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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1815/2022

ATA/1051/2022 du 18.10.2022 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1815/2022-FPUBL ATA/1051/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 octobre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Daniel Meyer, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1980, a exercé en qualité d’agent de détention du 1er janvier 2003 au 31 août 2006. Il était affecté à la prison de Champ-Dollon.

Son traitement initial avait été fixé en classe 12, annuité 0 de l’échelle de traitements.

2) Il a, en cours d’emploi, du 27 mars au 5 mai 2006, suivi au sein de cette prison une formation « GSCD », soit notamment sur l’usage des armes de service.

3) Le 29 mai 2006, M. A______ a démissionné de sa fonction d’agent de détention avec effet au 31 août 2006 afin de pouvoir accéder à la formation professionnelle de policier.

Son dernier traitement en tant qu’agent de détention était en classe 12, annuité 01.

4) Il a intégré, le 1er septembre 2006, l’école de formation de la police, pour une durée de 12 mois.

Dans ce cadre, en tant que stagiaire, il a perçu des indemnités fixées en classe 08, annuité 01.

5) M. A______ a été nommé à la fonction de gendarme le 1er septembre 2007, selon arrêté du Conseil d’État du 5 septembre 2007, remis en mains propres. Aucune voie de droit n’y figure.

Il a alors été mis au bénéfice de la classe 12, annuité 0.

6) À la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05), il a été promu, par décision du Conseiller d’État du 27 mars 2017, à la fonction de policier 1, en classe 14, annuité 6.

Cette décision mentionne la possibilité de l’attaquer devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) dans le délai de 30 jours.

7) À la suite de l’entrée en vigueur du protocole d’accord du 29 novembre 2017 entre le Conseiller d’État et les syndicats de police, M. A______, bien que maintenu dans sa fonction de policier 1, intégrant toutefois la brigade d’intervention, a bénéficié dès le 1er janvier 2018 de la classe 15. Toutefois, son salaire était transposé sur la base de son traitement de l’époque, soit pour 2018, la classe 14, annuité 7. Le traitement était bloqué jusqu’au moment où, par le jeu des annuités, son niveau salarial, fixé dans la classe de sa nouvelle fonction, dépasserait son traitement de l’époque. Il serait en classe 15 position 6 dès le 1er janvier 2019, selon courrier du Conseiller d’État du 20 décembre 2017.

Aucune voie de droit n’y figure.

8) Il a été nommé, par courrier du Conseiller d’État du 17 août 2018, dans la fonction de policier 2, grade caporal, au groupe d’intervention, avec un traitement en classe 16 position 05.

Aucune voie de droit ne figure sur ce document.

9) Par courrier du 17 janvier 2022 adressé au directeur des ressources humaines (ci-après : RH), M. A______ a demandé formellement, motivation à l’appui, que les annuités acquises dans sa fonction antérieure soient reconnues dans la détermination de son traitement. Il estimait avoir été injustement traité dans la fixation de ses annuités au moment de sa nomination en qualité de gendarme.

Il convenait de tenir compte de l’annuité acquise le 1er septembre 2007. Sa promotion comme gendarme constituait un nouvel engagement. Or, au terme de sa formation de douze mois, il n’avait bénéficié d’aucune augmentation extraordinaire de traitement. Il avait réintégré le même niveau de classe, soit la 12, et avait perdu le nombre d’annuités acquis comme gardien.

10) La direction des RH du département a, le 25 janvier 2022, accusé réception du courrier du 17 janvier 2022 précité, et indiqué qu’il reviendrait à M. A______ dans les meilleurs délais.

11) M. A______ l’a relancé le 1er mars 2022, puis par courrier du 14 mars 2022, valant en outre pour ses trois collègues.

12) Par courrier du 14 mars 2022, reçu le lendemain par le conseil de M. A______, la direction des RH a répondu au courrier du 17 janvier 2022.

La fixation du traitement des aspirants de police faisait l’objet d’un contrat à durée déterminée qui prévoyait un engagement en classe 8, annuité 01. Les conditions avaient changé depuis, mais lors de l’engagement de M. A______, à l’issue de l’année de formation et la réussite des examens pour le brevet fédéral de policier, la personne était engagée en tant que policier à titre d’épreuve, en classe 12 annuité zéro, avec un nouveau contrat à durée déterminée d’une année. En raison de la particularité de ces contrats à durée déterminée, M. A______ avait dû démissionner de sa fonction de gardien de prison avant d’être réengagé par la police. Cette règle était valable pour tous les nouveaux collaborateurs engagés en qualité d’aspirant, indifféremment de l’expérience professionnelle antérieure. Il n’était d’ailleurs pas rare que des collaborateurs ayant travaillé préalablement pendant plusieurs années dans un service administratif du corps de police soient engagée à ces mêmes conditions.

Les engagements de policiers déjà titulaires du brevet fédéral de policier et donc formés, différaient de ceux précités, dans la mesure où il pouvait être tenu compte de leur expérience antérieure en tant que policier, dans un autre canton par exemple. Ce personnel, déjà formé, était engagé directement dans la classe de fonction du policier, selon le niveau de grade considéré, avec les annuités correspondant à l’expérience en tant qu’agent de police.

S’il était exact que les gardes-frontières voyaient par le passé leurs années d’expérience antérieures à leur engagement pondérées à 50 %, ils étaient engagés directement dans la fonction de policier et, en cours d’emploi, suivaient quelques modules de formation à l’académie de Savatan. Cette passerelle n’était plus applicable depuis les changements intervenus dans le cursus de formation en 2020.

Il n’était donc pas possible de déroger aux règles et à la pratique en vigueur.

13) M. A______ a sollicité, le 29 mars 2022, la notification d’une décision formelle, susceptible de recours, concernant la problématique en cause, demande réitérée le 28 avril 2022.

14) Par courrier du 4 mai 2022, le département, se référant aux lettres des 29 mars et 28 avril 2022 précitées, a « confirm[é] qu’aucune décision ne devait être rendue par l’employeur, dans le cas d’espèce ».

Comme M. A______ contestait les conditions de la fixation de son traitement lors de son engagement en qualité de policier, il s’opposait donc à sa lettre d’engagement du 1er octobre 2016. Or, l’art. 2 let. d de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) précisait ne pas s’appliquer, en matière de fonction publique, aux procédures relatives à la création initiale des rapports de services. Par ailleurs, hormis cet acte d’engagement, d’autres actes administratifs, contenant les conditions salariales, avaient été rendus en faveur de M. A______ depuis son engagement. Aucun n’avait fait l’objet d’une contestation de sa part.

15) M. A______ a formé recours contre ce courrier par acte expédié le 2 juin 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Il a conclu à l’annulation de la « décision » rendue le 4 mai 2022 par le département, à ce qu’il soit dit et constaté que son traitement devait être calculé à compter du 1er septembre 2007 en classe 12, sur la base d'une annuité, à ce qu’il soit ordonné au département de rectifier son traitement en tenant compte de cette annuité comptabilisée au 1er septembre 2007, ainsi qu’à la condamnation de l’État à lui verser la différence entre le salaire effectivement perçu et celui calculé à compter du 1er septembre 2007 avec intérêts à 5 % l'an dès cette date, subsidiairement au renvoi de la cause au département pour calcul et rectification de son traitement.

Les règles de la LPA étaient applicables à sa situation puisque, selon la jurisprudence de la chambre administrative (ATA/660/2014 du 26 août 2014), la classification du fonctionnaire et la fixation de sa rémunération pour les tâches effectivement effectuées dès l’engagement n’étaient pas un litige relatif à une promotion, ni à la création initiale des rapports de travail. En conséquence, le département devait rendre une décision susceptible de recours.

La réponse du département du 29 mars 2022 [recte : 4 mai] n’était certes pas intitulée « décision » et n’indiquait pas les voies de recours, ce qui n’empêchait toutefois pas qu’elle soit considérée comme telle, dès lors qu’elle comportait une détermination sur sa demande, soit la question des annuités. Par surabondance, l’acte par lequel une administration se prononçait sur des prétentions salariales d’un employé en relation avec la classification d’une fonction répondait à la notion de décision.

Son recours était donc recevable.

La non-reconnaissance de l’expérience antérieure acquise comme agent de détention consacrait une violation des art. 17 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15) et 3 al. 2 du règlement d’application du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01). Il ne contestait pas qu’au moment de son engagement, il ne pouvait se prévaloir de la formation, complète, de policier. Il aurait à tout le moins dû se voir reconnaître l’expérience utile au poste, y compris sa formation « GSCD », ce qui aurait permis de conserver ses annuités. Cette reconnaissance aurait été d’autant plus justifiée que durant les douze mois de formation à l’école de police, il avait subi une diminution de son traitement de quatre classes.

En outre, sa situation, comparée notamment à celle des gardes-frontières, dont les années d’expérience antérieures à leur engagement étaient pondérées à 50 %, violait le principe de l’égalité de traitement. Il n’existait aucun motif suffisant qui permettrait de favoriser ces derniers par rapport aux agents de détention. Leur formation n’était pas comparable à celle de policier, preuve en étant qu’ils étaient non seulement astreints à la formation de policier, mais aussi à se soumettre aux examens finaux du brevet fédéral de policier, à l’instar de n’importe quel autre aspirant de police.

Ne pas lui reconnaître ses annuités revenait à le sanctionner doublement pour avoir, d’une part, dû démissionner de sa fonction d’agent de détention afin de pouvoir accéder à la formation de policier, dans laquelle il avait été rétribué dans une classe moindre et d’autre part, une fois engagé en tant que policier, ne pas pouvoir récupérer ses annuités. En conséquence, la non-reconnaissance de l’expérience acquise antérieurement comme agent de détention était constitutive d’une inégalité de traitement également par rapport à la situation d’autres aspirants policiers.

Cette non-reconnaissance de l’expérience acquise violait en outre le principe de la proportionnalité, dès lors que l’atteinte à ses intérêts, soit à sa rémunération, ne pouvait être justifiée par un intérêt public supérieur.

S’il avait postulé pour la fonction qu’il occupait actuellement sans avoir travaillé précédemment auprès de l’État de Genève, son traitement aurait été à tout le moins identique « dès lors qu’il aurait pu faire valoir ses années d’expérience professionnelle ».

Le raisonnement serait le même si l’on devait considérer que l’engagement à la fonction de gendarme constituait une promotion au sens des art. 13 LTrait et 8 al. 4 let. c RTrait. Alors que son traitement se trouvait en classe 12, annuité 01 lorsqu’il occupait le poste d’agent de détention, il avait non seulement stagné dans sa classe de traitement antérieure, mais en plus s’était vu supprimer l'annuité acquise, alors qu’il aurait dû bénéficier des deux dispositions précitées.

Ce n’était qu’à compter de 2020, face aux conditions d’engagement et de traitement du corps des gardes-frontières, qu’il avait tenté de faire valoir les annuités acquises dans sa précédente fonction. Il avait donc agi dans un délai raisonnable dès le moment où il avait été confronté à la situation des anciens gardes-frontière.

16) Le département a conclu le 5 août 2022 principalement à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à ce qu’un délai lui soit octroyé pour déposer des observations sur le fond si la chambre administrative devait considérer le recours recevable, ainsi qu’au déboutement de M. A______.

Ce dernier contestait son traitement tel qu’il résultait de la lettre d’engagement du 30 septembre 2016 (recte : 5 septembre 2007). Il était alors soumis à l’ancienne loi sur la police, en vigueur jusqu’au 30 avril 2016 (aLPol - F 1 05) et à son règlement l’application (aRPol - F 1 05.01). Sa lettre d’engagement du 1er septembre 2007, en tant qu’elle fixait son traitement en classe 12, annuité 0, constituait bien une décision au sens de l’art. 4 LPA, et avait, depuis la fin du mois de septembre 2007, été exécutée mensuellement, le traitement de M. A______ connaissant par ailleurs l’octroi des annuités. Ce dernier ne pouvait dès lors ignorer ni l’existence, ni la nature de la décision du 1er septembre 2007. En cas de désaccord avec celle-ci, il lui appartenait de la contester dans un délai de trente jours ou, à tout le moins, de réagir auprès son employeur dans un délai raisonnable, ce qu’il n’avait manifestement pas fait. Ce n’était qu’au mois de décembre 2021, soit plus de quatorze ans plus tard, qu’il avait fait savoir à la direction des ressources humaines de la police qu’il n’était pas d’accord avec le traitement fixé lors de son engagement, ce qui n’était pas conforme au principe de la bonne foi.

En conséquence, la décision du 1er septembre 2007 était entrée en force et, partant, le recours interjeté le 2 juin 2022 était tardif.

À titre superfétatoire, il était rappelé que les agents de détention étaient soumis à la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 (LOPP - F 1 50) et à son règlement du 22 février 2017 (ROPP - F 1 50.01), alors que les aspirants policiers l’étaient à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à son règlement d’application du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01). En conséquence, il était nécessaire qu’un agent de détention démissionne pour devenir policier. Pour ces raisons, l’aspirant de police, outre le fait qu’il était au bénéfice d’un contrat de stagiaire durée maximale limitée, ne pouvait être promu en qualité de policier. Un nouvel engagement était indispensable. C’était donc à tort que M. A______ considérait avoir été promu lorsqu’il était devenu policier, alors qu’il était auparavant aspirant.

Enfin, c’était en vain qu’il comparait sa situation à celle de policiers provenant d’autres cantons ou de la police des transports, dès lors que ceux-ci étaient déjà titulaires du brevet fédéral de policier lorsqu’ils étaient engagés par l’État. Les spécialistes en douane et sécurité des frontières, jusqu’au changement intervenu dans leur cursus de formation, en 2020, pouvaient être directement engagés en tant que policiers, sans avoir effectué l’école de police. Une passerelle existait entre les deux fonctions, de sorte qu’ils devaient uniquement suivre quelques modules de formation en cours d’emploi. C’était la raison pour laquelle les années d’expérience acquises antérieurement à leur engagement en tant que policier étaient pondérées à 50 %. Ces situations étaient en conséquence dissemblables de celle des agents de détention souhaitant devenir policier, de sorte que c’était à tort que M. A______ se prévalait d’une inégalité de traitement.

17) Dans sa réplique, M. A______ a ajouté s’être renseigné auprès de ses collègues dans le courant de l’année 2021, à la suite du changement intervenu dans le cursus de formation des spécialistes en douane et sécurité des frontières aspirant à la fonction de policier. C’était à cette occasion qu’il avait appris la pondération à 50 % de leurs annuités et le fait que les policiers venant d’autres cantons et nouvellement engagés en conservaient l’entier. Il versait à la procédure les conditions de traitement d’un collègue, ancien garde-frontières, qui avait rejoint les rangs de la police en 2020 après avoir dû suivre, tout comme lui, l’intégralité du processus de recrutement.

Le département, en soutenant que son recours était tardif, évitait de devoir trancher la question de la reconnaissance des annuités dans la détermination du traitement. Ceci était d’autant plus choquant qu’il ne contestait pas son traitement, mais uniquement l’attribution insuffisante des annuités. Plus grave, ce refus d’entrer en matière interdisait toute possibilité de revoir une décision prise près de six ans plus tôt, alors que des éléments de fait portés à sa connaissance en 2021 lui permettaient d’apprécier différemment la situation. Ledit refus s’appréciait comme un refus de statuer contraire à l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et devait être considéré comme une décision, attaquable, puisqu’il comportait en fin de compte la détermination du département, à savoir son refus de trancher la problématique de la reconnaissance des annuités.

Il avait agi avec diligence et célérité dès qu’il avait appris la différence de traitement qui lui avait été réservée par rapport à d’autres collègues en situation similaire. Il devait être admis que le délai écoulé entre le moment où il avait eu obtenu cette information et le dépôt de son recours était raisonnable.

En application du principe de la bonne foi, le département était tenu, au moment de son engagement, de l’informer de la possibilité de contester les conditions de son traitement afin de pouvoir récupérer ses annuités.

Selon ses informations, non seulement les aspirants policiers en provenance du corps des gardes-frontière devaient suivre l’entier du programme de formation professionnelle de policier et subir les examens du brevet fédéral de policier, cela sans assouplissement quelconque, mais encore étaient engagés en qualité de stagiaire pour une durée maximale de 12 mois, comme cela avait été son cas, colloquée en classe 8, nombre d’annuités 01, sans prime liée aux inconvénients de service, heures de nuit et/ou autre prime lors de l’année de formation. Leur situation était donc parfaitement semblable à celle des agents de détention souhaitant devenir policier.

Il a produit une lettre d’engagement du département (anciennement département de la sécurité), en qualité d’aspirant, à l’école de police, signée le 20 décembre 2018 par Monsieur B______, censé intégrer la formation le 1er avril 2019. Le montant de l’indemnité est fixé en classe 08, annuité 01. Il y est encore mentionné que pour exercer la fonction de policier, il était indispensable d’avoir suivi avec succès une école de police, le cas échéant l'Académie de police de Savatan, et obtenu le brevet fédéral de policier (BFP).

Concernant encore M. B______, il a produit sa lettre d’engagement du 23 mars 2021 dans la fonction de policier 1 à titre d’épreuve, au grade de gendarme, en classe 15, annuité 02.

18) Les parties ont été informées le 13 septembre 2022 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre administrative examine d'office sa compétence (art. 1 al. 2, art. 6 al. 1 let. b et art. 11 al. 2 LPA). Elle est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative. Les compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales sont réservées (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Se pose la question de savoir si le courrier du département du 4 mai 2022 constitue une décision au sens de l'art. 4 LPA à l'encontre de laquelle le recours à la chambre de céans est ouvert.

a. Aux termes de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Les décisions incidentes sont également considérées comme des décisions (art. 4 al. 2 LPA).

Une décision est un acte de souveraineté individuel adressé au particulier, par lequel un rapport de droit administratif concret, formant ou constatant une situation juridique, est réglé de manière obligatoire et contraignante (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 330 ss ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 315 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 279 ss n. 783 ss).

La notion de décision, retenue en droit genevois, est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021). Selon celui-ci, la notion de décision implique un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré. En revanche, de simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations ou des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant. Ne sont pas non plus des décisions les actes internes ou d'organisation qui visent les situations à l'intérieur de l'administration ; il peut y avoir des effets juridiques, mais ce n'en est pas l'objet. C'est pourquoi ils ne sont en règle ordinaire pas susceptibles de recours (arrêts du Tribunal fédéral 8C_220/2011 du 2 mars 2012 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 179 ss n. 2.1.2.1 ss et p. 245 n. 2.2.3.3 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 279 ss n. 783 ss ).

b. Une décision tend à modifier une situation juridique préexistante. Il ne suffit pas que l’acte querellé ait des effets juridiques, encore faut-il que celui-ci vise des effets juridiques. Sa caractéristique en tant qu’acte juridique unilatéral tend à modifier la situation juridique de l’administré par la volonté de l’autorité, mais sur la base de et conformément à la loi (ATA/1657/2019 du 12 novembre 2019 consid. 2c et les références citées).

Pour qu’un acte administratif puisse être qualifié de décision, il doit revêtir un caractère obligatoire pour les administrés en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Ce n’est pas la forme de l’acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/775/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3a ; ATA/1672/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3b).

Les décisions doivent en principe être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Elles sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit (art. 46 al. 2 phr. 1 LPA).

Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

Ce n'est pas la forme de l'acte qui est déterminante, mais son contenu et ses effets (ATA/775/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3a).

3) En l’espèce, le courrier attaqué du 4 mai 2022 confirme simplement au recourant la position de son employeur, à la suite de ses diverses demandes, selon laquelle aucune décision ne devait être rendue, dans la mesure où les conditions de la fixation du traitement lors d’un engagement en qualité de policier concerneraient une procédure relative à la création initiale des rapports de services, de sorte que la LPA ne serait pas applicable en vertu de son art. 2 let. d LPA. Ce courrier fait encore référence à la jurisprudence retenant que de simples déclarations de l’autorité, recommandations ou renseignements n’entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant.

Il n’apparaît pas que ce courrier tende à modifier la situation juridique du recourant, présente un caractère obligatoire pour lui en créant ou constatant un rapport juridique concret de manière contraignante. Aussi, il ne saurait être qualifié de décision, de sorte que le recours est irrecevable.

En réalité, le recourant cherche, par l’obtention d’une nouvelle décision, à remettre en cause les conditions de sa nomination du 1er septembre 2007.

4) a. D’après un principe général du droit, déduit de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) protégeant la bonne foi du citoyen et concrétisé en droit genevois par l’art. 47 LPA, le défaut d’indication ou l’indication incomplète ou inexacte des voies de droit ne doit en principe entraîner aucun préjudice pour les parties (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2 ; 117 Ia 297 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_471/2019 du 11 février 2020 consid. 3.1). Demeure toutefois réservée l’obligation, pour l’administré, d’agir de manière conforme aux règles de la bonne foi (ATF 138 I 49 consid. 8.3.2). Ainsi, lorsque l’indication des voies de droit fait défaut, il est attendu du justiciable qu’il fasse preuve de diligence en recherchant lui-même les informations nécessaires. Le destinataire d’une décision administrative, reconnaissable comme telle, mais ne contenant pas la mention des voies et des délais de recours, doit entreprendre dans un délai raisonnable les démarches voulues pour sauvegarder ses droits, notamment se renseigner auprès d’un avocat ou de l’autorité qui a statué sur les moyens d’attaquer cette décision et, après avoir obtenu les renseignements nécessaires, agir en temps utile (arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 du 4 juin 2020 consid. 4.3).

b. De manière générale, la jurisprudence reconnaît à l'administration une grande latitude pour s'organiser et un large pouvoir d'appréciation. Celle-ci dispose ainsi d'une très grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu'elle entretient avec ses agents (arrêt du Tribunal fédéral 2P.46/2006 du 7 juin 2006 consid. 3.1 ; François BELLANGER, Contentieux communal genevois, in L'avenir juridique des communes, 2007, p. 149). Ainsi, l'administration doit bénéficier de la plus grande liberté d'appréciation pour fixer son organisation et créer, modifier ou supprimer des relations de service nécessaires à son bon fonctionnement, questions relevant de l'opportunité et échappant par conséquent au contrôle de la chambre administrative. Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas que l'autorité est libre d'agir comme bon lui semble. Elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l'égalité de traitement, la proportionnalité et l'interdiction de l'arbitraire (ATA/1411/2019 précité).

L'exercice d'un contrôle judiciaire dans ce cadre-là garde tout son sens, même si le juge administratif doit alors observer une très grande retenue dans l'examen de la manière dont l'administration a exercé ses prérogatives. Le juge doit ainsi contrôler que les dispositions prises demeurent dans les limites du pouvoir d'appréciation de l'autorité et qu'elles apparaissent comme soutenables au regard des prestations et du comportement du fonctionnaire ainsi que des circonstances personnelles et des exigences du service (ATF 120 Ib 134 consid. 2a ; ATA/1411/2019 précité).

5) a. Selon l'art. 2 let. d LPA, les règles de procédure contenues dans la LPA ne sont pas applicables, en matière de fonction publique, aux procédures relatives à la création initiale des rapports de service et aux promotions.

Selon les travaux préparatoires de la LPA, l'exception de l'art. 2 let. d LPA résulte de la nature particulière de la procédure en cause (MGC 1984 I 1531). Il s'agit de situations dans lesquelles, compte tenu de la particularité des actes en cause, il se justifie de ne pas rendre applicable la réglementation générale de procédure (MGC 1985 III 4377).

b. La chambre de céans a retenu dans l’ATA/660/2014 du 26 août 2014 que la classification du fonctionnaire et la fixation de la rémunération pour les tâches effectuées dès l’engagement n’était pas un litige relatif à une promotion, ni à la création initiale des rapports de travail. Partant, les règles de procédure prévues par la LPA restaient applicables. Il s’agissait dans le cas en cause d’une recourante réclamant une classification supérieure de sa fonction et, par conséquent, une juste rémunération pour les tâches qu'elle avait effectivement exercées dès son engagement.

c. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, sauf lorsque la loi prévoit un système de promotion automatique, le fonctionnaire qui n'est pas promu au poste convoité ne dispose pas de voie de droit, faute d'applicabilité de la LPA (ATA/533/2011 du 30 août 2011 ; ATA/1221/2021 du 16 novembre 2021 et les références citées).

À l’inverse, la chambre de céans a déclaré irrecevable un recours formé contre le refus de promouvoir un policier à un poste de sergent-major opérationnel, faute de décision attaquable (ATA/1283/2019 du 27 août 2019).

d. La compatibilité de l’art. 2 let. d LPA avec l'art. 29a Cst. est discutée en doctrine (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 51 ad art. 2). L'arrêt cité par ces auteurs à l'appui de leur critique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_169/2009 du 28 juillet 2009) n'examine toutefois pas la question de la constitutionnalité de l'art. 2 let. d LPA ni ne qualifie le refus de promotion de décision susceptible de recours. Dans la cause en question, le litige portait sur le refus d'une « promotion dite de carrière », consistant « à passer d'une classe de traitement inférieure à une classe supérieure, dans une même filière d'activité professionnelle ». Plus particulièrement, l'employeur public avait décidé d'exclure « des mesures de fin d'année » les cadres de plus de 60 ans affiliés dans une catégorie spécifique, et ceux de 55 ans et plus, affiliés dans une autre catégorie. Cette mesure s'inscrivait dans un contexte où les fonctionnaires progressaient, en règle ordinaire, dans les limites des classes de traitement correspondant à leur fonction, à des intervalles de quatre ans au minimum.

6) À Genève, les promotions d'une fonction à une autre fonction de rang supérieur sont régies par l'art. 13 LTrait qui prévoit que les promotions, soit les mutations à une nouvelle fonction de classe supérieure à celle exercée jusqu'alors, se font compte tenu des exigences de la nouvelle fonction et de son rang hiérarchique, et selon le RTrait.

À teneur de l'art. 8 RTrait, la promotion d'un titulaire à un nouveau poste est faite à titre d'essai pour une période de 12 à 24 mois (al. 1). À la fin de cette période, le titulaire est confirmé dans son nouveau poste et son traitement est situé dans la classe de la fonction (al. 2). Au cours de cette période, chaque partie peut renoncer à cette nouvelle affectation. Dans ce cas, le titulaire est transféré dans une fonction compatible avec ses aptitudes et son traitement est fixé selon la classe correspondant à son nouvel emploi. Le titulaire conserve toutefois le salaire acquis avant l'affectation au poste supérieur, sous réserve des dispositions figurant à l'art. 9 RTrait (al. 3). La promotion donne lieu immédiatement à l'octroi d'une augmentation extraordinaire de traitement qui correspond à une triple annuité et un coulissement dans la nouvelle classe ou dans la classe la plus proche lorsque la nouvelle fonction est située trois classes et plus au-dessus de la fonction antérieure (al. 4 let. a).

