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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/438/2008

ATA/356/2008 du 24.06.2008 ( DES )

Descripteurs : ; QUALITÉ DE PARTIE ; PLAIGNANT ; MÉDECIN ; FAUTE PROFESSIONNELLE ; PROCÉDURE ; APPEL EN CAUSE ; DROIT TRANSITOIRE
Normes : LComps.9 ; LComps.34
Résumé : En l'absence de dispositions transitoires, les nouvelles règles de nature procédurale s'appliquent immédiatement à toutes les affaires pendantes. La qualité de partie de la recourante, dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à l'encontre de son médecin, doit ainsi lui être reconnue.
En fait
En droit

manrépublique et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/438/2008 DES ATA/356/2008

ARRÊT SUR PARTIE

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 juin 2008

 

dans la cause

 

Monsieur P______
représenté par Me Daniel Meyer, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L’ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ


 


EN FAIT

Monsieur P______ exerce en qualité de médecin généraliste à Genève.

Par courrier du 28 avril 2005, Madame K_________ a déposé une « plainte administrative » à l’endroit de son médecin, M. P______.

Le 14 janvier 2008, suite à une procédure instruite par l’ancienne commission de surveillance des professions de la santé (ci-après : la commission), le département de l’économie et de la santé (ci-après : le département) a prononcé un blâme à l’endroit de M. P______.

Par acte mis à la poste le 14 février 2008, M. P______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours. Il a conclu à l’annulation de la décision du 14 janvier 2008.

Le 29 avril 2008, le département a conclu au rejet du recours.

Préalablement à l’instruction sur le fond, le juge délégué a interpellé M. P______ et le département sur la qualité de partie de Mme K_________ au regard de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03).

Par courrier du 23 mai 2008, le département s’est opposé à la qualité de partie de Mme K_________. La cause avait été instruite par l’ancienne commission, qui avait examiné les faits en application de la loi sur l’exercice des professions de la santé, les établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical du 11 mai 2001 (LPS - K 3 05).

En application des dispositions transitoires de la nouvelle loi, les causes introduites avant l’entrée en vigueur de celle-ci et pendantes devant la commission devaient être instruites et jugées par cette autorité. Par ailleurs, en application du principe de non-rétroactivité des lois, seule l’ancienne loi était applicable à la présente cause. Mme K_________ ne devait donc pas se voir reconnaître la qualité de partie à la procédure, qui n’existait pas sous l’égide de l’ancienne loi.

M. P______, par courrier du 26 mai 2008, s’est également opposé à la qualité de partie de Mme K_________ dans le cadre de la procédure. Celle-ci ne disposait pas de la qualité pour recourir et n’avait ainsi pas à se voir reconnaître la qualité de partie.

Il ressort du dossier que Mme K_________ a, à plusieurs reprises, demandé des informations à la commission au sujet du traitement de « sa plainte administrative ».

Par courrier du 18 octobre 2006, Mme K_________ a notamment requis des informations relatives à la procédure, en indiquant expressément faire valoir ses droits de partie, en se fondant sur la nouvelle loi sur la commission.

Le 24 octobre 2006, le département a refusé de reconnaître la qualité de partie de Mme K_________ à la procédure disciplinaire, au motif que les affaires introduites avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi devaient être instruites par l’ancienne commission.

Ce courrier ne contenait aucune qualification juridique quant à sa nature et n’indiquait aucune voie de droit.

Le 8 novembre 2006, le conseil de Mme K_________ a contesté l’analyse du département. Par courriers des 24 avril 2007 et 13 septembre 2007, Mme K_________ a derechef requis des nouvelles informations sur la procédure.

Préalablement à l’instruction de la cause sur le fond, le tribunal a gardé la cause à juger sur la qualité de partie à la procédure de Mme K_________.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile, devant la juridiction compétente, par une personne disposant de la qualité pour recourir (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941–LOJ – E 2 05 ; art. 63 al. 1 lit. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), le recours déposé le 14 février 2008 par M. P______ est recevable.

Le présent arrêt sur partie a pour seul but de déterminer les règles de procédures applicables par-devant le Tribunal administratif afin d’examiner si Mme K________ doit s’y voir reconnaître la qualité de partie. Le fond de la procédure doit encore être instruit et fera l’objet d’un arrêt subséquent.

3. a. En date du 1er septembre 2006, la LComPS et la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) sont entrées en vigueur.

b. A teneur de l’article 9 LComPS, le patient qui saisit la commission dispose de la qualité de partie. En application du nouveau droit, Mme K_________ devrait dès lors se voir reconnaître la qualité de partie dans la présente procédure et être appelée en cause.

c. Ce n’était en revanche pas le cas sous l’égide de l’ancienne LPS ni sous celle de l’ancienne loi concernant les rapports entre les membres des professions de la santé et les patients du 6 décembre 1987. En application de ces lois, en vigueur jusqu’au 31 août 2006, le Tribunal administratif avait jugé de manière constante que ni le dénonciateur, ni le plaignant ne disposaient de la qualité de partie dans une procédure disciplinaire dirigée contre la personne dont ils avaient révélé les agissements (ATA/711/2005 du 25 octobre 2005 ; ATA/492/2005 du 19 juillet 2005 et les références citées).

d. En adoptant l’article 9 LComPS, entrée en vigueur le 1er septembre 2006, le législateur a choisi d’accorder au plaignant la qualité de partie devant la nouvelle commission ainsi que devant le Tribunal administratif.

4. Mme K_________ ayant déposé sa « plainte administrative » en date du 28 avril 2005, il convient de déterminer quel est le droit applicable à la présente procédure.

5. a. Selon l’article 34 LComPS, la nouvelle commission connaît de toutes les demandes, plaintes, dénonciations et recours relevant de la présente loi déposée postérieurement à l’entrée en vigueur de celle-ci. En revanche, les affaires introduites avant l’entrée en vigueur de la loi et pendantes devant les anciennes commissions de surveillance des professions de la santé et des activités médicales ainsi que devant le conseil de surveillance psychiatrique sont instruites et jugées par ces autorités. La nouvelle commission ne peut pas en être saisie.

b. Cette disposition transitoire est muette quant à la procédure relative à une sanction disciplinaire prononcée suite à la saisine des anciennes commissions de surveillance des professions de la santé et des activités médicales et qui doit être examinée par le Tribunal administratif. Il convient dès lors de trancher cette question en application des principes généraux de droit intertemporel.

6. a. En principe, le nouveau droit s’applique à toutes les situations qui interviennent depuis son entrée en vigueur. Toutefois, en l’absence de dispositions transitoires, le Tribunal fédéral considère que les nouvelles règles de nature procédurale doivent s’appliquer immédiatement à toutes les affaires pendantes (ATF 130 V 560, 562 ; ATF 111 V 46, 47 ; voir aussi U. HAEFELIN/ G. MÜLLER/ F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zurich, 2006, p. 66, no 327a ; P. MOOR, Droit administratif, vol. I, Berne, 1994, p. 171), sous réserve de deux exceptions. Premièrement, si une autorité compétente selon l’ancien droit a été saisie avant l’entrée en vigueur du nouveau droit et n’a pas été abolie par ce dernier, elle reste compétente pour connaître de l’affaire en cause (ATF 130 V 90, 93). Deuxièmement, les nouvelles règles de procédure ne peuvent être appliquées immédiatement que si elles restent dans une certaine continuité avec le système antérieur, sans en bouleverser les fondements (ATF 112 V 356, 360 ; HAEFELIN/MÜLLER/UHLMANN, op. cit., p. 66, no 327a).

b. En l’espèce, le législateur genevois n’a prévu aucune disposition transitoire relative à l’applicabilité de l’article 9 LComPS devant le Tribunal administratif, appelé à trancher des procédures traitées, sur le fond, en application de l’ancien droit. Cette disposition, relative à la qualité de partie des tiers à la procédure, étant une disposition procédurale, elle doit s’appliquer à toutes les affaires pendantes devant le Tribunal administratif, en application des principes généraux arrêtés par le Tribunal fédéral. Il faut en effet relever que le nouveau système arrêté par le législateur genevois ne bouleverse pas les fondements de la procédure administrative en matière de sanction à l’endroit des professionnels de la santé. Seul le patient s’est, nouvellement, vu accorder le droit de partie à la procédure. Le législateur souhaitait en effet simplement lui « conférer tous les droits des parties, tels que résultant de la loi sur la procédure administrative » (MGC 2003-2004 XI 5471, p. 5738).

c. En l’occurrence, Mme K_________ a, à plusieurs reprises, demandé à pouvoir participer formellement à la procédure. Il appert ainsi qu’elle souhaite se voir reconnaître la qualité de partie. Dans ces circonstances, et à défaut de dispositions transitoires contraires, le Tribunal administratif appellera Mme K_________ en cause, qui doit se voir reconnaître la qualité de partie à la présente procédure (art. 9 LComPS cum art. 71 LPA). L’accès au dossier lui sera autorisé par le Tribunal administratif après l’entrée en force du présent arrêt. A cette occasion, un délai lui sera octroyé pour déposer d’éventuelles observations.

 

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

statuant sur partie :

déclare recevable le recours interjeté le 14 février 2008 par Monsieur P______ contre la décision du département de l’économie et de la santé du 14 janvier 2008 ;

appelle en cause Madame K_________ dans la présente procédure ;

dit qu’un délai sera fixé à Madame K_________ pour déposer des observations éventuelles après l’entrée en force du présent arrêt ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Daniel Meyer, avocat du recourant, à Me Jean-Jacques Martin, avocat de Mme K_________ pour information, ainsi qu’au département de l’économie et de la santé.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mmes Hurni et Junod, M. Thélin, juges, M. Grodecki, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.:

 

 

M. Tonossi

 

La présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :