Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2706/2015

ATA/920/2015 du 09.09.2015 sur JTAPI/980/2015 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2706/2015-MC ATA/920/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 septembre 2015

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Marc Bonnant, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 août 2015 (JTAPI/980/2015)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1993, a déposé une demande d’asile en Suisse le 22 août 2012, alléguant être ressortissant gambien. Le
22 novembre 2013, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) n’est pas entré en matière sur cette demande et a prononcé le renvoi de Suisse de l’intéressé, chargeant le canton de Genève de l’exécution de cette décision qui n’a pas fait l’objet de recours.

2) Dans le cadre des démarches des autorités suisses en vue d’obtenir un laissez-passer pour M. A______, ce dernier n’a pas été reconnu comme ressortissant gambien par les autorités gambiennes. Il a en revanche été reconnu comme ressortissant du Sénégal lors d’une audition centralisée du 27 au 30 avril 2015 par une délégation sénégalaise.

3) Lors de deux auditions à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), les 18 mai et 1er juin 2015, M. A______ a persisté à se prétendre gambien et à ne rien vouloir entreprendre pour organiser son départ pour le Sénégal, pays dans lequel il ne voulait pas se rendre.

4) Le 22 juin 2015, l’officier de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de soixante jours, en vue de l’exécution de son renvoi. La réservation d’un vol à destination du Sénégal était en cours et il existait des indices concrets que l’intéressé veuille se soustraire à cette mesure, vu son absence de collaboration et son refus de se rendre au Sénégal.

5) Par jugement du 25 juin 2015, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de soixante jours, soit jusqu’au 21 août 2015.

6) Le 16 juillet 2015, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté par M. A______, contre le jugement susmentionné (ATA/739/2015).

Le recourant faisait l’objet d’une décision fédérale de renvoi exécutoire. Il n’avait entrepris aucune démarche pour organiser son départ, affirmant au contraire ne pas vouloir se rendre au Sénégal - dont il contestait être ressortissant nonobstant une reconnaissance formelle par les autorités sénégalaises - ni en Gambie dont il se prétendait citoyen sans avoir rien entrepris pour le démontrer. Les conditions d’application des art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) étaient remplies.

7) Le 31 juillet 2015, M. A______ a saisi la chambre administrative d’une demande de révision de l’ATA/739/2015 susmentionné, en raison de nouveaux éléments de preuve, à savoir un document en anglais, qu’il avait récemment obtenu de la part de ses proches résidant en Gambie, intitulé « Birth in Gambia in the year 20 1993 » qui attesterait de sa nationalité gambienne. Il concluait à l’annulation de l’ATA/739/2015, au constat de sa nationalité gambienne et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à une assignation à résidence jusqu’à son renvoi de Suisse.

8) Le 10 août 2015, la chambre administrative a déclaré irrecevable la demande de révision (ATA/804/2015).

Le document présenté, à supposer qu’il soit bien un acte de naissance, car présenté sans traduction dans la langue de la procédure, ne répondait pas aux critères posés par l’art. 80 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) pour être qualifié de moyen de preuve nouveau. L'intéressé demandeur n'avait pas démontré qu’il ne pouvait pas se procurer et produire ce document dans la procédure précédente. Ledit document n'était pas propre à prouver qu'il était de nationalité gambienne ni à écarter sa reconnaissance comme ressortissant sénégalais par les autorités compétentes du Sénégal, étant par ailleurs relevé que la chambre de céans n’était saisie que du contrôle de la détention administrative en vue du renvoi et non de la procédure relative aux conditions d’admission en Suisse de M. A______.

9) En date du 11 août 2015, l'OCPM a sollicité auprès du TAPI la prolongation de la détention administrative de M. A______, pour une durée de deux mois, jusqu'au 21 octobre 2015.

Le 28 juillet 2015, les autorités sénégalaises avaient délivré un sauf-conduit en faveur de M. A______ pour se rendre au Sénégal via le Maroc. Une place avait été réservée pour ce dernier sur un vol Genève-Casablanca-Dakar prévu le 23 août 2015.

10) Le 18 août 2015, le TAPI a procédé à l'audition de M. A______, lequel a déclaré être d'accord d'être renvoyé en Gambie mais ne voulait pas être renvoyé au Sénégal car ce n'était pas son pays. Il n'avait pas d'autre document pour prouver son identité que celui déjà produit devant la chambre administrative. À ce jour, il n'avait pas demandé la reconsidération de la décision de renvoi de Suisse, voulant d'abord faire reconnaître sa nationalité gambienne. Il avait entrepris des démarches pour être reçu au consulat de Gambie en Suisse. Il devait être remis en liberté, subsidiairement, assigné à résidence.

Le représentant de l'OCPM a indiqué que le document présenté par M. A______ ne possédait pas de force probante, faute d'avoir été authentifié. Il était au courant des démarches entreprises par l'intéressé auprès des autorités gambiennes. Compte tenu de la décision en force du SEM, l'exécution de renvoi suivait son cours. Si l'intéressé entendait s'y opposer, il lui appartenait avant toute chose de saisir cette autorité d'une demande de mesures provisionnelles voire superprovisionnelles urgentes pour surseoir éventuellement à l'exécution du renvoi.

Un témoin genevois a été entendu à la demande de M. A______. Il a confirmé que celui-ci avait toujours dit être gambien et il ne doutait pas qu'il le soit. Il était prêt à l'accueillir chez lui s'il était remis en liberté.

11) Par jugement du 19 août 2015, transmis aux parties par télécopie le jour même et communiqué le 21 août 2015, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______.

Les circonstances ayant conduit le TAPI puis la chambre administrative à retenir que la détention administrative était justifiée perduraient. En particulier, le document présenté comme acte de naissance n'était pas authentifié et ne permettait pas de conclure à lui seul à ce que son détenteur était ressortissant du pays l'ayant délivré. Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi avaient été entreprises et un vol était prévu pour ce faire le 23 août 2015. Le principe de célérité était ainsi respecté. La mesure était proportionnée, l'intéressé refusant d'être renvoyé dans le seul pays qui l'avait reconnu et avait délivré un titre de voyage. Le renvoi n'était pas impossible pour des motifs juridiques ou techniques, étant précisé que la décision en matière d'asile et de renvoi ne pouvait être réexaminée par le TAPI.

12) Le 23 août 2013, M. A______ avait refusé de monter dans l'avion à destination du Sénégal.

13) Le 31 août 2015, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement susmentionné, concluant à l'annulation de celui-ci et à ce qu'il soit mis en liberté immédiatement, cas échéant assigné à résidence.

Le 21 août 2015, il avait été acheminé au consulat gambien à Zurich, où il avait été auditionné. À la suite de cela, le consul avait confirmé qu'il était ressortissant gambien. Il ne comptait pas s'opposer à son renvoi s'il était possible de rentrer en Gambie. Il ne comprenait pas sa mise en détention, ne s'étant jamais soustrait aux convocations des autorités et ayant des attaches à Genève par le biais de son club de football. Il avait fait le nécessaire pour prouver sa nationalité gambienne. Sa détention était disproportionnée.

Il a produit un document en anglais et non authentifié, émanant du consul de Gambie, intitulé « Nationality confirmation », valable 30 jours, selon lequel « The Conuslate (sic) of the Republic of The Gambia in Zürich, Switzerland is confirming that Mr. A______ born on the ______, 1993, in Nema Wasulung is a Gambian citizen ». Ce document, daté du 25 août 2015, avait aussi été communiqué à l'OCPM.

14) Le 2 septembre 2015, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

15) Le 7 septembre 2015, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Le 1er septembre 2015, le consul de Gambie avait annulé et invalidé sa confirmation du 25 août 2015. Le consul avait appris depuis lors que la délégation des autorités gambiennes ne l'avait pas reconnu comme ressortissant gambien. Un nouveau vol à destination du Sénégal, pays qui l'avait reconnu, était en cours d'organisation. Le maintien en détention était nécessaire et adéquat, vu l'opposition de l'intéressé à son renvoi dans ce pays.

16) Le 8 septembre 2015, M. A______ a persisté dans son recours après avoir pris connaissance des observations de l'OCPM. Il était choqué par l'annulation de la confirmation de sa nationalité. Il avait expliqué de manière claire au consul qu’il avait été reconnu à tort comme sénégalais et non comme gambien par les délégations concernées. Il avait obtenu confirmation de sa nationalité gambienne sur présentation de son certificat de naissance et avait fait une demande de passeport d'urgence. L'explication donnée par le consul pour invalider cette confirmation était incompréhensible, car il avait informé le consulat des auditions centralisées et de leur issue.

17) Sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté le 31 août 2015 contre le jugement du TAPI prononcé le 19 août 2015 et communiqué aux parties le 21 août 2015, le recours l'a été en temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 62 al. 1 let. b LPA.

2) Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 31 août 2015 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4) Le recourant conteste la légalité de son maintien en détention.

Cette mesure, prise en vue d’exécuter le renvoi, est notamment fondée sur le risque de fuite que le recourant présente, qui conduirait à ce qu’il se soustraie à son renvoi s’il était remis en liberté (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr). La légalité de la détention a déjà été examinée par la chambre de céans dans son arrêt du 16 juillet 2015 (ATA/739/2015). Aucun élément nouveau ne permet de revenir sur les considérations de la chambre de céans. Le risque de fuite se fonde notamment sur le refus réitéré du recourant d'être renvoyé au Sénégal et s'est accru depuis en raison de son refus de monter à bord de l'avion à destination de Dakar.

5) Les documents produits par le recourant en vue de démontrer qu'il est ressortissant gambiens sont inopérants à remettre en cause l'appréciation susmentionnée. Comme déjà relevé par la chambre de céans dans son arrêt du 10 août 2015 (ATA/804/2015), le document intitulé « Birth in Gambia », supposé authentique, n'est pas un document propre à établir la nationalité gambienne de l'intéressé. Quant au document intitulé « Nationality confirmation », il a été invalidé par son auteur et ni les circonstances dans lesquelles il a été établi ni celles qui ont amené à son annulation ne sont établies, étant relevé que les pièces produites à cet égard par les parties sont en anglais, sans traduction même libre dans la langue de la procédure. En l'état, force est de constater que le recourant a été reconnu comme ressortissant sénégalais et que les autorités en charge de l'exécution du renvoi disposent d'un sauf-conduit à son nom délivré par les autorités sénégalaises permettant d'organiser son voyage à destination de Dakar. Il n'a en revanche pas été reconnu par la délégation gambienne et ne dispose pas de titre de voyage gambien. C'est le lieu de rappeler que les autorités judiciaires chargées de contrôler la légalité et l'adéquation de la détention administrative n'ont pas compétence de revoir les décisions du SEM en matière d'asile et de renvoi. Il appartient au recourant, s'il s'y estime fondé, d'adresser au SEM les éléments probants à l'appui de sa revendication de la nationalité gambienne, cette autorité étant seule à même de reconsidérer sa décision le concernant.

6) L'organisation du renvoi du recourant à destination du Sénégal est en cours, de sorte que le principe de célérité est respecté. La détention est la seule mesure permettant de s'assurer de la présence de l'intéressé le jour prévu pour son départ et la durée de la détention, comme l'a relevé le TAPI, respecte le principe de la proportionnalité.

7) Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2015 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 août 2015 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il ne sera pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin  2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Bonnant, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au secrétariat d'État aux migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : Mme Junod, présidente, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :