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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2337/2007

ATA/328/2007 du 25.06.2007 ( DETEN ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2337/2007-DETEN ATA/328/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 25 juin 2007

1ère section

dans la cause

 

Monsieur S______
représenté par Me Philip Grant, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS DE POLICE DES ÉTRANGERS

et

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION


 


EN FAIT

1. Né le ______ 1981, Monsieur S______ est originaire de la République de Guinée (Conakry).

2. En 1998, M. S______ a déposé une première demande d’asile en Suisse, qui a été rejetée et il avait dû quitter ce pays au mois de novembre 1999.

Le 25 février 2003, l’intéressé a présenté une nouvelle demande d’asile en Suisse, laquelle a été rejetée par décision de l’Office fédéral des réfugiés (ci-après  : l’ODR) du 2 février 2004. M. S______ était invité en outre à quitter immédiatement la Suisse, faute de quoi il pourrait faire l’objet de mesures de contrainte. Selon une note d’entretien ayant eu lieu le 2 mars 2004 à Genève, M. S______ avait bien reçu la décision négative de l’ODR du 2 février 2004 et avait compris qu’il devait quitter la Suisse le plus rapidement possible. Il avait alors déclaré ne pas vouloir retourner en Guinée.

3. L’intéressé a été condamné à plusieurs reprises pour trafic de cocaïne, la dernière fois par ordonnance du juge d’instruction du 24 août 2006.

4. Remis à la police judiciaire à l’issue de son incarcération le 9 mai 2007, M. S______ a indiqué qu’il refusait de collaborer en vue de son retour en Guinée. Il a alors été placé en détention administrative par le commissaire de police compétent pour une durée de deux mois.

5. Les 23 mai et 6 juin 2007, M. S______ s’est opposé physiquement à son rapatriement.

6. Le 7 juin 2007, la commission cantonale de recours en matière de police des étrangers (ci-après  : la CCRPE) a prolongé la détention administrative de M. S______ pour une durée de cinq mois soit jusqu’au 7 novembre 2007 à la demande de l’Office cantonal de la population (ci-après  : l’OCP), au motif que M. S______ serait rapatrié au moyen d’un vol spécial à destination de Conakry au mois d’octobre 2007. Le nombre de personnes rapatriées était de cinq par mois.

7. Par lettre datée du 11 juin 2007, parvenue au greffe du tribunal de céans le 18 juin 2007, M. S______ a demandé qu’une dernière chance lui soit accordée de quitter la Suisse par ses propres moyens. Il ne pouvait accepter d’être renvoyé en Guinée, car il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt dans ce pays.

8. Le 14 juin 2007, l’avocat nommé d’office pour la défense des intérêts de M. S______ a déposé un recours contre la décision de la CCRPE du 7 juin 2007. En application de l’article 13b alinéa 2 de la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (LSEE - RS 142.20), la durée de la détention ne pouvait excéder trois mois. Si des obstacles particuliers s’opposaient à l’exécution du renvoi ou l’expulsion, la détention pouvait être prolongée de 15 mois au plus, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale compétente. La détention de M. S______ avait été prolongée de cinq mois au seul motif qu’il n’y avait pas de place disponible dans un vol spécial auparavant. Il n’appartenait pas au recourant de souffrir des contingences de l’OCP ni de l’office fédéral des migrations (ci-après  : l’ODM). Sa vie était en danger en Guinée et on ne pouvait lui reprocher de s’être opposé à son rapatriement sur un vol de ligne.

La longueur de la prolongation accordée par la CCRPE violait le principe de la célérité.

M. S______ conclut à titre principal à sa mise en liberté immédiate. A titre subsidiaire, il demande que sa détention administrative soit prolongée de deux mois au maximum.

9. Le 21 juin 2007, l’OCP a répondu au recours. Une place sur un vol spécial à destination de Conakry avait été réservée pour une date prévue entre le 20 et le 30 octobre 2007. De tels transports spéciaux n’étaient organisés qu’à raison d’une fois par mois et pour cinq personnes au maximum. M. S______ avait été inscrit pour le premier voyage disponible. Son laissez-passer était valable jusqu’au 12 novembre 2007.

Même si M. S______ soutenait qu’il risquait d’être mis en danger en cas de retour dans son pays d’origine, il avait contribué par son comportement à troubler la sécurité et l’ordre public en Suisse, de telle sorte qu’il convenait de faire application de l’article 14 alinéa 6 LSEE.

L’OCP conclut au rejet du recours.

10. En date du 25 juin 2005, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 5 et 10 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 16 juin 1988 - LaLSEE - F 2 10).

2. En application de l’article 10 alinéa 2 LaLSEE, le Tribunal administratif statue dans les dix jours qui suivent sa saisine. Le recours a été reçu au greffe le 15 juin. Le délai a commencé à courir dès le lendemain (art. 17 al. 1 LPA) et il vient à échéance le lundi 25 juin 2007 à minuit. En statuant ce jour, le tribunal de céans respecte ainsi ce délai (ATA/265/2006 du 15 mai 2006 et les réf. citées).

3. Selon l’article 7 alinéa 1 lettre d LaLSEE, l’OCP est compétent pour demander à la commission de prolonger au-delà de trois mois la détention en vue de refoulement (art. 13b al. 1 let. c et al. 2 LSEE). La qualité pour agir de l’OCP est ainsi donnée.

4. Le 10 mai 2007, la CCRPE avait accepté de confirmer un ordre de mise en détention administrative pris à l’encontre du recourant pour une durée d’un mois. Le 5 juin 2007, le tribunal de céans avait déclaré irrecevable le recours, motif pris de sa tardiveté (ATA/273/2007 du 5 juin 2007).

La question se pose de savoir si l’autorité judiciaire, saisie d’une demande de prolongation de la détention administrative peut revenir sur la première appréciation de la licéité de ladite détention, telle qu’elle avait été effectuée lors du contrôle judiciaire initial.

Selon la doctrine (N. WISARD, Les renvois et leur exécution en droit des étrangers et en droit d’asile, Bâle et Francfort-sur-le-Main 1997, p. 325) la décision initiale, prise par une autorité appliquant le droit d’office, jouit de l’autorité de la chose jugée de manière absolue et non seulement relative aux seuls points de droit qui avaient été expressément évoqués et tranchés. En revanche, tous les moyens de faits nouveaux ainsi que tous les arguments juridiques relatifs à ces faits nouveaux ou à l’évolution de la situation doivent être examinés d’office par le juge chargé du contrôle de la prolongation de la détention.

5. En application de l’article 13b alinéa 2 LSEE, la détention peut, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, est prolongée de 15 mois au plus si des obstacles particuliers s’opposent à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion, selon la nouvelle teneur de cet article, en vigueur depuis le 1er janvier 2007.

a. Sous l’empire de l’ancien droit, le Tribunal fédéral a jugé que la détention était subordonnée à la condition que les autorités entreprennent sans tarder les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006).

En l’espèce, l’office intimé se prévaut de l’échec de deux tentatives de refoulement les 23 mai et 6 juin 2007, du fait du comportement de l’intéressé. Il expose en outre avoir entamé des démarches dès le 7 juin 2007 pour le refoulement du recourant par le biais d’un vol spécial à destination de Conakry, lequel devrait avoir lieu au mois d’octobre 2007.

La chronologie des tentatives de renvoi du recourant et les démarches entreprises en vue de son refoulement au moyen d’un vol spécial permettent de considérer que l’office intimé a agi avec diligence en vue de renvoyer l’intéressé dans son pays d’origine.

b. Selon l’article 31 alinéa 1er de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), nul ne peut être privé de sa liberté si ce n’est dans des cas prévus par la loi et selon les formes qu’elle prescrit, toute restriction d’un droit fondamental doit être fondé sur une base légale, être justifiée par un intérêt public et satisfaire le principe de la proportionnalité.

La condition d’une base légale formelle s’agissant de priver un individu de sa liberté, est satisfaite sous la forme des dispositions contenues notamment dans l’article 13b LSEE. Il y a lieu également de reconnaître un intérêt public au renvoi de leur pays d’origine des étrangers dépourvus de toute autorisation de séjour sur le territoire helvétique.

c. S’agissant du respect du principe de la proportionnalité, il convient de garder à l’esprit que la détention administrative constitue la forme la plus grave d’atteinte à la liberté personnelle, garantie par l’article 10 alinéa 2 Cst. La personne visée est en effet privée de sa liberté de mouvement. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il convient en outre que le noyau fondamental de la liberté personnelle ne soit pas touché (ATF 130 II 377 consid. 3.1 p. 380-381).

En l’espèce, on ne saurait considérer que la réservation d’une place dans un vol spécial de rapatriement pour le mois d’octobre constitue une raison suffisante pour admettre le respect du principe de la proportionnalité eu égard à l’écoulement du temps ; en particulier le fait même que de tels rapatriements ne soient possibles qu’en faible nombre ne justifient pas à lui seul la prolongation de la détention administrative de l’intéressé. On ne saurait en effet faire dépendre le respect des garanties fondamentales offertes notamment par l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et des dispositions constitutionnelles de droit d’interne précitées, du bon vouloir des autorités d’un pays étranger. L’empressement de telles autorités étrangères à recevoir ou non ses propres citoyens, une fois qu’ils ont été rapatriés ne saurait constituer la mesure du respect du principe de la proportionnalité, qui s’impose d’autant plus que la mesure individuelle litigieuse frappe la personne concernée dans une de ses libertés les plus fondamentales, soit celle de mouvement.

La durée de la prolongation préventive sera ramenée de cinq à trois mois soit jusqu’au 7 septembre 2007.

6. Le recourant ayant conclut à titre subsidiaire, à la prolongation de sa détention pour une durée de deux mois, il n’obtient que partiellement gain de cause. Il a droit néanmoins à une indemnité de procédure, qui sera arrêtée en l’espèce à CHF 600.- somme qui sera mise à la charge de l’Office cantonal de la population (art. 87 LPA). Quant à l’office intimé, qui succombe, il s’acquittera des frais de la procédure arrêtés à CHF 500.-.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 juin 2007 par Monsieur S______ contre la décision de la commission cantonale de recours de police des étrangers du 7 juin 2007 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

prolonge la détention administrative du recourant pour une durée de trois mois jusqu’au 7 septembre 2007 ;

rejette le recours pour le surplus ;

dit qu'un émolument à hauteur de CHF 500.- sera mis à la charge de l’Office cantonal de la population ;

dit qu’une indemnité de procédure de CHF 600.- sera allouée au recourant à la charge de l’Office cantonal de la population ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le dispositif du présent arrêt à l’office cantonal de la population, à la commission cantonale de recours de police des étrangers, à Me Philippe Grant, avocat du recourant ainsi qu’à l’office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Paychère, président, Mme Bovy et M. Thélin, juges

Au nom du Tribunal administratif :

La greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiqué aux parties

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :