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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/858/1997

ATA/629/1997 du 14.10.1997 ( PROC ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : PROCEDURE ADMINISTRATIVE; REVISION(DECISION); INADVERTANCE MANIFESTE; MOTIVATION DE LA DECISION; ACTION EN RECTIFICATION; ADMINISTRATION DES PREUVES; DECISION D'IRRECEVABILITE; PROC
Normes : LPA.80 litt.c
Résumé : Le fait d'avoir indiqué par erreur, dans un arrêt, qu'un impôt a été payé, ne constitue ni une faute de rédaction, ni une erreur de calcul. Une demande de révision ne peut être admise que si l'inadvertance commise a entraîné une conséquence sur le dispositif du jugement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 14 octobre 1997

 

 

 

dans la cause

 

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

Y______

représentée par R.C.R. Regifon S.A., mandataire

 

et

 

ARRET DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU 1ER JUILLET 1997



EN FAIT

 

 

1. Pour l'exercice fiscal se terminant le 30 juin 1993, la société Y______ (ci-après : la société) a remis à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) un bilan et un compte de pertes et profits dont il ressortait, entre autres, un poste pour débiteurs douteux de Frs 15'000.-.

 

Ces documents étaient joints à sa déclaration pour l'impôt 1994.

 

2. Sur la base de ces pièces, l'AFC a notifié à la société le 30 août 1994 un bordereau de taxation calculé sur un bénéfice imposable de Frs 104'176.- et un capital de Frs 50'000.-.

 

L'impôt sur le capital a été payé en temps utile.

 

3. Le 29 décembre 1994, la société a élevé réclamation auprès de l'AFC. Elle lui a envoyé une nouvelle déclaration d'impôts rectifiée, destinée à remplacer celle ayant conduit à l'établissement du bordereau du 30 août 1994. La société a joint un rapport spécial établi par son organe de révision, selon lequel le poste débiteurs douteux aurait dû être porté à Frs 96'000.-, et non pas à Frs 15'000.-.

 

4. L'AFC a rejeté la réclamation pour cause de tardiveté.

 

Aussi la société a-t-elle recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : la commission de recours), laquelle a rejeté son recours par décision du 12 décembre 1996, car la réclamation était tardive.

 

5. La société a saisi le Tribunal administratif par acte du 13 février 1997.

 

6. Par arrêt du 1er juillet 1997, notifié aux parties le 8 juillet, le Tribunal administratif a rejeté le recours. Certaines opérations comptables postérieures à l'adoption des comptes par l'assemblée générale n'étaient pas admissibles. Il ne seyait pas à une entreprise, légalement astreinte à tenir des livres et se fondant elle-même sur ces livres, de modifier ensuite, pour des motifs fiscaux, le bilan approuvé par l'assemblée générale.

 

C'est ainsi que lorsque la recourante avait réalisé à la fin de l'année 1994 que certains de ses débiteurs, dont elle espérait encore qu'ils se libéreraient de leur dette, deviendraient définitivement insolvables, elle devait en informer ses actionnaires - ce qu'elle avait fait - et au besoin, en avertir ses principaux créanciers. Point n'était besoin de rectifier un bilan normalement approuvé par une assemblée générale précédente, ayant donné lieu à un bordereau d'impôts devenu définitif.

 

7. Dans le corps de cet arrêt, le Tribunal administratif a indiqué que l'impôt sur le bénéfice, celui résultant du bordereau 1994, avait été acquitté en temps utile par la société.

 

8. Dans une communication télécopiée adressée le 24 juillet 1997 au Tribunal administratif, la mandataire de la recourante a informé celui-ci que l'affirmation contenue dans l'arrêt du 1er juillet 1997, au sujet du paiement de l'impôt sur le bénéfice, était fausse.

 

9. Par acte du 29 août 1997, l'AFC elle-même a saisi le Tribunal administratif d'une demande en rectification ou en révision. Le Tribunal administratif avait indiqué en effet dans son arrêt que la société s'était acquittée en temps utile de l'impôt sur le bénéfice, ce qui était faux. Cela résultait des propres écritures de la recourante. Dans son recours auprès de la commission de recours, elle avait indiqué qu'elle n'avait aucune liquidité et ne serait pas en mesure de payer l'impôt réclamé (page 11), tandis que dans son recours auprès du tribunal elle mentionnait ceci : "Preuve en est que le recourant (sic) n'a pas le premier Franc pour payer un impôt basé sur un bénéfice totalement inexistant" (page 11).

 

Le non paiement du montant du bordereau fiscal litigieux ressortait également d'une pièce comptable interne à l'AFC, jointe à la demande en révision, dont il ressortait qu'en dehors de trois acomptes de Frs 2'500.- chacun, l'impôt sur le bénéfice résultant du bordereau du 30 août 1994 restait dû.

 

 

EN DROIT

 

1. La demanderesse a déposé une demande en rectification ou en révision.

 

Selon l'article 85 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), la juridiction qui a statué peut rectifier, en tout temps, les fautes de rédaction et les erreurs de calcul.

 

Le fait d'avoir indiqué dans les considérants d'un arrêt, par erreur, qu'un impôt a été payé ne constitue ni une faute de rédaction, ni une erreur de calcul. Il n'y a donc pas lieu à rectification et la demande à cet égard sera rejetée.

 

2. Selon l'article 81 alinéa 1 LPA, la demande de révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision.

 

Déposée dans ce délai, la présente demande est à cet égard recevable.

 

3. L'article 80 lettre c LPA prévoit qu'il y a lieu à révision lorsque, par inadvertance, la décision ne tient pas compte de faits invoqués et établis par pièce.

 

a. Selon la jurisprudence, le juge doit avoir omis de prendre en considération une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'avoir mal lue, s'écartant par mégarde de sa teneur exacte. L'inadvertance au sens de cette disposition se distingue de la fausse appréciation, soit des preuves administrées devant le tribunal, soit de la portée juridique des faits établis; elle doit se rapporter au contenu même du fait, à sa perception par le tribunal, mais non pas à son appréciation juridique; elle consiste soit à méconnaître, soit à déformer un fait ou une pièce. La révision n'entre donc pas en considération lorsque le juge a sciemment refusé de tenir compte d'un fait, parce qu'il ne le tenait pas pour décisif, car un tel refus relève du droit (ATF H. du 24 février 1997; ATF 96 I 279).

 

b. En l'espèce, il y a inadvertance, en ce sens que le tribunal a indiqué dans son arrêt que la société avait payé l'impôt en temps utile, alors que tel n'avait pas été le cas. Ce faisant, le tribunal a par mégarde mal lu les propres déclarations de la société dans ses écritures. Il est donc constant que la société n'a pas acquitté l'impôt résultant du bordereau du 30 juin 1994, sous réserve de trois acomptes. Le Tribunal administratif donnera ainsi acte à la société recourante, laquelle a déclaré elle-même que l'affirmation contenue dans l'arrêt du Tribunal administratif était fausse, et à l'AFC que cet impôt n'a pas été payé intégralement.

 

c. Lorsque des faits nouveaux ou des preuves nouvelles sont invoquées, ils ne peuvent entraîner la révision que s'ils sont importants, c'est-à-dire de nature à influer sur l'issue de la contestation, à savoir s'ils ont pour effet qu'à la lumière de leur état de faits modifié, l'appréciation juridique soit différente de celle effectuée lors de la précédente décision (ATF 110 V 141; A. GRISEL, Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, p. 944).

 

d. En revanche, l'inadvertance en droit genevois, comme cause de révision, n'obéit pas aux mêmes conditions que celles applicables à des faits ou des moyens de preuve nouveaux. L'article 80 lettre c LPA ne vise que des faits invoqués et établis par pièce dont le juge n'aurait pas tenu compte par inadvertance, contrairement à l'article 136 lettre d de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110), lequel pose comme condition que, par inadvertance, le tribunal n'a pas apprécié des faits importants qui ressortent du dossier. Cela ne signifie toutefois pas que la simple inadvertance, n'ayant entraîné aucune conséquence sur le dispositif du jugement, doive entraîner l'admission d'une demande en révision. En effet, voie de droit extraordinaire, la révision ne peut être admise que si elle a pour effet d'entraîner la modification du jugement ou de la décision de manière significative.

 

e. Dans la présente affaire, le fait que la société ait ou non payé l'impôt litigieux n'a eu aucune incidence sur la décision. En effet, la société a élevé réclamation plusieurs mois après la notification du bordereau litigieux; cette réclamation a été considérée comme tardive, que l'impôt ait ou non été payé. En d'autres termes, la société ne pouvait pas modifier ses bilan et compte de pertes et profits plusieurs mois après l'approbation donnée par l'assemblée générale, pour des motifs fiscaux, que l'impôt ait ou non été payé.

 

4. En conséquence, la demande en révision sera écartée, l'inadvertance constatée dans le présent arrêt étant sans influence sur l'issue du litige.

 

5. Aucun émolument ne sera mis à la charge de la demanderesse.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif :

 

déclare irrecevable la demande en rectification et en révision déposée par l'administration fiscale cantonale le 29 mai 1997 contre l'arrêt du Tribunal administratif du 1er juillet 1997;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'à la mandataire de Y______

 


Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Schucani, Mme Bonnefemme-Hurni, MM. Thélin, Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le vice-président :

 

V. Montani D. Schucani

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le p.o. la greffière :

 

Mme M. Oranci