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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/503/2002

ATA/56/2004 du 20.01.2004 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : TPE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 20 janvier 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur G______

représenté par Me Jean-Pierre Carera, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 



EN FAIT

 

 

1. Le 1er octobre 2001, un inspecteur de la police des constructions a constaté que trois murs en planches de bois avaient été réalisés sans autorisation par Monsieur G______, propriétaire de la parcelle ______feuille ______, de la commune de Veyrier située route ______ en zone villas.

 

2. Par courrier du 15 octobre 2001, la police des constructions du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL) a prononcé un ordre de démolition en application des articles 129 et suivants de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) en dénonçant leur caractère inesthétique, contraire à l'article 15 LCI.

 

3. M. G______ a déposé une requête en autorisation par voie de procédure accélérée pour l'installation d'une clôture en bois anti-bruit.

 

4. Par décision du 24 avril 2002, le DAEL a refusé l'autorisation sollicitée et confirmé l'ordre de démolition précité.

 

5. Par acte posté le 28 mai 2002, M. G______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre cet ordre de démolition en sollicitant la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans le cadre du recours qu'il avait interjeté auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : CCRMC) contre le refus d'autorisation qui lui avait été opposé.

 

6. Par décision du 14 juin 2002, la cause a été suspendue par le Tribunal administratif d'entente entre les parties.

 

7. Par décision du 10 février 2003, la CCRMC a rejeté le recours de M. G______ en se fondant d'une part, sur les préavis défavorables de la commune de Veyrier et de la commission d'architecture ainsi que sur les constatations qu'elle avait faites, d'autre part, à l'occasion d'un transport sur place. Seule une clôture qui longerait la route de Veyrier avait rencontré le préavis favorable du service Ecotox du département de l'intérieur. Ce faisant, la CCRMC a estimé que les constructions effectuées sur les autres côtés étaient inesthétiques et inutiles s'agissant de la protection du bruit en provenance de la route de Veyrier. Quant au principe d'égalité de traitement invoqué par le recourant, celui-ci n'avait pas été violé puisqu'aucune des constructions relatives à d'autres palissades dont il se prévalait n'avait fait l'objet d'autorisation.

 

M. G______ n'a pas recouru auprès du tribunal de céans contre la décision de la CCRMC.

 

8. A la requête des parties la présente procédure a été reprise par décision du 15 juillet 2003.

 

9. Le 18 septembre 2003, le tribunal a procédé à un transport sur place en présence des parties. Il a constaté que sur la parcelle de Mme C______, voisine de M. G______ et qui l'avait dénoncé au DAEL, une palissade en tôle ondulée verte de près de 2 mètres de hauteur avait été érigée dans le prolongement de la parcelle du recourant, du côté opposé à la route de Veyrier.

 

Sur place, le tribunal a pu constater que sur les trois côtés de la parcelle de M. G______ à l'exception de la partie longeant la route de Veyrier, une clôture en bois d'une hauteur de 2 mètres avait été érigée. M. G______ a allégué que du côté qui le séparait de la propriété de Mme C______, son but était de se protéger des regards inquisiteurs de sa voisine. Tous ses voisins étaient satisfaits de la clôture qu'il avait fait faire car cela les protégeait également. Le tribunal et les parties ont alors pris place dans le véhicule conduit par M. G______ et ont effectué un tour du village de Veyrier jusqu'à Troinex, en passant par les chemins Z______, de A______, la route de Veyrier, les chemins B______, E______, F______ et H______. Il a pu constater que de nombreuses palissades avaient été érigées. La plupart bordaient la voie publique et étaient dans certains cas en bois tressé ou en roseau ou encore en toile plastifiée verte tenue par des poteaux rigides. Au chemin H______, des murs en béton constituaient manifestement des murs anti-bruits. A la route de Veyrier, une palissade en bois plein, du même type que celles du recourant, avait été érigée entre deux parcelles et non pas en bordure de la chaussée.

 

10. Le DAEL a été prié de produire sa réponse au recours et, cas échéant, le dossier d'autorisation de Mme C______.

 

11. Le 17 novembre 2003, le DAEL a conclu au rejet du recours. Ces palissades avaient été érigées sans autorisation. Elles étaient inesthétiques. L'ordre de démolition n'était pas disproportionné car aucune autre mesure moins incisive ne permettait d'atteindre le but recherché. Le DAEL estimait encore qu'aucune violation du principe d'égalité de traitement ne pouvait être retenu. Il privilégiait les murs anti-bruits. Quant à la clôture érigée par Mme C______, celle-ci n'avait fait l'objet d'aucune autorisation de construire mais le DAEL interviendrait pour rétablir une situation conforme au droit. Les palissades, dont le tribunal avait pu constater la présence dans les environs, étaient d'une nature différente de celles de M. G______ dont elles se distinguaient par leur aspect et leur fonction.

 

12. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable, (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 let a) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E - 5 10).

 

2. Selon les articles 1 LCI, aucune construction ne peut être érigée sur le territoire du canton sans autorisation préalable. Le tribunal de céans, dans une jurisprudence constante, a toujours considéré que les constructions de ce genre étaient soumises à autorisation (ATA L. du 6 août 1997 et L. du 10 juin 1997).

 

3. Pour autant qu'ils ne dépassent pas une hauteur de 2 mètres, les murs en bordure d'une voie publique ou privée ou entre deux propriétés peuvent être autorisés dans la mesure où ils n'excèdent pas cette hauteur (art. 112 LCI). Le département se prévaut toutefois de l'article 15 de la même loi pour exiger l'enlèvement de la palissade édifiée sans autorisation.

 

Cette norme légale contient une clause d'esthétique qui constitue une notion juridique indéterminée, laissant un certain pouvoir d'appréciation à l'administration (art. 61 al. 2 LPA; ATA Hôtel et restaurant M. du 11 mars 2003).

 

En l'espèce, les explications fournies par le département ne permettent pas de conclure que cette autorité s'est laissée guider par des considérations étrangères à l'objet litigieux ou qu'elle a abusé de quelque manière que ce soit de la liberté d'appréciation que lui reconnaît le tribunal de céans.

 

La décision est donc conforme au droit de ce point de vue.

 

4. Le recourant ne saurait soutenir que ses constructions visent à se prémunir du bruit provenant des véhicules circulant sur la route de Veyrier car elles ne sont pas aptes à cela.

 

5. Le recourant se plaint d'une violation du principe de l'égalité, considérant que des constructions semblables aux siennes ont été autorisées dans le quartier où il habite.

 

Selon la jurisprudence, un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d'une inégalité de traitement au sens de l'article 8 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (RS 101) lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d'autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n'aurait pas été appliquée du tout (ATF 115 Ia 83; 113 Ib 313; 113 Ia 456; 112 Ib 387 et jurisprudences citées; Revue fiscale 1987 p. 91; ATA M.-M. du 5 juin 1991; ATA W.-S du 24 janvier 1990; ATA T. du 13 avril 1988; ATA E. du 23 mars 1988; ATA B. du 24 juin 1987; A. AUER, L'égalité dans l'illégalité, ZBl. 1978, pp. 281 ss, 290 ss).

 

Cependant, cela présuppose de la part de l'autorité dont la décision est attaquée la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question et de les faire appliquer par les services qui lui sont subordonnés (A. AUER, op. cit. p. 292 note 23).

 

En revanche, si l'autorité persiste à maintenir une pratique reconnue illégale ou s'il y a de sérieuses raisons de penser qu'elle va persister dans celle-ci (Revue fiscale 1987, p. 91), le citoyen peut demander que la faveur accordée illégalement à des tiers le soit aussi à lui-même (ATF 105 V 192; 104 Ib 373; 103 Ia 244; 99 Ib 383; 99 Ib 291; 98 Ia 658; 98 Ia 161; 90 I 167; A. AUER, op. cit. pp. 292, 293), cette faveur prenant fin lorsque l'autorité modifie sa pratique illégale (ATF 99 Ib 291, 384).

 

Encore faut-il qu'il n'existe pas un intérêt public prépondérant au respect de la légalité qui conduise à donner la préférence à celle-ci au détriment de l'égalité de traitement (ATF 99 Ib 384), ni d'ailleurs qu'aucun intérêt privé de tiers prépondérant ne s'y oppose (ATF 108 Ia 213, 214; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd. 1991, ch. 491 p. 104; B. KNAPP, Cours de droit administratif, 1994, ch. 491 pp. 42, 43).

 

Toutefois, si l'illégalité d'une pratique est constatée à l'occasion d'un recours contre le refus d'un traitement illégal, le Tribunal fédéral n'admettra pas le recours, s'"il ne peut pas être exclu que l'administration changera sa politique" (ATF 112 Ib 387). Il présumera, dans le silence de l'autorité, que celle-ci se conformera au jugement qu'il aura rendu quant à l'interprétation correcte de la règle en cause (ATF 115 Ia 83).

 

En l'espèce, il ressort clairement des écritures de l'autorité intimée que celle-ci n'entend pas laisser se développer une pratique illégale qui violerait les règles contenues dans la LCI, le département ayant indiqué dans son dernier courrier qu'il interviendrait en particulier à l'encontre de Mme C______. Le recourant ne peut donc tirer aucun argument de la présence sur le territoire du canton de palissades semblables à celles qu'il a édifiées sans droit (ATA D. du 2 décembre 2003; ATA A. du 27 août 1996).

 

6. Mal fondé, le recours doit être rejeté.

 

Un émolument de CHF 750.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA). Vu l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 28 mai 2003 par Monsieur G______ contre la décision du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du 24 avril 2002;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 750.-;

 

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité;

 

communique le présent arrêt à Me Jean-Pierre Carera, avocat du recourant, ainsi qu'au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega