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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/355/2000

ATA/647/2000 du 24.10.2000 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS; CONSTRUCTION ET INSTALLATION; VENTE; TPE
Normes : LDTR.39
Résumé : Rejet d'une demande d'aliénation individualisée d'appartements.

 

 

 

 

 

 

 

 

du 24 octobre 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur Z_________

représenté par la régie Zimmermann S.A., mandataire

 

 

 

 

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 



EN FAIT

 

1. Au mois de mars 1999, Monsieur Z_________ a acquis de la succession de Monsieur K_______ trois certificats indivisibles d'actions, portant les n° 77, 80 et 90, auxquels était attaché le droit de louer les appartements 5.02, de cinq pièces et demie, 6.01, de six pièces et 8.03, de cinq pièces, de l'immeuble sis 19-21, avenue Krieg. Il a aussi acquis, de la société M______, la moitié du certificat indivisible d'actions n° 72, auquel était attaché le droit de louer l'appartement 4.01, de six pièces, dans le même immeuble.

 

Cette opération a été autorisée par le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département) par arrêté du 10 mars 1999. Le chiffre 4 du dispositif de l'arrêté précisait que :

 

"La présente autorisation ne saurait être invoquée ultérieurement pour justifier une aliénation individualisée des quatre appartements concernés, en application de l'article 39 alinéa 4 lettre d de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20)".

 

2. Le 6 juillet 1999, M. Z_________ a transmis au département un formulaire de requête en autorisation d'aliéner un appartement. Il désirait vendre à Madame A______ le certificat d'actions n° 90, auquel était attaché le droit de louer l'appartement de cinq pièces 8.03. La vente était motivée par un besoin de liquidités. Quant à l'acquéreuse, elle désirait effectuer un placement de capitaux et continuerait à louer l'appartement.

 

3. Le 16 juillet 1999, le département a refusé l'autorisation sollicitée. L'appartement faisait partie d'une catégorie de logements où sévissait la pénurie. L'intérêt privé du requérant, de nature commerciale, devait céder le pas sur l'intérêt public à maintenir le parc locatif immobilier. De même, la personne désirant acquérir ce logement n'en était pas locataire et son intérêt à devenir propriétaire de ce bien plutôt que d'un autre paraissait absent. Au surplus, le département rappelait le contenu de la condition n° 4 de l'autorisation du 10 mars 1999, précisant que M. Z_________ demeurait libre de revendre les quatre certificats d'actions en bloc.

 

4. Le 2 août 1999, M. Z_________ a saisi la commission de recours en matière de constructions (ci-après : la commission). Plusieurs appartements avaient été vendus individuellement à des particuliers, sur la base de demandes adressées au département par la régie Z_________. Il n'était pas compréhensible que l'autorisation soit refusée pour l'appartement 8.03. La décision litigieuse violait le principe de la sécurité du droit, puisque les ventes demandées par la régie Z_________ avaient jusqu'alors été autorisées. Elle violait aussi celui de l'égalité de traitement et, au vu de l'état d'avancement du processus de vente, celui de la proportionnalité.

 

L'immeuble 19-21, avenue Krieg, où la majorité des copropriétaires habitaient leur propre logement, était perdu pour la location. Il s'agissait d'un immeuble de luxe, dont la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20) excluait le contrôle des loyers, car il ne répondait pas aux besoins prépondérants de la population. Les négociations étaient en cours pour vendre aux locataires, au-dessous du prix du marché, les autres appartements acquis par M. Z_________. Par rapport à des ventes individualisées, la vente en bloc ne pouvait être réalisée à un prix correct.

 

Le refus violait aussi le principe de la liberté du commerce et de l'entreprise (recte : la liberté du commerce et de l'industrie), du fait que la valeur des appartements avait été négociée à leur valeur vénale, vu le nombre élevé de transactions individualisées, et non pas à leur valeur de rendement, appliquée à des lots groupés d'appartements. La valeur de rendement était nettement plus basse que la valeur vénale.

 

Lors de l'acquisition des appartements, trois unités avaient été achetées à M. K_______ et un demi-lot à la société M_______. Ce lot devait pouvoir être vendu indépendamment des autres.

 

5. Le 19 novembre 1999, la commission a entendu les parties. M. Z_________ a indiqué que, par décision du 26 octobre 1999, le département l'avait autorisé à vendre l'appartement 5.02 à un locataire en place. Une requête, aussi en faveur du locataire en place, avait été déposée pour l'appartement 4.01. Il avait conclu un bail de dix ans avec le locataire pour l'appartement 6.01. L'appartement 8.03, objet de la procédure, était habité par une dame Cartier. La personne qui désirait acquérir cet appartement voulait faire un investissement.

 

6. A la demande de la commission, M. Z_________ a précisé, le 3 décembre 1999, qu'au 16 juillet 1999, l'immeuble était constitué de vingt-neuf appartements appartenant à dix-huit propriétaires, soit Me P_______ (neuf appartements), M. Z_________ (trois appartements), Me P_______ et M. Z_________ en copropriété (deux appartements). En outre, quatorze propriétaires possédaient chacun leur logement. Il y avait également quatorze logements d'une pièce, propriété de sept personnes différentes. Le département avait autorisé, le 2 juillet 1999, la vente d'un appartement propriété de Me P_______, alors même que ce dernier était propriétaire unique de neuf lots. Cette autorisation était notamment fondée sur le fait que la vente de l'immeuble par appartement était très largement engagée. Ladite vente avait aussi été autorisée au vu des frais importants dus à la liquidation de la société immobilière dissoute par Me P_______. M. Z_________, quant à lui, se voyait réclamer CHF 200'000.- uniquement pour les impôts de la S.I. et les frais de notaire par le liquidateur.

 

7. Le département a transmis à la commission un cahier de répartition des locaux, de même qu'un tableau récapitulatif des ventes autorisées, avec copie des arrêtés.

 

8. Par décision du 25 février 2000, la commission a rejeté le recours. L'article 39 alinéa 4 lettre d LDTR ne pouvait pas être invoqué en l'espèce, vu le contenu de la condition n° 4 de l'arrêté du département du 10 mars 1999. Celui du 26 octobre 1999 avait été vendu en violation de l'arrêté du 10 mars 1999, et sans suivre la procédure concernant les exigences en vue de l'aliénation à un locataire en place. Pris en violation de la loi, il ne pouvait être invoqué avec succès par le recourant.

 

9. a. M. Z_________ a alors saisi le Tribunal administratif, reprenant les arguments développés devant l'autorité de première instance.

 

b. Le département s'est opposé au recours, estimant que l'intérêt privé du recourant devait céder le pas sur l'intérêt public à lutter contre l'effritement progressif du parc immobilier genevois. Les autorisations produites devant la commission démontraient que la vente des vingt-huit appartements de l'immeuble était assujettie à autorisation.

 

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. L'aliénation, sous quelque forme que ce soit, d'un appartement à usage d'habitation offert en location est soumise à autorisation pour autant qu'il entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie. L'autorisation est refusée lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose, un tel intérêt consistant, en période de pénurie, au maintien de l'affectation locative des appartements loués.

 

L'appartement peut être vendu à un locataire en place, pour autant que soixante pour-cent des locataires acceptent formellement cette acquisition et que les locataires restants obtiennent la garantie de ne pas devoir choisir entre acheter ou partir.

 

L'aliénation doit être autorisée lorsque l'appartement a été soumis, dès sa construction, au régime de la propriété par étages, lorsqu'il était soumis à un tel régime le 30 mars 1985 et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée, lorsqu'il n'a jamais été loué et lorsqu'il a fait au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la loi (art. 39 LDTR).

 

3. Dans le cadre de l'examen de la requête en autorisation d'aliéner, le département doit procéder à la pesée des intérêts publics et privés en présence (art. 13 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, du 29 avril 1996 (RLDTR - L 5 20.01). L'intérêt privé est toutefois présumé l'emporter sur l'intérêt public lorsque le propriétaire doit vendre l'appartement pour cause de liquidation d'un régime matrimonial ou d'une succession (a), afin de satisfaire aux exigences d'un plan de désendettement (b) ou lors de la prise d'un nouveau domicile en dehors du canton (c) (art. 13 alinéa 2 RLDTR).

 

4. Aussi, même si les conditions posées à l'article 39 alinéa 4 LDTR ne sont pas réalisées, il n'en reste pas moins qu'entre les motifs de l'article 39 alinéa 4 LDTR - obligeant le département à autoriser l'aliénation d'un appartement - et ceux permettant de refuser l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose (art. 39 al. 2 LDTR), le principe de la proportionnalité laisse au département une marge d'appréciation lui permettant de délivrer une autorisation en dehors des cas prévus par l'article 39 alinéa 4 LDTR (ATA Z. du 11 novembre 1998).

 

L'autorité ne peut refuser une autorisation d'aliéner qu'après avoir effectué une pesée des intérêts en présence. Elle doit donc être en mesure de prendre en considération les intérêts privés légitimes qui peuvent exister dans certaines circonstances (ATA U. du 10 novembre 1998, confirmé par l'ATF du 19 avril 1999; ATF 113 IA 134 et 135).

 

Ainsi, même si l'intérêt privé d'un investisseur qui a acquis un appartement dans le seul but de le revendre en réalisant un bénéfice au passage ne saurait, en principe, être mieux protégé que l'intérêt public de lutte contre la pénurie d'appartements locatifs, il convient cependant toujours de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce (ATA Z. du 19 septembre 2000; M. & Z. du 10 novembre 1998).

 

5. En l'espèce, le Tribunal administratif relève que les allégations du recourant sur les difficultés financières auxquelles il doit faire face ne sont que peu étayées. De plus, l'acquisition des appartements en question n'a eu lieu que quelques mois avant la vente litigieuse. Dès l'acquisition, le recourant devait savoir, à la lecture de la condition n° 4 de l'autorisation de mars 1999, que la revente individualisée des appartements ne pourrait être autorisée. Cette autorisation de vente, en particulier la condition n° 4, n'a pas été contestée à l'époque et le recourant ne peut, par le biais de la présente procédure, la remettre en cause.

 

Au surplus, il ressort du dossier qu'une vente, dont l'illéicité a été stigmatisée par la commission, a eu lieu pendant la procédure de première instance. M. Z_________ a dès lors pu bénéficier d'un apport de liquidités dont il y a lieu de tenir compte pour évaluer sa situation au regard de l'article 13 chiffre 3 lettre b RLDTR.

 

6. M. Z_________ allègue des violations de principe constitutionnel, tel que celui de l'égalité de traitement et de la liberté du commerce et de l'industrie.

 

a. Pour le premier principe, le tribunal se limitera à constater que, depuis qu'il a acquis les certificats d'actions donnant droit à l'usage des appartements au mois de mars 1999, deux ventes ont été autorisées.

 

La première a été effectuée par Me P_______, dont il ne ressort pas du dossier qu'il ait acquis le lot concerné au bénéfice d'une autorisation de vente comportant un texte semblable à la condition n° 4 de l'arrêté du département du 10 mars 1999. L'autre vente est celle effectuée par M. Z_________, au bénéfice d'une autorisation donnée, comme l'a relevé la commission, en violation de la loi et qui ne peut dès lors valablement fonder un précédent.

 

b. Quant à la liberté du commerce et de l'industrie, la jurisprudence - connue de M. Z_________ - a déjà établi que la LDTR pouvait valablement la restreindre (ATA Z. du 10 novembre 1998).

 

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de procédure, en CHF 1'500.-, sera mis à la charge de M. Z_________, qui succombe.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 27 mars 2000 par Monsieur Z_________ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 25 février 2000;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge de M. Z_________ un émolument de CHF 1'500.-;

 

communique le présent arrêt à la régie Z_________ S.A., mandataire du recourant, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

 


Siégeants : M. Schucani, président, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, MM. Thélin, Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

C. Goette Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci