 04.03.2003 ( FIN ) , ADMIS

Recours TF déposé le 09.05.2003, rendu le 14.05.2004, ADMIS, 2P.115/03
Descripteurs : PRINCIPE JURIDIQUE; INTERPRETATION(SENS GENERAL); LACUNE(LEGISLATION); FIN
Normes : CC.1 al.2
Parties : VILLE DE GENEVE / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE D'IMPOTS, BANQUE CANTONALE DE GENEVE
Résumé : Une inadvertance du législateur à l'occasion d'une révision législative n'implique pas nécessairement d'être traitée comme une lacune de la loi et comblée par le juge. A moins que la loi ne soit inapplicable, c'est son texte clair qui prime, et non l'intention supposée du législateur.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 4 mars 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

VILLE DE GENÈVE

représentée par Me Pietro Sansonetti, avocat

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

 

 

et

 

 

BANQUE CANTONALE DE GENÈVE

représentée par Me Serge Fasel, avocat



EN FAIT

 

 

1. La Banque cantonale de Genève (ci-après : BCGe ou la banque) s'est acquittée durant les années 1994 à 1997 de la taxe professionnelle communale au profit de la ville de Genève, au montant de CHF 268'179.- en 1994 et, les années suivantes de CHF 268'179.-, respectivement de CHF 335'835.- et CHF 335'830.-.

 

2. Le 16 octobre 1998, la ville de Genève a notifié à la BCGe un bordereau concernant la taxe professionnelle communale 1998 pour un montant de CHF 359'620.-. Un bordereau de taxation définitive du 26 octobre 1998, annulant et remplaçant le précédent, a porté ce montant à CHF 1'123'660.-.

 

3. Le 11 novembre 1998, la banque a formulé une réclamation contre ce dernier bordereau auprès de la commission de réclamation en matière de taxe professionnelle communale (ci-après : la commission).

 

4. Par décision du 1er avril 1999, la commission a rejeté la réclamation.

 

5. Le 4 mai 1999, la BCGe a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : commission de recours). Elle ne remettait pas en cause l'assujettissement à la taxe professionnelle communale, mais le calcul de son assiette.

 

6. La ville de Genève s'est opposée au recours.

 

7. Par décision du 10 octobre 2002, notifiée le 17 octobre suivant, la commission de recours a admis ce dernier, a dit que la BCGe était au bénéfice d'une exonération partielle de la taxe professionnelle communale, a annulé la décision de la commission de réclamation du 1er avril 1999 et renvoyé la cause à la ville de Genève pour nouvelle taxation. En outre, elle a donné acte à la BCGe de ce qu'elle reconnaissait devoir à la ville de Genève la somme de CHF 359'620.- au titre de la taxe professionnelle communale 1998.

 

Elle a considéré en substance que les dispositions légales applicables au cas de la BCGe signalaient la volonté du législateur cantonal d'exonérer cet établissement de la taxe professionnelle communale dans une proportion équivalente à celle du capital constitué sous forme d'actions nominatives.

 

8. Le 18 novembre 2002, la ville de Genève a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif en concluant à son annulation et à la confirmation de sa propre décision de taxation du 26 octobre 1998.

 

Pour l'essentiel, son argumentation revient en premier lieu à différencier la taxe professionnelle communale d'un impôt sur le bénéfice ou le capital. Dès lors, l'exonération partielle dont profite la BCGe en relation avec un tel impôt ne serait pas applicable pour ce qui concerne la taxe. Elle considère ensuite que l'activité de la BCGe est avant tout d'ordre commercial et que cet établissement n'est pas d'utilité publique. Par conséquent, les dispositions légales en matière d'imposition des personnes morales, dont il sera question dans la partie en droit ci-après, concernent également la BCGe et la soumettent à la taxe professionnelle communale au même titre que toute personne morale à but commercial à Genève. Enfin, aucun critère valable ne permettrait de distinguer la BCGe d'un autre établissement bancaire sous l'angle de la liberté économique; un traitement fiscal différencié serait par conséquent contraire au principe d'égalité de traitement.

 

9. Le 14 janvier 2003, la BCGe a répondu au recours en s'y opposant.

 

Selon elle, l'exonération partielle dont elle bénéficie dans le cadre de la taxe professionnelle communale s'explique historiquement: depuis 1959, les établissements revêtant le statut de banque cantonale bénéficiaient d'un traitement particulier à travers l'article 75 alinéa 1 lettre f de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), sous la forme d'une limite supérieure de cette taxe. L'entrée en vigueur, le 1er janvier 1994, de la loi sur la Banque cantonale de Genève du 24 juin 1993 (LBCGe - D 2 05), avait simplement modifié le libellé de l'article 75 alinéa 1 lettre f LCP, mais non pas le principe de l'exonération partielle. Les travaux préparatoires de ces modifications législatives montraient que la question avait été mûrement réfléchie. Le 1er janvier 1995 était entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), qui avait entraîné l'abrogation de tout le chapitre II de la LCP concernant l'impôt sur les personnes morales, y compris de son article 75 alinéa 1 lettre f LCP. Il s'agissait là d'une inattention du législateur, qui résultait notamment du fait que cette disposition n'avait jamais été à la bonne place. Les travaux préparatoires de la LIPM n'évoquaient pas même la question de la suppression de cette exonération partielle de la taxe professionnelle communale. Il convenait donc d'admettre l'existence d'une lacune de la loi qu'il revenait au Tribunal administratif de combler en s'inspirant de la règle posée auparavant par l'article 75 alinéa 1 lettre f LCP.

 

Les autres arguments de la BCGe seront évoqués ci-après en droit, dans la mesure utile.

 

10. Déférant à une demande du juge délégué du 23 janvier 2003, la ville de Genève a produit le 14 février 2003 les pièces relatives à la taxe professionnelle communale à laquelle était soumise la BCGe de 1994 à 1997, qui confirment en particulier les chiffres énoncés au paragraphe 1 ci-dessus.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. La taxe professionnelle communale est une taxe annuelle que les communes du canton de Genève peuvent prélever à certaines conditions auprès des personnes physiques ou morales (art. 301 al. 1 LCP). Il s'agit d'un véritable impôt et non d'une taxe ou d'une charge de préférence, mais il est distinct de l'impôt sur le revenu ou la fortune (ATF du 22 décembre 1978 publié in RDAF 1980 pp. 104 ss; ATF 24 I 610).

 

Sont assujetties notamment les sociétés anonymes qui ont leur siège ou un établissement stable dans le canton (art. 301 al. 1 let. c LCP). En revanche, ne sont pas assujetties à la taxe professionnelle communale "les personnes morales exonérées des impôts cantonaux en vertu de l'article 75 LCP, sauf pour la part éventuelle de leur activité ayant un caractère commercial" (art. 301 al. 2 let. b LCP).

 

L'article 75 LCP a été abrogé lors de l'entrée en vigueur de la LIPM le 1er janvier 1995. Jusqu'alors, l'alinéa 1 de cette disposition prévoyait que certaines entités étaient exonérées, dans une mesure propre à chacune, des impôts applicables aux personnes morales. Il s'agissait de la Confédération (let. a), des organisations internationales (let. b), des communes genevoises (let. c), des établissements hospitaliers, de bienfaisance et d'assistance publique dépendant de l'Etat ou des communes, ainsi que des entités privées disposant de la personnalité juridique et oeuvrant dans le même sens (let. d).

 

En outre, l'article 75 alinéa 1 lettre e LCP prévoyait jusqu'au 31 décembre 1993 que la Banque hypothécaire du canton de Genève était exonérée des impôts sur le revenu et la fortune. Elle avait à payer l'impôt immobilier complémentaire sur ses immeubles et la taxe professionnelle communale. Cette disposition a été abrogée par l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1994, de la LBCGe, dont l'article 18 prévoit que l'intimée est soumise à tous les impôts cantonaux et communaux selon les règles valables pour les sociétés de capitaux (al. 1), mais qu'elle est exonérée des impôts cantonaux et communaux sur le bénéfice et le capital proportionnellement à la part du capital de la banque constitué sous forme d'actions nominatives (al. 2).

 

S'agissant de la taxe professionnelle communale, l'intimée n'y était astreinte, selon l'article 75 alinéa 1 lettre f en vigueur du 1er janvier au 31 décembre 1994, que proportionnellement à la part du capital constitué sous forme d'actions au porteur (let. f).

 

L'abrogation de cette dernière disposition, à l'occasion de l'entrée en vigueur de la LIPM, a constitué une suppression pure et simple de son texte, celui-ci n'ayant été repris nulle part. L'intimée ne bénéfice donc depuis le 1er janvier 1995 d'aucune exonération expresse en ce qui concerne la taxe professionnelle communale.

 

3. Pour les motifs mentionnés ci-dessus en fait, l'intimée considère que la disparition de l'article 75 alinéa 1 lettre f LCP résulte d'une inadvertance ayant engendré une lacune, laquelle devrait être comblée.

 

a. Le fait que le législateur commette une inadvertance lors d'une révision de la loi n'implique pas nécessairement que le juge puisse y remédier en faisant lui-même oeuvre de législateur. De manière générale, la doctrine distingue les lacunes proprement dites et improprement dites de la loi. Les premières sont les silences non voulus par le législateur, qui rendent la loi inapplicable ou qui engendrent des résultats contraires à sa systématique ou à ses objectifs. Les secondes sont les silences de la loi sur des points qui en rendent l'application insatisfaisante. Ces dernières ne permettent pas au juge de se substituer au législateur (ATF 128 I 34 consid. 3b p. 42; Pierre MOOR, Droit administratif, vol. I, 2ème éd., 1994, pp. 154-155).

 

Par ailleurs, le principe de la légalité qui domine le droit fiscal (ATF 118 Ib 312 consid. 3b p. 316) ne donne au fisc le droit de percevoir des impôts que dans la mesure strictement définie par la loi, et cela même si le contribuable ne profite que d'un pur oubli (ATF 95 I 504 consid. 2a p. 510). Inversement, le principe de la légalité implique que des traitements fiscaux différents ne puissent être appliqués à des catégories distinctes de contribuables qu'en vertu d'une base légale claire, et pour autant que cela se justifie sous l'angle du principe de l'égalité de traitement.

 

Dans une espèce récente, le tribunal de céans a fait une stricte application de ces principes, admettant d'une part que le mécanisme fiscal litigieux était éventuellement construit autour d'une inadvertance du législateur, et d'autre part que cette dernière n'était pas source d'inapplicabilité de la loi. Par conséquent, c'était la lettre claire du texte légal et non l'intention supposée du législateur qui devait primer (ATA AFC du 21 janvier 2003).

 

b. En l'occurrence, la question n'est donc pas tant de savoir si la règle posée à l'article 75 alinéa 1 lettre f LCP était normalement destinée à subsister d'une manière ou d'une autre dans le cadre des nouvelles dispositions sur l'imposition des personnes morales, que de savoir si, en raison d'une éventuelle erreur législative, les règles actuelles en matière de taxe professionnelle sont contradictoires ou incohérentes au point d'être inapplicables, ou si elles se heurtent aux objectifs de la loi.

 

Tel n'est cependant pas le cas. Le fait que cette dernière ne prévoie plus l'exonération partielle de l'intimée en matière de taxe professionnelle communale, du moins sous la même forme, n'engendre aucune contradiction interne au système. Il résulte simplement de l'état actuel de la LCP que l'intimée ne bénéficie plus d'une exonération spécifique. Il ne saurait donc être question d'interpréter la LCP de telle manière qu'il faille ignorer l'abrogation dont son article 75 alinéa 1 lettre f a fait l'objet.

 

c. Il n'en demeure pas moins que le principe posé par l'article 301 alinéa 2 lettre b LCP est toujours valable. La lettre de cette disposition comporte toutefois une part d'ambiguïté résultant du fait qu'elle se réfère à une base légale, l'article 75 LCP, qui n'existe plus. La question se pose donc de savoir quelle portée doit être donnée à cette disposition-là et quelle serait la mesure d'une exonération de la taxe professionnelle communale dont bénéficierait l'intimée sur cette base.

 

Du point de vue de la recourante, la solution vient du fait que l'intimée a des buts économiques et une activité commerciale, ne répondant ainsi pas aux critères actuels d'exonération des impôts cantonaux et donc de la taxe professionnelle communale.

 

aa. Les principes généraux dégagés par la jurisprudence au sujet de l'interprétation des lois (ATF 125 II 238 consid. 5a p. 244 et les références citées) conduisent en l'espèce à attribuer davantage de sens aux termes mêmes de l'article 301 alinéa 2 lettre b LCP qu'à sa référence formelle à l'article 75 LCP. Ainsi, il convient d'admettre que certaines personnes morales continuent de bénéficier de l'exonération de la taxe professionnelle communale sur la base de l'article 301 alinéa 2 lettre b LCP, dans la mesure où la loi les exonère par ailleurs des impôts cantonaux et communaux, quant bien même cette dernière possibilité n'est plus prévue par la LCP elle-même. Cette interprétation de l'article 301 alinéa 2 lettre b LCP découle d'ailleurs aussi, implicitement, de l'argumentation de la recourante.

 

bb. Le contenu de l'article 75 alinéa 1 LCP a pour l'essentiel été repris à l'article 9 alinéa 1 LIPM, qui prévoit que certaines entités publiques ou privées sont exonérées des impôts, sauf en ce qui concerne l'impôt spécial sur les gains immobiliers (art. 9 al. 2 LIPM). L'article 18 alinéa 2 LBCGe prévoit que l'intimée est exonérée des impôts cantonaux et communaux sur le bénéfice et le capital, proportionnellement à la part du capital de la banque constitué sous forme d'actions nominatives (al. 2), et reprend ainsi, avec un ajustement, le contenu de l'article 75 alinéa 1 lettre e LCP. A cet égard, l'article 18 alinéa 2 LBCGe constitue une lex specialis par rapport aux autres cas d'exonération fiscale prévus par la LIPM.

 

Le renvoi de l'article 301 alinéa 2 lettre b LCP aux cas d'exonération des impôts cantonaux et communaux conserve donc sa cohérence.

 

Comme déjà mentionné, seul a complètement disparu des textes légaux le contenu de la lettre f de l'article 75 alinéa 1 LCP, qui mentionnait précisément la part dans laquelle l'intimée devait bénéficier de l'exonération de la taxe professionnelle communale.

 

cc. Il faut donc admettre que si l'intimée peut éventuellement continuer à bénéficier d'une telle exonération, c'est uniquement dans le cadre des articles 301 alinéa 2 lettre b LCP, 18 alinéa 2 LBCGe et 9 alinéa 1 lettre f LIPM.

 

Il sied de relever que les deux premières de ces dispositions posent des limites à la possibilité d'une part pour toute personne morale d'être exonérée de la taxe professionnelle communale et d'autre part pour l'intimée d'être exonérée des impôts cantonaux et communaux. Dans le premier cas, la limite est tracée entre activité commerciale et non commerciale. Dans le second, il s'agit de la part du capital de l'intimée détenue par les collectivités publiques et celle détenue par des personnes privées.

 

Comme le relève l'intimée, le législateur avait fait coïncider cette limite-ci avec celle que fixait l'article 75 alinéa 1 lettre f LCP dans sa teneur applicable entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.

 

Deux possibilités s'offrent dès lors pour expliquer l'articulation qui a existé durant cette période entre les articles 75 alinéa 1 lettre f LCP, 301 alinéa 2 lettre b LCP et 18 alinéa 2 LBCGe : soit la limite relative au capital privé et public de l'intimée correspondait à la notion d'activité commerciale et non commerciale d'une personne morale, soit ces deux limites ne correspondaient pas l'une à l'autre et la première devait alors être considérée comme une lex specialis qui dérogeait à la lex generalis de l'article 301 alinéa 2 lettre b LCP.

 

Dans ce dernier cas, cependant, la disparition de la base légale claire que constituait l'article 75 alinéa 1 lettre f LCP ne permettrait plus, pour la période litigieuse, de faire primer la condition d'exonération relative à la notion de capital public et privé sur celle relative à l'activité commerciale et non commerciale. En matière de taxe professionnelle communale, le critère d'exonération partielle fondé sur le capital de l'intimée n'a donc plus de portée propre depuis le 1er janvier 1995, contrairement à ce qu'a retenu la commission de recours. Il ne peut être appliqué qu'à la condition de pouvoir admettre que, pour la part de son capital détenue par les collectivités publiques, l'activité de l'intimée est non commerciale, ou encore qu'elle poursuit un but de service public ou d'utilité publique (art. 9 al. 1 let. f LIPM).

 

Or, comme le souligne une jurisprudence fédérale citée par la recourante, l'activité de l'ensemble des grandes banques cantonales a évolué au fil des années, pouvant être désormais assimilée à celle de toute banque universelle se concentrant de manière prioritaire sur la recherche du profit. Elles ne peuvent par conséquent plus se prévaloir de buts de service public ou d'utilité publique au sens de l'article 56 lettre g de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), quand bien même ce sont ceux que leur assigne le droit cantonal ou leurs statuts (ATF 127 II 113 consid. 8 p.120).

 

Outre cette considération générale, qui concerne en l'espèce l'intimée en tant que grande banque cantonale, les critères dégagés par cette jurisprudence pour démontrer que la Banque cantonale vaudoise (ci-après: BCV) n'accomplissait pas une tâche de service public au sens du droit fiscal fédéral, conduisent dans la présente affaire à la même conclusion pour ce qui concerne l'intimée, s'agissant du droit fiscal cantonal.

 

S'agissant de définir si la BCV pouvait être assimilée à un établissement de droit public cantonal, étant donné son statut - identique à celui de l'intimée - de société anonyme de droit public, le Tribunal fédéral s'est penché sur la question de la garantie offerte par l'Etat vaudois sur les dépôts, considérant qu'une telle garantie, de CHF 40'000.- par dépôt, ne suffisait pas pour admettre une telle assimilation (ATF précité, consid. 5b p. 117). En l'occurrence, le montant de la garantie accordée à l'intimée par l'Etat de Genève, soit de CHF 500'000.- par dépôt et de CHF 3'000'000.- par institution de prévoyance et pour les avoirs de libre passage d'un adhérant (art. 3 du règlement concernant la garantie accordée aux dépôts d'épargne auprès de la Banque cantonale de Genève, du 10 novembre 1993 - D 2 05.03), n'est pas le critère pertinent pour trancher la question litigieuse. En effet, l'article 301 alinéa 2 lettre e LCP prévoit que les services publics cantonaux ne sont pas assujettis à la taxe professionnelle communale. C'est donc la LCP elle-même qui écarte implicitement l'intimée du cercle des services publics cantonaux, puisque son ancien article 75 alinéa 1 lettre f ne prévoyait pas le même régime d'exonération complète que l'article 301 alinéa 2 lettre e.

 

En outre, le Tribunal fédéral considère qu'une personne morale poursuit des buts de pure utilité publique "lorsqu'elle fournit des prestations de manière désintéressée, dans l'intérêt général, en faveur d'un cercle en principe illimité de destinataires (cf. GRETER, op. cit., n. 28 ss ad art. 56 LIFD). Elle poursuit des buts de service public si elle accomplit des tâches étroitement liées aux tâches étatiques (cf. GRETER, op. cit., n. 35 ss ad art. 56 LIFD). Tel n'est notamment pas le cas, en règle générale, si elle vise principalement des buts lucratifs, quand bien même elle serait également au service de buts d'intérêt public. Une exonération, du moins partielle, demeure toutefois possible si elle est chargée de tâches d'intérêt public par un acte de droit public (par exemple une loi), si elle est soumise à une certaine surveillance de la collectivité publique et si ses fonds propres sont affectés par ses statuts de manière exclusive et irrévocable à ses buts d'intérêt public qu'elle réalise en outre effectivement" (ATF précité, consid. 6a pp. 118-119 et réf. cit.).

 

En l'espèce, l'intimée a pour but de contribuer au développement économique du canton et de la région (art. 2 al. 1 LBCGe). En tant que banque universelle, elle traite toutes les opérations autorisées par la loi fédérale sur les banques (art. 2 al. 2 LBCGe) et est gérée selon les principes éprouvés de l'économie et de l'éthique bancaires (art. 2 al. 3 LBCGe).

 

Le rôle de l'intimée dans le développement économique du canton peut certes être considéré comme d'utilité publique, mais, dans la mesure où elle offre les mêmes prestations que n'importe quelle autre banque et que les bases de son fonctionnement sont également dictées par la pratique valable pour les établissements privés, elle ne saurait accomplir le but qui lui est légalement assigné d'une manière qui la caractériserait malgré tout comme une société d'utilité publique.

 

L'intimée ne cherche d'ailleurs pas à démontrer, au-delà de la LBCGe ou de ses statuts, qu'elle poursuivrait concrètement des buts de service public ou d'utilité publique, ou qu'elle affecterait tout ou partie de ses produits à de tels buts.

 

La répartition publique et privée de l'actionnariat de l'intimée n'étant plus un critère spécifique d'exonération de la taxe professionnelle communale, et les conditions générales d'exonération des articles 301 alinéa 2 lettre b LCP et 9 alinéa 1 lettre f LIPM n'étant pas réunies, l'intimée ne pouvait donc prétendre pour l'année 1998 à une exonération partielle de cette taxe.

4. Le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et le bordereau de taxation du 26 octobre 1998 confirmé.

 

Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la Banque cantonale de Genève.

 

Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à la recourante, à charge de la Banque cantonale de Genève.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 18 novembre 2002 par la Ville de Genève contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 10 octobre 2002;

 

au fond :

 

l'admet;

 

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 10 octobre 2002;

 

confirme la décision de taxation de la Ville de Genève du 26 octobre 1998;

 

met à la charge de la Banque cantonale de Genève un émolument de CHF 2'000.-;

 

alloue à la Ville de Genève, à charge de la Banque cantonale de Genève, une indemnité de procédure de CHF 2'000.-;

communique le présent arrêt à Me Pietro Sansonetti, avocat de la recourante, à Me Serge Fasel, avocat de l'intimée et à la commission cantonale de recours en matière d'impôts.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci