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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2522/2004

ATA/407/2005 du 07.06.2005 ( TPE ) , REJETE

Parties : BAROKAS, MOSER & GOUZER Albert, François et Elka, MOSER François, GOUZER Elka / DAUDIN-CHATELAIN Dominique, MERMILLOD Geneviève, SERVETTAZ Cécile, TREMBLET Marie-Louise, TREMBLET Pierre, SI ATHENEE-MALOMBRE A, VILLE DE GENEVE, COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2522/2004-TPE ATA/407/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 7 juin 2005

 

dans la cause

 

Monsieur Albert BAROKAS

Monsieur François MOSER

Madame Elka GOUZER

représentés par Me Patrick Blaser, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

et

VILLE DE GENÈVE

et

Madame Dominique DAUDIN-CHÂTELAIN

Madame Geneviève MERMILLOD

Madame Cécile SERVETTAZ

Madame Marie-Louise TREMBLEY

Monsieur Pierre TREMBLEY

S.I. ATHÉNÉE-MALOMBRÉ
représentés par Me Pierre Daudin, avocat


 


1. La Société Immobilière Athénée-Malombré (ci-après : la S.I.) est propriétaire des parcelles n° 2328 et n° 2329, feuille 69 de la commune de Genève-Plainpalais, à l’adresse 3A et 3B, chemin de Malombré, en deuxième zone de construction. Le périmètre où elles se trouvent fait partie du « projet d’aménagement du quartier de Malombré » datant des années 1930. En 1952, un projet de modification du plan non adopté, mais réalisé, prévoyait, sur la parcelle n° 2328 située le long du chemin de Malombré, l’édification d’une construction en rez-de-chaussée et, sous la parcelle n° 2329, l’aménagement d’un garage en sous-sol et d’une terrasse aménagée en jardin.

Actuellement, un atelier de mécanique est installé sur la première des deux parcelles, alors qu’un garage souterrain avec une terrasse est construit sur la seconde.

Ces deux parcelles sont entourées, des trois autres côtés, par des immeubles longeant la rue de l’Athénée, la rue Marignac et l’avenue Jules-Crosnier.

2. Le 3 septembre 2002, la S.I., agissant par la plume de M. Barokas, architecte, a saisi le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : le département) d’une demande préalable en autorisation de construire visant à édifier un immeuble de logements et de bureaux sur les parcelles en question. Ce bâtiment, de 65 mètres de long, 6,60 mètres de large, 10,42 mètres de haut à la tabatière et 12,61 mètres au faîte, comprendrait deux étages sur rez-de-chaussée, avec combles habitables.

3. Au cours de la procédure d’instruction de la requête, les préavis suivants ont été recueillis :

L’office des transports et de la circulation (ci-après : l’OTC) a émis un préavis favorable.

Le préavis « habitabilité » du département était défavorable à la densification de cet îlot. L’adjonction d’un bâtiment linéaire dans l’espace central formant une cour intérieure se ferait aux dépens de la qualité des logements actuels et futurs. Toutefois, suite à la modification du projet, le 11 novembre 2002, le département a retiré ses objections.

Le Conseil Administratif de la Ville de Genève a rendu un préavis défavorable, le projet visant à implanter un volume dans un espace de cour actuellement très dégagé et libre de constructions hors sol, et offrant des conditions d’habitabilité médiocres. Ce préavis a été confirmé après une séance de consultation avec le département.

La commission d’architecture (ci-après : CA) a émis un préavis défavorable. La démarche était intéressante, mais elle ne pouvait y adhérer, car les espaces extérieurs dégagés n’étaient pas valorisés. Le projet introduisait une circulation automobile dans l’enceinte. De plus, elle a émis des réserves par rapport à l’affectation proposée en logements, qui semblait difficilement conciliable avec le bâti environnant. En dépit d’une modification du projet le 11 novembre 2002, la CA a maintenu son préavis défavorable.

Le commission d’urbanisme a émis un préavis défavorable, le principe de la construction du quartier en îlots prévoyant des cours ouvertes. L’amélioration de cet îlot devait être faite par la requalification de la cour.

La direction de l’aménagement du territoire a également émis un préavis défavorable, les plans d’aménagement successifs ayant confirmé la volonté de ne pas bâtir la cour. Rien ne justifiait l’abandon de cette volonté.

4. Le 15 octobre 2002, Monsieur Jean-Yves Germanier, propriétaire de l’immeuble 19, rue de l’Athénée et co-propriétaire de l’immeuble 5, rue de Malombré s’est opposé au projet qui, s’il était réalisé, entraînerait des nuisances importantes au niveau du bruit, de la lumière, de l’ensoleillement, de la vue et de la circulation.

5. Le 23 mars 2003, le département a rejeté la requête. Cette décision a toutefois été annulée par la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission) le 6 octobre 2003, au motif que le plan d’aménagement de 1930 et le projet de 1952 étaient caducs. Il appartenait au département de se prononcer sur la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet présenté.

6. Par décision du 24 février 2004, le département a refusé l’autorisation sollicitée. En deuxième zone de construction, seules des constructions basses pouvaient exceptionnellement être érigées sur cour. Dans le périmètre concerné s’exprimait la volonté de concrétiser un urbanisme sous forme d’îlots, soit des constructions implantées en bordure de rue, autour d’une cour non bâtie. L’immeuble projeté, implanté sur toute la longueur de la cour, dénaturerait la qualité du bâti existant et l’identité de l’ensemble.

7. Au cours de la procédure d’instruction de la requête, la S.I. a été liquidée et M. Albert Barokas, Madame Elka Gouzer et Monsieur François Moser sont devenus propriétaires des parcelles concernées.

8. a. Le 17 mars 2004, Mme Gouzer, M. Barokas et M. Moser ont recouru auprès de la commission de recours en matière de constructions.

Le département s’était fondé sur des plans d’aménagement caducs, ce qu’avait constaté la commission. Les préavis défavorables s’étaient aussi fondés sur ces plans. Il était inexact de qualifier de cour le terrain sur lequel le bâtiment serait implanté.

b. La Ville de Genève s’est opposée au recours le 26 avril 2004. Même si les plans d’aménagement n’étaient pas directement applicables, ils avaient une valeur historique et indiquaient le caractère de la planification suivie. L’édification du bâtiment litigieux était bien prévue dans une cour. Contrairement a ce que soutenaient les recourants, l’article 15 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) pouvait aussi s’appliquer à une autorisation préalable. Le projet litigieux pouvait aussi être source d’inconvénients graves.

9. Madame Marie-Louise et Monsieur Pierre Trembley, ainsi que la S.I. Athénée-Malombré et Madame Dominique Daudin, tous propriétaires de bâtiments édifiés dans l’îlot en question, sont intervenus, concluant au rejet du recours.

10. Le 23 septembre 2004, la commission a entendu les parties en comparution personnelle, qui ont toutes maintenu leur position.

11. Le 4 novembre 2004, la commission a rejeté le recours. Le bâtiment projeté ne pouvait être qualifié de construction basse et son édification dans une cour ne pouvait dès lors pas être autorisé.

12. Par acte déposé au greffe du Tribunal administratif le 10 décembre 2004, Mme Gouzer, M. Barokas et M. Moser ont recouru au Tribunal administratif. Les parcelles visées par le projet ne pouvaient être considérées comme formant une cour, car elles n’étaient pas directement attenantes aux immeubles qui les entouraient. Il s’agissait de parcelles indépendantes, libres de servitudes de non-bâtir. Le projet améliorerait l’espace en question. L’esthétique des bâtiments n’était pas pertinente au stade de l’autorisation préalable.

13. La S.I. Malombré A, M. et Mme Trembley et Madame Dominique Daudin-Châtelain se sont opposés au recours le 31 janvier 2005. L’espace visé par le projet litigieux devait être qualifié de cour. Le gabarit de la construction était particulièrement incongru de par son ampleur. L’implantation d’un immeuble à cet endroit créerait des nuisances, ce qui justifiait l’application de l’article 15 LCI.

14. La Ville de Genève s’est aussi opposée au recours le 31 janvier 2005. Le projet litigieux serait édifié dans une cour, ce que la loi ne permettait pas. Même si l’on considérait que les terrains en question n’étaient pas situés dans une cour, l’article 15 LCI s’opposerait à la délivrance d’une autorisation.

15. Le département s’est également opposé au recours, pour des motifs similaires aux autres intimés.

16. Le 14 mars 2005, le juge délégué à l’instruction de la procédure a effectué un transport sur place. Il a constaté que les parcelles en question forment un quadrilatère bordé d’immeubles à l’est, au sud et à l’ouest et qu’au nord, soit le long du chemin de Malombré, un garage est édifié.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’article 1 lettre b de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), la deuxième zone de construction est destinée aux grandes maisons affectées à l’habitation, au commerce et aux activités du secteur tertiaire, comprenant les quartiers édifiés sur le territoire des anciennes fortifications et les quartiers urbains qui leur sont contigus. L’article 42 alinéa 2 LCI prévoit que, dans cette zone, des constructions basses peuvent exceptionnellement être édifiées sur cour aux conditions fixées par le règlement d’application.

Il est nécessaire de déterminer si le projet litigieux est édifié sur cour ou non.

Selon le dictionnaire « Petit Robert », une cour est un espace découvert, clos par des murs ou des bâtiments et dépendant d’une habitation (« Petit Robert » 1989, p. 408). Une définition similaire figure dans le dictionnaire « Larousse », si ce n’est que celui-ci précise que la cour peut aussi être rattachée à un établissement public, notamment (cf. « Petit Larousse » 1990, p. 269). Le dictionnaire multifonctions, quant à lui, indique qu’une cour est un espace à ciel ouvert, aménagé entre des murs ou des bâtiments (http://dictionnaire.tv5.org-dictionnaires.asp?action=&param=cour&che=1, consulté le 27 mai 2005).

En l’espèce, il n’est pas contestable que l’espace où les recourants désirent édifier un bâtiment est une cour. Le fait que la limite de la parcelle n’est pas directement contiguë à un bâtiment n’est pas apte à modifier l’analyse de la situation.

Cette appréciation est confirmée par les exemples que l’on trouve dans les travaux du Grand Conseil. Ainsi, par exemple, le rapport de la commission du logement chargée d’étudier la pétition concernant le parking à la rue Liotard, du 12 février 2001 (P1143-A), qualifie de cour l’espace situé à l’intérieur des immeubles du quadrilatère formé par la rue Liotard, la rue de la Prairie, la rue de Lyon et la rue Tronchin. La consultation des plans cadastraux concernés (http://etat.geneve.ch/topoweb4/) montre que la limite des parcelles concernées ne correspond pas aux façades des immeubles.

3. Le Tribunal administratif admettra ainsi que les deux parcelles concernées par le projet litigieux sont situées à l’intérieur d’une cour. En conséquence, le recours ne peut qu’être rejeté : les plans joints à l’appui de la requête en autorisation de construire préalable démontrent en effet que le gabarit du bâtiment dépasse ce qui est admissible dans une cour sise en deuxième zone. Les recourants, au demeurant, ne soutiennent pas le contraire.

4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 LPA). Une indemnité de procédure, en CHF 2'000.-, à la charge des recourants pris conjointement et solidairement, sera allouée aux intimés représentés par Me Pierre Daudin, avocat.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 décembre 2004 par Monsieur Albert Barokas, Madame Elka Gouzer et Monsieur François Moser contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 4 novembre 2004 ;

 

au fond :

le rejette;

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2'000.- ;

alloue aux intimés représentés par Me Pierre Daudin, avocat, une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à la charge des recourants pris conjointement et solidairement ;

communique le présent arrêt à Me Patrick Blaser, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, à la Ville de Genève, ainsi qu’au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement et à Me Pierre Daudin, avocat des autres intimés.

Siégeants : M. Paychère, président, Mme Bovy, M. Thélin, Mme Junod, juges, M. Torello, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :