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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3628/2009

ATA/477/2012 du 31.07.2012 sur JTAPI/901/2011 ( ICCIFD ) , ADMIS

Recours TF déposé le 18.09.2012, rendu le 12.02.2013, REJETE, 2C_903/2012, 2C_904/2012
Descripteurs : ; DROIT FISCAL ; IMPÔT SUR LE REVENU ; REVENU EXONÉRÉ D'IMPÔT ; CHÔMAGE ; ASSISTANCE PUBLIQUE ; REVENU DÉTERMINANT ; CONTRE-PRESTATION ; INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : LIASI.58.al2; LIASI.60.al3; LRMCAS.1; LRMCAS.4; LRMCAS.27; LIPP.72.al1; aLIPP-IV.1; aLIPP-IV.10. letd; LIFD.16.al 1; LIFD.24.letd; LHID.7.al1; LHID.7.al4.letf
Résumé : Les prestations d'assistance et le revenu minimum cantonal d'aide sociale (RMCAS) sont des aides financières de types différents, le but de ce dernier étant d'éviter que le justiciable ne doive recourir à l'assistance publique. Le RMCAS est une prestation accordée aux chômeurs en fin de droit et s'apparente à une indemnité pour perte de gain. Les bénéficiaires du RMCAS s'engagent à exercer une activité compensatoire d'utilité sociale, environnementale ou de formation professionnelle. Le RMCAS étant imposable tant en matière d'ICC que d'IFD, le recourant ne peut pas être exonéré de l'impôt sur le revenu.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3628/2009-ICCIFD ATA/477/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 juillet 2012

2ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

et

Monsieur N______

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 août 2011 (JTAPI/901/2011)


EN FAIT

1) Monsieur N______, né le ______ 1952, est domicilié dans le canton de Genève.

2) Dans sa déclaration fiscale 2007 datée du 31 octobre 2008, M. N______ a indiqué un revenu brut de CHF 26'500.- composé de CHF 15'732.- reçus à titre de revenu minimum cantonal d'aide sociale pour chômeurs en fin de droit (ci-après : RMCAS) et de CHF 10'768.- représentant des allocations de logement et des subsides d'assurance-maladie. Sous la rubrique « renseignements », il a précisé qu'il avait reçu CHF 15'700.- de la part de l'Hospice général (ci-après : l'hospice).

Après déductions, son revenu imposable s'élevait respectivement à CHF 18'536.- pour l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et à CHF 21'910.- pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD).

Dans un document annexé à sa déclaration, il a précisé que les subsides de l'hospice n'étaient pas imposables. Il n'était dès lors « redevable que de la capitation (taxe personnelle) ».

3) Faisant suite à la demande de renseignements du 13 janvier 2009 de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC), M. N______ a fourni notamment une attestation établie par l'hospice le 7 janvier 2008 indiquant qu'il avait reçu CHF 31'430,30 au titre de RMCAS pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007.

4) Dans les deux bordereaux adressés à M. N______ le 12 mai 2009, l'AFC a fixé l'ICC 2007 à CHF 2'154,65 et l'IFD 2007 à CHF 99,30, tous deux calculés sur des revenus imposables respectivement de CHF 25'357.- et CHF 26'500.-.

Selon les avis de taxation annexés auxdits bordereaux, le revenu brut du contribuable était de CHF 33'015.-, le RMCAS (CHF 31'430.-), les subsides d'assurance-maladie (CHF 960.-) et les allocations de logement (CHF 625.-) étant imposables.

Les deux taxations pouvaient faire l'objet d'une réclamation dans les trente jours auprès de l'AFC.

5) Le 16 juin 2009, M. N______ a élevé réclamation contre les bordereaux précités. Les versements de l'hospice n'étaient pas imposables. Il ne survivait que grâce à l'aide sociale de l'hospice. Les montants d'ICC et d'IFD 2007 réclamés par l'AFC portaient atteinte à son minimum vital.

 

6) Par deux décisions du 17 août 2009, l'AFC a rejeté la réclamation de M. N______ et a maintenu les deux taxations concernant l'ICC et l'IFD 2007.

Le RMCAS était imposable en totalité et devait être inclus dans le salaire brut. Le montant déterminant du rabais d'impôt avait été introduit pour tenir compte du « revenu minimal vital ».

Ces décisions pouvaient faire l'objet d'un recours dans les trente jours auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

7) Le 21 septembre 2009, M. N______ a recouru auprès de la CCRA contre les deux décisions précitées.

Les indemnités versées par l'hospice en 2007 revêtaient « le caractère de secours » et d'aide sociale ; elles n'étaient dès lors « pas intégrables dans le calcul du revenu brut » et étaient exonérées d'impôt. S'il devait débourser CHF 2'253,95 pour l'ICC et l'IFD 2007, il se trouverait dans une situation pire qu'une personne de même condition qui serait au bénéfice de l'aide sociale habituelle à Genève. Le rabais d'impôt introduit dans la législation fiscale genevoise ne tenait pas compte de cette problématique.

8) Le 14 avril 2010, l'AFC a conclu au rejet du recours. Le montant de CHF 31'430,30 que le recourant avait reçu de la part l'hospice au titre de RMCAS en 2007 devait être imposé, tant au niveau de l'ICC que de l'IFD.

9) Faisant suite à la demande du TAPI du 9 juin 2011, l'hospice a confirmé, le 15 juin 2011, que M. N______ avait effectué une activité compensatoire d'utilité publique, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2007, auprès du service des tutelles d'adultes dans le secteur « accompagnement, animation ».

10) Par jugement du 29 août 2011, adressé aux parties le 7 septembre 2011, le TAPI a admis le recours de M. N______.

Les prestations du RMCAS revêtaient « un caractère désintéressé et non onéreux », dans la mesure où l'activité compensatoire exercée par le contribuable constituait un « effort » de la part de ce dernier. Dès lors, le RMCAS était exonéré de l'impôt sur le revenu.

Le jugement pouvait faire l'objet d'un recours dans les trente jours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

11) Par acte déposé au greffe de la chambre administrative le 5 octobre 2011, l'AFC a recouru contre le jugement précité, concluant à l'annulation de ce dernier et à la confirmation de ses décisions sur réclamation du 17 août 2009.

Le RMCAS était une aide sociale, constituant un droit individuel, non remboursable, imposable et nécessitant une contre-prestation, contrairement à l'assistance publique, relevant d'un devoir de la société, remboursable, non imposable et n'exigeant pas de contre-prestation. Les bénéficiaires du RMCAS devant exercer une activité compensatoire en contrepartie des prestations versées, ces dernières étaient imposables.

Subsidiairement, il fallait déterminer les revenus globaux du contribuable et les comparer au revenu déterminant selon la législation fédérale en matière de prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, afin de déterminer si l'ensemble des prestations du RMCAS, ou seulement une partie de celles-ci, devait être exonéré.

12) Le 11 octobre 2011, le TAPI a transmis son dossier à la juridiction de céans, précisant qu'il n'avait pas d'observations à formuler dans le cadre du recours interjeté par l'AFC.

13) Le 15 novembre 2011, M. N______ s'est opposé au recours, concluant à la confirmation du jugement attaqué, au renvoi de la cause à l'AFC pour nouvelle décision exonérant le RMCAS de l'impôt sur le revenu et à l'octroi d'une indemnité pour ses « frais d'assistance et d'honoraires ». En substance, il reprenait l'argumentation développée devant l'instance précédente.

En 2006, 2008 et 2009, il avait également reçu des prestations au titre de RMCAS. Toutefois, en 2009, le RMCAS avait été exonéré d'impôt.

L'imposition du RMCAS mettait sa situation financière en péril, vu le montant de l'ICC et de l'IFD (CHF 2'253,95), et violait le principe de l'égalité de traitement. L'AFC avait appliqué la législation fiscale de manière arbitraire.

Dans le cadre de son activité au sein du service des tutelles d'adultes, qui représentait environ douze à quinze heures par semaine en 2007, il était chargé d'apporter de l'argent aux pupilles ne pouvant pas se déplacer. Il s'agissait d'« un effort de [sa] part en contrepartie de l'indemnité perçue sans caractère de travail ni ne donnant droit à une rémunération spécifique ». Depuis le 1er mars 2011, il n'exerçait plus d'activité compensatoire mais percevait toujours le RMCAS.

14) Le 7 décembre 2011, l'AFC a persisté dans son recours. Les allégations du contribuable relatives aux périodes fiscales 2008 et 2009 étaient irrelevantes pour la solution du litige, qui ne concernait que l'année 2007.

15) Le 9 décembre 2011, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur les bordereaux ICC et IFD 2007, notifiés par l'autorité recourante au contribuable, celle-là considérant que les prestations reçues par ce dernier de la part de l'hospice au titre de RMCAS sont imposables.

3) a. La loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit du 18 novembre 1994 (LRMCAS - J 2 25) est entrée en vigueur le 1er janvier 1995 et a été abrogée par l'art. 58 al. 2 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), elle-même entrée en vigueur le 19 juin 2007.

b. Le droit transitoire prévoit que les personnes qui ont reçu des prestations d'aide sociale prévues par la LRMCAS, au cours des six mois précédant l'entrée en vigueur de l'art. 58 al. 2 LIASI, peuvent bénéficier, pendant une durée de 36 mois, des prestations d'aide sociale prévues par la LRMCAS dans la mesure où elles en remplissent les conditions et si l'interruption du droit aux prestations n'a pas duré plus de six mois (art. 60 al. 3 LIASI).

c. Selon l'art. 1 LRMCAS, afin d'éviter de devoir recourir à l'assistance publique, les personnes qui sont au chômage et qui ont épuisé leurs droits aux prestations de l'assurance-chômage (régime fédéral et régime cantonal) ont droit à un revenu minimum cantonal d'aide sociale, versé par l'hospice, qui peut être complété par une allocation d'insertion.

d. Ont droit aux prestations d'aide sociale versées par l'hospice les personnes dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LRMCAS).

e. L'art. 27 LRMCAS traite des contre-prestations et prévoit qu'en principe, le bénéficiaire des prestations sociales s'engage à exercer une activité compensatoire d'utilité sociale ou environnementale (al. 1). Cette activité fait l'objet d'un contrat établi entre le bénéficiaire et l'hospice (al. 2). L'activité de formation professionnelle est assimilée à l'activité compensatoire (al. 3).

4) Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale : Arrêt du Tribunal fédéral 2P.115/2003 du 14 mai 2004 ; ATA/377/2009 du 29 juillet 2009). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation, avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique : ATF 132 V 321 consid. 6 p. 326 ; 129 V 258 consid. 5.1 p. 263/264 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d'interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 133 III 175 consid. 3.3.1 p. 178 ; 125 II 206 consid. 4a p. 208/209 ; ATA/335/2012 du 5 juin 2012 ; ATA/422/2008 du 26 août 2008). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248 et les arrêts cités).

5) a. Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), qui a abrogé notamment la loi sur l'imposition des personnes physiques du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14). Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures à 2010 demeurent régis par les dispositions de l'ancien droit (art. 72 al. 1 LIPP).

b. Le cas d'espèce concernant l'année fiscale 2007, l'ancienne LIPP-IV est applicable.

c. Selon l'art. 1 aLIPP-IV, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu'en soit l'origine, avant déductions.

d. L'art. 10 aLIPP-IV prévoit une liste exhaustive des revenus exonérés de l'impôt, dont font partie les subsides provenant de fonds publics ou privés (let. d).

6) a. Le département des finances (ci-après : le département) établit les éléments de fait et de droit permettant une taxation complète et exacte, en collaboration avec le contribuable (art. 25 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

b. Selon l'art. 26 al. 2 let. a LPFisc, le contribuable doit remplir la formule de déclaration d'impôt de manière conforme à la vérité et complète en indiquant notamment tous les éléments du revenu, du bénéfice, de la fortune ou du capital, qu'ils soient imposables ou non.

7) Selon la jurisprudence fondée sur l'ancien art. 21A de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), la liste des revenus exonérés énumérés audit article est exhaustive (ATA/510/2004 du 8 juin 2004 ; ATA/118/1999 du 9 février 1999). Dans la mesure où le législateur genevois n'a pas introduit le RMCAS au nombre des allocations, secours ou prestations visés par cet article, celui-ci est donc imposable comme n'importe quel autre revenu (ATA/118/1999 précité).

8) Il ressort des travaux préparatoires relatifs à l'art. 10 let. d aLIPP-IV que « par subside, on entend la somme versée occasionnellement ou régulièrement à un particulier ou à un groupement à titre d'aide, de secours, de subvention. Les subventions provenant de fonds publics représentent en principe des participations à des frais. Dans la mesure où elles servent effectivement à réduire les frais en vue desquels elles ont été versées, elles ne constituent pas un revenu imposable » (MGC 2000/I 393).

De plus, « cette disposition n'implique pas de changement par rapport au régime légal actuel (LCP). Il convient toutefois de citer que si les allocations de naissance, les allocations familiales et les secours versés par l'Hospice général sont actuellement, en tout ou partie, exonérés, ils seront dorénavant imposables. L'imposition des allocations familiales et de naissance trouve cependant une contrepartie dans le rabais d'impôt prévu par la LIPP V » (MGC 2000/VIII 7271).

S'agissant de la « formulation un peu ambiguë [du commentaire de l'art. 10 let. d aLIPP-IV], qui laisse entendre que toutes les prestations de l'Hospice général sont imposables », les travaux préparatoires précisent que « pour ce qui concerne le RMCAS, il est aujourd'hui imposable et il restera imposable. Pour ce qui concerne les prestations d'assistance, elles sont exonérées et resteront exonérées dans le régime de la LIPP » (MGC 2000/VIII 7421-7422).

9) a. Selon l'art. 16 al. 1 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et l'art. 7 al. 1 ab initio de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques.

b. Les art. 24 let. d LIFD et 7 al. 4 let. f LHID prévoient que les subsides provenant de fonds publics ou privés sont exonérés de l'impôt. La liste des revenus exonérés figurant aux art. 24 LIFD et 7 al. 4 LHID est exhaustive (Y. NOËL, in Commentaire romand, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Bâle 2008, n. 1 et 2 ad art. 24 LIFD).

10) a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les conditions suivantes doivent être remplies pour que l'exonération de l'art. 24 let. d LIFD soit applicable :

-          le bénéficiaire se trouve dans une situation de gêne (critère du besoin) ;

-          l'entité procède au versement dans le but de venir en aide à son bénéficiaire (critère de bienfaisance ou d'assistance) ;

-          le versement ne correspond pas à une contre-prestation exigée du bénéficiaire, ayant un caractère désintéressé et non onéreux (critère de la gratuité ; ATF 137 II 328 consid. 4.3 ; Y. NOËL, Chronique de droit fiscal, in JdT 2012 I p. 3 ss, pp. 5-6).

b. L'art. 24 let. d LIFD ne doit être appliqué qu'aux cas d'indigence avérée, afin de limiter l'inégalité de traitement constatée par la doctrine dans le fait d'exonérer les prestations d'assistance alors que les mêmes revenus provenant du travail demeurent imposables. Quoi qu'il en soit, le Tribunal fédéral est tenu d'appliquer le droit en vigueur (art. 190 Cst.). En interprétant l'art. 24 let. d LIFD, il veille à réduire autant que possible les inégalités de traitement que cette norme est susceptible d'engendrer (ATF 137 II 328 consid. 4.1 ; Y. NOËL, Chronique de droit fiscal, in JdT 2012 I p. 3 ss, p. 6).

c. L'exonération visée par l'art. 24 let. d LIFD ne couvre que les montants qui, additionnés entre eux et aux autres revenus perçus, ne dépassent pas le revenu déterminant fixé par la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (LPC - RS 831.30). Toute prestation d'assistance qui dépasserait le montant du minimum d'existence selon la LPC est imposable pour la part qui en est supérieure (ATF 137 II 328 consid. 5.2 ; Y. NOËL, Chronique de droit fiscal, in JdT 2012 I p. 3 ss, p. 7 ; RDAF 2011 II p. 280 ss, p. 288).

11) Selon la doctrine relative à l'art. 24 let. d LIFD, « l'exonération des subsides représente en quelque sorte le pendant institutionnel à celle des donations entre individus. Comme le donataire, le bénéficiaire de subsides les reçoit à titre gratuit, sans contre-prestation ni contrepartie à fournir de sa part. Les textes allemand et italien sont plus explicites lorsqu'ils retiennent les termes d'Unterstützungen et de sussidi d'assistenza : l'exonération vise avant tout l'aide aux personnes défavorisées. Sont ainsi exonérés, pour des motifs socio-politiques, les subsides publics que sont les prestations complémentaires des assurances sociales (...), les montants d'aide sociale cantonale et communale et les allocations pour impotents (...) » (Y. NOËL/CH. JAQUES, in Commentaire romand, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Bâle 2008, n. 27 ad art. 24 LIFD).

En d'autres termes, « il s'agit surtout des prestations de secours versées par des institutions publiques ou privées comme, par exemple, les allocations pour indigents (...) » (P. AGNER/B. JUNG/G. STEINMANN, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, Zurich 2001, n. 5 ad art. 24 LIFD, p. 104).

12) De jurisprudence constante, en vertu du principe d'harmonisation verticale, les principes applicables en matière d'IFD le sont également en droit cantonal (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_326/2008 du 23 septembre 2008 ; ATA/517/2010 du 3 août 2010 ; ATA/158/2010 du 9 mars 2010).

Les développements doctrinaux et jurisprudentiels au sujet de l'art. 24 LIFD sont applicables mutatis mutandis à l'art. 10 aLIPP-IV (ATA/616/2006 du 21 novembre 2006).

13) En l'espèce, le contribuable ayant bénéficié du RMCAS en 2007 notamment, il est soumis à la LRMCAS pour l'année fiscale litigieuse.

Il ressort des travaux préparatoires que les prestations d'assistance et le RMCAS sont des aides financières de types différents, le but de ce dernier étant justement d'éviter que le justiciable ne doive recourir à l'assistance publique. Il se justifie dès lors de les traiter différemment, notamment en matière fiscale.

Les travaux préparatoires mettent clairement en évidence que la volonté du législateur était d'imposer le RMCAS et d'exonérer les prestations d'assistance.

Le RMCAS est une prestation accordée aux chômeurs en fin de droit et s'apparente à une indemnité pour perte de gain. Ceux-ci s'engagent de leur côté à exercer une activité compensatoire d'utilité sociale, environnementale ou de formation professionnelle. Cette contre-prestation fait l'objet d'un contrat entre le bénéficiaire et l'hospice. En 2007, le contribuable a bénéficié du RMCAS et a exercé une activité compensatoire d'utilité publique auprès du service des tutelles d'adultes. La relation contractuelle liant l'intéressé et l'hospice exclut le caractère désintéressé et non onéreux du versement du RMCAS, dans la mesure où chacune des parties au contrat s'engage à exécuter une prestation : l'hospice verse le RMCAS et le bénéficiaire exerce une activité compensatoire. Partant, le RMCAS ne peut pas être exonéré de l'impôt sur le revenu. Il est donc imposable tant en matière d'ICC que d'IFD.

Au vu de ce qui précède, la jurisprudence de la juridiction de céans (ATA/118/1999 précité) sera confirmée.

14) Le recours sera admis, le jugement litigieux annulé et les décisions sur réclamation du 17 août 2009 rétablies. Vu la situation financière de M. N______, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité.

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 octobre 2011 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 août 2011 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 août 2011 ;

rétablit les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 17 août 2009 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, à Monsieur N______, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :