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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/240/2005

ATA/492/2005 du 19.07.2005 ( ASAN ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/240/2005-ASAN ATA/492/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 19 juillet 2005

dans la cause

 

Madame D__________
représentée par Me Denis Mathey, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L’ACTION SOCIALE ET DE LA SANTÉ


 


1. Madame D__________ (ci-après : Mme D__________ ou la recourante), née le 25 juin 1961, est domiciliée dans le canton de Genève.

Elle avait pour gynécologue le Dr G__________, spécialiste FMH (ci-après : le Dr G__________ ou le gynécologue) dont le cabinet est sis au __________

2. Le 25 avril 2003, Mme D__________ a consulté le Dr G__________ à l’occasion d’un contrôle annuel. Elle s’est plainte d’une gêne au niveau du méat urinaire. Le status gynécologique était normal, hormis un myome endocervical à base large, d’un diamètre de deux centimètres. Le 28 avril 2003, ce myome a été excisé sous narcose et un curage explorateur de la cavité utérine a été pratiqué. Le contrôle opératoire a suivi le 23 mai 2003. Le 13 juin 2003, une consultation a eu lieu chez le Dr R__________, urologue, en raison de la persistance d’une gêne ressentie par Mme D__________ au niveau du méat urinaire. Le Dr O__________, radiologue FMH, a alors pratiqué une tomographie computérisée pelvienne et a diagnostiqué un kyste ovarien à gauche.

3. Le 25 juin 2003, Mme D__________ a consulté à nouveau le Dr G__________ et la décision a été prise de procéder à l’excision du kyste. Après une échographie pré-opératoire pratiquée le 8 juillet 2003, l’opération a eu lieu le lendemain. Elle a été pratiquée par le Dr G__________ assisté du Dr R__________. La visualisation du status avait confirmé la présence d’un kyste paratubaire à gauche, d’environ 4 centimètres de diamètre. Le reste du status était normal. A teneur du rapport opératoire établi par le gynécologue, le contrôle de l’hémostase avait été satisfaisant, de même que celui de la cavité, qui ne montrait aucune pathologie. Le prélèvement effectué le jour même avait donné lieu à un examen histologique, daté du 11 juillet 2003, qui n’avait révélé ni modification histologique notable, ni image suspecte de malignité.

Le Dr G__________ a encore examiné sa patiente le 10 juillet 2003, soit au cours du 1er jour post-opératoire et le 18 juillet 2003, à la veille du départ de Mme D__________ pour l’Italie. Selon cette dernière, elle avait ressenti des douleurs lors d’un toucher vaginal alors que le gynécologue considérait que la sensibilité était normale pour un 10ème jour après une colioscopie.

4. Ayant quitté la Suisse pour la Sicile le 19 juillet 2003, Mme D__________ a ressenti de fortes douleurs dans la nuit du 20 au 21 juillet 2003. Elle a été hospitalisée en urgence, puis opérée. Au cours de cette intervention, pratiquée le 21 juillet 2003, les médecins ont constaté une perforation de la dernière anse iléale, qualifiée de lésion iatrogène; les opérateurs ont alors procédé à un lavage de la cavité abdominale, à une résection intestinale et à une salpingectomie. L’examen de l’appareil génital n’a rien révélé d’anormal.

Des drains ont été mis en place pour permettre l’écoulement du pus et une trithérapie a été administrée avant que Mme D__________ ne puisse rentrer le 29 juillet 2003 en Suisse. Le lendemain, le Dr S__________, chirurgien FMH, a procédé à une révision chirurgicale de la cicatrice de Pfannenstiel, sans complication.

5. Le 21 novembre 2003, Mme D__________ a dénoncé le Dr G__________ à la commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission). Elle a expliqué avoir été exposée à un danger de mort imminent, du fait de l’intervention de ce « professionnel » de la santé.

6. Le 27 novembre 2003, la commission a informé le Dr G__________ qu’elle avait été formellement saisie d’une plainte. Le gynécologue était invité à faire valoir ses observations, avant que la sous-commission compétente ne statue.

Le 23 décembre 2004, le conseiller d’Etat chargé du département de l’action sociale et de la santé (ci-après : DASS) a informé Mme D__________ qu’il avait reçu le dossier concernant le Dr G__________, accompagné du préavis de la commission. Cette autorité n’avait pas retenu d’agissement professionnel incorrect à l’égard du praticien et le DASS avait décidé de procéder au classement de la procédure. Cette communication était faite à titre d’information à Mme D__________ qui n’avait pas qualité de partie à la procédure.

7. Le 26 janvier 2005, Mme D__________ a déposé un recours contre la décision du 23 décembre 2004. Elle s’est alors prévalue d’une violation de la loi concernant les rapports entre les membres des professions de la santé et les patients du 6 décembre 1987 (la loi sur les rapports – K 1 80). Mme D__________ se plaignait de ne pas avoir été informée correctement par son gynécologue. Il ressort de l’acte de recours qu’elle entend en fait dénoncer des agissements professionnels incorrects tant avant que pendant et après l’opération litigieuse. Elle n’avait pas été opérée dans les règles de l’art, le Dr G__________ ayant notamment omis de vérifier l’état de la zone de travail avant de retirer ses instruments à la fin de l’opération accomplie par laparoscopie. Mme D__________ conclut à ce que le recours soit déclaré recevable et à ce que le tribunal constate que le Dr G__________ avait violé ses droits, manqué aux règles de l’art médical et à ce qu’il soit sanctionné, le tout avec suite de frais et dépens.

8. Le 3 février 2005, le tribunal a ordonné le dépôt du dossier de la commission. A réception de ce dossier, il a été constaté par le greffe qu’une pièce manquait, à savoir le préavis de la commission, daté du 9 décembre 2004. Il a été ordonné par téléphone à la commission de réparer cet oubli, le cas échéant, l’article 45 alinéa 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) pouvant trouver application.

Le 9 mars 2005, la commission s’est prévalue de la loi sur l'information du public et l'accès aux documents du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08 ; sic !) pour refuser la transmission dudit procès-verbal.

Le 11 mars 2005, le tribunal a requis de la commission d’obtempérer sans délai.

9. A réception de cette pièce, le tribunal a informé le conseil de la recourante, par lettre du 7 avril 2005, du contenu essentiel de ce procès-verbal qui ne lui serait par ailleurs pas communiqué in extenso en application de l’article 45 LPA.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 56 A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Il ressort tant de la dénonciation du 21 novembre 2003 que de l’acte de recours du 26 janvier 2005, que Mme D__________ entend se plaindre d’un agissement professionnel incorrect à ses yeux, du médecin qui l’a soignée. Ce faisant, elle conteste l’application qui a été faite de la loi sur les exercices des professions de la santé, des établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (LEPS – K 3 05).

a. Selon la jurisprudence constante du tribunal de céans, ni le dénonciateur ni le plaignant n'ont la qualité de partie dans une procédure disciplinaire dirigée contre la personne dont ils ont révélé les agissements (concernant en particulier le contentieux en matière de professions médicales : ATA/219/2001 du 27 mars 2001; ATA/43/2000 du 25 janvier 2000). Cette solution reste inchangée sous l'angle de l'article 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10): selon la portée qu'il faut donner à cette disposition, il ne suffit pas que l'administré puisse se prévaloir d'un intérêt digne de protection pour que la qualité de partie lui soit reconnue. Il faut que la décision en question soit susceptible d'affecter directement ses droits ou obligations. Selon une formule communément admise, seules les personnes se trouvant dans le champ protecteur de la norme appliquée ont un intérêt juridique à en demander ou à en faire contrôler l'application (J.-F. AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, 1967 et supplément 1967-1982; R. MAHLER, Réflexions sur la qualité pour recourir en droit administratif genevois, RDAF 1982, p. 272 et ss; A. AUER, La juridiction constitutionnelle en 1983, no 369 ss). Tel n'est cependant pas le cas du dénonciateur ou du plaignant, car une procédure disciplinaire et la sanction à laquelle elle peut aboutir sont destinées à assurer la protection de l'intérêt public, et non ceux de la victime (ATA précités). Ce principe s'applique en outre nonobstant la question de savoir si la décision litigieuse peut avoir une incidence dans une procédure civile à laquelle le dénonciateur est partie (ATA/165/1998 du 24 mars 1998).

b. S'agissant spécifiquement du plaignant, la juridiction de céans a tranché dans le même sens à l'occasion d'une affaire concernant des reproches formulés à l'encontre d'un notaire, la loi prévoyant dans ce cas non pas une dénonciation, mais une plainte (ATA H. du 7 février 1995). La distinction entre les termes de « plaignant » ou de « dénonciateur » n'emporte en réalité aucune conséquence concernant la qualité pour recourir du plaignant dans le cadre d'une procédure disciplinaire, comme cela découle d'un arrêt récent où le Tribunal administratif étend clairement sa jurisprudence au "plaignant-dénonciateur" (ATA/307/2001 du 8 mai 2001). Il n'y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence, dans laquelle, au demeurant, le Tribunal fédéral ne voit pas d'arbitraire (ATF L. du 15 juin 1990). Elle a été confirmée constamment depuis lors s’agissant de l’exercice des professions de la santé (ATA/702/2001 du 19 novembre 2002 et ATA/594/2001 du 25 septembre 2001).

Ainsi donc, le recours est irrecevable, car son auteur entend en fait contester l’appréciation opérée par l’autorité intimée au sujet des agissements de son gynécologue, que l’intéressée considère comme incorrects. Ce faisant, elle perd de vue que le « dénonciateur » ou « plaignant » n’a pas la qualité de partie et, ne saurait donc se plaindre devant une autorité de recours du sort réservé à sa dénonciation.

3. Le recours est ainsi irrecevable. Son auteur, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure arrêtés en l’espèce à CHF 750.-.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 26 janvier 2005 par Madame D__________ contre la décision du département de l'action sociale et de la santé du 23 décembre 2004 ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 750.- ;

communique le présent arrêt à Me Denis Mathey, avocat de la recourante ainsi qu'au département de l'action sociale et de la santé.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, juges, M. Bonard, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :