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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1876/2018

ATA/608/2018 du 13.06.2018 sur JTAPI/526/2018 ( MC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1876/2018-MC ATA/608/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juin 2018

en section

 

dans la cause

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

contre

Monsieur A______
représenté par Me Camilla Natali, avocate

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 juin 2018 (JTAPI/526/2018)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1987, alias B______, né le ______ 1991, est originaire d'Algérie.

2) Par jugement du 10 janvier 2018, le Tribunal de police l'a reconnu coupable de vol, tentative de vol, vol d'importance mineure, dommages à la propriété, violation de domicile, infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) et infraction aux art. 19 al. 1 et 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), le condamnant à une peine privative de liberté de sept mois, avec sursis pendant quatre ans, sous déduction de cent trente-huit jours de détention avant jugement.

Le Tribunal de police a prononcé son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans et, par ordonnance séparée, ordonné son maintien en détention pour des motifs de sûreté jusqu'au 31 janvier 2018, retenant que le risque de fuite était concret.

Ce jugement n’a pas été contesté.

3) Pour des faits survenus au cours de sa détention, M. A______ a été condamné à une peine privative de liberté de nonante jours avec sursis pour tentative de violence ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires.

4) Le 31 janvier 2018, M. A______ a été libéré, puis immédiatement remis entre les mains des services de police en vue de l'exécution de son expulsion.

Le commissaire de police a alors émis un ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois en application de l'art. 76 LEtr. À ce dernier, M. A______ avait précédemment déclaré qu’il n'était pas d’accord de retourner en Algérie.

5) Par jugement du 1er février 2018, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé cet ordre de mise en détention jusqu'au 30 avril 2018. Lors de son audition, M. A______ a déclaré qu'il refusait de retourner dans son pays.

6) Le 22 mars 2018, les autorités algériennes ont délivré un laissez-passer, valable un seul jour, soit le 27 mars 2018, en faveur de M. A______, sous cette identité qu'elles avaient reconnue.

Le 27 mars 2018, ce dernier a refusé de monter dans l'avion à destination d'Alger à bord duquel une place avait été réservée à son attention.

7) Le 29 mars 2018, le commissaire de police a émis un nouvel ordre de mise en détention administrative, sur la base de l'art. 78 LEtr (détention pour insoumission), pour une durée d'un mois.

M. A______ lui a déclaré qu'il n’était toujours pas disposé à retourner en Algérie.

8) Entendu le 30 mars 2018 par le TAPI, M. A______ a indiqué être toujours opposé à son retour. Le 17 octobre 2017, il s'était fait agresser à la prison de Champ-Dollon. Il avait des séquelles physiques. Il devait suivre un traitement médical. Il se référait à ce sujet aux déclarations qu’il avait faites au commissaire de police, étant rappelé qu’il avait déposé une plainte pénale auprès du Ministère public. Il avait été entendu par un procureur, mais celui-ci n’avait pas encore statué. Il était en train de réfléchir quant à un éventuel retour futur dans son pays. Il n’avait pas encore décidé. Sur question de son conseil, il a indiqué qu’il s’appelait B______ et qu’il était né le ______ 1991.

Le commissaire de police a indiqué qu'un collaborateur de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) se rendrait prochainement auprès de M. A______ pour s’entretenir avec lui. S’il devait décider de collaborer, un nouveau vol avec escorte policière pourrait être réservé et, une fois cela fait, la délivrance d’un laissez-passer sollicitée auprès des autorités algériennes.

9) Par jugement du 30 mars 2018, le TAPI a confirmé la détention administrative pour insoumission jusqu'au 28 avril 2018.

10) Par requête du 18 avril 2018, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative jusqu'au 28 juin 2018, faisant état qu’un nouveau vol avec escorte policière (DEPA) était prévu le 28 juin 2018 pour le refoulement de l’intéressé à destination d'Alger.

11) Lors de l’audience du TAPI du 24 avril 2018, le commissaire de police a produit un courrier du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) au consulat général de la République algérienne démocratique et populaire du 19 avril 2018, l’informant qu’un vol était prévu le 28 juin prochain à destination d’Alger et que l’intéressé avait participé aux entretiens en vue du départ avec un représentant du consulat le 14 mars 2018. Le SEM demandait de bien vouloir transmettre un laissez-passer pour l’intéressé jusqu'au 21 juin 2018.

M. A______ a exposé qu’il y avait environ une semaine, un collaborateur « de l'immigration » était venu le voir pour savoir s’il était disposé à partir ; il avait répondu que non. Il a rajouté que son vrai nom était B______.

12) Par jugement du 24 avril 2018, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ jusqu’au 28 juin 2018.

13) Par requête du 31 mai 2018, M. A______ a déposé une demande de mise en liberté immédiate, concluant principalement à ce que soit constatée l’illégalité de sa détention administrative à la prison de Champ-Dollon depuis le 25 mai 2018 et sa libération immédiate prononcée. Subsidiairement, il a demandé à ce que son transfert à l’établissement de Frambois soit ordonné et qu’il soit immédiatement libéré de l'isolement cellulaire.

Sa détention administrative à la prison de Champ-Dollon depuis le 25 mai 2018 était illégale. Il faisait état des coups qu’il avait reçus le 17 octobre 2017 d’un codétenu d'origine albanaise lors de sa détention pénale à Champ-Dollon et qui avaient donné lieu à une procédure pénale toujours en cours (P/687/2017). Il avait été transféré à Champ-Dollon le 25 mai 2018 sans connaître les motifs et la durée de ce transfert. Extrêmement marqué par les faits précités et éprouvant toujours des douleurs en raison des coups subis en octobre 2017 et ne se sentant pas en sécurité à Champ-Dollon, son transfert dans cette prison où il avait été agressé ne faisait qu’empirer son état, son agresseur s’y trouvant toujours. Il craignait également que les gardiens qu’il avait mis en cause lors de son audition devant le Ministère public le 8 janvier dernier ne s’en prennent à lui. La prison de Champ-Dollon ne saurait accueillir des étrangers en vue de l’exécution d’une détention administrative, de sorte que celle-ci, ne reposant sur aucune base légale, contrevenait à l’art. 81 al. 2 LEtr.

14) Dans ses observations, l’OCPM a conclu au rejet de la demande de mise en liberté. Il était prévu que M. A______ demeure à la prison de Champ-Dollon jusqu’à son vol organisé le 28 juin 2018. Un tel placement était motivé par le fait qu’en date du 12 mai 2018, l’intéressé avait agressé un agent de détention du Centre de Frambois en tentant de lui jeter une casserole d’eau bouillante à son visage, qui avait finalement atterri sur la cuisse d'un autre agent. Dans la foulée, M. A______ avait proféré des menaces de mort contre un autre agent de détention. Pour ces faits, il avait été placé au cachot, après s’y être fortement opposé, puis en cellule d’isolement, et les gardiens avaient déposé plainte pénale à son encontre. Le 25 mai 2018, un début d’émeute avait éclaté, à l’initiative de détenus maghrébins, après qu’une fouille de cellules avait été ordonnée à la suite d’un vol de rasoirs. Ceux-ci manifestaient par ailleurs contre le placement de M. A______ en cellule d’isolement.

Le canton de Genève ne disposait pas de places de détention administrative suffisamment sécurisées pour y détenir des individus déterminés à s’en prendre au personnel pénitentiaire, à causer d’importants dégâts ou à s’évader. Le 25 mai 2018, le Conseiller d’État en charge du département de la sécurité et de l’économie, devenu le 1er juin 2018 le département de la sécurité (ci-après : DS), avait autorisé le placement de l’intéressé à Champ-Dollon pour des motifs sécuritaires, jusqu’à son prochain refoulement. Ce placement était conforme à la directive départementale sur la détention administrative du 1er janvier 2016 et se fondait sur la clause générale de police (art. 36 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; art. 43 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst-GE - A 2 00). La détention administrative des détenus placés à Champ-Dollon se déroulait dans le quartier de sécurité de l’établissement et ils étaient séparés des détenus en exécution de peine ou en détention provisoire. Il en allait de même des promenades qui se faisaient séparément. Cette pratique était conforme à l’art. 16 de la Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (ci-après: Directive sur le retour) et était également admise par la doctrine, de même que par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Le rapport établi le 12 mai 2018 par le gardien-chef adjoint de Frambois indique que M. A______ a été placé en « cellule rébarbative pour une durée indéterminée ». Par courriel du 13 mai 2018, la directrice de Frambois a sollicité le transfert du détenu à la prison de Champ-Dollon. Par courriel du 25 mai 2018 au directeur général de l’office cantonal de la détention, elle a indiqué que les pensionnaires maghrébins considéraient l’enfermement au cachot de M. A______, qui s’y trouvait toujours, comme disproportionné. La situation à Frambois était très tendue, difficilement gérable et la sécurité n’était plus garantie.

15) Lors de l'audience devant le TAPI le 4 juin 2018, l’OCPM a confirmé qu’une procédure pénale était ouverte pour les faits commis par M. A______ le 12 mai dernier à l’encontre d'un gardien de Frambois (P/______/2018).

M. A______ a exposé qu’il n’avait pas voulu jeter une casserole d'eau chaude sur le gardien et que c'était un accident. Il s'était excusé auprès du gardien qui avait accepté ses excuses. Il avait été auditionné par la police et l’affaire n'était pas allée plus loin. Le gardien n’avait par ailleurs pas été blessé. Il était à l’isolement depuis quatorze jours à Frambois et onze jours à Champ-Dollon, de sorte qu’il n'avait plus envie de vivre. À Frambois, il était tout seul dans une cellule, à part pour la promenade qui durait une heure. À Champ-Dollon, il n’avait pas même de promenade. Depuis qu’il avait été mis à l’isolement à Frambois, il n’avait pas reçu d’autres vêtements que ceux qu’il portait à l’audience, il n’avait même pas de caleçon de rechange. Les gardiens de Champ-Dollon l’insultaient, il ne recevait les repas que quand les gardiens le voulaient bien et il ne recevait pas de médicaments. Le jour de l’audience, il n’avait pas reçu de repas. Il avait par ailleurs à faire aux gardiens contre qui il avait déposé plainte, de sorte qu’il avait peur d’avoir des problèmes. Cela faisait vingt-cinq jours qu’il était sanctionné en étant à l’isolement. Personne n’avait subi le même traitement que lui. Sa santé se détériorait et il n’en pouvait plus d'être à Champ-Dollon, où il n’avait aucun droit.

L'OCPM a confirmé que M. A______ se trouvait à Champ-Dollon dans le quartier sécuritaire séparé des autres prévenus pénaux, mais il était étonnant qu’il n’y ait pas de promenade. Il n’y avait pas d’autres démarches qui avaient été effectuées pour placer M. A______ ailleurs qu’à Champ-Dollon. L’expérience avait montré que les autres établissements administratifs n'étaient pas plus sécurisés et qu’ils refusaient d’entrer en matière, sans parler du manque de place. Maintenir l’administré à l’isolement à Frambois n’était pas non plus une solution. Frambois n’était pas un endroit adéquat pour gérer le genre de situation qu’ils avaient connu avec M. A______, où les gardiens avaient été mis en danger. Ce n’était pas pour une punition, mais pour des questions de sécurité, que l’intéressé avait été transféré à Champ-Dollon. La représentante de l’OCPM ignorait ce qu’il se passerait par rapport au lieu de détention si M. A______ refusait de prendre l’avion le 28 juin prochain. L’OCPM réévaluerait la situation à ce moment.

L'OCPM a encore produit copie de la directive départementale interne qu’il ne pouvait pas remettre au conseil du recourant et le TAPI a procédé à la lecture du chiffre 2.2.2.2. L’OCPM a conclu au rejet de la demande de mise en liberté et, subsidiairement, à ce que le TAPI octroie un délai de deux semaines pour que l’OCPM puisse trouver une autre solution.

16) Par jugement du 4 juin 2018, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté et confirmé en tant que de besoin la détention administrative jusqu’au 28 juin 2018, à condition toutefois qu’elle soit exécutée dans un établissement de détention administrative respectant l’art. 81 al. 2 LEtr à partir du 8 juin 2018 ; à défaut, M. A______ devait être mis en liberté.

L’intéressé niait avoir volontairement agressé un gardien. Aucune sanction n’avait été prononcée à son encontre. Cet événement devait être relativisé, dès lors qu’il remontait à plus de deux semaines. Il avait subi onze jours de détention en isolement à Champ-Dollon et quatorze à Frambois. De telles conditions n’étaient pas compatibles avec la Directive sur le retour, la LEtr et le chapitre 3 du concordat sur l’exécution de la détention administrative à l’égard des étrangers du 4 juillet 1996 (CEDA - F 2 12). L’administré ne menaçait pas l’ordre public de manière sérieuse, directe et imminente sans qu’aucune autre mesure ne puisse être prise. Il ne s’agissait pas d’un détenu à haut risque imposant son transfert dans un établissement pénal. La détention sans limite de temps dans un établissement inadéquat ne respectait pas le principe de la proportionnalité. En outre, l’OCPM n’avait entrepris aucune démarche pour trouver une autre solution.

17) Par acte déposé le 8 juin 2018 à la chambre administrative de la Cour de justice, l’OCPM a recouru contre ce jugement, concluant à ce qu’il soit réformé en ce sens qu’il soit dit que la détention administrative de M. A______ à Champ-Dollon est licite et possible jusqu’à ce qu’une solution permettant d’assurer la sécurité publique et celle du personnel pénitentiaire des établissements LMC de Genève soit trouvée.

Déjà lors de sa détention pénale, M. A______ avait agressé le personnel et avait été condamné le 21 mars 2018 à une peine privative de liberté de nonante jours avec sursis pendant trois ans, pour tentative de violence ou menaces contre les autorités et les fonctionnaires. Il avait entamé une grève de la faim le 24 février 2018 dans le but d’obtenir un examen médical par scanner. Le 25 février 2018, alors qu’il était détenu à l’établissement de Favra, une sanction de mise en isolement cellulaire pendant trois jours avait été prononcée à son encontre pour « attitude incorrecte envers le personnel, insultes et menaces envers un agent, provocation dans l’intention de créer une bagarre et menaces de représailles ». Le lendemain de son entrée dans la cellule forte, il l’avait totalement saccagée et rendue inutilisable, l’inondant et détruisant les installations lumineuses et sanitaires ainsi que la literie. Il avait le visage complètement tuméfié et avait exposé qu’il avait ingurgité le néon de sa cellule. Ce comportement avait entraîné la suspension provisoire de l’exécution de la sanction, le prononcé d’une sanction supplémentaire de cinq jours de chambre forte, son transfert à l’hôpital et au service médical de l’établissement de La Brenaz. Faute de cellule disponible à l’établissement de Favra, dès lors qu’elle avait été détruite par M. A______, ce dernier avait purgé la sanction à la prison de Champ-Dollon. Le 15 mars 2018, M. A______ avait fait l’objet d’une nouvelle sanction de trois jours de chambre forte. Il avait été transféré de l’établissement de Favra à celui de Frambois le 26 mars 2018. Le 12 mai 2018, peu après 20h00, il avait menacé deux gardiens et tenté de jeter le contenu d’une casserole d’eau bouillante au visage de l’un d’eux. Ce n’était que grâce à l’intervention d’un gardien qui avait tenu le bras du détenu que l’eau n’avait pas atteint le visage, mais la cuisse de l’autre gardien. Les gardiens avaient déposé une plainte pénale (P/______/2018), qui suivait son cours. À la suite de cet incident, M. A______ avait été placé « au cachot », ce dont il s’était défendu. Il avait ensuite endommagé sa cellule, abimant la fenêtre, et avait été déplacé en « cellule rébarbative ». La détention de M. A______ avait suscité « une révolte des détenus d’origine africaine », qui considéraient la détention disproportionnée. Compte tenu du comportement agressif de M. A______, la directrice de Frambois avait requis son transfert à Champ-Dollon le 25 mai 2018. Le chef du DS avait autorisé ce transfert le même jour.

Le recours portait uniquement sur le maintien de M. A______ à Champ-Dollon. L’établissement de Frambois était inapproprié pour accueillir une personne qui avait commis de nombreux actes délictuels, celui de Favra était inadapté aux cas d’insoumission et M. A______ présentait une dangerosité particulière. Les démarches entreprises auprès des centres de détention de Witzwil et Coire étaient restées vaines.

À la suite du prononcé du jugement querellé, la directrice de Frambois avait indiqué que le retour de M. A______ dans cet établissement était impossible. Les détenus préparaient eux-mêmes les repas et avaient ainsi accès à toutes sortes d’ustensiles. M. A______ devait être placé dans un établissement où les repas étaient préparés.

18) Statuant le 8 juin 2018 avant détermination de l’intimé, la chambre de céans a restitué l’effet suspensif en ce qui concernait la détention administrative au-delà du 8 juin 2018.

Interpellé par la chambre de céans le 8 juin 2018 à 16h00, l’OCPM avait indiqué que M. A______ avait été transféré le jour même à l’établissement de Favra.

19) Se déterminant le 12 juin 2018, M. A______ a conclu, sur effet suspensif, au rejet de la requête y relative, à l’annulation de la décision du 8 juin 2018, au constat que le recours de l’OCPM n’entraînait pas effet suspensif, à la confirmation du jugement attaqué, à sa mise en liberté à défaut de son transfert immédiat dans un établissement de détention administrative adéquat. En tant que de besoin, un tel transfert devait être ordonné. Il demandait également la nomination d’office de son avocate et le bénéfice de l’assistance juridique.

Sur le fond, il a conclu à la confirmation du jugement querellé, au rejet du recours, à la constatation de l’illégalité de la détention administrative depuis le 25 mai 2018, à ce que son transfert immédiat dans un établissement adapté à la détention administrative soit ordonné, à ce qu’il soit prévu qu’à défaut, il soit libéré, qu’en tant que de besoin il soit ordonné à l’OCPM de le transférer immédiatement dans un établissement de détention administrative adéquat et que l’illégalité de la sanction administrative infligée le 18 mai 2018 soit constatée.

Lors de sa détention pénale, un codétenu lui avait asséné plusieurs coups de poing au visage. Une plainte pénale était actuellement en cours. M. A______ estimait que le chef d’étage et le surveillant l’avaient, à dessein, laissé seul sous la douche avec un codétenu albanais, alors que les tensions entre ces deux groupes étaient notoires. Le Ministère public avait renvoyé le codétenu en jugement pour lésions corporelles simples. La procédure pénale ouverte contre les deux gardiens impliqués dans ces lésions se trouvait encore au Ministère public. À la suite de la décision du 8 juin 2018, il avait à nouveau été transféré à Champ-Dollon où il se trouvait à l’isolement. Il était désormais depuis dix-huit jours à l’isolement, dans une prison destinée à la détention pénale. Il était très angoissé de se retrouver là où il avait été agressé, entendait parler albanais et se retrouvait face aux gardiens dont il avait dénoncé le comportement.

Son maintien à la prison de Champ-Dollon était illégal, disproportionné et ne reposait sur aucune justification. L’incident du 12 mai 2018 ne justifiait pas un tel traitement. L’OCPM ne démontrait pas en quoi le transfert à l’établissement de Favra ne serait pas possible. Il était impératif qu’il soit immédiatement transféré et que l’isolement cellulaire cesse. M. A______ n’avait pas été placé en détention provisoire pour les faits survenus le 12 mai 2018. Il ne présentait ainsi pas un risque de réitération suffisamment important. Tant l’établissement de Frambois que celui de Favra répondaient aux critères applicables à la détention administrative. La prison de Champ-Dollon ne pouvait accueillir des détenus en vue de l’exécution d’un renvoi. M. A______ ne présentait pas une dangerosité telle qu’elle justifiait une exception à ce principe. Le fait qu’il soit auto-agressif, ait entamé une grève de la faim, insulté, menacé et provoqué des agents, ait été condamné pénalement et ait dégradé deux cellules ne justifiait pas le régime de détention. Son transfert avait été ordonné bien après l’incident du 12 mai 2018, en raison de l’émeute ayant éclaté à Frambois et non de sa dangerosité, dès lors qu’il se trouvait alors en isolement cellulaire. Son maintien à la prison de Champ-Dollon revenait à un moyen de pression pour l’inciter à accepter son renvoi en Algérie, ce qui était inadmissible. Enfin, en tant que la sanction de l’isolement dépassait largement la durée maximale fixée à cinq jours prévue aux art. 27 al. 2 et 51 al. 2 du règlement de l’établissement concordataire de détention administrative de Frambois du 8 avril 2004 (RFrambois - F 2 12.08), il convenait de constater l’illicéité de la sanction.

20) Par télécopie du 12 juin 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté temps utile auprès de la juridiction compétente (art. 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d’application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA -
E 5 10), le recours est recevable.

En tant que les conclusions de l’intimé vont au-delà du rejet du recours, elles sont irrecevables. En effet, la LPA ne prévoit pas la possibilité de former un recours joint (ATA/455/2018 du 8 mai 2018 consid. 2 ; ATA/119/2016 du 9 février 2016 consid. 6c).

2) Ayant reçu le recours le 8 juin 2018 et statuant ce jour, la chambre de céans respecte le délai légal de dix jours dans lequel elle doit se prononcer (art. 10 al. 2 LaLEtr).

3) La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4) Le litige porte sur la licéité de la détention de l’intimé dans un établissement non destiné à la détention administrative.

a. L'autorité judiciaire chargée du contrôle de la décision de détention administrative doit examiner notamment les conditions d'exécution de la détention (ATF 122 II 49 consid. 5 ; 122 II 299 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_384/2017 du 3 août 2017 consid. 4.5). Si celles-ci ne respectent pas les exigences légales, il appartient au juge d'ordonner les mesures qui s'imposent ou – s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention préventive – de faire transférer à bref délai le recourant dans d'autres locaux. Si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable, le recourant doit être libéré (ATF 122 II 299 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 5.2).

Les personnes en détention administrative ne doivent pas, en principe, être détenues avec des prisonniers de droit commun (art. 16 al. 1 de la Directive européenne sur le retour ; art. 81 al. 2 LEtr). La seule exception évoquée par ces deux textes portent sur des cas de surpopulation des centres de détention administrative (art. 18 § 1 de la Directive européenne sur le retour ; art. 81 al. 2 LEtr), l’exception n’ayant été introduite à l’art. 81 al. 2 LEtr que depuis le 1er février 2014 et faisant l’objet de critiques de la doctrine quant à sa compatibilité avec les normes de droit international (Grégoire CHATTON/Laurent MERZ, Code annoté de Droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 93 n. 45).

Même l’hypothèse où un ressortissant étranger consentirait à son placement dans un établissement pénitentiaire avec des prisonniers de droit commun n’est pas autorisée (arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne C-474/13 du 17 juillet 2014).

b. En l’espèce, l’autorité recourante justifie le transfert du détenu à Champ-Dollon non pas en raison d’un manque de places dans les établissements de détention administrative du canton, mais en raison de sa dangerosité.

5) a. Selon la jurisprudence, il existe une autre exception au principe de la séparation des détenus de droit commun et des détenus de droit administratif, à savoir lorsqu’il existe un risque sécuritaire d’un détenu, à l’encontre de ses codétenus, du personnel administratif ou de la collectivité et que les standards de sécurité de l’établissement conçu pour le placement en détention administrative ne suffisent pas à pallier ce risque (arrêt du Tribunal fédéral 2C_37/2011 du 1er février 2011 consid. 3.1 ; 2A_8/1996 du 1er février 1996 consid. 3b ; Martin BUSINGER, Ausländerrechtliche Haft, Die Haft nach Art. 75 ff AuG, 2015, p. 309 ; Grégoire CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 93 n. 45).

« L’isolement cellulaire d’un étranger, voire – en l’absence de mesures de sécurité renforcée dans un centre de détention administrative – sa détention dans un établissement pénitentiaire ou dans le quartier psychiatrique carcéral ne sont envisageables qu’à titre tout à fait exceptionnel, lorsque l’étranger présente un danger concret et grave pour sa vie ou son intégrité, ou pour celles d’autrui. De même, un régime plus sévère pourra, selon nous, être appliqué à la détention administrative pour insoumission, compte tenu du changement de comportement que celle-ci a pour but de provoquer chez l’étranger récalcitrant » (Grégoire CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 921 n. 23).

La doctrine relève toutefois qu’il faut supposer que la Cour de justice de l’Union européenne rejetterait cette exception et que se poserait alors la question de savoir où et comment ces étrangers devraient être détenus ou si, en plus des établissements de détention administrative ordinaires, des établissements devraient être créés pour des étrangers à hauts risques (« Hochrisikohäftlinge » ; Martin BUSINGER, op. cit., p. 309).

L’hébergement de détenus au sein d’établissements pénitentiaires de détention préventive ou d’exécution de peine ou de mesures reste envisageable, « à condition toutefois que ces établissements aient été conçus ou aménagés de façon à éviter tout côtoiement entre détenus pénaux et détenus administratifs (étages, pavillons ou divisions disposant d’accès strictement séparés et spécialement aménagés pour tenir compte des besoins et droits élargis des détenus administratifs). Une séparation des groupes de détenus uniquement au niveau des cellules ne suffit pas » (Grégoire CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., p. 917 n. 21).

En l’absence d’établissements de détention spécifiques et adaptés aux besoins des détenus relevant du droit des étrangers, ces derniers doivent être placés dans des divisions séparées de celles des autres catégories de détenus (ATF 122 II 299). L’utilisation de la même cour de promenade est possible à condition que cela intervienne à des moments distincts de la journée (ATF 122 II 49 consid. 5a).

b. Le CEDA, applicable par renvoi de l'art. 12A LaLEtr, indique que la détention administrative a lieu dans un établissement fermé (art. 13 al. 1).

Selon l’art. 30 CEDA, les cantons concordataires disposent des établissements suivants pour l'exécution de la détention administrative des étrangers : a)  le ou les établissements gérés par la fondation concordataire ; b) le ou les établissements gérés par l'un des cantons concordataires, reconnus par la Conférence romande des chefs de département compétents en matière de police des étrangers (ci-après : la Conférence). La reconnaissance (au sens de la let. b ci-dessus) est décidée par la Conférence en considération du respect par l'établissement cantonal des conditions matérielles et des exigences qualitatives applicables à la détention administrative. Elle peut être assortie de conditions ou être limitée dans le temps.

Aux termes de l’art. 35 CEDA, les cantons concordataires s'engagent à placer dans les établissements concordataires les détenus administratifs relevant de leur autorité. L'établissement est tenu de recevoir ces détenus. Le placement ou le transfert d'un détenu dans un établissement non concordataire demeure réservé dans des circonstances particulières, notamment pour des motifs de sécurité ou de santé. Si, en cours de détention, la direction estime qu'un détenu doit être transféré dans un autre établissement, elle adresse une demande à l'autorité d'exécution du canton qui a ordonné la détention.

L'autorité compétente de chaque canton (autorité d'exécution) procède au placement ou au transfert selon sa libre appréciation, notamment en fonction des formalités administratives à accomplir, des modalités prévisibles du refoulement et de considérations de sécurité ou d'ordre dans l'établissement (art. 36
al. 1 CEDA).

b. La rétention et la détention sont exécutées dans un établissement fermé, à l'intérieur duquel la liberté de circulation est garantie dans les limites imposées par la gestion d'une structure communautaire. Les conditions d’exécution de la détention sont régies par le chapitre troisième du CEDA (art. 12A LaLEtr).

6) a. L'art. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) consacre expressément le principe de la séparation des pouvoirs. En l'absence de délégation législative expresse, le Conseil d’État ne peut pas poser de nouvelles règles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations (ATF 138 I 196 consid. 4.1 ; ATA/239/2011 du 12 avril 2011 consid. 4a ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 253 ss n. 2.5.5.3). Seule la clause générale de police peut justifier une entorse à ce principe, mais il faut que l'ordre public soit menacé de manière grave, directe et imminente, sans qu'aucune autre mesure légale ne puisse être prise ou aucune norme adoptée en temps utile (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 667 ss n. 4.2.3.9).

Selon la « clause générale de police » de l’art. 10 du règlement sur l’organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol - F 1 05.01), la police prend, même sans base légale particulière, les mesures d'urgence indispensables pour rétablir l'ordre en cas de troubles graves ou pour écarter des dangers sérieux, directs ou imminents menaçant la sécurité et l'ordre publics.

b. La direction de Frambois peut prononcer une sanction disciplinaire à l'égard du détenu qui enfreint les règles du régime de détention ou les dispositions du RFrambois (art. 27 al. 1 CEDA) ou qui commet un acte tombant sous le coup de la loi pénale, notamment : a) l’évasion et la tentative d’évasion ; b) l’acquisition, le trafic et la détention d’armes ou de matières dangereuses (art. 50 al. 1 RFrambois).

L’art. 51 RFrambois prévoit que les sanctions disciplinaires sont l’avertissement écrit, le retrait des facilités et des avantages accordés et l’isolement cellulaire. Elles peuvent être cumulées (al. 1). L’isolement ne peut pas durer plus de cinq jours (al. 2). La sanction doit être proportionnée à la nature et à la gravité de l’infraction. Elle doit faire l’objet d’une décision écrite indiquant la voie et le délai de recours (al. 3).

7) En l’espèce, il n’est pas contesté que les conditions de la détention administrative au sens de l’art. 78 al. 1 LEtr sont remplies.

L’autorité recourante considère que l’intimé, « d’un naturel violent », représente une menace certaine, grave et exceptionnelle pour la sécurité du personnel et des détenus de Frambois. Ses actes auto-agressifs, sa grève de la faim, les insultes, menaces et provocations à l’égard des agents de détention et les dégâts causés aux cellules ainsi que l’agression à l’eau bouillante d’un agent rendraient impossible le maintien de celui-ci à Frambois.

L’intimé a été condamné à une peine privative de liberté de sept mois avec sursis pour vol, tentative de vol, vol d'importance mineure, dommages à la propriété, violation de domicile et infraction à l’art. 19 al. 1 et 19a LStup. Les comportements qui lui sont reprochés en détention, outre les actes auto-agressifs, ont été dirigés contre le mobilier, d’une part, et contre des agents de détention, d’autre part. L’intimé a été condamné pour tentative de violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires pendant sa détention pénale et a été sanctionné le 25 février 2018 pour avoir insulté, menacé et provoqué des agents de détention administrative. Il a purgé cette dernière sanction.

L’incident pour lequel le transfert de l’intéressé à la prison de Champ-Dollon a été ordonné s’est produit le 12 mai 2018. Depuis lors, l’intimé est détenu à l’isolement, d’abord à l’établissement de Frambois, puis depuis le 25 mai 2018 à la prison de Champ-Dollon. Ce régime de détention ne repose sur aucune base légale et ne saurait se justifier par la clause générale de police.

En effet, aucun élément au dossier ne permet de retenir, ne serait-ce que sous l’angle de la vraisemblance, que l’intimé présenterait, à la prison de Champ-Dollon, un risque pour la sécurité du personnel ou des autres détenus de cet établissement. Comme il le fait valoir à juste titre, son régime de détention particulier, prévu sous forme de sanction par l’art. 51 RFrambois, ne peut dépasser cinq jours. L’autorité recourante ne soutient pas non plus que ce type et la durée de cette détention particulière, qui plus est dans un établissement non destiné à accueillir des personnes en détention administrative, trouverait une justification dans le comportement de l’intimé à la prison de Champ-Dollon. Par ailleurs, le dossier ne contient pas de sanction qui aurait été prononcée à l’encontre de l’intimé pour les faits survenus le 12 mai 2018. Le rapport établi à cet égard par le gardien-chef adjoint fait uniquement état de l’enfermement de l’intimé en cellule rébarbative pour une durée indéterminée. Il n’apparaît pas qu’une décision de sanction sujette à recours ait été notifiée à l’intimé. La détention de l’intimé en isolement à la prison de Champ-Dollon est donc illicite.

Reste à examiner si les circonstances du cas d’espèce justifient la détention de l’intimé dans un centre pénitentiaire non destiné à accueillir des personnes en détention administrative.

À teneur du dossier, l’intimé a adopté des comportements répétés agressifs envers les agents de détention, d’abord lorsqu’il purgeait sa peine, puis à l’établissement de Frambois une première fois le 22 février 2018. Dans le cadre de l’exécution de la sanction infligée pour ce dernier comportement, il a également causé d’importants dégâts aux cellules de détention dans lesquelles il a été successivement placé. Au vu des pièces produites par l’autorité recourante, aucun problème de comportement n’est documenté pour les mois de mars et d’avril 2018. L’incident du 12 mai 2018 a donné lieu à une procédure pénale ouverte à la suite des plaintes déposées par les agents de détention. Après audition desdits agents, la police n’a cependant pas mis l’intimé à disposition du Ministère public. En l’état, aucune mesure pénale n’a été prise à l’encontre de l’intéressé à la suite des événements du 12 mai 2018, ce qui relativise la dangerosité de l’intéressé. Selon la directrice de Frambois, outre le problème de sécurité que posait l’intimé, c’était surtout les tensions induites par la détention en isolement de ce dernier que les détenus maghrébins estimaient disproportionnée et équivalente à un régime de détention avant jugement, qui rendait la situation difficilement gérable. Ainsi, si le comportement de l’intimé à Frambois a, certes, donné lieu à deux incidents de violence dirigée contre des agents de détention, il apparaît que ce ne sont pas ces derniers qui ont été déterminants à eux seuls pour son transfert à la prison de Champ-Dollon. La réaction de contestation de la part d’autres détenus quant aux conditions de détention de l’intimé semble avoir joué un rôle déterminant pour ordonner le transfert de ce dernier.

Au vu des éléments qui précèdent, il ne peut être retenu que l’intimé constituerait un danger sérieux, direct ou imminent menaçant la sécurité des agents en charge de sa détention administrative justifiant son transfert à la prison de Champ-Dollon.

Par ailleurs, l’autorité recourante a bénéficié à ce jour d’un délai de près de trente jours, soit depuis le 13 mai 2018, date à laquelle la directrice de Frambois a sollicité pour la première fois un transfert, pour trouver une solution alternative auprès des autres établissements de détention administrative du pays. Ces démarches n’ont cependant commencé à être entreprises que le 5 juin 2018.

En outre, l’autorité recourante expose que l’établissement de Frambois ne serait ni apte ni adéquat pour accueillir l’intimé et celui de Favra, moins sécurisé, n’entrerait pas en ligne de compte. Or, la loi n’opère pas de distinction relative aux conditions de la détention administrative en fonction du fondement (art. 75 à 77 LEtr ou art. 78 LEtr) de celle-ci.

Compte tenu de ce qui précède et des exigences légales strictes pour le transfert d’un détenu administratif dans un établissement de détention non concordataire, il ne peut être retenu que le détenu menace l'ordre public de manière grave, directe et imminente, sans qu’aucune autre mesure légale ne puisse être prise. L’intéressé ne remplit, en l’état, pas les conditions d’un détenu à haut risque imposant son transfert dans un établissement pénal, d’autant moins dans les conditions d’isolement qui sont les siennes depuis près d’un mois.

L’attention de l’intimé est, cependant, expressément attirée sur le fait qu’en cas de nouveau comportement comportant des actes de violence, notamment physique, à l’encontre d’agents de détention ou de codétenus, la question de son éventuel transfert au sein d’un établissement pénitentiaire non destiné à accueillir des personnes en détention administrative pourrait se poser.

Le terme du 8 juin 2018 fixé dans le dispositif du jugement querellé et contesté par l’autorité recourante sera porté au 14 juin 2018 à 17h00, moment auquel le détenu devra être libéré s’il n’a pas été transféré dans un établissement de détention administrative respectant les conditions de l’art. 81 al. 2 LEtr.

Le recours n’est ainsi admis que dans la très faible mesure où le terme de la détention administrative à Champ-Dollon est reporté au 14 juin 2018 à 17h00.

8) Au vu du présent arrêt, il est superflu de statuer sur la requête d’effet suspensif après détermination de l’intimé.

9) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Vu son issue, une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’État de Genève, sera allouée au recourant qui était assisté d’un avocat et y a conclu (art. 87 al. 2 LPA), son avocate, Me Camilla NATALI, étant, en tant que de besoin, nommée d’office pour la procédure de recours, avec effet au 11 juin 2018, date de réception de sa part du recours déposé par l’autorité.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juin 2018 par l’office cantonal de la population et des migrations contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 juin 2018 ;

au fond :

l’admet partiellement en ce sens que la poursuite de la détention administrative pour insoumission de Monsieur A______ n’est admise qu’à la condition que cette détention soit exécutée dans un établissement de détention administrative respectant les conditions de l’art. 81 al. 2 LEtr au plus tard le jeudi 14 juin 2018, à défaut de quoi Monsieur A______ devra être libéré le jeudi 14 juin 2018 à 17h00 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

nomme, en tant que de besoin, d’office Me Camilla NATALI pour la présente procédure de recours, avec effet au 4 juin 2018 ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à charge de l’État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’office cantonal de la population et des migrations, à Me Camilla Natali, avocate de Monsieur A______, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, aux centres Favra et Frambois LMC, ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf et M. Pagan, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

Nathalie Deschamps

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 13 juin 2018 la greffière :