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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/879/2001

ATA/721/2001 du 13.11.2001 ( JPT ) , REJETE

Descripteurs : AGENT DE SECURITE PRIVE; EXTRAIT DU CASIER JUDICIAIRE; PEINE; VOL(DROIT PENAL); AUTORISATION D'EXERCER; JPT
Normes : CP.363 ch.4; LCBVM.2
Résumé : Le DJPT est en droit de recevoir l'information relative aux inscriptions radiées du casier judiciaire dès lors qu'elle ne lui est pas communiquée dans le cadre d'une demande d'extrait du casier (art. 363 CPS) mais transmise à travers le préavis du commissariat de police. L'art.8 al.3 litt.c du règlement concernant le concordat sur les entreprises de sécurité (I 2 15) permet au DJPT de se fonder sur les inscriptions radiées. Une condamnation pour vol est incompatible avec les conditions posées à l'exercice de l'activité d'agent de sécurité privé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 13 novembre 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur M__________

représenté par Me Claude Ulmann, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DE JUSTICE ET POLICE ET DES TRANSPORTS

 



EN FAIT

 

1. M. M__________, de nationalité italienne, est né le __________ 1957. Titulaire d'un permis d'établissement, il a exercé différentes activités (manoeuvre, chauffeur-livreur), avant de devenir agent de sécurité privé chez Protectas S.A. (1986 - 1993), puis au Grand Passage S.A. (1993- 1995). L'activité de Monsieur M__________ depuis 1996 ne ressort pas des écritures.

 

2. Le 26 juin 2001, l'entreprise de sécurité X__________ S.A. (ci-après : X__________) a sollicité l'autorisation de procéder à l'engagement de M. M__________ en qualité d'agent de sécurité.

 

3. En date du 11 juillet 2001, le commissariat de police a délivré un préavis négatif, au motif que M. M__________ avait subi deux condamnations pénales par le passé, à savoir :

 


- Une peine de dix jours d'emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour lésions corporelles simples, suite à une bagarre entre usagers de la route, prononcée le 23 mars 1993;

 

- Une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans pour vol, prononcée le 10 avril 1996.


 

Les inscriptions de ces condamnations dans le casier judiciaire avait été radiées avant le dépôt de la demande d'autorisation litigieuse.

 

4. Par décision du 24 juillet 2001, le département de justice et police et des transports (ci-après : le département) a refusé le demande présentée par X__________.

 

5. Par acte posté le 22 août 2001, M. M__________ a interjeté recours devant le Tribunal administratif contre cette décision, concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation sollicitée. Il a critiqué la décision du département, qui était fondée sur des informations transmises en violation de la législation fédérale et cantonale sur les renseignements au sujet du casier judiciaire. En effet, une inscription radiée du casier judiciaire ne pouvait être communiquée qu'aux autorités chargées de l'exécution des peines et au tribunal compétent pour prononcer la réhabilitation et la radiation (art. 364 ch. 4 du code pénal suisse, du 21 décembre 1937 - CPS - RS 311.0). Seuls les services de l'Etat chargés des enquêtes, à l'exclusion de tous les autres, étaient habilités à recevoir les dossiers de police (art. 4 du règlement d'application de la loi genevoise sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance de certificats de bonne vie et moeurs du 12 décembre 1977 - RALRDP - F 1 25.01).

 

6. Le 24 septembre, le département a conclu au rejet du recours. Les actes reprochés à M. M__________ étaient incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée, au sens de l'article 9, alinéa 1, lettre c du concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 (I 2 15; ci-après : le concordat). Le département était fondé à prendre en compte les inscriptions radiées figurant au casier judiciaire, dans la mesure où elles dataient de moins de dix ans. Au surplus, l'article 2 de la loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance de certificats de bonne vie et moeurs, du 29 septembre 1977 (LRDP - F 1 25) autorisait la communication des dossiers de police au conseiller d'Etat en charge du département, au secrétaire général et aux secrétaires adjoints du département. Par ailleurs, l'argument selon lequel les inscriptions radiées ne devaient pas être prises en compte avait déjà été rejeté par le Tribunal administratif (ATA G.P. S.A. et C. du 30 janvier 2001).

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction

compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi

sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ-

E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure

administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Le canton de Genève a adhéré le 1er mai 2000 au concordat. Le même jour sont entrés en vigueur la loi genevoise concernant le concordat sur les entreprises de sécurité, du 2 décembre 1999 (LCES - I 2 14) et le règlement concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 19 avril 2000 (RLCES - I 2 14.1). La loi sur la profession d'agent de sécurité privé, du 15 mars 1985, et son règlement d'exécution, du 10 juillet 1985, ont par conséquent été abrogés.

 

3. a. A l'instar de la loi sur la profession d'agent de sécurité privé du 15 mars 1985 (LASP - I 2 15), le concordat, qui s'inspire très largement de celle-ci, a pour but de fixer les règles communes régissant l'activité des entreprises de sécurité et de leurs agents et d'assurer la validité intercantonale des autorisations accordées par les cantons (art. 2 du concordat; Mémorial des séances du Grand Conseil, 1999, p. 9051).

 

b. Une autorisation, délivrée par l'autorité compétente du canton où l'entreprise a son siège (art. 7 al. 2 du concordat) est nécessaire pour exercer, sur le territoire des cantons concordataires, une activité visée à l'article 4 du concordat (art. 7 al. 1 let. b du concordat).

 

c. Il n'est pas contesté que l'emploi considéré entre dans l'une de ces catégories.

 

d. A teneur de l'article 9 alinéa 1 du concordat, l'autorisation d'engager du personnel n'est accordée que

si l'agent de sécurité :

 


a) est de nationalité suisse, titulaire d'un permis d'établissement ou d'un permis de séjour depuis deux ans au moins;

 

b) jouit de ses droits civils;

 

c) n'a pas été condamné, dans les dix ans précédant la requête, pour des actes incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée.


 

4. a. Le service des autorisations et patentes est compétent pour délivrer les autorisations d'engager du personnel (art. 3 let. a RLCES).

b. La police cantonale, soit pour elle le commissariat de police, est compétente pour donner son préavis au service sur les demandes d'autorisation d'engager du personnel (art. 4 let. a RLCES).

 

c. A toute demande d'autorisation d'engager du person-

nel, le requérant doit notamment joindre un extrait récent

du casier judiciaire central (art. 8 al. 3 let. c RLCES).

 

5. a. Sont inscrites au casier judiciaire les condamna-

tions prononcées pour crime ou délit (art. 360 al. 2 let. a CPS) par les tribunaux civils et militaires, sans égard à la gravité de la peine infligée (art. 9 al. 1 de l'ordonnance sur le casier judiciaire informatisé, du 1er décembre 1999 - OCJ - RS 331).

 

b. Différentes procédures permettent au préposé au casier judiciaire de radier, d'office ou sur requête, certaines inscriptions (art. 41 ch. 4, 80 al. 1 et 2 CPS). Ces procédures sont notamment mises en oeuvre par l'OCJ.

 

c. L'article 363 chiffre 4 CPS, qui régit la communication des inscriptions radiées dans le cadre des Extraits du casier judiciaire, prescrit que :

 

"Une inscription radiée ne sera communiquée qu'aux autorités d'instruction, aux tribunaux pénaux, aux autorités chargées de l'exécution des peines et au tribunal compétent pour prononcer la réhabilitation et la radiation, mais avec mention de la radiation et seulement lorsque la personne sur laquelle des renseignements sont demandés figure comme inculpée dans le procès, doit subir une peine ou lorsqu'une procédure en réhabilitation ou en radiation est en cours. Une inscription radiée sera de même communiquée aux autorités administratives chargées de délivrer ou de retirer les permis de conduire, conformément aux articles 14 et 16 de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière."

 

Contrairement à ce que prétend le recourant, l'article 363 chiffre 4 CPS n'est ainsi pas applicable à la communication faite au département. Cette disposition concerne uniquement les "Extraits du casier judiciaire", tels que celui qui a été délivré au recourant. Le chiffre 4 prohibe ainsi la communication des inscriptions radiées dans le cadre d'une demande de casier judiciaire et non d'une demande de renseignements émanant d'autorités autres que celles expressément énumérées à cet article. En l'espèce, ladite communication n'a pas été faite par le biais d'un extrait de casier judiciaire, mais à travers le préavis négatif rendu par le commissariat de police en vertu de l'article 4 lettre b RLCES et la consultation des dossiers, autorisée par l'article 2 alinéa 1 LRDP via l'article 1A alinéa 1 LRDP.

 

d. L'article 4 RLRDP, qui concerne uniquement l'hypothèse visée à l'article 4 alinéa 1 lettre g LRDP, n'est pas non plus applicable en l'espèce.

 

e. Au vu de ce qui précède, c'est donc à bon droit que le département a reçu les informations concernant les inscriptions radiées du casier judiciaire.

 

6. a. Les dossiers ou fichiers de police sont rigoureusement secrets et les renseignements y figurant ne peuvent être communiqués à des tiers, à l'exception des autorités désignées par les articles 2, 4 et 6 LRDP (art. 1A al. 1 LRDP). En outre, lesdits dossiers ne peuvent être transmis qu'aux fonctionnaires de police, au conseiller d'Etat chargé du département, au secrétaire général et aux secrétaires adjoints du département en question (art. 2 al. 1 LRDP).

b. Le Tribunal estime qu'il convient de se ranger à l'avis du département, lorsque celui-ci expose que "le fait que le règlement concernant le concordat du 19 avril 2000 prévoit que l'exploitant doit présenter pour tout agent qu'il engage un extrait du casier judiciaire de ce dernier (art. 8 al. 3 let. c RLCES) ne signifie pas pour autant que le département n'est pas fondé à prendre en considération les inscriptions radiées". Le Tribunal ajoutera même qu'il est du devoir du département de s'assurer que l'agent de sécurité privé est particulièrement digne de confiance. C'est aussi pour cette raison que le législateur a prévu la communication obligatoire au département d'un préavis établi la police cantonale, respectivement le commissariat de police (art. 4 let. b RLCES).

7. Depuis l'entrée en vigueur du concordat, l'autorisation d'engager ne peut être accordée si la personne concernée a été condamnée dans les dix ans précédant la requête pour des actes incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée. Par rapport au droit antérieur, la condition d'honorabilité a été rendue plus sévère, du fait de la fixation d'un délai de dix ans.

 

8. a. L'article 41 CPS qui définit le sursis commence par les termes : "En cas de condamnation à une peine (...)". Par une interprétation littérale de cette disposition, mais aussi par une interprétation systématique du CPS, le sursis est une modalité d'application de la peine qui vient en aval d'une condamnation. De ce fait, que la peine ordonnée soit accompagnée ou non du sursis, il y a lieu de considérer qu'une condamnation a bel et bien été prononcée.

 

b. Dans un arrêt du 30 janvier 2001, le Tribunal administratif a déjà estimé que le fait pour une personne d'avoir été condamnée à une courte peine d'emprisonnement avec sursis permettait à l'autorité de refuser l'autorisation d'engagement sollicitée (ATA G.P. S.A. et C du 30 janvier 2001). Cet arrêt confirmait d'ailleurs un principe qui avait déjà trouvé application dans un précédent arrêt du 10 octobre 2000 dans la cause D. et qui a par ailleurs encore été confirmé dans un arrêt K. du 6 novembre 2001.

 

c. Le Tribunal administratif rappellera encore que le délai de dix ans expressément prévu par la loi vise toutes les condamnations, sans référence au contenu du casier judiciaire ou aux modalités d'application de la peine. Contrairement à ce que soutient le recourant, il s'agit bien là d'un silence qualifié du législateur, qui compte englober toutes les infractions considérées comme incompatibles avec la sphère d'activité professionnelle envisagée, sans égard à leur incidence sur le plan du casier judiciaire ou de l'exécution de la peine. Par ailleurs, l'argument selon lequel les inscriptions radiées ne devaient pas être prises en compte a déjà été rejeté par le Tribunal administratif dans les arrêts précités. La seule marge laissée par le législateur réside dans l'appréciation qui peut être faite de la notion d'incompatibilité.

 

9. a. Comme le tribunal a déjà eu l'occasion de le dire, le Grand Conseil a considéré à juste titre que les vols, comme notamment les actes de violence et les abus de confiance, constituaient des comportements et des actes incompatibles avec la profession d'agent de sécurité privé (Mémorial 1998, p. 5197).

 

b. Dans un arrêt du 6 novembre 2001, le Tribunal administratif a considéré qu'un accident de la circulation accompagné d'un délit de fuite et de divers mensonges aux forces de l'ordre, pour lesquels une condamnation à dix jours d'emprisonnement avec sursis avait été prononcée sept ans auparavant, permettait à l'autorité de refuser l'autorisation d'engagement sollicitée. L'incompatibilité de cette infraction et les réitérés petits problèmes du recourant avec la police faisaient apparaître cette infraction comme totalement incompatible avec la sphère d'activité envisagée et commandait que le recourant attende l'écoulement du délai de dix ans prévu à l'article 9 alinéa 1 lettre c du concordat pour que l'autorisation requise puisse lui être délivrée (ATA K. du 6 novembre 2001).

 

c. Dans un arrêt du 13 mars 2001, le Tribunal administratif a considéré que même si, d'une manière générale, la commission d'un vol est incompatible avec l'exercice de la profession d'agent de sécurité, l'infraction reprochée à l'intéressé, replacée dans son contexte et en tenant compte du long laps de temps qui s'était écoulé depuis lors, n'apparaissait pas constituer un acte incompatible avec sa sphère d'activité professionnelle. Cette appréciation apparaît cependant tout à fait exceptionnelle et intimement liée aux circonstances de l'espèce, notamment au jeune âge de la personne et au caractère isolé et unique de la condamnation (ATA T.-T.du 13 mars 2001).

 

d. Dans le cas de M. M__________, force est de constater qu'il ne réalise pas les conditions d'octroi d'une autorisation. Si la question de l'incompatibilité de la condamnation de mars 1993, prise isolément, peut rester ouverte - pour autant que l'on puisse considérer que le recourant soit aujourd'hui apte à mieux se maîtriser - celle de la condamnation pour vol, en avril 1996, est indiscutable si l'on considère que la profession d'agent de sécurité privé consiste essentiellement à assurer la protection et la sécurité de personnes, de même que la garde de biens mobiliers ou immobiliers. Si M. M__________ était autorisé dans l'immédiat à exercer de nouveau la profession d'agent de sécurité privé, il serait amené à entrer en contact avec les valeurs ou les biens mobiliers ou immobiliers d'autrui et pourrait être tenté de commettre un nouveau délit. En regard de sa récente condamnation pour vol et compte tenu du délai impératif de dix ans fixé par le législateur, c'est à juste titre que le département a refusé l'autorisation d'engagement sollicitée le 24 juillet 2001.

 

10. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 22 août 2001 par Monsieur M__________ contre la décision du département de justice et police et des transports du 24 juillet 2001;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.-;

 

communique le présent arrêt à Me Claude Ulmann, avocat du recourant, ainsi qu'au département de justice et police et des transports.

 


Siégeants : M. Thélin, président, M. Paychère, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, juges, M. Mascotto, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

M. Oranci