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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/915/2021

ATA/511/2021 du 11.05.2021 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/915/2021-FORMA ATA/511/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 mai 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES



EN FAIT

1) Le 21 janvier 2021, Madame A______, née le ______1975, mariée, vivant seule avec ses trois enfants à Genève, a déposé au service des bourses et prêts d'études (ci-après : SBPE) trois demandes d'exonération partielle des taxes de musique pour ses trois enfants, qui suivent des cours auprès du Conservatoire de musique de Genève.

2) Par décision du 25 janvier 2021, le SBPE a refusé la demande, au motif que le revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) des parents dépassait le barème de CHF 92'297.- applicable à un groupe familial comportant deux parents et trois enfants.

3) Par décision sur réclamation du 12 février 2021, le SBPE a confirmé son refus, pour le même motif.

4) Par acte expédié le 11 mars 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ a recouru contre cette décision.

Elle disposait d'un jugement de séparation du 1er mars 2021 la « déliant » des liens du mariage et lui accordant la garde exclusive sur les enfants. En tant qu'indépendante, ses revenus pouvaient varier considérablement d'un mois à l'autre. Son RDU ne reflétait pas sa situation financière actuelle puisqu'elle avait dû assumer aussi des dettes de son mari, afin d'éviter que le seul immeuble qu'elle possédait soit saisi. Son mari n'avait pas pu établir son RDU, car ce type de document n'existait pas en Italie. Les contributions que celui-ci avait commencé récemment à verser ne couvraient même pas l'échéance mensuelle de ses dettes en Espagne qu'elle était en train de payer avec difficultés. Le travail de son mari était instable et il pourrait cesser ses paiements. Deux de ses enfants étaient dyslexiques, ce qui entrainait une charge supplémentaire. Les activités suivies au conservatoire les aidaient énormément.

Elle était en train d'améliorer sa situation financière. Elle avait dû subir deux interventions chirurgicales, l'une en mars, l'autre en octobre 2020. La séparation s'était inscrite dans un cadre difficile ; elle était suivie par le centre d'aide aux victimes d'infractions. Elle était exonérée des taxes pour le service du parascolaire et recevait une aide de l'Hospice général pour payer la répétitrice. Les frais de logopédie étaient pris en charge par leSecrétariat à la pédagogie spécialisée (SPS). Elle percevait des subventions pour l'assurance-maladie et bénéficiait de l'aide du service de protection des mineurs. La décision querellée n'était pas cohérente avec celles rendues par d'autres services de l'État.

Elle a produit le jugement du Tribunal civil de première instance du 1er mars 2021, ratifiant la convention de séparation.

5) Le SBPE a conclu au rejet du recours.

Le RDU de la recourante de CHF 83'860.- avait été calculé sur la base des revenus déclarés auprès de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) en 2019. Le revenu net imposable du mari était de EUR 22'694.44, soit de toute manière supérieur à CHF 8'437.-, de sorte que le barème de CHF 92'297.- donnant droit à une aide était dépassé.

En tant que la recourante sollicitait un nouveau calcul adapté à sa nouvelle situation administrative prévalant depuis le 1er mars 2021, il n'était pas possible d'y donner suite. Le RDU était applicable pour l'année scolaire en cours et ne pouvait être modifiée au cours de celle-ci.

6) Dans sa réplique, la recourante a relevé que les contributions d'entretien avaient été fixées sans effet rétroactif. Elle demandait d'appliquer la loi en respectant le principe de l'inclusion sociale. Le montant de l'entretien convenable de ses enfants avait été fixé en tenant compte de l'octroi d'une bourse d'études pour chacun d'eux. Ses enfants regretteraient profondément de ne pas poursuivre leurs études au conservatoire où elles obtenaient des résultats remarquables à la harpe, au solfège et au chant.

7) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieux le bien-fondé de la décision de refus d'exonération partielle des taxes du conservatoire de musique.

a. Aux termes de l'art. 6 du règlement concernant l'exonération partielle des écolages aux élèves des écoles accréditées pour l'enseignement de la musique, de la rythmique, de la danse et du théâtre du 5 septembre 2012 (REPEM  - C 1 20.08), le calcul du droit à l'exonération est fondé sur le RDU (al. 1). La limite du barème du revenu du groupe familial est fixée à CHF 50'332.-, montant auquel s'ajoutent CHF 8'393.- par responsable légal dont les revenus sont retenus pour l'application du barème et pour chaque enfant mineur (al. 2 let. a et c).

b. Le revenu déterminant est celui résultant de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06) (art. 6 al. 2 REPEM). Les éléments énoncés aux art. 4 à 7 LRDU constituant le socle du RDU se définissent conformément à la législation fiscale genevoise, en particulier la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). Le socle du RDU est égal au revenu calculé en application des art. 4 et 5 LRDU, augmenté d'un quinzième de la fortune calculée en application des art. 6 et 7 LRDU. Le résultat donne le socle RDU (art. 8 al. 2 LRDU).

Le socle du RDU est calculé automatiquement sur la base de la dernière taxation fiscale définitive (art. 9 al. 1 LRDU). Il peut être actualisé (art. 9 al. 2 LRDU). Il est en principe actualisé sur la base des derniers éléments de revenus et de fortune connus de la personne (art. 10 al. 1 LRDU), à la demande d'un service et/ou lorsque la condition économique de l'intéressée ou intéressé s'est modifiée entre la période qui a servi de base au calcul de la prestation et le moment où elle ou il présente sa demande. Ces changements sont annoncés et justifiés par l'intéressée ou intéressé (art. 10 al. 2 LRDU). Le processus d'actualisation du RDU selon l'art. 10 al. 1 LRDU s'applique à l'examen ou au réexamen des seules demandes de prestations catégorielles et de comblement visées à l'art. 13 al. 1 LRDU. Les exceptions définies par le Conseil d'État sont réservées (art. 10 al. 3 LRDU).

c. Selon l'art. 12 LRDU, les prestations catégorielles visent à soutenir les bénéficiaires dans un segment particulier de dépenses et consistent en un transfert monétaire en direction du bénéficiaire ou d'un tiers (let. a) ; les prestations de comblement visent à garantir des conditions de vie digne. Elles sont subsidiaires à toute autre forme d'aide et consistent en un transfert monétaire en direction du bénéficiaire (let. b) et les prestations tarifaires sont des prestations en nature ou de rabais qui sont accordés sous condition de ressources, dont les tarifs dépendent du revenu déterminant unifié et qui se fondent sur une loi, un règlement ou un arrêté (let. c).

L'art. 13 LRDU énumère les prestations catégorielles et de comblement ; l'exonération de taxes n'y figure pas.

Les exceptions prévues dans le règlement d'exécution de la LRDU du 27 août 2014 (RRDU - J 4 06.01) permettant le processus d'actualisation du revenu déterminant unifié selon l'art. 10 al. 1 et 3 LRDU n'incluent pas les prestations tarifaires relatives à l'exonération partielle des écolages (art. 6b RRDU).

d. En l'espèce, la recourante ne conteste pas la détermination de son RDU et de celui de son mari, dont elle vit séparée, tels qu'ils ressortent de leurs déclarations fiscales respectives de 2019. Elle demande toutefois une prise en compte de sa situation financière et familiale telle qu'elle se présente actuellement.

Il convient ainsi d'examiner si les conditions permettant d'actualiser son RDU et celui du père de ses enfants sont réunies. Or, l'art. 10 al. 1 LRDU ne permet une telle réactualisation que pour les demandes de prestations catégorielles et de comblement. L'exonération partielle des taxes du conservatoire n'entre cependant pas dans cette catégorie de prestations, qui seules peuvent être actualisées. En effet, d'une part, l'art. 13 LRDU, qui énumère les prestations catégorielles et de comblement, ne comporte pas l'exonération précitée. D'autre part, celle-ci entre dans la définition de la prestation tarifaire de l'art. 12 let. c LRDU, puisqu'il s'agit d'un rabais accordé sous condition de ressources. Enfin, ni le REPEM ni le RRDU ne prévoient d'exception permettant de réactualiser les RDU à prendre en compte.

Au vu de ce qui précède, l'autorité intimée a, à juste titre, refusé d'actualiser le RDU. Pour le surplus, les RDU, tels que ressortant des taxations 2019, dépassent en effet le barème permettant l'exonération partielle sollicitée.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

3) Il ne sera pas perçu d'émolument, vu la nature du litige, et il n'y a pas lieu à l'allocation d'une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 mars 2021 par Madame A______ contre la décision du service des bourses et prêts d'études du 12 février 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :