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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3503/2016

ATA/54/2017 du 24.01.2017 ( FORMA ) , ADMIS

Descripteurs : ÉCOLE SECONDAIRE DU DEGRÉ SUPÉRIEUR ; ÉTUDIANT ; PROMOTION ; RÉSULTAT D'EXAMEN ; RECONSIDÉRATION ; RÉPÉTITION(ACTIVITÉ) ; ATTEINTE À LA SANTÉ ; AGGRAVATION DE L'ATTEINTE À LA SANTÉ ; POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LPA.61 ; aLIP.44A ; aLIP.47.al1 ; aRES.21.al1 ; aRES.22.al1 ; aRES.22.al2 ; aRES.22.al3 ; aRES.22.al4 ; aREDD.10.al5 ; aREDD.32 ; aDT-ECG.14 ; aDT-ECG.9.al1
Résumé : Recours d'une étudiante contre une décision lui refusant le redoublement de la première année de l'École de culture générale (ci-après : ECG). Il ressort de la décision querellée que l'autorité intimée n'a pas tenu compte des problèmes de santé de la recourante, qui expliquent sa faible fréquentation à l'école et la chute importante de ses notes. Ce faisant, le DIP a manqué à son devoir de procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes et a par conséquent abusé de son pouvoir d'appréciation. Recours admis. La recourante a la possibilité soit d'intégrer immédiatement une classe de première année à l'ECG, soit d'attendre la prochaine rentrée scolaire.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3503/2016-FORMA ATA/54/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 janvier 2017

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par sa mère, Madame B______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT

 



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1999, a achevé sa scolarité obligatoire en section langues vivantes et communication au cycle d’orientation de Montbrillant en juin 2014.

Elle a obtenu une moyenne générale de 4,7 mais a été promue par tolérance, sa moyenne en mathématiques s’élevant à 3,7. Il ressort de son bulletin de commentaires qu’elle a été une élève régulière et investie, participant avec entrain aux cours.

2) En août 2014, elle a intégré l’école de culture générale Jean-Piaget (ci-après : ECG Jean-Piaget).

3) Selon le bulletin intermédiaire du 31 octobre 2014, Mme A______ était non promue, ses notes de mathématiques et d’italien s’élevant respectivement à 2,8 et 3,1.

4) À la remise des bulletins de fin de premier semestre, l’intéressée était toujours non promue, avec une moyenne générale de 4,2 et deux disciplines insuffisantes (à savoir 2,5 en mathématiques et 3,1 en italien).

5) Mme A______ n’a pas été promue au terme de la première année d’ECG.

Sa moyenne générale était de 3,7 avec quatre disciplines insuffisantes (à savoir 3,8 en français, 2,0 en mathématiques, 2,0 en italien et 3,7 en sciences expérimentales). Elle avait cumulé deux cent quatre-vingt-quatre heures d’absence sur l’année scolaire (soit septante-trois au premier semestre et deux cent onze au deuxième), dont soixante heures non excusées.

6) Au vu de ses résultats, la direction de l’ECG Jean-Piaget ne lui a pas accordé le redoublement.

7) Durant l’année scolaire 2015-2016, Mme A______ a bénéficié du soutien d’une conseillère dans le cadre de Cap formations, dispositif interinstitutionnel d'aide à destination des jeunes sans qualification professionnelle de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), l'Hospice général et l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : OFPC).

8) En février 2016, elle a intégré le programme « semestre de motivation » de la Croix-Rouge genevoise (ci-après : Semo).

9) Par courrier non daté reçu le 2 août 2016 par la direction générale de l’enseignement secondaire (ci-après : DGES II) du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP), Mme A______ a demandé à pouvoir réintégrer une première année à l’ECG.

Dans le cadre du Semo, elle avait pu suivre des cours de mathématiques et de français afin de combler ses lacunes. Elle avait également passé et réussi un test équivalent à un test de fin du cycle d’orientation dans ces deux matières. Elle avait fait beaucoup de recherches d’apprentissage, déposé sans succès des dossiers de candidature et effectué différents stages. Ce faisant, elle s’était rendu compte que ce n’était pas sa voie et qu’elle souhaitait retourner à l’ECG afin d’obtenir le diplôme de maturité.

10) Au mois d’août 2016, Mme A______ a commencé une année préparatoire pour la formation de cuisinière dispensée par le Centre de formation professionnelle (ci-après : CFP) Services et Hôtellerie-Restauration.

11) Le 15 septembre 2016, l’intéressée a été reçue avec sa mère par une conseillère en formation et une juriste de la DGES II.

Elle a, à cette occasion, expliqué les raisons pour lesquelles elle préférait réintégrer l’ECG plutôt que de faire un apprentissage.

12) Par décision du 19 septembre 2016, la DGES II a rejeté la demande de réintégration de Mme A______ et confirmé la décision de la direction de l’ECG Jean-Piaget de ne pas lui accorder le redoublement de la première année.

Selon les dispositions légales applicables, il était nécessaire, pour autoriser un élève à répéter l’année, qu’un certain nombre de conditions soient établies, à savoir une présence régulière aux cours et un comportement adéquat. Il était en outre tenu compte des circonstances personnelles ayant entraîné l’échec. Le redoublement constituait une exception, la priorité étant mise sur l’orientation. Il n’avait de sens que si l’élève démontrait de réelles capacités et que le pronostic de réussite était élevé. Or, Mme A______ avait cumulé soixante heures d’absences non motivées durant l’année scolaire, et l’analyse de ses résultats scolaires mettaient en évidence des fragilités : l’écart négatif de 2,4 à la fin du premier trimestre avait augmenté à 6,1 au deuxième semestre, avec cinq disciplines insuffisantes. Dans ce contexte, un pronostic de réussite ne pouvait être établi. De surcroît, l’ECG Jean-Piaget s’était positionnée en juin 2015 contre un redoublement de la première année. La DGES II invitait donc l’intéressée à poursuivre sa formation en année préparatoire au CFP Services et Hôtellerie-Restauration.

13) Par courrier du 27 septembre 2016, l’intéressée a demandé à la DGES II de reconsidérer sa décision, et de lui laisser une deuxième chance.

Elle expliquait les circonstances ayant abouti à ses nombreuses heures d’absence et à ses mauvais résultats. Comme elle l’avait indiqué lors de l’entretien du 15 septembre 2016, elle souffrait d’une maladie auto-immune grave. Son état de santé s’était beaucoup aggravé en 2014-2015 et par voie de conséquence son état psychologique aussi. Elle avait toujours eu des difficultés en mathématiques, et avait complètement décroché avec ses problèmes de santé. Il en était de même en italien, matière nouvelle pour elle. Au deuxième semestre, ses notes de français et de sciences expérimentales étaient également insuffisantes, en raison de ses nombreuses heures d’absence. Sa maladie l’ayant rendue déprimée, elle se cachait souvent à la maison sans aucune envie de sortir. Son état de santé s’était heureusement amélioré en 2015-2016. Elle avait alors réalisé qu’elle pouvait réussir à faire les mêmes choses que les autres malgré sa maladie. Elle avait eu l’opportunité d’effectuer un stage dans un établissement médico-social (ci-après : EMS) qu’elle avait beaucoup apprécié, et elle avait commencé à se projeter dans cette carrière professionnelle. Son rêve était d’être un jour assistante sociale ou animatrice dans une maison de retraite. Elle avait également envie de continuer à apprendre des choses. Elle était prête à travailler très dur pour combler ses lacunes, et avait déjà trouvé une aide pour les mathématiques.

14) Par décision du 5 octobre 2016 adressée à Madame B______, mère de l’intéressée, la DGES II a refusé de reconsidérer sa décision.

En dépit des arguments invoqués, il ne pouvait répondre favorablement à la demande de sa fille au vu de l’absence d’éléments nouveaux déterminants et compte tenu du principe d’égalité de traitement entre tous les élèves. Il l’invitait à poursuivre sa formation au CFP Services et Hôtellerie-Restauration.

15) Par courrier du 10 octobre 2016 adressé à la DGES II, Mme B______ s’est étonnée de ce que les arguments invoqués par sa fille, et l’amélioration de son état de santé, n’aient pas été considérés comme des éléments nouveaux déterminants.

Tout le monde devait pouvoir avoir une deuxième chance, en particulier les enfants et adolescents. Elle était déçue que sa fille soit encouragée à poursuivre dans une voie qui ne lui plaisait pas et qu’aucune autre option ne lui soit proposée. Elle comptait donc former recours contre la décision de la DGES II afin que sa fille puisse un jour réaliser son rêve.

16) Par acte du 15 octobre 2016 adressé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), Mme B______ a formé « opposition » à l’encontre de la décision de la DGES II du 19 septembre 2016.

Elle revenait sur la maladie auto-immune de sa fille et la période difficile qu’elle avait vécu en 2014-2015. Suite à un meilleur traitement en 2015-2016, l’état de sa fille s’était significativement amélioré et celle-ci avait activement cherché des places de stage pour s’orienter. Elle avait réalisé qu’elle avait encore beaucoup à apprendre et que son départ de l’ECG était prématuré. Étant donné l’amélioration de son état de santé, la stabilisation de son état psychologique, ses notes acceptables hormis ses matières faibles, le fait qu’elle avait prouvé durant ses stages sa capacité à prendre des responsabilités, et son immense motivation à apprendre et à construire un avenir professionnel qui la passionnait, elle demandait à la chambre administrative de reconsidérer la décision de réintégrer sa fille en première année de l’ECG.

17) Les parties ont été convoquées à une audience de comparution personnelle le 10 novembre 2016.

La recourante a indiqué souffrir de rhumatismes inflammatoires chroniques juvéniles, une maladie procédant par poussées et périodes d’atténuation. Sa professeure principale et sa professeure de gym étaient au courant de cette maladie, mais pas les autres. L’année scolaire 2014-2015 avait été la pire pour elle, en particulier la deuxième partie, non seulement en raison de l’affection dont elle souffrait, mais également parce qu’étaient venus se greffer des problèmes familiaux, à savoir le départ de son père en Turquie suite à la séparation de ses parents, et le décès de son grand-père dont elle était très proche. Elle avait également fait l’objet de harcèlement par internet de la part d’une amie d’école. Elle était toujours désireuse de reprendre sa formation à l’ECG, et pensait être capable de se remettre à niveau pour suivre les cours, étant précisé qu’elle avait déjà commencé à réviser les cours qu’elle avait gardés. Elle suivait actuellement sans peine la formation préparatoire de cuisine, mais cela n’était pas sa voie.

La mère de la recourante a indiqué n’avoir pas été au courant de ce qui se passait en 2014-2015, ni l’école ni sa fille n’ayant attiré son attention à ce propos.

Madame C______, représentant le DIP, a indiqué avoir reçu des informations selon lesquelles la recourante avait de fortes chances de terminer son année de préparatoire en cuisine avec succès. Lorsqu’ils l’avaient rencontrée, son projet professionnel était de suivre la formation de l’école de police. Ils craignaient donc qu’en cas d’échec dans cette voie elle ne se retrouve sans rien, alors qu’en restant dans la filière restauration elle pourrait obtenir un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC). C’était pour cela qu’ils avaient finalement refusé de la réintégrer en première année de l’ECG qui était un parcours long. Dans le cadre de la préparatoire, il était possible de préparer des concours d’entrée pour le centre de formation professionnelle en santé sociale dans l’hypothèse où l’aspect restauration n’était pas un premier choix.

La recourante a indiqué n’avoir pas entendu parler de cela. Son premier choix était maintenant de travailler en EMS, la police étant un rêve d’enfant difficile à concrétiser. Elle souhaitait réintégrer l’ECG pour obtenir une formation plus complète, notamment en langues.

Mme C______ craignait l’échec de la recourante, les statistiques démontrant qu’il était très difficile de réussir la première année en cas de transfert intervenant au-delà du 30 septembre. Il était possible que la recourante termine son année préparatoire puis demande à entrer en deuxième à l’ECG, sur concours. Cela représentait cependant un important travail de mise à niveau, et il n’y avait à sa connaissance pas eu de cas d’admission à l’ECG après une année d’arrêt au cours de laquelle une formation professionnelle avait été suivie. En cas d’intérêt, la recourante pouvait s’adresser à la DGES II ou au conseiller en formation de l’école préparatoire.

Mme A______ était intéressée par cette solution. Elle allait se renseigner et tenir le juge délégué informé d’ici au 9 décembre 2016 sur le résultat de ses démarches et leur incidence sur le maintien de son recours.

18) Le 5 décembre 2016, la recourante a confirmé sa forte motivation à reprendre l’ECG.

Elle suivait des cours de français et de mathématiques à l’université ouvrière de Genève, et avait une répétitrice pour l’allemand et l’anglais. L’ECG représentait pour elle un grand travail et de l’investissement. Les cours, plus généraux et offrant une plus large vision que ceux de l’apprentissage, l’intéressaient plus. Elle souhaitait suivre la filière sociale pour intégrer ensuite la Haute école de travail social (ci-après : HETS). Elle était déterminée à rattraper son retard et à réussir l’examen d’entrée en deuxième ou à réintégrer l’ECG en première année en janvier 2017.

19) Par courrier du 6 décembre 2016, Monsieur D______, psychologue-conseiller en orientation de l’OFPC, a informé la chambre administrative des démarches entreprises.

La recourante était toujours fortement motivée à rejoindre l’ECG pour suivre l’option sociale et intégrer par la suite la HETS. Ils s’étaient renseignés sur les matières des examens pour rejoindre la deuxième année de l’ECG et avaient mis en place des mesures de remise à niveau. S’il était encore envisageable de réintégrer l’ECG durant le mois de janvier, il était possible de soumettre la recourante aux tests de niveau scolaire qu’ils possédaient afin d’évaluer la solidité de ses bases en français et mathématiques et vérifier qu’elle détienne les compétences pour sa réintégration dans cette voie. Ils travaillaient en parallèle sur la possibilité qu’elle intègre la voie d’un CFC d’assistante socio-éducative. Elle allait prochainement effectuer des stages dans ce domaine afin d’étoffer son curriculum vitae et d’acquérir davantage d’expérience sur le terrain. D’après lui, il était intéressant pour elle de s’investir sur les deux projets à la foi afin d’augmenter ses chances de réussite dans l’une ou l’autre de ces voies.

20) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé : pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a) ; pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

3) Le litige porte sur la question de savoir si la recourante devrait être ou non autorisée à répéter la première année de l’ECG.

Il sied de préciser que la première décision de refus de redoublement, rendue à la fin de l’année 2014-2015 par l’ECG Jean-Piaget, n’a pas été contestée par la recourante et est donc entrée en force. En entrant en matière sur la demande de la recourante, déposée en août 2016, de pouvoir réintégrer l’ECG, le DIP, par l’intermédiaire de la DGES II, a fait usage de son pouvoir d’évocation en reconsidérant la décision de l’ECG Jean-Piaget. La décision contestée rejetant la demande de reconsidération après instruction, il s’agit d’une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1431). Il appartient donc à la chambre administrative d’examiner si cette décision du 19 septembre 2016 est conforme au droit.

4) Élève à l’ECG Jean-Piaget durant l’année scolaire 2014-2015, la recourante était soumise aux dispositions légales et réglementaires alors en vigueur (ATA/818/2016 du 30 septembre 2016 consid. 2).

a. Selon l’art. 44A de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (aLIP - C 1 10), l’ECG appartient à l’enseignement secondaire pour la scolarité secondaire II, qui assure un enseignement général et professionnel. Dans la continuité des objectifs du degré secondaire I, elle permet aux élèves d’approfondir et d’élargir les savoirs et les compétences acquis pendant la scolarité obligatoire. Elle dispense une formation de culture générale solide et complète, doublée, dans les écoles professionnelles, d’une formation théorique et pratique spécialisée. Les certificats délivrés au degré secondaire II garantissent l’accès aux filières de formation du degré tertiaire ou à la vie professionnelle. Le degré secondaire II prend des mesures facilitant, cas échéant, le changement de filière en cours de formation et l’accès aux formations tertiaires ne relevant pas des hautes écoles (art. 44 al. 2 aLIP).

b. L’art. 47 al. 1 aLIP délègue au Conseil d’État le pouvoir d’établir les conditions d’admission, de promotion et d’obtention des titres.

c. Selon l’art. 21 al. 1 du règlement de l’enseignement secondaire du 14 octobre 1998 (aRES - C 1 10.24), les conditions de promotion sont déterminées par les règlements de formation ou d'études, d'école ou de type d'école, sous réserve des principes énoncés dans le règlement. Sur cette base, le Conseil d’État a adopté l’ancien règlement relatif à la formation « école du degré diplôme » à l’école de culture générale du 8 mai 2002 (aREDD - C 1 10.70).

d. Si l’ancien REDD contient des dispositions traitant des disciplines enseignées et des conditions de promotion des élèves dans le degré supérieur, l’art. 32 aREDD prévoit que le DIP se doit de prendre des dispositions transitoires dérogeant à l’aREDD soumises à l’approbation de la conseillère ou du conseiller d’État chargé du département, dans l’attente des normes de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de l’instruction publique définissant les conditions d’obtention du diplôme de culture générale décerné par les écoles. Celles-ci doivent porter sur l’organisation des disciplines d’enseignement, les conditions de promotion, les disciplines faisant l’objet d’un examen de diplôme, et les critères de réussite.

Sur cette base, le DIP a édicté les dispositions transitoires relatives à l’ECG valables pour l’année scolaire 2014-2015 dérogeant au aREDD (ci-après : aDT-ECG), édictées par le DIP le 28 août 2014. Celles-ci règlent à l’art. 14 les conditions de promotion des élèves de l’ECG qui passent de première en deuxième année. La recourante ne contestant pas, à juste titre, qu’elle ne les remplit pas, il n’y a pas lieu d’en contrôler plus loin l’application, la seule question litigieuse étant de savoir si elle devrait être autorisée à redoubler sa première année.

e. Les aDT-ECG ne contiennent aucune règle relative au redoublement. Cette question reste donc réglée par la réglementation ordinaire.

5) a. Selon l’art. 10 al. 5 aREDD, la promotion par dérogation, le redoublement ou l’essai éventuels sont régis par le RES.

b. Selon l’art. 22 al. 1 aRES, l'orientation des élèves constitue une part importante de la mission de l'école ; dans cette optique, la direction d'un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres ou maîtresses de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut autoriser un élève non promu à répéter l'année. Il est tenu compte des circonstances qui ont entraîné l'échec, de la fréquentation régulière des cours et du comportement adopté par l'élève durant l'année.

Dans ce cadre, l’autorité scolaire bénéficie d’un très large pouvoir d’appréciation (ATA/755/2014 du 23 septembre 2014 consid. 9b et les références citées), dont la chambre de céans ne censure que l’abus ou l’excès. Ainsi, alors même que l’autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de celui-ci : elle doit exercer sa liberté conformément au droit, respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Alexandre FLUCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I : Les fondements, 3ème éd., 2012, p. 739 ss n. 4.3.2).

c. La répétition d’une année ne peut être accordée qu'une seule fois par filière (art. 22 al. 2 aRES), et un élève ne peut bénéficier de cette mesure ni deux années consécutives ni deux degrés consécutifs (art. 22 al. 3 aRES). Enfin, l’année de classe préparatoire ne peut être répétée (art. 22 al. 4 aRES).

d. Dans l’ATA/755/2014 du 23 septembre 2014 (consid. 11), la chambre administrative a retenu que d’une manière générale, en matière de formation, la prise en compte a posteriori - soit après que l’étudiant se soit trouvé en situation d’échec dans sa formation - de problèmes de santé ou de difficultés personnelles ne peut l’être que de manière restrictive et que dans les cas où l’étudiant n’en avait sur le moment pas conscience. Dans cette affaire, le recourant avait déjà bénéficié d’un redoublement, et ne pouvait donc plus y être autorisé.

6) En ce qui concerne la possibilité d’une admission directe dans une classe de deuxième année de l’ECG, l’art. 9 al. 1 1ère phrase aDT-ECG prévoit que les élèves qui n’y ont pas accompli l’année précédente doivent réussir des examens d’admission ou satisfaire aux conditions de transfert édictées par la DGES II.

7) En l’espèce, la recourante a achevé sa première année à l’ECG avec une moyenne générale de 3,7, et quatre disciplines insuffisantes. Elle a cumulé deux cent quatre-vingt-quatre heures d’absence sur l’année scolaire, dont soixante heures non excusées.

Dans la décision contestée, la DGES II a rappelé que le redoublement constituait une exception, la priorité étant mise sur l’orientation. Elle s’est appuyée sur les nombreuses heures d’absence non excusées de la recourante et sur l’importante chute de ses notes du premier au deuxième semestre, démontrant sa fragilité, pour justifier la décision de la direction de l’ECG Jean-Piaget de ne pas lui accorder le redoublement de la première année.

Toutefois, à aucun moment l’autorité intimée ne fait mention des problèmes de santé de la recourante, que celle-ci lui avait pourtant exposés lors de l’entrevue du 15 septembre 2016, et dont elle n’a pas contesté l’existence dans le cadre de la procédure. Or, si la professeure principale et la professeure de gymnastique de la recourante avaient conscience de ces problèmes, la direction de l’ECG Jean-Piaget, qui a pris la décision initiale lui refusant le redoublement, n’était apparemment pas au courant de ce fait.

Dans le cadre de la procédure puis lors de son audition par la chambre administrative, la recourante a expliqué que les rhumatismes inflammatoires chroniques juvéniles dont elle souffre avaient fortement empiré durant l’année scolaire en cause. Cette année avait également été difficile pour elle d’un point de vue personnel, suite au départ de son père en Turquie. Comme elle l’a indiqué dans son courrier à la DGES II du 27 septembre 2016, elle était ainsi déprimée, préférant rester à la maison que de sortir.

L’aggravation de l’état de santé de la recourante durant l’année scolaire en cause peut ainsi expliquer sa faible fréquentation à l’école et la chute importante de ses notes au deuxième semestre. Ce désintérêt pour les études et son absentéisme entrent par ailleurs en opposition avec son parcours scolaire antérieur, son bulletin de fin du cycle d’orientation indiquant qu’elle était une élève régulière et investie, participant avec entrain aux cours.

Son état de santé s’est depuis lors amélioré suite à un meilleur traitement, et la recourante a démontré dans le cadre de la procédure une forte motivation à reprendre l’ECG pour suivre l’option sociale et intégrer par la suite la HETS, motivation qui a été confirmée par M. D______ dans son courrier du 6 décembre 2016. Ainsi, contrairement à ce que soutient l’autorité intimée dans la décision querellée, un pronostic de réussite paraît vraisemblable.

En ne tenant pas compte des problèmes de santé qui ont entraîné l’échec de la recourante, l’autorité intimée a manqué à son devoir de procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes et a par conséquent abusé de son pouvoir d’appréciation. Elle n’était donc pas légitimée à lui refuser la possibilité de répéter sa première année.

Il sied de relever que ce cas de figure est différent de celui de l’ATA/755/2014 susmentionné : dans cet arrêt, l’étudiant avait déjà bénéficié d’un redoublement et ne pouvait plus être autorisé à répéter une année. L’on pouvait donc attendre de sa part qu’il fasse valoir ses difficultés personnelles en cours d’année, et non après s’être retrouvé en échec définitif.

8) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. La décision attaquée sera annulée, de même que la décision de l’ECG Jean-Piaget refusant le redoublement à la recourante, rendue à la fin de l’année scolaire 2014-2015. Étant donné que l’on se trouve bientôt à la fin du premier semestre de l’année scolaire, il doit être laissé à la recourante la possibilité soit d’intégrer immédiatement une classe de première année à l’ECG Jean-Piaget, soit d’attendre la prochaine rentrée scolaire (2017-2018) pour ce faire. La recourante est fortement encouragée à examiner la solution la plus appropriée pour elle avec M. D______, en se soumettant notamment aux tests de niveau scolaire (tests evascol) mentionnés par ce dernier dans son courrier du 6 décembre 2016. Alternativement, il reste également à la recourante la possibilité de poursuivre sa formation actuelle et de se présenter aux examens d’entrée en deuxième année de l’ECG, comme cela est prévu par l’art. 9 al. 1 aDT-ECG et a été suggéré par la représentante du DIP lors de son audition.

9) Vu l’issue de la procédure, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera versée, la recourante n'ayant pas pris de conclusions en ce sens et n'ayant pas encouru de frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 octobre 2016 par Madame A______, représentée par sa mère, contre la décision du département de l’instruction publique, de la culture et du sport du 19 septembre 2016 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision du département de l'instruction publique, de la culture et du sport du 19 septembre 2016 ;

retourne la cause au département de l'instruction publique, de la culture et du sport pour traitement dans le sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, représentée par sa mère Madame B______, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :