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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/886/1993

ATA/575/1994 du 22.11.1994 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PLACE DE PARC ; AUTORISATION DÉROGATOIRE(EN GÉNÉRAL) ; PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT ; IMPACT SUR L'ENVIRONNEMENT ; INCONVÉNIENT MAJEUR
Normes : LALAT.26.al1
Parties : BORLOZ Mathilde / DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS, COMMISSION DE RECOURS LCI, WATSONCAR SA, BOULIFA Zoubei, VOLKART Jakob
Résumé : "L'antériorité d'une installation peut constituer un motif justifiant l'octroi d'une dérogation, notamment lorsque la construction litigieuse existe depuis de nombreuses années, en connaissant une affectation identique, sans que le DTPE ait jamais réagi pour mettre un terme à une situation illégale dont il était informé (ATA du 4.04.1990 en la cause S.)". Parcelle en zone villas affectée à une activité artisanale depuis longtemps. Dérogation accordée. L'harmonie du quartier n'est pas dépassée par le parking. Pas d'étude d'impact exigée pour un parking inférieur à 300 places. Pas d'accroissement de la circulation qui puisse être cosidéré comme une nuisance grave.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

 

du 22 novembre 1994

 

dans la cause

 

Madame Mathilde BORLOZ

représentée par Me Damien Bonvallat, avocat

 

contre

 

COMMISSION DE RECOURS INSTITUEE PAR LOI SUR LES CONSTRUCTIONS ET LES INSTALLATIONS DIVERSES

 

et

 

DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS ET DE L'ENERGIE

 

et

 

Monsieur Jakob VOLKART

représenté par Me Pierre Sidler, avocat

 

et

 

WATSONCAR SA et Monsieur Zoubei BOULIFA

appelés en cause



EN FAIT

 

 

1. Monsieur Jakob Volkart est propriétaire, depuis 1962, de la parcelle no 10'464, sise 6 chemin des Sapins à Meyrin. Cette parcelle est située en zone 5 (zone villas).

 

Lors de son acquisition, M. Volkart a obtenu une dérogation lui permettant d'exploiter une entreprise de mécanique et de compresseur, succédant ainsi à l'atelier de menuiserie du précédent propriétaire.

 

Cette parcelle abrite, outre l'atelier de M. Volkart, une société de graphisme. Elle supporte de plus une esplanade rectangulaire, qui a fait l'objet en 1963 de modifications non autorisées consistant dans la pose d'une clôture et d'un revêtement en terre du Salève damée. Cet espace est utilisé, depuis les modifications susmentionnées, comme aire de stationnement pour véhicules automobiles.

2. Dans le quartier sont également installés un commerce de pommes de terre en gros, situé en zone 5, un hôtel, flanqué d'une esplanade permettant le parcage de plusieurs véhicules, ainsi que le garage de l'Aéroport qui dispose d'une vaste bâtisse pouvant abriter plusieurs véhicules et d'une grande cour destinée au stationnement de nombreuses voitures. Ces deux dernières entreprises sont situées en 3ème zone de développement.

3. En 1963, Monsieur Jean Borloz, propriétaire de la parcelle jouxtant celle de M. Volkart, s'est plaint des modifications opérées par ce dernier auprès du département des travaux publics, aujourd'hui département des travaux publics et de l'énergie (ci-après : DTPE).

 

Malgré cette plainte, l'esplanade ainsi transformée a été louée et exploitée par diverses personnes qui y ont successivement entreposé entre vingt et quarante voitures.

Le garage de l'Aéroport y a notamment placé, entre janvier 1984 et décembre 1987, les voitures en infraction dont la police ordonnait l'enlèvement. Pendant cette période, le mouvement des voitures était important, soit entre vingt et trente par jour.

 

Aucun des anciens locataires n'a jamais fait l'objet de plaintes durant le temps qu'a duré l'exploitation de l'esplanade, qui est actuellement louée à Watsoncar SA et qui abrite quelques 28 voitures destinées à la revente.

 

Conformément au bail liant M. Volkart et Watsoncar SA, les éventuelles réparations des véhicules exposés ne se font pas sur place. Les seules opérations effectuées sur ces voitures sont, à l'occasion, quelques travaux de nettoyage extérieur.

 

Par ailleurs, les mouvements de voiture sont, de l'avis des exploitants, de deux à quatre par jour et le parc est fermé toutes les nuits ainsi que le dimanche.

 

4. Par requête du 24 novembre 1989 et suite à une intervention du DTPE, M. Volkart a sollicité l'autorisation de réaménager la partie de l'esplanade servant de parking, où vingt-huit places étaient prévues, et d'y poser une clôture. Il s'agissait en fait de régulariser la situation existante.

 

Suite à la publication de la requête précitée, l'enquête publique a suscité l'opposition, exprimée par une pétition, d'une dizaine de voisins. Parmi les signataires de cette pétition, figuraient Madame Mathilde Borloz, épouse de M. Borloz, et Monsieur André Cretton, voisin de M. Volkart.

 

La commune de Meyrin et le service d'écotoxicologie ont rendu un préavis défavorable en raison notamment de la zone dans laquelle était située l'esplanade et des nuisances susceptibles de résulter du parking.

 

5. Le DTPE a délivré l'autorisation sollicitée le 11 juin 1990 en se fondant sur l'article 26 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L/1/17) permettant l'octroi de dérogations quant à la nature des constructions admissibles.

 

6. Le 8 février 1990, Mme Borloz et M. Cretton ont requis un rapport d'expertise du service cantonal d'écotoxicologie (ci-après : Ecotox) quant aux nuisances engendrées par l'exploitation de l'esplanade.

 

7. Par acte du 12 juillet 1990, ils ont recouru à la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses (ci-après : la commission). A cette occasion, ils n'ont pas produit le rapport d'Ecotox, qui ne faisait état d'aucune nuisances en regard de la législation fédérale en matière de protection de l'environnement.

 

8. Par décision du 23 novembre 1990, la commission a admis le recours.

 

Les circonstances du cas d'espèce ne justifiaient pas l'octroi d'une dérogation.

 

En effet, la transformation des lieux était postérieure à l'institution de la zone villas et la situation résultait d'un comportement contraire à la loi, qui semblait ne jamais avoir été agréé par les voisins. C'était d'ailleurs l'irritation des voisins qui était à l'origine de la demande d'autorisation déposée par M. Volkart. De plus, la présence de voitures sur l'esplanade incriminée, ainsi que la transformation des lieux, ne répondait à aucune utilité pour l'activité artisanale qui se déployait dans les bâtiments.

 

9. Contre cette décision, M. Volkart a interjeté recours auprès du Tribunal administratif en date du 10 janvier 1991.

 

Mme Borloz et M. Cretton se sont opposés au recours.

 

10. Dans son arrêt du 27 mai 1992, le Tribunal administratif a partiellement admis le recours. Il a annulé la décision du 23 novembre 1990 de la commission, ainsi que l'autorisation de construire délivrée par le DTPE en date du 11 juin 1990, et a renvoyé le dossier à ce dernier pour une nouvelle décision dans le sens des considérants.

 

Dans la mesure où l'autorisation se rapportait à une dérogation quant à la nature des constructions admissibles en zone 5, il était nécessaire d'examiner s'il résultait de l'aménagement d'un parking des nuisances graves pour le voisinage et ce, en regard de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de ses dispositions d'application. Il se justifiait de vérifier si le parking querellé était une installation au sens des articles 7 LPE, 2 de l'ordonnance sur la protection de l'air du 16 décembre 1985 (OPAIR - RS 814.318.142) et 2 de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 16 décembre 1985 (OPB - RS 814.41). De même, il était nécessaire de déterminer s'il s'agissait d'une installation nouvelle ou existante et si les plaintes de Mme Borloz et de M. Cretton ne constituaient pas implicitement une demande d'assainissement au sens des articles 7 et 8 OPAIR et 11 et suivants OPB. Ni la commission de recours ni le DTPE n'ayant procédé à cet examen, leurs décisions devaient être annulées.

 

De plus, la commission n'avait pas clairement précisé de quelle manière le DTPE avait violé le droit en retenant que les circonstances justifiaient une dérogation.

 

11. Conformément au jugement du Tribunal administratif, le DTPE a réexaminé la demande d'autorisation de M. Volkart et a accordé l'autorisation sollicitée le 3 septembre 1992.

 

L'esplanade servant à entreposer des voitures connaissant une destination presque identique depuis 1963 et n'ayant subi depuis cette date qu'une modification minime (pose d'une clôture), il convenait de la qualifier d'installation fixe existante. Une telle installation était susceptible, si le principe de la proportionnalité l'exigeait, d'être soumise à assainissement au sens de l'article 7 OPAIR et 13 OPB. Ce n'était pas le cas en l'espèce. En effet, les mouvements minimes des véhicules ne produisaient que peu de nuisances, le rapport d'Ecotox du 20 juin 1990 constatant d'ailleurs que les valeurs limites d'immissions de bruit n'étaient pas atteintes, et l'activité de l'exploitant ne pouvait que difficilement être réduite.

 

Par ailleurs, compte tenu de l'ancienneté des aménagements réalisés, de l'absence de nuisances graves eu égard au droit fédéral de l'environnement et de la présence dans le même périmètre d'un café-restaurant, d'un autre garage et d'un commerce occasionnant également bruits et nuisances, une dérogation aux normes de la 5ème zone pouvait être accordée.

12. Mme Borloz et M. Cretton ont recouru contre cette décision auprès de la commission le 9 octobre 1992.

 

Le DTPE avait fait une mauvaise application de la législation fédérale sur l'environnement. En effet, les faits démontraient que le parking litigieux était la source de nuisances, tant sonores que toxiques, en dehors des atteintes portées à l'esthétique de l'endroit. Dans de telles circonstances, le recours à une étude d'impact était donc nécessaire, le rapport d'Ecotox ne dispensant pas le DTPE d'une telle étude. De plus, il apparaissait arbitraire de ne pas considérer comme installation nouvelle le parking litigieux et ce, même si M. Volkart avait mis ses voisins et le DTPE devant le fait accompli. Au surplus et contrairement à ce que pensait le DTPE, il se justifiait d'imposer des mesures d'assainissement destinées à limiter les nuisances.

 

Par ailleurs, le DTPE avait outrepassé son pouvoir d'appréciation en accordant à M. Volkart une dérogation fondée sur l'article 26 LALAT, les conditions d'application de cette disposition n'étant pas remplies dans le cas d'espèce.

 

13. La commission a rejeté le recours le 7 septembre 1993.

 

C'était à juste titre que le DTPE avait délivré l'autorisation sollicitée dans la mesure où, et après deux transports sur place non annoncés, la commission avait pu constater que l'exploitation du parking ne donnait lieu qu'à des nuisances modestes ne justifiant pas des mesures de limitation des émissions et que les dispositions de la LPE ne s'opposaient nullement à la délivrance de l'autorisation.

 

14. Mme Borloz et M. Cretton ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif en date du 11 octobre 1993. Pour sa part, M. Cretton a retiré son recours le 30 novembre 1993.

 

Le DTPE et la commission avaient établi les faits de manière incomplète et arbitraire, Mme Borloz n'ayant jamais eu l'occasion de faire entendre ses témoins qui étaient en mesure, contrairement au Tribunal de céans qui ne pouvait par définition se rendre compte de l'ensemble de la situation, de faire comprendre l'importance des nuisances subies depuis des années.

 

De plus, en accordant l'autorisation à M. Volkart, le DTPE et la commission avaient fait une mauvaise application de la LPE et de ses dispositions d'application dans la mesure où, contrairement à ce qui était exigé par l'article 4 OEIE, les atteintes portées à l'environnement n'avaient pas été évaluées correctement par les autorités. En effet, si un rapport avait bien été demandé à Ecotox, celui-là avait été réalisé avec la collaboration de M. Volkart qui avait lui-même choisi les voitures sur lesquelles effectuer les tests. De plus, le bruit continuel d'un moteur dans le troisième bâtiment de la parcelle imposait à l'évidence de nouveaux contrôles; de même, des mesures d'assainissement sévères étaient nécessaires pour limiter au maximum les nuisances.

 

Enfin, les conditions d'octroi d'une dérogation au sens de l'article 26 LALAT avaient fait l'objet d'une appréciation arbitraire. Aucune des deux conditions cumulatives prévues par cette disposition n'étaient réalisées dans le cas d'espèce puisque, comme précédemment exposé, des nuisances graves résultaient du parking et que les circonstances ne justifiaient pas une telle dérogation; ni l'ancienneté de l'installation, ni l'intérêt économique de M. Volkart ne suffisaient à fonder le droit à une dérogation selon l'article 26 LALAT, au mépris des normes de protection de l'environnement et de l'intérêt des voisins à faire respecter la zone de calme dans laquelle ils vivaient.

 

15. Le DTPE et M. Volkart se sont opposés au recours.

 

Le DTPE a précisé qu'il avait examiné les questions relatives aux prescriptions fédérales en matière de l'environnement comme demandé par le Tribunal administratif dans son arrêt du 27 mai 1992.

 

Il avait ainsi considéré que la requête présentée par M. Volkart portait sur une modification peu importante ou "non-notable" d'une installation déjà existante qui n'exigeait dès lors aucune limitation à la source. Par ailleurs un assainissement (art. 16 et ss. LPE) n'était pas justifié eu égard au principe de proportionnalité et compte tenu du fait que le parking n'engendrait que deux à quatre mouvements de véhicules par jour. Enfin, l'emploi d'une machine bruyante dans un bâtiment situé à l'arrière de la parcelle de M. Volkart ne pouvait être pris en considération dans la procédure, ledit bâtiment n'étant pas situé sur l'esplanade incriminée.

Quant à M. Volkart, il a relevé que conformément à l'autorité de la chose jugée, les points déjà tranchés dans un précédent arrêt concernant la même cause ne pouvaient être remis en question.

 

Tous les faits pertinents avaient été constatés par le Tribunal administratif aux termes d'une instruction complète de la cause, ledit Tribunal ayant par ailleurs établi que l'utilisation de la parcelle constituait une amélioration par rapport à la situation antérieure et que les deux à quatre mouvements de voitures quotidiens devaient être considérés comme modestes du point de vue des nuisances sonores et toxiques.

 

Dès lors, le DTPE avait respecté le principe de proportionnalité et n'avait ni outrepassé ni abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant, d'une part, que l'exploitation du parking n'engendrait pas d'inconvénients graves et, d'autre part, que les circonstances justifiaient l'octroi d'une dérogation au sens de l'article 26 LALAT.

 

16. Le Tribunal a appelé en cause Watsoncar SA et Monsieur Zoubei Boulifa, actuels locataires de l'esplanade, conformément à l'article 71 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E/3,5/3).

Le directeur de Watsoncar SA a précisé, d'une part, que 17 voitures étaient actuellement stationnées sur l'esplanade donnant lieu, en raison des faibles ventes, à moins de 3 mouvements par jour, et, d'autre part, que l'entreprise était ouverte du lundi au vendredi jusqu'à 18 h., voire 19 h. pour du travail de bureau. Par ailleurs, et comme confirmé par le bail liant M. Volkart à Watsoncar SA et à M. Boulifa, aucun travaux de mécanique n'étaient effectués sur les véhicules entreposés.

 

17. Le Tribunal a également procédé à des enquêtes, entendant notamment tous les témoins cités par Mme Borloz.

Les différents témoins, propriétaires de parcelles proches de celle de M. Volkart, ont fait des déclarations fort divergentes.

Messieurs Eugène Beuchat et Roland Eckert, ainsi que M. Cretton, ont affirmé que 30 ou 40 voitures étaient stationnées sur l'esplanade, M. Daniel Zryd déclarant pour sa part que 20 voitures y étaient entreposées.

De plus, Monsieur Pierre Rey, de même que MM. Eckert et Zryd, ont précisé qu'il n'y avait aucune activité mécanique sur l'esplanade, contrairement au témoignage apporté par M. Cretton.

 

M. Beuchat n'a pu se déterminer sur l'existence d'une éventuelle activité mécanique; il a en revanche été en mesure d'informer le Tribunal que des essais de voitures se déroulaient toute la journée, samedi compris, alors que Monsieur Albert Stauffer n'a relevé aucune activité durant la fin de semaine.

En revanche, la quasi totalité des témoins, confirmant les propos de la recourante, s'est accordée à déclarer, en attribuant cette évolution soit à l'activité déployée par Watsoncar SA, soit aux automobilistes soucieux d'éviter l'avenue Louis-Casaï, que la circulation s'était nettement accrue ces derniers temps sur le chemin des Sapins.

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 9 al. 1 ch. 21 de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits du 29 mai 1970 - LTA - E/3,5/1; art. 63 al. 1 lit. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E/3,5/3).

 

2. Selon l'article 22 alinéa 2 lettre a de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), une construction ou une installation ne peut être autorisée que si elle est conforme à l'affectation de la zone où elle est située. Si tel n'est pas le cas, le droit cantonal peut toutefois autoriser des dérogations, notamment à l'intérieur des zones à bâtir (art. 23 LAT).

 

En l'espèce, il est établi que l'autorisation sollicitée par M. Volkart concerne une parcelle située dans une zone résidentielle destinée à la construction de villas. La transformation souhaitée n'est pas conforme à la zone et ne remplit pas la condition primordiale posée par l'article 22 alinéa 2 lettre a LAT pour la délivrance d'une autorisation.

 

Il s'agit dès lors de déterminer si M. Volkart peut être mis au bénéfice d'une autorisation fondée sur le droit cantonal.

3. L'octroi d'une telle dérogation est possible en vertu de l'article 26 alinéa 1 LALAT qui prévoit que lorsque les circonstances le justifient et qu'il n'en résulte pas d'inconvénients graves pour le voisinage, le DTPE peut, après enquête publique, déroger à l'affectation normale d'une zone quant à la nature des constructions admissibles.

a. En matière de dérogation, et vu l'emploi par le législateur du mot "peut", l'administration dispose d'un certain pouvoir d'appréciation qui lui permet en principe de statuer librement, sans pour autant accorder ou refuser une dérogation de manière arbitraire (RDAF 1993 123; ATA du 19 août 1988 en la cause H.; ATA du 11 mars 1987 en la cause Hasel; SJ 1978 p. 397 et 398). Dès lors, l'autorité de recours ne peut pas substituer son appréciation à celle de l'autorité compétente pour prendre la décision, mais elle doit uniquement veiller à ce que la décision de l'autorité administrative ne soit pas en contradiction manifeste avec la situation effective ni adoptée sans motif objectif (ATF 109 Ia 22; ATA du 7 juin 1994 en la cause D.; ATA du 21 mai 1986 en la cause C.; ATA du 19 août 1988 en la cause H.).

 

b. La notion de circonstances particulières est un concept juridique indéterminé, considéré comme une question de droit par la doctrine et la jurisprudence, qui doit être interprété (A. GRISEL, Traité de droit administratif, 1984, p. 336).

Le Tribunal de céans a précisé que les circonstances particulières devaient être suffisamment importantes et que la situation considérée devait apparaître comme réellement exceptionnelle (RDAF 1993 124).

 

Ainsi, l'antériorité d'une installation peut constituer un motif justifiant l'octroi d'une dérogation, notamment lorsque la construction litigieuse existe depuis de nombreuses années, en connaissant une affectation identique, sans que le DTPE ait jamais réagi pour mettre un terme à une situation illégale dont il était informé (ATA du 4 avril 1990 en la cause S.).

 

Par ailleurs, l'autorité administrative doit prendre en considération le caractère, l'évolution d'un quartier, le réseau des voies de communication, le genre et la destination du projet qui, sans être immédiatement compatible avec les normes de la zone, se révèle admissible compte tenu des circonstances (ATA du 7 juin 1994 en la cause D.; ATA du 2 septembre 1981 en la cause Ville de L.).

 

c. Quant aux inconvénients graves pour le voisinage, ils sont tout d'abord examinés en regard du droit fédéral sur la protection de l'environnement (ATA du 17 mai 1992 en la cause B. et C.) qui règle, depuis l'entrée en vigueur de la LPE, la protection des personnes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes telles que le bruit (art. 1 LPE). Ce n'est qu'après avoir constaté la conformité de l'installation aux prescriptions fédérales que l'on peut déterminer si le droit cantonal fait obstacle au projet.

 

En effet, les dispositions cantonales qui n'ont pas pour seul but la limitation quantitative des nuisances conservent une portée propre (ATF 117 Ib 156; ATF 116 Ib 179 ss.; ATF 114 Ib 214 ss.). De même, les règles cantonales d'affectation du sol destinées à définir les caractéristiques d'une zone, d'un quartier ou son ambiance subsistent (ATF 117 Ib 156), tout comme celles régissant les effets indirects d'une installation ou les autres inconvénients pour les habitants des quartiers voisins (ATF 116 Ib 184; ATF 114 Ib 222; ATA du 7 juin 1994 en la cause D.).

4. En l'espèce, le Tribunal retiendra que le DTPE n'a ni outrepassé, ni abusé de son pouvoir d'appréciation en accordant l'autorisation sollicitée, les deux conditions cumulatives posées par l'article 26 alinéa 1 LALAT étant réalisées. Il a par ailleurs respecté l'exigence de l'enquête publique.

 

a. En ce qui concerne la première condition, il peut être relevé, d'une part, que la parcelle de M. Volkart a été affectée à des activités artisanales depuis plusieurs dizaines d'années et, d'autre part, que ce dernier a obtenu l'autorisation d'y exploiter un atelier de mécanique et de compresseur en 1962. De plus, l'esplanade incriminée a été, depuis 1963, utilisée aux fins d'entreposer des voitures sans qu'aucune plainte, hormis celle de M. Borloz et la pétition déposée à l'occasion de la requête en autorisation de M. Volkart, n'ait jamais été déposée, alors même que de 1984 à 1987 le garage de l'Aéroport y a entreposé de nombreuses voitures donnant lieu à une trentaine de mouvements quotidiens. Le DTPE connaissait cet état de fait depuis 1963; il n'a jamais réagi sauf pour demander à M. Volkart de régulariser la situation. Il a donc toléré pendant 30 ans une installation connaissant une affectation identique à celle qui est aujourd'hui en passe d'être régularisée.

 

Par ailleurs, le périmètre dans lequel se situe la parcelle supportant l'esplanade incriminée n'est pas uniquement constitué de villas. En effet, outre l'atelier de mécanique et la société Arda-Publicité, sis sur la parcelle de M. Volkart, il existe un hôtel-restaurant, entouré par une esplanade permettant le parcage de plusieurs véhicules, un commerce de pommes de terres en gros, ainsi qu'une parcelle exploitée par le garage de l'Aéroport. Ces constructions n'ont pas typiquement leur place dans une zone résidentielle. Dès lors, l'on ne peut affirmer que l'harmonie de l'endroit est déparée par l'aménagement d'une aire de parcage pour voitures, et ce d'autant plus qu'une épaisse haie de thuyas la dissimule partiellement aux villas voisines et qu'elle est située en bordure d'une troisième zone de développement.

 

En conséquence, il existe des circonstances particulières susceptibles de justifier l'octroi d'une dérogation.

 

b. En ce qui concerne la deuxième condition, il convient de vérifier en premier lieu si le DTPE a appliqué correctement les prescriptions de la législation fédérale sur la protection de l'environnement.

 

b.a. Un ouvrage existant ou nouveau doit faire l'objet d'une étude d'impact sur l'environnement, avant qu'il soit procédé à sa modification ou à sa construction, s'il est susceptible d'affecter sensiblement l'environnement et s'il fait partie des installations désignées par le Conseil fédéral (art. 9 LPE).

 

L'annexe 1 de l'ordonnance relative à l'étude d'impact sur l'environnement du 19 octobre 1988 (OEIE - RS 814.011) dispose que les parcs de stationnement pour plus de 300 voitures sont soumis à une étude d'impact.

 

Si l'ouvrage n'est pas soumis à une étude d'impact, l'article 4 OEIE prévoit l'application des dispositions générales de la LPE et de ses ordonnances d'exécution.

 

En matière de nuisances acoustiques, il s'agira plus particulièrement, notamment si le bruit produit par l'installation dépasse les valeurs limites d'immissions ou si ces dernières excèdent les valeurs de planification, de procéder à la limitation des émissions, notamment par l'assainissement (art. 7, 8 et 13 OPB).

 

Quant aux nuisances atmosphériques, les émissions seront limitées si les valeurs fixées dans l'annexe I de l'OPAIR sont franchies (art. 3 et 7 OPAIR) et les installations existantes seront assainies si elles ne respectent pas les exigences de cette même ordonnance (art. 8 OPAIR).

En l'espèce, peu importe que l'aire de stationnement litigieuse soit une installation existante ou nouvelle.

Dans tous les cas en effet, une étude d'impact n'est pas nécessaire car le parking exploité par Watsoncar SA ne compte que 28 places.

 

De même, aucune limitation des émissions ne peut être exigée, qu'il s'agisse des nuisances sonores ou toxiques; le rapport d'Ecotox précise que l'installation satisfait aux prescriptions de l'OPB et le faible mouvements quotidiens de voitures n'est de toute évidence pas susceptible de provoquer des pollutions atmosphériques excessives au sens de l'OPAIR d'autre part.

b.b. Si le droit fédéral sur la protection de l'environnement apparaît respecté, il reste à déterminer dans quelle mesure l'installation litigieuse entraîne d'autres nuisances pouvant être prises en considération dans le cadre du droit cantonal.

 

Mme Borloz invoque une nuisance indirecte, soit l'accroissement de la circulation sur le chemin des Sapins, ainsi que la transformation d'un quartier résidentiel en une zone à caractère quasiment industriel.

Il n'a pas été démontré que la circulation accrue des véhicules résulte de l'esplanade litigieuse. Si tel était cependant le cas, l'augmentation du trafic ne saurait être considérée comme une nuisance grave. On ne voit guère en effet comment une exploitation n'engendrant que 4 mouvements de véhicules par jour, puisse attirer un nombre de visiteurs tel que la circulation sur le chemin des Sapins s'en trouve gravement gênée.

 

Quant à l'affaiblissement du caractère résidentiel du quartier, il ne peut être attribué à la seule installation de M. Volkart.

 

D'ailleurs, le fait que la recourante ne se soit plainte qu'à deux reprises en trente ans, et jamais lorsque l'esplanade était occupée par le garage de l'Aéroport, démontre qu'il est douteux que les nuisances invoquées puissent être considérées comme graves.

Partant, il faut considérer que l'aménagement d'une aire de stationnement de véhicules destinés à la revente n'est pas constitutif d'inconvénients graves au sens de l'article 26 LALAT.

 

5. Par conséquent, le recours sera rejeté et la décision attaquée sera confirmée.

 

6. Un émolument de 1'000.- Frs comprenant les frais de procédure sera mis à la charge de la recourante.

 

7. Une indemnité de 1'000.- Frs sera allouée à M. Volkart, à la charge de Mme Borloz.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 11 octobre 1993 par Madame Mathilde Borloz contre la décision du 7 septembre 1993 de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

met à la charge de la recourante un émolument de 1'000.- Frs comprenant les frais de procédure;

 

alloue à M. Volkart une indemnité de 1'000.- Frs, à la charge de Mme Borloz;

 

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

 

communique le présent arrêt à Me Damien Bonvallat, avocat de la recourante, ainsi qu'à la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses, au département des travaux publics et de l'énergie, à Me Pierre Sidler, avocat de Monsieur Jakob Volkart, à Watsoncar SA et à Monsieur Zoubei Boulifa, ainsi qu'à l'office fédéral de l'aménagement du territoire.

 


 

Siégeants : Mme Bonnefemme-Hurni, présidente, MM.Tanquerel, Schucani, Grandjean, Mme Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : la présidente :

 

V. Montani E. Bonnefemme-Hurni

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le p.o. la greffière :

 

Mme J. Rossier-Ischi