Selon l’art. 7 RTrait dont l’intitulé est « Changement de fonction sans promotion », si le titulaire est nommé dans une fonction située dans une classe de traitement identique à celle qu’il occupe, son traitement ne subit pas de modification.

7) Aux termes de l'art. 30 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05), intitulé « conditions d'admission », le département fixe les conditions d’entrée dans la police.

À l’issue de l’école de police, les policiers sont engagés par le Conseil d’État pour deux ans à titre d’épreuve ; durant cette période, ils sont soumis à des évaluations (art. 24 al. 1 du règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 - RGPPol - F 1 05.07). Au terme de la période probatoire de deux ans, celle-ci peut être prolongée d’au maximum un an (art. 24 al. 2 RGPPol). Si la nomination n’est pas demandée au terme de la période probatoire, l’engagement prend fin d’office (art. 24 al. 3 RGPPol).

8) En l’occurrence, compte tenu du texte de l’art. 2 let. d LPA et de la jurisprudence de la chambre de céans précitée, il apparaît que la lettre de nomination du recourant du 1er septembre 2007 n’entrait pas dans la notion de « création initiale des rapports de service ». En tant qu’elle fixait la fonction du recourant, comme gendarme, la classe de traitement et l’annuité, elle constituait une décision attaquable au sens de l’art. 4 LPA.

Tel était au demeurant également le cas, sous l’angle de la deuxième notion englobée par l’art. 2 let. d LPA, de la « promotion », des actes du département des 20 décembre 2017, le nommant à la fonction de policier 1, avec intégration au groupe d’intervention dès le 1er janvier 2018, en classe 15, mais avec un traitement transposé à la classe 14 annuité 7 pour 2018 et classe 15 position 6 dès le 1er janvier 2019, et du 17 août 2018, le nommant à la fonction de policier 2, grade caporal, au groupe d’intervention, en classe 16 position 5, soit autant de promotions automatiques et des mesures individuelles qui visaient directement le recourant. Ces actes ne sont au demeurant pas différents de celui du conseiller d’État du 27 mars 2017, qui a promu le recourant à la fonction de policier 1, avec des précisions sur son traitement tant pour 2018 que 2019, intitulée à juste titre décision et comportant les voies de droit.

Il s’agissait donc dans tous ces cas de décisions au sens de l’art. 4 LPA, également attaquables devant la chambre de céans dans un délai de 30 jours dès notification.

Quand bien même ces actes, à l’exception de la décision du 27 mars 2017, n’indiquaient nullement cette possibilité de recours, le recourant pouvait, en faisant preuve de diligence en recherchant lui-même les informations nécessaires, étant relevé que sa formation de policier l’a familiarisé avec la pratique du droit, entreprendre dans un délai raisonnable les démarches voulues pour sauvegarder ses droits, notamment se renseigner auprès d’un avocat ou de l’autorité qui avait statué. Il s’en est abstenu. Il n’a ainsi et en particulier nullement attaqué dans le délai utile la décision du 1er septembre 2007, qui est celle qui a fixé le traitement, mais également l’annuité dont il espère près de quatorze ans plus tard obtenir la correction. Il est toutefois forclos à le faire.

Pour cette raison encore, son recours est irrecevable en tant qu’il aurait visé l’une et ou l’autre des décisions précitées rendues depuis sa nomination à la fonction de gendarme.

9) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe, et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA)

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 2 juin 2022 par Monsieur A______ contre contre le courrier du département de la sécurité, de la population et de la santé - police du 4 mai 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Daniel Meyer, avocat du recourant ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory,
Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :