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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/83/2009

ATA/485/2009 du 29.09.2009 sur DCCR/571/2009 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/83/2009-PE ATA/485/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 29 septembre 2009

 

dans la cause

 

Monsieur K______
représenté par le Syndicat interprofessionnel des travailleurs, soit pour lui Monsieur Thierry Horner, mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 9 juin 2009 (DCCR/571/2009)


EN FAIT

1. Monsieur K______, né le ______ 1970, est ressortissant du Kosovo.

2. Le 11 juillet 2004, il a adressé une demande d’autorisation de travail à l’office cantonal de la population (ci-après  : OCP). Il était à Genève depuis le 7 août 1994. Il y avait travaillé depuis son arrivée, pour subvenir à ses besoins et s’était parfaitement intégré.

3. Le 22 novembre 2004, sa demande a été acceptée par l’OCP sous réserve de l’approbation de l’Office fédéral de l’immigration, de l’intégration et de l’émigration devenu depuis lors l’Office fédéral des migrations (ci-après  : ODM).

4. Le 12 décembre 2005, l’ODM a refusé d’accorder à M. K______ une exception aux mesures de limitation au sens de l’art. 13 let. f de l’ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre d’étrangers (OLE - RS 823-21) abrogée depuis le 1er janvier 2008.

Celui-ci ne se trouvait pas dans une situation personnelle d’extrême gravité à laquelle il n’était possible de remédier que par l’octroi d’une autorisation de séjour en Suisse. Le séjour illégal en Suisse n’était en principe pas pris en compte dans l’évaluation du cas de rigueur et ne constituait pas en soi un motif pertinent pour admettre une exception aux mesures de limitation du nombre d’étrangers. L’intéressé ne pouvait se prévaloir d’un comportement irréprochable du fait qu’il avait enfreint les prescriptions de police des étrangers. Même s’il séjournait sans discontinuer en Suisse depuis plus de 11 ans, il s’agissait d’une courte durée rapportée au nombre d’années passées dans son pays d’origine. Il ne pouvait se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point qu’il ne puisse quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables. Il avait conservé des attaches étroites avec sa région où il avait passé la majeure partie de son existence. Le fait qu’il ait une relation sentimentale avec une Suissesse n’était pas de nature à modifier la position de l’ODM.

5. M. K______ a interjeté recours contre cette décision auprès du service des recours du département fédéral de justice et police.

6. A la suite de l’entrée en vigueur le 1er janvier 2007 de la loi sur le Tribunal administratif fédéral du 17 juin 2005 (LTAF - RS 173.32) la procédure a été reprise par le Tribunal administratif fédéral (ci-après  : TAF). Celui-ci, par arrêt du 9 mai 2008, a rejeté le recours (ATAF C-296/2006).

Le recourant ne remplissait pas les conditions de l’art. 13 let. f OLE et ne se trouvait pas dans un cas de rigueur lié à une situation de détresse personnelle à laquelle il n'était possible de remédier que par une mesure d’exception aux mesures de limitations de la main d’œuvre étrangère. La longue durée d'un séjour en Suisse n'était pas prise en considération dès lors qu'il était illégal. L'intégration sociale et professionnelle du recourant ne revêtait aucun caractère exceptionnel à tel point qu'on doive considérer qu'il se soit créé avec la Suisse des attaches telles qu'un retour dans son pays d'origine ne puisse raisonnablement plus être envisagé. Le recourant avait passé la majeure partie de son existence au Kosovo où il avait suivi sa formation et débuté sa vie de jeune adulte, si bien que la durée de son séjour en Suisse ne l'avait pas rendu totalement étranger à sa patrie. De même, ne pouvait être retenu sous l'angle de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) le fait que plusieurs membres de sa famille résident en Suisse et qu'il y ait noué une relation sentimentale avec une Suissesse.

7. Le 8 décembre 2008, la section « mesures » du service des étrangers et confédérés de l’OCP a imparti à M. K______ un délai au 15 février 2009 pour quitter la Suisse.

Le Tribunal administratif fédéral avait rejeté son recours contre la décision du 12 décembre 2005 de l’ODM. Aucun élément du dossier ne laissait apparaître que l’exécution du renvoi n’était pas possible ou ne pourrait être raisonnablement exigé au sens de l’art. 83 LEtr. En cas de non observation du délai, les services compétents procéderaient à son refoulement.

8. Le 8 janvier 2009 M. K______ a par l’intervention de son syndicat, interjeté recours contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours de police des étrangers remplacée entre-temps par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après  : CCRA). La décision de l’OCP du 8 décembre 2008 devait être annulée. L’exécution du renvoi de l’intéressé ne pouvait être raisonnablement exigée. L’OCP n’avait pas suffisamment tenu compte de la situation d’extrême détresse du recourant. Pour le surplus, le recourant reprenait ses explications relatives à sa situation personnelle et familiale en Suisse, qui avaient conduit, en 2004, l’autorité cantonale à admettre que son renvoi dans son pays d’origine le plongerait dans une situation d’extrême détresse personnelle.

9. Le 9 juin 2009, la CCRA a rejeté le recours de M. K______. La demande de permis pour cas de rigueur ayant été définitivement rejetée par arrêt du TAF du 11 décembre 2008, la seule question qui restait à examiner était celle de savoir s’il se justifiait d’inviter l’OCP à proposer à l’ODM de prononcer l’admission provisoire du recourant en raison du caractère impossible, illicite ou inexigible de l’exécution du renvoi au sens de l’art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20). Tel n’était pas le cas dans la mesure où le renvoi du recourant au Kosovo était techniquement possible, ce dernier étant en mesure d’obtenir des documents officiels lui permettant de voyager. Le renvoi était licite sous l’angle des engagements de la Suisse relevant du droit international, notamment de l’art. 8 CEDH. Il n’y avait pas de motif humanitaire lié à la situation au Kosovo, qui conduise à retenir que le renvoi dans ce pays était impossible. Il n'y avait pas d'inégalité de traitement dans le règlement de son cas au regard de celui d’autres membres de sa famille.

10. Par acte du 16 juillet 2009, M. K______ a recouru contre la décision précitée qui lui avait été notifiée le 17 juin 2009, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif au recours ainsi qu’à la permission de pouvoir demeurer en Suisse jusqu’à la décision finale. A titre principal, il conclut à l’annulation de cette décision, à ce que soit constaté son droit à l’obtention d’une autorisation de séjour au titre de l’art. 8 CEDH et à ce qu’il soit ordonné à l’OCP de lui délivrer une autorisation de séjour sous réserve de l’approbation de l’ODM. Subsidiairement, il conclut à ce que la décision litigieuse soit annulée et à ce que soit constaté le caractère non raisonnablement exigible de l’exécution du renvoi, l’ordre devant être donné à l’OCP de proposer à l’ODM une admission provisoire en sa faveur.

11. Le 2 août 2009, la CCRA a transmis son dossier au tribunal de céans.

12. Le 31 août 2009, l'OCP a répondu au recours et a transmis son dossier. Il conclut au rejet de la requête en restitution de l'effet suspensif et à celui du recours.

D'une part, le recourant ne pouvait se prévaloir d'une garantie découlant de l'art. 8 CEDH que ce soit sous l'angle du droit au respect de sa vie familiale ou sous celui du respect de sa vie privée. D'autre part, le renvoi avait un caractère raisonnablement exigible.

13. Le 16 septembre 2009, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Adressé à l’autorité compétente et dans le délai légal, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le 1er janvier 2008, la LEtr est entrée en vigueur, remplaçant la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931(LSEE - RS 142.20). L’OLE a été abrogée. Dans son arrêt du 9 mai 2008, le TAF a appliqué l’ancien droit matériel conformément à l’art. 125 LEtr. En l'espèce, aucune question de droit transitoire ne se pose : la décision de renvoyer le recourant a été prise sous l’égide du nouveau droit et elle est donc soumise entièrement à la LEtr.

3. La question du droit du recourant de se voir mis au bénéfice d’une mesure d’exception aux mesures de limitation du nombre d’étrangers en Suisse, ayant été tranchée de manière définitive le 9 mai 2008 par le TAF, il n’y a pas lieu de revenir sur cette question dans le cadre de l’examen du présent recours. L’objet de la procédure vise uniquement au contrôle de la légalité de la décision de renvoi prise par l’OCP.

4. a. Tout étranger dont l’autorisation est refusée est renvoyé de Suisse (art. 66 al. 1 LEtr) après qu’un délai de départ raisonnable lui ait été imparti (art. 66 al. 2 LEtr).

b. Le renvoi d’un étranger ne peut être toutefois ordonné que si l’exécution de celui-ci n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigé (art. 83 al. 1 LEtr). La portée de cette disposition étant similaire à celle de l'ancien art. 14a LSEE, la jurisprudence rendue ou la doctrine éditée en rapport avec cette disposition légale restent donc d'actualité.

5. a. Le renvoi d’un étranger n’est pas possible lorsque celui-ci ne peut quitter la Suisse pour son Etat d’origine, son Etat de provenance ou un Etat tiers ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).

En l’espèce, le recourant est soit en possession d’un document lui permettant de voyager, soit dans la capacité d’entreprendre des démarches auprès de la représentation diplomatique du Kosovo en Suisse en vue d’obtenir des documents de voyage lui permettant de retourner dans ce pays. Dans la mesure où, en possession de ces documents de voyage, il a la possibilité de sortir légalement de Suisse pour rentrer dans son pays d'origine et de se rendre légalement sur le territoire d'un Etat tiers, son renvoi n'est pas impossible au sens de cette disposition.

6. a. L’exécution n’est pas licite lorsque le renvoi d’un étranger dans son Etat d’origine ou dans un Etat de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international notamment des garanties conférées par la CEDH (art. 82 al.3 LEtr).

En l’espèce, le recourant n’allègue pas - et cela ne ressort pas non plus du dossier - qu’il risque, par son renvoi au Kosovo, d’être soumis à un traitement inhumain ou dégradant en violation de l’art. 3 CEDH. En revanche, il se prévaut de la garantie tirée de l’art. 8 CEDH du fait de la présence à Genève de son frère et de ses sœurs ainsi que de leurs familles.

b. L'art. 8 CEDH consacre le droit au respect de la vie privée et familiale (al. 1), tout en admettant qu'il puisse y avoir une ingérence dans son exercice à certaines conditions précises (al. 2). La CEDH ne garantit toutefois pas le droit de séjourner dans un Etat partie à ladite convention. Elle ne confère pas le droit d'entrer ou de séjourner dans un Etat déterminé ni le droit de choisir le lieu apparemment le plus adéquat pour la vie familiale (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_2/2009 du 23 avril 2009; ATF 130 II 281 consid. 3.1 p. 285 et la jurisprudence citée; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_353/2008 du 27 mars 2009 consid. 2.1).

c. Le droit au respect de la vie familiale consacré à l'art. 8 CEDH ne peut être invoqué que si une mesure étatique d'éloignement aboutit à la séparation des membres d'une famille (ATF 2C_353/2008 du 27 mars 2009 consid. 2.1; cf. aussi ATF 130 II 281consid. 3.1 p. 286). La notion de famille au sens de cette disposition ne se limite pas au seul noyau parents-enfants et peut également inclure d'autres membres de la famille au sens large comme des frères et soeurs ou des grands-parents. Toutefois, le seul fait que de tels proches résident en Suisse n'est pas le critère déterminant pour admettre un droit à résider en Suisse, respectivement à ne pas être contraint de quitter ce pays. Sous l'angle de l'art, 8 CEDH, c'est le trouble que causerait la décision de police des étrangers aux familiers vivant en ménage commun dans une cellule familiale pouvant inclure d'autres membres de la famille que les parents et enfants, qui constitue le critère à utiliser pour déterminer s'il y a un besoin de protection (ATF 120 Ib 257 consid 2d p. 260).

En l'espèce, la situation du recourant au regard de cette garantie a déjà été appréciée par le TAF dans son arrêt du 9 juin 2008. Celui-ci a considéré, au vu de la situation familiale ou affective exposée que la décision de l'ODM de refuser d'octroyer un permis humanitaire ne contrevenait pas à l'art. 8 CEDH. Ces considérants restent valables pour la procédure de renvoi consécutive au refus d'une autorisation de séjour. Le recourant n'ayant pas fait état d'éléments familiaux nouveaux dans la présente procédure, le tribunal de céans ne peut pas revenir sur cette appréciation dans le cadre de la procédure de renvoi.

d. L'art. 8 par. 1 CEDH garantit aussi le droit au respect de la vie privée. Pour pouvoir en déduire un droit à une autorisation de séjour, des conditions strictes doivent être remplies, comme cela ressort de la jurisprudence. Il faut ainsi qu'il existe des liens spécialement intenses dépassant ceux qui résultent d'une intégration ordinaire et ce, dans les domaines professionnels et sociaux, autrement dit en dehors de la famille (arrêt du Tribunal fédéral 2A.85/2007 du 7 mai 2007  ; ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 p. 286 et la jurisprudence citée). Le Tribunal fédéral a considéré qu'une présence en Suisse d'environ seize ans et les liens privés habituels qui en découlent ne fondaient pas encore à eux seuls des relations particulièrement intenses et ne créaient par conséquent pas un droit à l’octroi d’une autorisation (cf. ATF 126 II 377 consid. 2c/aa p. 384 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C 774/2008 du 15 janvier 2009, consid. 2.2).

En l'occurrence, le recourant ne se trouve pas dans une situation personnelle qui lui permette d'invoquer la protection de l'art 8 par. 1 CEDH sous l'angle du respect de sa vie privée. Il réside certes en Suisse sans créer de problèmes particuliers, mais la durée de son séjour, la qualité de son intégration socio-professionnelle de même que celle des relations sociales ou sentimentales qu'il y entretient, même en dehors de la famille, ne sont pas des éléments d'une intensité telle qu'ils puissent fonder un motif de protection particulière de sa vie privée au sens de cette disposition.

7. Le renvoi d’un étranger ne peut être raisonnablement exigé si cet acte le met concrètement en danger, notamment en cas de guerre, de violence généralisée auquel il serait confronté dans son pays ou de nécessité médicale, sa vie étant mise en danger du fait de l’impossibilité de poursuivre dans son pays un traitement médical indispensable (art. 83 al. 4 LEtr).

En l’espèce, la situation qui prévaut au Kosovo n’interdit pas le retour du recourant dans son pays d’origine dans lequel subsistent pour lui des possibilités de réintégration sociale puisqu'il y a vécu près de 24 ans. Ce pays n’est plus en proie à la guerre ou à une situation de violence généralisée ou de dénuement tels qu'il doive considérer qu'un retour l'y mettrait concrètement en danger. Pour ces raisons, l’exécution de la décision de renvoi peut être raisonnablement exigée.

8. Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté. La demande de restitution de l’effet suspensif a ainsi perdu tout objet.

9. Le recourant succombant, un émolument de CHF 500.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 juillet 2009 par Monsieur K______ contre la décision DCCR/571/2009 de la commission de cantonale de recours en matière administrative du 9 juin 2009 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant  ;

dit que, conformément aux art. 113 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au SIT, mandataire de Monsieur K______, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'à l'office cantonal de la population.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

F. Rossi

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :