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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/84/2008

ATA/39/2008 du 22.01.2008 ( DETEN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/84/2008-DETEN ATA/39/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 22 janvier 2008

2ème section

dans la cause

 

Monsieur S______
représenté par Me Jérôme Picot, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

et

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS DE POLICE DES ÉTRANGERS



 


EN FAIT

1. Monsieur S______, né le ______1982, originaire de Guinée, sans domicile connu, est entré en Suisse le 10 juin 2002.

Il a déposé le jour même une demande d’asile qui a été rejetée le 8 juin 2003.

Le 2 janvier 2004, M. S______ a déposé une nouvelle demande d’asile, rejetée le 12 février 2004. Le même jour, M. S______ a fait l’objet d’une décision fédérale de renvoi, actuellement définitive et exécutoire.

Le 12 décembre 2007, l’office fédéral des migration (ci-après : ODM) a prononcé à l’encontre de M. S______ une interdiction d’entrée sur le territoire suisse, valable de suite et pour une durée indéterminée, au motif que cette personne était indésirable en Suisse en raison de son comportement et pour des motifs d’ordre et de sécurité publique. Il était invoqué des infractions graves à la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup - RS 812.121).

2. M. S______ a fait l’objet de plusieurs condamnations pénales, à savoir :

Le 23 octobre 2002, M. S______ a été condamné par une ordonnance de condamnation du juge d’instruction à la peine de trente jours d’emprisonnement pour infraction à la LStup. Cette condamnation était parallèle à une interdiction d’accès au territoire du canton de Genève, prononcée par l’officier de police le 21 octobre 2002 ;

Par ordonnance de condamnation du juge d’instruction du 7 mars 2003, M. S______ a été condamné à dix jours d’emprisonnement pour infraction à la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE - RS 142.20) ;

Par jugement du Tribunal de police du 16 juin 2004, M. S______ a été condamné à la peine de deux ans d’emprisonnement pour infraction à la LStup, avec des circonstances aggravantes de la quantité et du métier ;

Par jugement du 17 octobre 2006, le Tribunal de police a condamné M. S______ à la peine de deux ans et demi d’emprisonnement pour infraction à la LStup. Statuant sur recours, la Chambre pénale de la Cour de justice a annulé le jugement du Tribunal de police du 17 octobre 2006 et l’a remplacé par une condamnation de vingt-huit mois de peine privative de liberté pour infractions graves à la LStup.

3. Le 4 décembre 2007, les autorités guinéennes ont délivré un laissez-passer pour M. S______ valable au 4 juin 2008.

4. Le 28 décembre 2007, M. S______ a été libéré conditionnellement des établissements de la plaine de l’Orbe (ci-après : EPO). Son refoulement sur la Guinée était prévu le jour même, par un vol à destination de Conakry via Casablanca à 19h55.

5. Entendu le 28 décembre 2007 par la police judiciaire au sujet de son refoulement, M. S______ a déclaré qu’il s’opposerait de toutes ses forces à prendre l’avion le jour même. Il était menacé de mort en Sierra Léone.

Il n’était pas guinéen mais léonais. Il quitterait la Suisse par ses propres moyens à destination de l’Italie, la France ou l’Espagne, si on lui laissait un peu de temps.

Il n’était pas marié mais il avait une amie qui était la mère de son fils âgé de dix mois. Il s’agissait de Madame G______, qui vivait à Onex (Genève) avec son fils.

6. M. S______ a été entendu par le Commissaire de police le 28 décembre 2007. Il a confirmé qu’il ne voulait pas partir en Guinée puisqu’il était originaire de Sierra Léone, plus particulièrement de Kabala. Il était d’accord de quitter la Suisse par ses propres moyens.

7. Ce même 28 décembre 2007 à 17h10, l’officier de police a décerné un ordre de mise en détention à l’encontre de M. S______.

Les conditions de l’article 13b alinéa 1 lettre c LSEE (décision fédérale de renvoi et indices concrets) étaient réunies. Celles de l’article 13b alinéa 1 lettre b LSEE également, M. S______ était un délinquant récidiviste, ayant été condamné à quatre reprises dont trois fois pour infractions graves à la LStup.

Les démarches nécessaires au refoulement de l’intéressé à destination de Conakry avec escorte policière seraient incessamment entreprises.

La mise en détention administrative de M. S______ était ordonnée pour une durée de trois mois.

8. L’avocat de permanence ainsi que l’avocat de M. S______ ont été informés de cet ordre de mise en détention le 28 décembre 2007 à 17h10.

9. La commission cantonale de recours de police des étrangers - mesures de contrainte (ci-après : la commission) a entendu M. S______ dans son audience du 2 janvier 2008.

M. S______ était assisté d’un avocat de permanence.

Il a confirmé qu’il s’opposait à l’ordre de mise en détention rendu à son encontre. Il s’était effectivement opposé à son renvoi le 28 décembre 2007 pour les motifs précédemment exposés. S’il était libéré, il irait s’installer chez son amie qui était la mère de son fils, dont il ignorait le domicile exact car elle venait de déménager. Il s’engageait à se présenter aux contrôles de la population.

Le représentant du commissaire de police a confirmé qu’un nouveau vol avec escorte était prévu pour le 28 janvier 2008.

Il conclut à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative mais s’en est rapporté à justice concernant la durée.

10. Par décision du 2 janvier 2008, la commission a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 28 février 2008.

La commission a exposé qu’une audience devant elle était initialement prévue pour le 31 décembre 2007, mais qu’elle avait dû être reportée au 2 janvier 2008 en raison de l’absence d’avocats disposés à assurer une permanence pour la défense des détenus étrangers. Or, M. S______ avait expressément fait la demande d’être assisté par un avocat. Dès lors, et conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.305/1999 du 7 juillet 1999) l’allongement du délai de nonante-six heures était admissible, dans la mesure où il servait à mieux protéger les droits du détenu étranger.

Sur le fond, les conditions des articles 13b alinéa 1 lettre c et 13c alinéa 1 LSEE, applicables en l’espèce par renvoi de l’article 126 alinéa 1 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005, entrée en vigueur le 1er janvier 2008 (LEtr - RS 142.20) étaient remplies. En revanche, la durée de la détention était ramenée à deux mois, cette période paraissant proportionnée au regard du délai prévu pour un nouveau vol avec escorte policière dans le courant du mois de février 2008.

11. M. S______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 14 janvier 2008.

La commission avait confirmé l’ordre de mise en détention cent vingt heures après le prononcé de celui-ci. Ce faisant, les délais fédéraux et cantonaux, respectivement de nonante-six heures (art. 80 al. 2 LEtr) et septante-deux heures (art. 9 al. 3 de la loi d’application de la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 16 juin 1988 - LaLSEE - F 2 10) n’avaient pas été respectés. La décision était viciée.

Selon l’article 44 LEtr, l’autorité compétente pouvait octroyer une autorisation de séjour au conjoint étranger du titulaire d’une autorisation de séjour et à ses enfants célibataires étrangers de moins de dix-huit ans lorsque les conditions prévues par cette disposition légale étaient réunies.

En l’espèce, il avait toujours gardé contact avec la mère de son enfant et tous deux souhaitaient fonder un foyer stable. Mme G______ était dans l’attente de l’octroi d’un permis B. Leur fils D______ était né le ______2007 alors que lui-même se trouvait en détention. Des tests de paternité allaient être effectués par l’institut de médecin légale (ci-après : IUML) afin de démontrer qu’il était bien le père de l’enfant. Il sollicitait un délai de trente jours pour produire la preuve de sa paternité.

Il conclut à l’annulation de la décision querellée.

12. La commission a transmis son dossier au tribunal de céans le 16 janvier 2008.

13. L’officier de police a présenté ses observations le 17 janvier 2008, concluant au rejet du recours.

Les conditions légales des articles 13b alinéa 1 lettres b et c et 13a lettre e LSEE étaient remplies de sorte que la détention était justifiée sur le fond et respectait le principe de proportionnalité.

La prolongation du délai pour statuer opérée par la commission était conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral, dès lors qu’elle avait permis de satisfaire la demande du recourant d’être assisté d’un avocat. Partant, il n’y avait pas lieu de retenir une violation des articles 80 alinéa 1 LEtr et 9 alinéa 3 LaLSEE.

Les conditions de l’article 44 LEtr n’étaient pas réalisées et en tout état, la démarche du recourant aux fins d’établir sa paternité sur un enfant de presque un an ne saurait surseoir au renvoi de celui-là vers son pays d’origine.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3 et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le 1er janvier 2008, la loi fédérale sur les étrangers (LEtr - RS 142 20) du 16 décembre 2005 est entrée en vigueur, abrogeant la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE). Selon les dispositions transitoires de la novelle, les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de cette dernière demeurent régies par l’ancien droit, tandis que la procédure est régie par le nouveau droit (art. 126 al. 1 et 2 LEtr). Le contrôle au fond de la détention administrative du recourant doit ainsi se faire au regard de la LSEE.

3. En application de l’article 10 alinéa 2 LaLSEE, le Tribunal administratif statue dans les dix jours qui suivent sa saisine. Le recours a été reçu au greffe le 15 janvier 2008. Le délai a commencé à courir dès le lendemain (art. 17 al. 1 LPA) et, par report (art. 17 al. 3 LPA), il vient à échéance le vendredi 25 janvier 2008 à minuit. En statuant ce jour, le tribunal de céans respecte ainsi ce délai (ATA/1/2008 du 2 janvier 2008 et les références citées).

4. Selon l’article 80 alinéa 1 LEtr, la légalité et l’adéquation de la détention doivent être examinées dans un délai de nonante-six heures par une autorité judiciaire au terme d’une procédure orale. L’article 9 alinéa 3 LaLSEE prévoit que la commission dispose d’un délai de septante-deux heures après la mise en détention pour examiner la légalité et l’adéquation de la détention et qu’elle statue dans les nonante-six heures qui suivent sa saisine (al. 4).

En l’espèce, il n’est pas contesté que la commission a entendu le recourant le 2 janvier 2008, soit au-delà des délais susmentionnés.

La commission expose, sans être contredite par le recourant, que l’audience prévue pour le 31 décembre 2007 a dû être reportée, en raison du fait qu’aucun avocat n’était disponible alors que le recourant en avait fait la demande expresse. C’est donc bien pour protéger les intérêts et les droits du détenu étranger qu’est intervenu l’allongement du délai de nonante-six heures, ce qui est parfaitement compatible avec la jurisprudence du Tribunal fédéral (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.305/1999 déjà cité).

Ce premier grief sera donc écarté.

5. Lorsqu’une décision de renvoi ou d’expulsion de première instance a été notifiée à un étranger et que des indices concrets font craindre que celui-ci se soustraie au refoulement, en particulier lorsqu’il ne collabore pas au sens des articles 13f LSEE et 4 et 8 de la loi sur l’asile du 28 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), l’autorité compétente peut le mettre en détention pour assurer l’exécution de ladite décision (art. 13b al. l let. c LSEE).

En l’espèce, M. S______ fait l’objet d’une décision de renvoi de Suisse définitive et exécutoire depuis le 12 février 2004 ainsi que d’une décision d’interdiction d’entrée en Suisse du 12 décembre 2007.

Il résulte du dossier que le recourant, s’est soustrait au renvoi du 28 décembre 2007 et que depuis lors, il n’a cesse d’affirmer qu’il s’opposera à son renvoi sur la Guinée.

Les conditions d’application de l’article 13b alinéa 1 lettre c LSEE sont ainsi remplies.

6. Selon l’article 13a lettre e LSEE, applicable par renvoi de l’article 13b alinéa 1er lettre b LSEE, la détention administrative est également possible lorsque la personne concernée menace sérieusement des tiers ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et que, pour ce motif, elle a fait l’objet d’une poursuite pénale ou a été condamnée (ATA/352/2007 du 26 juillet 2007 et les références citées).

Le recourant a été condamné à trois reprises pour un trafic illicite aux produits stupéfiants, notamment de la cocaïne. A une occasion au moins, les circonstances aggravantes de la quantité et du métier ont été retenues. La réitération des actes répréhensibles en peu de temps démontre l’absence de scrupules de l’intéressé, qui n’hésite pas à participer à la mise sur le marché de produits notoirement dangereux pour la santé, ainsi que son mépris pour le système légal du pays dans lequel il réside illégalement d’ailleurs.

Pour ce second motif, distinct du premier, la détention administrative de l’intéressé est parfaitement justifiée.

7. Le recourant se réclame de l’article 44 LEtr prévoyant l’octroi d’une autorisation de séjour au conjoint étranger du titulaire d’une autorisation de séjour et à ses enfants célibataires étrangers de moins de dix-huit ans pour autant que trois conditions soient réunies, à savoir, qu’ils vivent en ménage commun avec lui, qu’il dispose d’un logement approprié et qu’il ne dépende pas de l’aide sociale. Or, le recourant ne remplit pas la condition de base de cette disposition légale, à savoir, qu’il ne revêt pas la qualité de conjoint d’une part, et qu’en tout état, il ne fait pas ménage commun avec la personne qui serait la mère de son enfant, d’autre part. Enfin, à supposer qu’il soit réalisé, ce dernier élément est étranger à l’examen de la légalité et de l’adéquation de la détention auquel doit se limiter le tribunal de céans.

8. En application de l’article 36 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le principe de la proportionnalité gouverne toute action étatique (ATA/352/2007 précité).

L'ordre de mise en détention administrative a été confirmé pour deux mois, jusqu'au 28 février 2008. Cette durée est adéquate au vu de l’ensemble des circonstances.

9. Le recours sera rejeté.

Vu la situation du recourant aucun émolument ne sera perçu (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 janvier 2008 par Monsieur S______ contre la décision du 2 janvier 2008 de la commission cantonale de recours de police des étrangers ;

au fond :

le rejette ;

confirme la décision attaquée ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jérôme Picot, avocat du recourant à l’officier de police, à la commission cantonale de recours de police des étrangers, à l’office cantonal de la population, à l’office fédéral des migrations à Berne ainsi qu’au centre Frambois, pour information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère et M. Thélin, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :