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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/649/2000

ATA/45/2001 du 23.01.2001 ( JPT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : RESTAURANT; HOMME DE PAILLE; JPT
Normes : LRDBH.21 al.1; LRDBH.74 al.1
Résumé : Suspension du certificat de cafetier ramenée de 18 à 12 mois, le recourant n'ayant retiré aucun avantage financier de prête-nom, au bénéfice de 3 restaurants. Amende réduite de CHF 4'000.- à CHF 3'000.-. Amende de CHF 2'000.- confirmée à l'encontre de la propriétaire de deux cafés ayant bénéficié du prête-nom

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 23 janvier 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur J.-P. L. et Madame M. S.

représentés par Me Robert Assael, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DE JUSTICE ET POLICE ET DES TRANSPORTS

 



EN FAIT

 

 

1. Par requêtes du 18 décembre 1995, du 23 juin 1997 et du 16 décembre 1998 déposées au département de justice et police et des transports (ci-après : le département), Monsieur J.-P. L. a sollicité et obtenu les autorisations d'exploiter le café-restaurant à l'enseigne "E.", propriété de Madame M. S. (arrêté du 18 janvier 1999), le café-restaurant à l'enseigne "T.", propriété de Monsieur A. G. (arrêté du 25 novembre 1998) et le café-restaurant à l'enseigne "N.", propriété de Mme S. (arrêté du 16 décembre 1998).

 

2. Le 12 mai 1999, un rapport de renseignements dressé par la gendarmerie a établi que M. L. n'exploitait pas personnellement et effectivement l'établissement "E."; il servait de prête-nom à Madame M. B. C., qui exploitait le café-restaurant en qualité de gérante sans être ni au bénéfice d'une autorisation d'exploiter, ni titulaire du certificat de capacité.

 

Dans leurs déclarations respectives qu'ils ont signées à la gendarmerie le 12 mai 1999, tant M. L. que Mme B. C. ont expressément reconnu les faits précités.

 

M. L. a, quant à lui, précisé qu'il exploitait en parallèle les cafés-restaurants "N." et "T." tout en ayant encore un emploi à temps partiel au café-restaurant de "A.". Il passait pratiquement tous les jours dans l'établissement "E."; cependant, il se contentait d'y boire un café et de saluer les gens qu'il connaissait, et ne s'occupait aucunement de la gestion du café-restaurant. C'est à la demande de Mme S. qu'il continuait bénévolement à être l'exploitant autorisé de l'établissement "E." en accord avec la gérante Mme B. C..

 

3. Le 28 juillet 1999, la gendarmerie a dressé un nouveau rapport de renseignements, rapport qui consignait notamment les déclarations signées par M. L. à la gendarmerie le 21 juillet 1999. M. L. a précisé qu'il avait repris l'exploitation du café-restaurant "N." au mois de janvier 1999. Concrètement, il s'occupait du courrier et de la comptabilité du "N.". Pour ces travaux, il n'était pas rémunéré mais se restaurait gratuitement dans l'établissement. Quant à Mme S., la propriétaire de l'établissement, c'était elle qui exploitait effectivement le "N." sans être ni au bénéfice d'une autorisation d'exploiter, ni titulaire du certificat de capacité: elle gérait l'engagement du personnel et les commandes de marchandises.

 

4. Le 5 août 1999, M. L. a annoncé au Service des autorisations son départ des cafés-restaurants "E." et "T." pour le 30 septembre 1999. S'il a effectivement cessé l'exploitation du "T.", il a continué celle du "E.".

 

5. Un rapport de renseignements dressé par la gendarmerie le 27 octobre 1999 a établi que, avant de renoncer à l'exploitation du café-restaurant à l'enseigne "T.", M. L. n'exploitait pas non plus l'établissement précité et servait de prête-nom à Monsieur A. G., propriétaire du fonds de commerce. Ce dernier exploitait le café-restaurant sans être ni au bénéfice d'une autorisation d'exploiter, ni titulaire du certificat de capacité. Tant M. L. que M. G. ont reconnu, dans leur déclaration, les faits précités.

 

6. a. Par courrier du 4 février 2000, le département a reproché à M. L. de ne pas avoir exploité personnellement et effectivement les cafés-restaurants aux enseignes "E.", "N." et "T.", d'avoir servi de prête-nom à Mme S., à Mme B. C. et à M. G., et de ne pas avoir annoncé au département le fait qu'il avait en réalité cessé d'assurer l'exploitation des trois établissements précités.

 

b. Par lettre du même jour, le département a reproché à Mme S. d'une part, d'avoir confié son établissement à l'enseigne "E." à Mme B. C., alors qu'elle avait désigné M. L. comme exploitant, d'autre part d'avoir exploité, sous le couvert d'un prête-nom, le café-restaurant "N." sans être ni au bénéfice d'une autorisation d'exploiter, ni titulaire du certificat de capacité, et enfin de ne pas avoir informé le département de la fin d'activité réelle et effective de M. L. au "E." et au "N.".

 

c. Par lettre du même jour, le département a reproché à Mme B. C. d'avoir exploité le café-restaurant à l'enseigne "E." sous le couvert d'un prête-nom, sans être ni au bénéfice d'une autorisation d'exploiter, ni titulaire du certificat de capacité.

 

d. Par lettre du même jour, le département a reproché à M. G. d'avoir exploité le café-restaurant à l'enseigne "T." sous le couvert d'un prête-nom, sans être ni au bénéfice d'une autorisation d'exploiter, ni titulaire du certificat de capacité, et de ne pas avoir informé le département de la fin d'activité réelle et effective de M. L..

 

7. Un nouveau rapport de renseignements de la gendarmerie datant du 10 février 2000 a fait état de l'absence de M. L. lors de quatre contrôles effectués au "E." entre le 14 janvier et le 18 janvier 2000. Ce rapport établissait que suite aux courriers du département du 4 février 2000 les menaçant de probables sanctions, M. L. et Mme S. ont fait preuve de bonne volonté en étant régulièrement présents dans l'établissement précité.

 

8. Par courrier du 30 mars 2000, M. L. a, par la plume de son mandataire, contesté les faits qui lui étaient reprochés et est revenu sur les déclarations qu'il avait signées à la gendarmerie et qui avaient été confirmées successivement par Mme B. C., par Mme S. et par M. G.. Il a prétendu assumer personnellement et effectivement toutes les charges de l'exploitant; il a reconnu avoir servi de prête-nom seulement à Mme B. C. entre le 1er décembre 1998 et le 1er décembre 1999, avant de reprendre l'exploitation du "E." dès le 1er décembre 1999.

 

Par la plume de ce même conseil, Mme S. a repris la même argumentation que M. L..

 

9. a. Par décision nonobstant recours du 10 mai 2000, le département a ordonné la cessation immédiate de l'exploitation des cafés-restaurants "E." et "N." et infligé à Mme S. une amende administrative de CHF 2'000.-.

 

b. Par décision du même jour, le département a suspendu, pour une durée de 18 mois, la validité du certificat de capacité dont M. L. était titulaire et lui a infligé une amende administrative de CHF 4'000.-

 

c. Par décision du même jour, le département a infligé à M. G. une amende administrative de CHF 1'500.-.

 

d. Par décision du même jour, le département a infligé à Mme B. C. une amende administrative de CHF 1'500.-.

 

10. a. Par requête du 15 mai 2000, Madame D. S., titulaire du certificat de capacité, a formellement sollicité l'autorisation d'exploiter le café-restaurant à l'enseigne "E.".

 

b. Par requête du même jour, Mme E. C., titulaire du certificat de capacité, a sollicité l'autorisation d'exploiter le café-restaurant à l'enseigne "N.".

 

11. Le 15 mai 2000, un contrat de remise du fonds de commerce a été conclu entre Mme S. et Monsieur A. S. pour la vente du café-restaurant "E.".

 

12. Dans deux lettres du 8 juin 2000, le département a informé Mme S. qu'il renonçait à ordonner la fermeture des cafés-restaurants "E." et "N." pour autant qu'elle payât l'amende administrative de CHF 2'000.- et que Mme S. et Mme C., nouvelles exploitantes, assumassent immédiatement leur fonction dans ces établissements respectifs.

 

13. Par acte du 13 juin 2000, Mme S. et M. L. ont recouru au Tribunal administratif contre les décisions du 10 mai 2000 au motif que ces décisions ne satisfaisaient pas au principe de proportionnalité. En effet, les trois établissements concernés n'avaient jamais troublé ni la moralité, ni l'ordre public. Ils ont conclu préalablement à la restitution de l'effet suspensif et principalement à la mise à néant des décisions du département.

 

14. Dans sa réponse du 22 juin 2000, le département a transmis au Tribunal administratif ses observations sur effet suspensif. Suite à la vente du café-restaurant "E." survenue le 15 mai 2000, la demande de restitution de l'effet suspensif ne conservait pas d'objet s'agissant de l'établissement précité. Quant au café-restaurant "N.", la demande de restitution de l'effet suspensif n'avait pratiquement plus d'objet si la nouvelle exploitante avait effectivement commencé son activité. Enfin, le département ne s'opposait pas à la restitution de l'effet suspensif s'agissant de l'amende administrative de CHF 2'000.- infligée à Mme S..

 

15. Dans un courrier du 6 juillet, les recourants ont persisté dans les conclusions prises dans leur recours. Au surplus, ils ont ajouté que Mme C. avait d'ores et déjà commencé son activité de tenancière du café-restaurant "N.", de sorte que la condition du département à l'octroi de l'effet suspensif était remplie.

 

16. Dans ses observations du 13 juillet 2000, le département s'est déterminé sur le recours quant au fond. La suspension pour une durée de 18 mois de la validité du certificat de capacité dont M. L. était titulaire, respectait le principe de la proportionnalité. Le département avait pris en compte la jurisprudence du Tribunal administratif confirmant une suspension de 12 mois en cas de double-nom. En l'espèce, M. L. avait servi de prête-nom pendant de nombreux mois dans trois établissements différents. Quant aux amendes administratives infligées à M. L. et à Mme S., le département a tenu compte de l'absence de difficultés personnelles ou financières et la présence de circonstances aggravantes: M. L. avait servi de prête-nom à trois reprises; Mme S. avait, pour sa part, poursuivi l'exploitation non autorisée et sans certificat de capacité de deux établissements et avait en outre contrevenu à ses obligations de propriétaire. Le département a conclu au rejet du recours.

 

17. Dans leur réplique du 18 août 2000, les recourants ont soutenu le fait que, suite au départ de Mme B. C., M. L. avait repris l'exploitation effective de l'établissement "E." dès le 1er décembre 1999. Ils ont encore relevé que la réalité de l'activité de M. L. pour le compte de cet établissement était attestée par les revenus y relatifs, dûment déclarés. Enfin, quant au "N.", les recourants se sont étonnés que le département ne tienne pas compte des constatations faites par la gendarmerie dans son rapport du 28 juillet 1999, dans lequel il est établi que les gendarmes avaient pu rencontrer M. L. à 9 reprises.

 

18. Dans sa duplique du 12 septembre 2000, le département a persisté dans ses observations et conclusions du 13 juillet 2000.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. En l'espèce, la décision prise par le département à l'encontre de Mme S. a pour objet d'une part la fermeture immédiate des deux établissements "E." et "N." et d'autre part l'amende administrative d'un montant de CHF 2'000.-

 

b. Suite à la vente du café-restaurant "E.", le recours n'a plus d'objet s'agissant de l'établissement précité.

 

L'ordre de cesser l'exploitation du café-restaurant "N." ne conserve également plus d'objet, dans la mesure où la propriétaire et recourante a satisfait à l'exigence posée par le département, à savoir l'entrée en fonction immédiate et effective d'une nouvelle tenancière au bénéfice d'une autorisation d'exploiter et titulaire du certificat de capacité.

 

c. Ainsi, en tant qu'il conteste la fermeture des deux établissements dont la recourante est propriétaire, le recours sera déclaré sans objet.

 

Reste à examiner les motifs des recourants quant à la suspension du certificat de capacité de M. L. et aux amendes administratives infligées à M. L. et à Mme S..

 

3. a. Le but premier de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) est d'assurer qu'aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l'ordre public, en particulier la tranquillité, la santé et la moralité publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu'en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation (art. 2 al. 1 LRDBH).

 

b. L'exploitation de tout établissement régi par la LRDBH est soumises à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département. Cette autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie, agrandissement et transformation d'établissement, changement d'exploitant ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (art. 4 al. 1 et 2 LRDBH).

 

c. Conformément à l'article 19 alinéa 1 LRDBH, le propriétaire qui n'entend pas se charger lui-même de l'exploitation de son établissement est tenu d'annoncer au département la personne à laquelle il la confie et qui en assume la responsabilité à l'égard de ce dernier. Les manquements de l'exploitant sont opposables au propriétaire (art. 19 al. 2 LRDBH).

 

4. a. L'autorisation d'exploiter est notamment subordonnée à la condition que le requérant soit titulaire d'un certificat de capacité (art. 5 al. 1 let. c LRDBH). Cette autorisation est strictement personnelle et intransmissible (art. 15 al. 3 LRDBH). L'exploitant est ainsi tenu de gérer son établissement de façon personnelle et effective (art. 21 al. 1 LRDBH).

 

b. Cette obligation ne lui interdit pas de s'absenter quelques heures par jour, voire quelques jours, par exemple pendant les périodes de vacances ou de service militaire. Plus, la LRDBH n'interdit pas à l'exploitant d'un établissement public d'exercer une autre activité, dans la mesure où elle lui laisse le temps de gérer effectivement l'établissement (ATA R. du 9 février 1999). Il n'en demeure pas moins qu'il lui est formellement interdit de servir de prête-nom pour l'exploitation d'un établissement (art. 12 LRDBH; Mémorial des séances du Grand Conseil, 1985 34/III 4244 et 4248).

Cette interdiction vise à prévenir l'exploitation d'établissements par des personnes qui ne répondraient pas à des conditions de capacité et d'honorabilité bien déterminées, avec tout ce que cela comporte comme risques pour le public (ATA A. du 26 septembre 2000; L. du 2 février 1999).

 

c. Si le détenteur enfreint cette règle, le département peut prononcer la suspension pour une durée de six à vingt-quatre mois de la validité du certificat de capacité dont le titulaire sert de prête-nom pour l'exploitation d'un établissement (art. 73 LRDBH).

 

Il peut en outre infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- en cas d'infraction à la loi et à ses dispositions d'application (art. 74 al. 1 LRDBH).

 

d. Un exploitant peut être autorisé à exploiter au maximum trois établissements pour autant qu'ils soient situés à proximité les uns des autres (art. 31 al. 1 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boisson et l'hébergement du 31 août 1988 - RLRDBH - I 2 21.01).

 

5. En l'espèce, M. L. est titulaire de trois autorisations d'exploiter trois établissements situés dans des quartiers différents. Ces autorisations ont été délivrées par le département compétent qui a donc admis de facto que les conditions de l'article 31 RLRDBH étaient remplies.

 

6. Dans la présente affaire, le Tribunal administratif tiendra pour établi que M. L. a volontairement prêté son nom aux gérants de trois établissements, non titulaires d'un certificat de cafetier.

 

a. Les déclarations qu'il a faites à la police à réitérées reprises, déclarations corroborées par les tenanciers effectifs, sont parfaitement claires. S'il passait pratiquement quotidiennement dans les établissements concernés, il appert cependant qu'il n'exploitait pas de manière personnelle et effective les cafés-restaurants aux enseignes "E.", "N." et "T.". Cette gérance effective passe notamment par la prise en charge des tâches administratives et liées au personnel (engagements, salaires, horaires, remplacement, etc.) et à la bonne marche de l'établissement (commandes de marchandises, fixation des prix, composition des menus, contrôle de la caisse, inventaires, etc.) (ATA A. du 26 septembre 2000). Or, il ressort des déclarations de Mme S., de Mme B. C. et de M. G., que M. L. ne s'occupait pas du personnel, des commandes de marchandises, etc. Le fait d'être présent et de boire un café avec les habitués de l'établissement ne répond pas au caractère personnel et effectif de la gérance exigé par la loi.

 

b. De plus, le principe de la rémunération est déterminant pour juger de l'exploitation d'un établissement. Le Tribunal administratif a déjà relevé qu'il était impensable qu'une personne exploite un établissement de restauration pour une rémunération mensuelle de CHF 500.- par mois seulement (ATA R. du 21 avril 1998). Dans le cas présent, M. L. ne percevait, pour l'exploitation du café-restaurant "N.", aucune rémunération; il se contentait de se restaurer gratuitement dans cet établissement. L'absence de véritable salaire est un indice supplémentaire qui permet de conclure que M. L. n'exploitait pas effectivement le "N.".

 

c. Par ailleurs, il ressort du rapport de police du 12 mai 1999 que M. L. a un emploi à temps partiel au café-restaurant de "A."; M. L. travaille dans cet établissement six heures trente par jour, quatre jours par semaine. Dès lors, il est surprenant qu'en parallèle de cette activité, M. L. ait pu encore assumer l'exploitation de trois autres établissements.

 

d. Enfin, ces éléments sont confirmés par les nombreuses absences du recourant lors des contrôles de la police.

 

Au vu de ce qui précède, le Tribunal administratif admettra que le département était fondé à reprocher à M. L. d'avoir servi de prête-nom, de ne pas avoir exploité personnellement les établissements aux enseignes "E.", "N." et "T.".

 

7. Le département reproche à Mme S. de ne pas lui avoir annoncé la fin d'activité réelle et effective de M. L.; il lui fait grief également que les deux cafés-restaurants dont elle est propriétaire aient continué à être exploités sans autorisation et sans que les tenanciers ne soient en possession du certificat de capacité. Au vu du dossier, le Tribunal de céans tient aussi pour établis les manquements dont il est fait grief à la recourante.

 

8. Étant donné que les faits sont clairement établis, le tribunal se dispensera d'ordonner des enquêtes.

 

Reste à examiner la quotité de la sanction infligée.

 

9. a. Dans la plupart des cas que le Tribunal administratif a eu à connaître en matière de prête-nom, la durée de la suspension a été fixée à la durée minimale de six mois. Ce sont les cas où le titulaire du certificat de capacité n'était pas présent dans l'établissement, ou rarement (ATA H. du 27 janvier 1998 et les références citées). Dans l'une des procédures, le titulaire du certificat avait mis une partie de son établissement en gérance libre moyennant une redevance mensuelle et s'était vu infliger un suspension pendant six mois (ATA L. du 21 juin 1996). Dans deux cas, la durée de la suspension a été portée à douze mois. Le premier au motif que la tenancière avait servi de prête-nom dans le cadre de l'exploitation de deux établissements (ATA O. du 23 août 1995). Le deuxième, la tenancière n'avait jamais exploité elle-même son établissement et l'avait remis à des personnes n'étant pas titulaires du certificat de capacité; le dessein de lucre avait été reconnu (ATA S.-C. du 4 octobre 1994). Dans un ATA B. du 18 avril 2000, la titulaire du certificat avait prêté son nom aux tenancières de trois établissements; une suspension de six mois avait été prononcée.

 

b. En l'espèce, le département a prononcé une suspension de dix-huit mois à l'encontre de M. L.. Si le recourant a agi comme prête-nom aupès de trois établissements, il n'en a cependant retiré aucun bénéfice financier conséquent. Dans ces conditions et au vu de la jursiprudence précitée, une suspension d'une durée de dix-huit mois apparaît excessive et hors de proportion avec la faute commise. En outre, elle viole manifestement le principe de la proportionnalité. Le Tribunal administratif ramènera ainsi la durée de la suspension à douze mois.

 

10. Le département peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à 60'000.- en cas de violation de la loi (art. 74 LRDBH).

 

Pour fixer le montant de la sanction, l'administration jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATA D. du 4 avril 2000 et les références citées). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Le département prend en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (Mémorial, 1985, III p. 4275).

 

Par ailleurs, l'application des principes généraux du droit pénal aux sanctions administratives n'est plus contestée (ATF non publié E. du 14 janvier 1999; ATA S. du 13 avril 1999 et les références citées).

 

11. a. Selon la jurisprudence constante du Tribunal administratif, le prononcé d'une amende de CHF 3'000.- infligée à la personne qui a servi de prête-nom est conforme à la pratique de l'autorité intimée (ATA B. du 18 avril 2000; R. du 4 avril 2000; S. du 15 février 2000; R. du 9 février 1999; L. du 10 novembre 1998; D. du 18 avril 1992).

 

Il est arrivé que la juridiction de céans fixe des amendes d'un autre montant, lorsqu'il a estimé que des circonstances particulières l'y amenaient. C'est ainsi qu'une amende d'un montant de CHF 4'000.- a été prononcée dans le cas de l'exploitation d'un établissement à la personne agissant comme prête-nom, dans un dessein de lucre (ATA A. du 26 septembre 2000; L. du 21 juin 1996 in SJ 1997 p. 440). Précédemment, une amende d'un montant de CHF 5'000.- a été infligée à une personne servant de prête-nom, compte tenu du dessein de lucre et des nombreuses infractions commises par les exploitants de fait de l'établissement concerné (ATA S.-C. du 4 octobre 1994).

 

Le Tribunal administratif revoit ce montant à la baisse lorsque des circonstances particulières le justifient, notamment une situation familiale et personnelle difficile ou une situation financière précaire (ATA R. du 4 avril 2000; S. du 15 février 2000; R. du 9 février 1999; L. du 10 novembre 1998; D, du 18 avril 1992).

 

b. Dans le cas présent, l'amende administrative décidée à l'encontre de M. L. s'élève à CHF 4'000.-. Le recourant a prêté son nom aux gérants de trois établissements. Parallèlement, il a exercé une activité importante rémunérée dans un autre établissement. Le tribunal de céans estime que la présence quotidienne de M. L. au sein des différents établissements concernés ne suffit pas pour conclure qu'il exploite ceux-ci de façon peronnelle et effective. De plus, considérant qu'aucune circonstance particulière n'est de nature à justifier une diminution de la sanction, le Tribunal administratif confirmera l'amende infligée. L'amende de CHF 4'000.- arrêtée par le département sera donc maintenue dans son principe et dans sa quotité.

 

12. a. La personne qui exploite l'établissement sans autorisation et sans certificat de capacité sous le couvert d'un prête-nom peut également faire l'objet d'une amende administrative en vertu de l'article 74 alinéa 1 LRDBH. En règle générale, le tribunal de céans a retenu le prononcé d'amende de CHF 1'500.- à CHF 2'000 (ATA S. et R. du 21 avril 1998; C. du 23 janvier 1996); il est allé au-delà dans deux cas: l'un parce qu'il y avait récidive (ATA P. et V. du 15 septembre 1998) et l'autre parce que la personne avait exploité sans autorisation pendant plus de six ans (ATA B. du 26 avril 1994).

 

b. L'amende de CHF 2'000.- prononcée à l'encontre de Mme S. entre en adéquation avec la jurisprudence du Tribunal de céans et apparaît comme justifiée. Le Tribunal administratif confirmera donc cette amende.

 

13. Le recours sera partiellement admis.

 

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de M. L.. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de Mme S..

M. L. obtenant partiellement gain de cause, il lui sera alloué une indemnité de CHF 500.-.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2000 par Monsieur J.-P. L. et Madame M. S. contre la décision du département de justice et police et des transports du 10 mai 2000;

 

préalablement :

 

déclare sans objet ledit recours dans la mesure où il vise la fermeture des établissements aux enseignes "E." et "N.";

 

au fond :

 

l'admet partiellement;

 

réduit à 12 mois la durée de la suspension de la validité du certificat de capacité de Monsieur J.-P. L.;

 

confirme la décision du département de justice et police et des transports pour le surplus;

 

met à la charge de Monsieur J.-P. L. un émolument de CHF 1'000.- et à celle de Madame M. S. un émolument de CHF 1'000.-;

 

alloue à Monsieur J.-P. L. une indemnité de CHF 500.-;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat des recourants, ainsi qu'au département de justice et police et des transports.

 


Siégeants : M. Thélin, président, M. Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, M, Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le vice-président :

 

V. Montani Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci