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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2703/2013

ATA/852/2015 du 25.08.2015 ( FPUBL ) , ADMIS

Descripteurs : PROTECTION DE LA PERSONNALITÉ
Normes : LIP.120B ; aRPPers.1.al1 ; aRPPers.4.al1 ; aRPPers.5.al3 ; aRPPers.11.al1 ; aRPPers.11.al4 ; aRPPers.11.al6 ; aRPPers.11.al6 ; aRPPers.14 ; aRPPers.16.al1 ; aRPPers.21 ; RPPers.34
Résumé : Atteinte au droit de la personnalité d'un enseignant. Renvoi au groupe de confiance afin que ce dernier tente une médiation ou fasse usage de tout autre moyen de droit prévu par la loi, afin de déterminer s'il y a eu une atteinte à la personnalité du fonctionnaire de l'instruction publique.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2703/2013-FPUBL ATA/852/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 août 2015

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Laura SANTONINO, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ est enseignant de musique au département de l'instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP) depuis le 1er septembre 2003.

2) Pour l'année scolaire 2009-2010, l'enseignement de M. A______ a été réparti entre le CEC Nicolas-Bouvier (treize heures), le collège Voltaire (neuf heures) et le collège Sismondi (0.75 heures).

3) En 2010, M. A______ a subi la perte d'un demi-poste d'enseignement au CEC Nicolas-Bouvier en raison de la fermeture de la filière gymnasiale dans cet établissement, raison pour laquelle pour l'année scolaire 2010-2011, neuf heures lui ont été attribuées au cycle d'orientation de Montbrillant.

4) Par courrier du 28 janvier 2010, le conseiller d’État en charge du DIP a pris l'engagement que :

« les enseignants, en particulier ceux de Nicolas-Bouvier, auront tout naturellement la possibilité d'exprimer le vœu de pouvoir conserver leur enseignement au Collège de Genève, et leur dossier sera traité en toute priorité ».

5) Un demi-poste s'étant libéré au sein du groupe de musique du Collège Voltaire, M. A______ a espéré pouvoir y récupérer des heures d'enseignement pour la rentrée 2011. Monsieur B______, directeur de l'établissement, les a toutefois confiées à un autre enseignant.

6) Le 30 mars 2011, M. A______ a participé, à sa demande, à un entretien d'évaluation et de développement personnel (ci-après : EEDP), avec son supérieur hiérarchique direct, M. B______. Parmi les documents servant de base à ce dernier, figurait une lettre du 24 mars 2011 adressée à M. B______ par M. C______, directeur responsable de musique, qui critiquait l'examen de maturité d'histoire de la musique de juin 2009 élaboré par M. A______. Les compétences et prestations de l'intéressé étaient qualifiées de suffisantes à satisfaisantes. Selon M. B______, M. A______ était un enseignant honnête, faisant son travail consciencieusement (EEDP du 30 mars 2011).

7) Le 13 avril 2011, M. A______ a contesté le principe et le contenu du courrier du 24 mars 2011 de M. C______ et en a demandé la suppression.

8) Le 3 mai 2011, M. A______ a contesté plusieurs points de l'EEDP, remettant en question l'objectivité de l'évaluation.

9) Après plusieurs échanges épistolaires et par courrier électronique dans lesquels sont intervenus l’association professionnelle et l’avocat de M. A______, M. B______ a, le 13 mars 2012, accepté d’annuler l’EEDP du 30 mars 2011 et de retirer tous les documents s’y rapportant, dont le courrier du 24 mars 2011 de M. C______. Les éléments qui y étaient évoqués méritant un examen plus approfondi, un processus d’analyse de prestations allait être mis en place sous l’égide de la direction générale de l’enseignement secondaire postobligatoire, devenu depuis la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II).

10) Choqué par la mesure allant être instaurée et qui remettait une nouvelle fois en question la qualité de son enseignement, M. A______ a demandé à pouvoir rencontrer Monsieur M. D______, directeur-adjoint des ressources humaines de la DGES II. Ce dernier lui a confirmé la mise en place du processus.

11) En parallèle, soit au début de l'année 2012, deux élèves de M. A______ se sont plaintes auprès de leur doyen, Monsieur E______, de ne pas avoir reçu les critères d'évaluation et la justification de la note obtenue pour leur examen oral en histoire de la musique.

12) M. E______ a convoqué M. A______ dans son bureau le 20 février 2012, en présence des élèves, afin qu'il puisse leur donner les critères demandés.

13) L'association des Maîtres du Collège Voltaire (ci-après : AMV) a informé M. B______ qu'elle déconseillait à M. A______ de se rendre au rendez-vous, les explications ayant déjà été données aux élèves.

14) M. B______ a répondu le 24 février 2012 qu'il soutenait la démarche de M. E______ et a envoyé à M. A______ une convocation pour un entretien en présence d'une des élèves dont émanait la plainte.

15) L'Unité de défense de l'union du corps enseignant secondaire genevois (ci-après : l'UD) a fait parvenir à M. B______, à quelques heures de l'entretien du 8 mars 2012, ses observations, relevant notamment que M. A______ était placé « dans la position de l'accusé ayant à se défendre devant l'élève plaignante ». Il proposait que M. A______ expose la situation à M. B______ lors d’un premier entretien, puis que ce dernier s’entretienne avec l’élève, solution qui a été acceptée.

16) Par courrier du 1er juillet 2012, le conseil de M. A______ a interpellé Monsieur F______, directeur général de la DGES II, afin de lui faire part du comportement adopté par M. B______ à l'égard de son mandant depuis plus d'une année et qui pesait lourdement sur le moral de ce dernier.

17) Dans sa réponse du 19 juillet 2012, M. F______ a contesté qu'une atteinte aux droits de la personnalité de M. A______ puisse exister et a maintenu le processus d'analyse de prestations.

18) Le même jour, M. D______ a envoyé à l'adresse privée de M. A______ une lettre de doléance de ses élèves datée du 7 mai 2012.

19) M. A______ a été mis en arrêt maladie le 7 septembre 2012 pour cause de dépression.

20) Le 11 septembre 2012, M. D______ a informé le conseil de M. A______ qu'une expertise allait être demandée au service de santé du personnel de l'État, où l’enseignant a été prié de se présenter le 1er octobre 2012.

21) Le 11 octobre 2012, l'AMV a écrit à Monsieur G______, directeur du service des ressources humaines de la DGES II ainsi qu'à MM. B______, D______ et F______. M. A______ était en arrêt maladie suite aux pressions injustifiables et répétées exercées sur lui.

22) Le 28 décembre 2012, M. A______ a déposé plainte auprès du groupe de confiance contre M. B______ et M. D______, pour harcèlement psychologique.

23) Par courrier du 28 janvier 2013, M. D______ a été averti que selon l'office du personnel de l'État et le médecin de M. A______, ce dernier pouvait reprendre son activité à 50% dès le 4 février 2013.

24) Le lendemain, M. D______ a répondu que cette reprise était subordonnée à un entretien de retour prévu pour le 6 février 2013.

25) Le conseil de M. A______ a informé MM. D______ et B______ qu'une plainte pour harcèlement psychologique avait été déposée à leur encontre auprès du groupe de confiance et qu'il était par conséquent préférable qu'un tiers se charge de l'entretien de retour. M. F______ a également été mis au courant.

26) L'entretien a été annulé et la reprise agendée le 18 février 2013.

27) Le 5 février 2013, M. F______ a écrit au conseil de M. A______. M. D______ continuerait de suivre son dossier dans toutes ses implications.

28) Le 6 février 2013, Mesdames H______ et I______, enseignantes et membres de l'AMV, ont rencontré M. D______, dans le but de trouver une solution au conflit opposant M. A______ à sa hiérarchie. Choquées par les propos tenus, elles ont établi un compte rendu de cette discussion qui a été transmis au groupe de confiance.

À teneur de ce document, M. D______ s'était exprimé en ces termes :

- la plainte de M. A______ serait classée sans suite et il rencontrerait des problèmes autrement plus graves, ne pourrait plus enseigner à Voltaire, M. B______ étant fâché contre lui et serait condamné à voltiger entre plusieurs établissements ;

- M. A______ serait laminé et devrait déjà envisager sa mise en congé du DIP ;

- il déplorait le fait que M. A______ ait fait appel à une avocate, qu'il fallait « avoir ce qu'il faut là où il faut » et que M. A______ ne disposait manifestement pas du cran nécessaire à une telle discussion ;

- il attribuait peu de crédit aux certificats délivrés par le médecin qui avait signé celui de M. A______.

29) Le 4 mars 2013, M. A______ a retrouvé une affiche sur la porte de la classe de musique indiquant « l'OS musique à Voltaire, c'était mieux avant ».

30) L'auteur de cette affiche a été sanctionné par M. B______, notamment par l'obligation, restée sans suite, de rédiger une lettre d'excuse à l'intention de M. A______.

31) Le 6 mars 2013, M. D______ a adressé un courriel à M. A______, avec copie à M. B______, lui demandant de ne plus donner de cours en 4ème année OS dès le 11 mars 2013, en raison d'informations préoccupantes concernant son déroulement. Par courrier recommandé, il a précisé que cette décision avait été prise en raison de témoignages d'élèves, affirmant qu'il n'avait pas tenu compte des sujets traités par ses remplaçants.

32) Le 26 mars 2013, le conseil de M. A______ a écrit à M. D______ et dénoncé la violation du droit d'être entendu de son client. La suspension de ce dernier était injustifiée et une décision sujette à recours devait être rendue.

33) La mesure prise à l'encontre de M. A______ a été confirmée le 16 avril 2013 par M. G______.

34) Par courrier du 15 mai 2013, le groupe de confiance a informé le conseil de M. A______ qu’il avait fait suite à la plainte déposée par M. A______ en préconisant des mesures auprès du secrétariat général du DIP et de la direction des ressources humaines du DIP :

- le suivi des compétences de M. A______ ne devait plus être attribué à M. D______ ;

- un certain temps devait être laissé à M. A______, qui reprenait le travail après un long arrêt maladie, avant de procéder à son évaluation ;

- dès lors que M. A______ et la personne chargée du processus d'évaluation semblaient avoir connu un différend par le passé, il était opportun de le confier à un autre collaborateur, afin de pacifier la situation et d'écarter tout argument de partialité.

35) Le 6 mai 2013, M. F______ a informé le conseil de M. A______, que le dispositif de suivi de l'enseignement de ce dernier serait effectif à la rentrée scolaire 2013-2014, placé sous la responsabilité de la DGPO et confié à un expert ne dépendant pas de celle-ci.

36) Par courrier du 30 mai 2013, le groupe de confiance a communiqué aux parties le classement de la plainte déposée par M. A______. Les faits allégués par le plaignant comme étant constitutifs d'une atteinte à sa personnalité, voire d'un harcèlement psychologique, avaient été pour la plupart corrigés par des mesures subséquentes de sa hiérarchie et ces interventions avaient permis de corriger des situations que le plaignant considérait comme irrégulières.

Les comportements et évènements décrits par le recourant n'étaient pas attentatoires à la personnalité, ou à tout le moins pas une atteinte d'une certaine gravité.

37) Par décision du 20 juin 2013, le conseiller d'État en charge du DIP a confirmé le classement de la plainte par le groupe de confiance, en faisant siens les motifs développés par ce dernier.

38) Par acte du 23 août 2013, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de Justice contre la décision précitée, sollicitant préalablement une comparution personnelle des parties, ainsi que l'ouverture des enquêtes et la production des listes de témoins.

Il conclut principalement à l'annulation de la décision attaquée, à l'allocation d'une indemnité de procédure et principalement à ce qu'il soit constaté qu'il a fait l'objet d'une atteinte à sa personnalité et d'un harcèlement psychologique dus aux comportements de MM. B______ et D______, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité intimée afin qu'elle ordonne au groupe de confiance l'ouverture d'une investigation.

39) Dans sa réponse du 15 octobre 2013, le DIP a conclu principalement au rejet du recours et subsidiairement à une comparution personnelle des parties et l'audition de témoins.

Le conseiller d'État avait, à juste titre, confirmé la décision de classement rendue par le groupe de confiance, par laquelle ce dernier avait refusé de procéder à une investigation. En effet les griefs soulevés par l'enseignant ne constituaient pas, comme l'exigeait l'ancien règlement relatif à la protection de la personnalité à l’État de Genève du 18 juin 2008 (aRPPers - B 5 05.10) et la jurisprudence, un enchaînement de propos et/ou d'agissement hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, destinés à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail. Les situations qu'évoquait M. A______ relevaient plutôt de divergences de points de vue et de tensions entre le recourant et les membres de sa hiérarchie, lesquelles avaient été réglées soit par celle-ci (heures d'enseignement au collège Voltaire, retrait du rapport de M. C______ de l'EEDP), soit par les mesures préconisées par le groupe de confiance et immédiatement mises en place par le DIP. Les faits allégués n'étaient ni graves, ni même fréquents. Une procédure d'investigation ne s'imposait dès lors pas.

40) Le 27 novembre 2013, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. M. A______ a persisté dans son recours. Il n'avait plus de contact avec MM. B______ et D______. L'expert mandaté dans le cadre du processus d'analyse était venu quatre fois depuis le mois de septembre et lui avait transmis ses rapports, dont le résultat était positif. Ce dernier devait terminer son travail au début du mois de décembre 2013 et rendre son rapport final. L'entretien d'évaluation devait se tenir en janvier 2014.

b. Madame J______, représentant le DIP, a persisté dans la décision attaquée. Conformément aux recommandations du groupe de confiance, le suivi de l'enseignement était assuré par une personne extérieure au DIP. M. D______ ne s'occupait plus du dossier depuis le printemps 2013 et la retraite de M. B______ était imminente. L'évaluation de M. A______ interviendrait en début d'année 2014. La mise en place d'une évaluation de compétences n'était pas une situation insolite, d'autres enseignants étaient ou s'étaient trouvés dans la même situation en raison, notamment, de plaintes d'élèves, de parents, de collègues ou de la hiérarchie.

c. M. G______, représentant également le DIP, a également été entendu. La personne chargée du suivi de l'enseignement était un retraité de la haute école de musique de Lausanne. Ils avaient volontairement demandé à cette personne de ne pas leur communiquer les rapports intermédiaires, afin d'éviter tous reproches d'être influencés par leur contenu.

d. À l'issue de l'audience, les parties ont pris note que le juge délégué avait décidé d'attendre la fin du processus d'évaluation et qu'elles devaient lui communiquer les rapports de l'expert et l'EEDP.

41) Par courrier du 24 juin 2014, le DIP a informé le juge délégué que l'expertise concernant l'enseignement de M. A______ s'était terminée le 23 décembre 2013 et concluait à l'observation de prestations correctes de la part de ce dernier.

42) Le 22 août 2014, M. A______ a communiqué au juge délégué le rapport d'expertise de Monsieur K______ et l'EEDP.

a. M. K______ a rencontré M. A______ avant et après les six visites effectuées au collège VOLTAIRE et a conclu dans son rapport de synthèse du 19 décembre 2013 :

« L'expert a eu tout au long des visites, la possibilité de dialoguer ouvertement avec M. A______ qui, au final, a semblé ne vouloir retenir que le côté positif de son évaluation, à savoir: l'utilité d'un œil extérieur sur sa pratique. Les entretiens qui ont suivi les leçons ont permis de prendre conscience d'éléments mineurs qui peuvent parfois aller à l'encontre de la productivité de l'enseignement. Si l'expert devait se prononcer quant à la qualité d'enseignant de M. A______, il ne pourrait que conclure sur une note positive ».

b. L'EEDP a été effectué le 14 août 2014 par M. F______. Il a constaté que les objectifs convenus avaient été atteints puisque l'expert avait pu constater durant l'année que les critères d'évaluation analysés étaient maîtrisés.

« M. A______ a traversé des épisodes douloureux et difficiles. Dans ce contexte, un EEDP avait été effectué et j'ai eu la délégation de la gestion du dossier de M. A______, pour limiter les tensions avec son ancien directeur. On peut considérer que ces épisodes sont passés, et la nouvelle directrice a d'ailleurs tout mis en œuvre pour que la suite de la carrière de M. A______ se déroule et se développe dans les meilleures conditions. Je souhaite que M. A______ ne concentre pas son attention sur les malheureux événements qu'il a traversés, mais qu'il regarde vers l'avenir. Les excellents contacts qu'il a entretenus avec l'expert sont de très bon augure pour la suite ».

43) Par courrier du 17 octobre 2014, le juge délégué a informé les parties que l'affaire était gardée à juger.

44) Le 5 novembre 2014, M. A______ a demandé au juge délégué de sursoir à statuer afin de laisser l'opportunité aux parties de trouver une solution extra-judiciaire permettant de mettre un terme à leur litige, ce qu'elle a accepté.

45) Les négociations ayant échouées, M. A______ a sollicité, le 16 mars 2015, la fixation d'une nouvelle audience de comparution personnelle et l'audition de plusieurs témoins,.

46) Le lendemain, le juge délégué a informé les parties qu'il serait statué sur les demandes de M. A______ dans l'arrêt à rendre et que la cause demeurait gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) En tant qu'enseignant au DIP, le recourant est un fonctionnaire de l'instruction publique au sens de l'art. 1 let. a du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04).

En tant que tel, il est soumis à la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10), qui prévoit qu'il est veillé à la protection de leur personnalité et que des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte (art. 120B al. 1 et 2 LIP).

Les modalités sont fixées par le règlement (art 120B al. 3 LIP).

3) a. Conformément à l'art. 34 du règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10), le présent litige est soumis à l’aRPPers dans la mesure où la plainte a été déposée le 4 janvier 2013, soit antérieurement à son entrée en vigueur le 1er avril 2013.

b. Selon l’art. 1 al. 1 aRPPers, le Conseil d'État veille à la protection de la personnalité de tous ses collaborateurs dans le cadre de leur activité professionnelle. À cette fin, il instaure un groupe de confiance dont la mission principale consiste à traiter les demandes des personnes qui font appel à lui et à contribuer à ce que cessent les atteintes constatées, d'entente avec la hiérarchie (art. 4 al. 1 et 5 al. 3 aRPPers).

c. Avant toute autre démarche, le groupe de confiance procède à un examen préalable du cas (art. 11 al. 1 aRPPers).

d. Au terme de cet examen, le groupe de confiance peut notamment proposer à la personne requérante une médiation  (art. 11 al. 4 let. b aRPPers) ou de déposer une plainte écrite dans la perspective d'une investigation menée par le groupe de confiance (art. 11 al. 4 let. d aRPPers), dans le but d'établir les faits et de pouvoir donner son appréciation sur l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité (art. 14 et 21 aRPPers).

e. Il peut également refuser d'entrer en matière et classer la plainte, en présence d'une requête manifestement infondée, téméraire ou choquante (art. 11 al. 6 et 16 al. 1 aRPPers).

f. En l'espèce, le groupe de confiance a refusé de mener une investigation, aux motifs que les faits allégués par le plaignant n'étaient pas constitutifs d'atteinte à la personnalité au sens de l'art. 3 RPPers et qu'ils avaient été, pour la plupart, corrigés par des mesures subséquentes de sa hiérarchie. Le groupe de confiance a ainsi considéré que la requête était infondée.

Cependant, sur la base des éléments figurant au dossier, le groupe de confiance ne devait pas exclure qu'une atteinte au droit de la personnalité du recourant puisse être constatée.

En effet, il ressort des faits allégués que des tensions se sont accumulées entre le recourant et son supérieur hiérarchique direct, M. B______, puis M. D______. La qualité de son enseignement a été mise en doute et il a été empêché de travailler, sans qu'aucune mesure ne soit prise afin de préserver sa personnalité.

Après avoir refusé, pour des motifs qui doivent être établis, d'attribuer au recourant des heures d'enseignement complémentaire dans son établissement, M. B______ a produit, lors de l'EEDP, un courrier remettant en cause la qualité de son enseignement. Sous la pression de l'association professionnelle et de l'avocat du recourant, il a finalement retiré ce document de l'EEDP, mais décidé de soumette le recourant à un processus d'analyse de prestations, remettant ainsi une nouvelle fois en cause la qualité de son enseignement.

Un processus d'analyse de prestations est un procédé contraignant, pouvant engendrer un stress conséquent chez la personne évaluée dont les qualités professionnelles sont remises en question. Or, sa hiérarchie a, sans réserve, appuyé la démarche de M. B______.

Elle en a fait de même lorsque ses supérieurs ont décidé de le suspendre de ses fonctions d'enseignant en 4ème année, suite aux doléances de certains élèves.

Malgré une intervention de l'AMV qui a écrit à tous les responsables hiérarchiques du recourant afin d'attirer leur attention sur les pressions injustifiées et répétées qui étaient exercées sur ce dernier, ainsi que le témoignage écrit de ses collègues, relatant des propos désobligeants tenus par M. D______, aucune procédure n'a été mise en place afin de préserver le recourant.

Tant l'AMV, que l'UD, ont encore dû intervenir lorsque le recourant a été contraint par le doyen de venir se justifier auprès d'une élève mécontente d'une note obtenue.

Enfin, il est également critiquable que l'acte isolé d'un élève, placardant une affiche avec comme inscription « l'OS musique à Voltaire, c'était mieux avant », n'ait pas été plus fermement condamné par l'école.

Il aura fallu l'intervention du groupe de confiance auprès du secrétariat général du DIP et de la direction des ressources humaines du DIP pour que les difficultés rencontrées par le recourant ainsi que ses demandes soient finalement prises en compte et qu'il ne soit notamment plus contraint d'avoir des contacts directs avec M. D______.

Le processus d'analyse des prestations a toutefois été maintenu. À la lecture des conclusions de l'expert, son opportunité doit être remise en question. Le recourant semble en effet avoir été inutilement soumis à la pression inhérente à tout procédé d'évaluation remettant en question la qualité du travail fourni.

En soutenant sans réserve des situations pouvant générer des inquiétudes inutiles, et en restant inactifs face à une situation conflictuelle et aux difficultés rencontrées par un enseignant, les responsables du recourant ont failli à leur obligation de veiller à la protection de sa personnalité.

Comme le relève le groupe de confiance, suite à son intervention, les actes susceptibles de porter atteintes au droit de la personnalité du recourant semblent en effet avoir cessé.

Il a cependant subi un arrêt maladie prolongé, en lien avec les difficultés rencontrées dans le cadre de son travail, qui ont été admises dans son dernier EEDP. Il y est en effet mentionné que le recourant a dû traverser des « épisodes douloureux et difficiles », et faire face à de « malheureux événements ».

Pour ces motifs, la requête du recourant ne pouvait être considérée comme étant manifestement infondée ou téméraire. En l'absence d'une des conditions énumérées à l'art. 11 al. 6 aRPPers, le groupe de confiance devait entrer en matière  et donner suite à la requête.

En fondant sa décision sur les motifs développés par ce dernier, le conseiller d'État en charge du DIP a violé le principe de la légalité (art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). Par conséquent, le recours sera admis et la décision du conseiller d'État en charge du DIP du 20 juin 2013 annulée.

La cause sera renvoyée au groupe de confiance, charge à ce dernier d'entreprendre une médiation ou de faire usage de tout autre moyen prévu par la loi, afin de déterminer si le recourant a subi une atteinte à sa personnalité en tant que fonctionnaire de l'instruction publique.

Cet examen ne saurait en effet avoir lieu au stade du recours devant la juridiction de seconde instance, tant parce que cette dernière ne doit pas, sans motif, particulier se substituer aux autorités chargées ordinairement de l'instruction, que pour ne pas priver le justiciable de la garantie du double degré de juridiction.

4) Vu l’issue de la procédure, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à l'intimé, qui obtient gain de cause, à charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 août 2013 par Monsieur A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la culture et du sport du 20 juin 2013 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du conseiller d'État en charge du DIP du 20 juin 2013 ;

retourne le dossier au groupe de confiance pour nouvel examen dans le sens des considérants ;

dit qu'il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Monsieur A______, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Laura SANTONINO, avocate du recourant, au département de l'instruction publique, de la culture et du sport, ainsi qu'au groupe de confiance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

la greffière :