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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2324/2008

ATA/322/2010 du 11.05.2010 ( FIN ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2324/2008-FIN ATA/322/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 11 mai 2010

2ème section

dans la cause

 

Madame et Monsieur B______
représentés par Me Patrice Genoud, avocat

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS DE L'IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT

 

et

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

et

 

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS



EN FAIT

1. Le recours concerne l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) dû par Madame et Monsieur B______ (ci-après : les contribuables ou les époux B______) pour l'année fiscale 1997.

2. Cette année-là, M. B______ (ci-après : le contribuable) a exercé, jusqu'au 28 février 1997, la profession de bottier-orthopédiste diplômé fédéral sous la raison individuelle X______ à Genève (ci-après : la société), dont le but social était la réparation et la fabrication de chaussures.

A la date précitée, la raison individuelle a été radiée du registre du commerce par suite de la reprise de ses actifs et passifs par la société Y______(ci-après : la société) à Genève.

3. Le 28 février 1997, la société, au capital social de CHF 100 000.-, divisé en 200 actions de CH 500.- entièrement libéré, a été inscrite au registre du commerce. Elle était située A______. Son but social était la fabrication, transformation, réparation de chaussures et orthèses en technique orthopédique, ainsi que tout article en relation avec la profession.

Un apport en nature était mentionné : celui de l'entreprise exploitée jusqu'ici sous la raison individuelle X______ (ci-après : la raison individuelle), selon bilan au 30 septembre 1996, présentant un actif de CHF 438'945,63 et un passif envers les tiers de CHF 135'729,05, soit un actif net de CHF 303’216,58, montant imputé sur le capital à concurrence de CHF 100'000.-, le solde étant porté au crédit de l'apporteur.

4. M. B______ a été l'administrateur et l'unique actionnaire de la société jusqu'au 27 septembre 2001, date à laquelle il a été remplacé par Monsieur G______, tandis qu'il restait inscrit comme secrétaire hors conseil.

5. Le 21 juillet 2005, l'administration fiscale cantonale (ci-après : l’AFC-GE) a écrit aux contribuables. Elle ouvrait une procédure en rappel d’impôt ordinaire au sens de l’art. 151 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et en soustraction d’impôts consommés au sens de l’art. 175 LIFD.

Lors d’un recoupement, elle avait constaté que ceux-ci avaient vendu les actions de la société dans le délai de cinq ans qui avait suivi la transformation de la raison individuelle. Le délai avait commencé à courir le 28 février 1997 et ils avaient vendu les actions le 1er avril 2001. Selon les informations de l’AFC-GE, ils avaient reçu, en paiement du prix de vente, CHF 220'000.- le 1er avril 2001, CHF 100'000.- le 1er janvier 2002 et CHF 80'000.- le 1er janvier 2003.

Un bordereau rectificatif tenant compte d’un montant de réserve latente évalué à CHF 640'000.- allait leur être notifié. A ce courrier était annexé un tableau relatif au calcul de la réserve latente, conduisant à retenir un montant de CHF 640'099.- pour le « goodwill ».

6. Le 24 septembre 2005, les époux B______ ont écrit à l’AFC. Ils contestaient la décision précitée. Les trois versements litigieux avaient été reçus « à titre de dépôt-garantie en vue d’une vente d’actions et avaient été effectués, ainsi que l’attestaient les copies d’avis de crédit annexées, après le délai de cinq ans prévu par l’IFD pour la cession du capital-actions » de la société. Le portefeuille d’actions, restaient à endosser chez Maître F______.

7. A ce courrier était annexée une lettre du notaire à M. B______ du 1er septembre 2003 et trois avis de crédits desquels il ressortait que le notaire avait versé à ce dernier un montant de CHF 220'000.- le 2 avril 2002, CHF 100'000.- le 10 octobre 2002 et de CHF 80'000.- le 18 septembre 2003.

Les trois certificats d’actions nominatifs, représentant la totalité du capital social de la société, étaient toujours déposés à son étude. Ils étaient encore libellés au nom de M. B______ qui ne les avait pas encore endossés en faveur de M. G______.

8. Le 9 décembre 2005, l’AFC-GE s’est adressé aux contribuables à la suite d’un entretien du 20 octobre 2005 dont le contenu n’est rapporté dans aucune note figurant au dossier.

Selon les informations en sa possession, un paiement de CHF 220'000.- avait été fait le 28 septembre 2001 à l’étude du notaire dans le cadre de la vente des actions de la société, qui représentait plus de 50 % du prix de vente fixé, soit CHF 400'000.-. Les contribuables n’avaient ainsi pas respecté le délai de cinq ans dans lequel ils ne pouvaient vendre les actions. L’AFC-GE allait imposer les réserves latentes de la raison individuelle, conformément à l’art. 47 al. 1 LIFD.

9. Le 24 janvier 2006, l’AFC-GE a notifié aux époux B______, par pli recommandé, un bordereau de rappel d’impôts 1997 calculé sur un revenu imposable de CHF 640'000.-, d’un montant de CHF 95'251,85, soit CHF 72'647.- en capital et CHF 22'784,85 en intérêts, accompagné d’un avis de modification au sens de l’art. 131 LIFD.

10. Le 21 février 2006, par pli recommandé, les contribuables ont formé réclamation auprès de l’AFC-GE contre le bordereau précité.

Le rappel de taxation devait être annulé et il devait être admis par l’AFC-GE que la cession du capital-actions de la société était intervenue alors que le délai de carence de cinq ans était échu.

M. B______ avait constitué la société le 27 février 1997. Il en avait libéré le capital social par l’apport en nature de sa raison individuelle dont la valeur nette était de CHF 303'216,58. En mars 2002, il avait fait part à M. G______ de son intention de remettre son activité pour la fin de l’année en cours. « C’est à cette occasion que, pour la première fois, les parties ont évoqué la possibilité d’une éventuelle reprise de la société par M. G______ ». Très rapidement, celles-ci étaient parvenues à un accord. La société était vendue par M. B______ à M. G______ et le transfert de propriété était arrêté au 30 septembre 2002, date de bouclement des comptes de la société. Le prix de vente devait être acquitté en trois tranches, soit CHF 220'000.- immédiatement afin de bloquer l’affaire, CHF 100'000.- à la date de la vente et le solde en septembre 2003. Ces trois montants avaient été versés à M. B______ par le notaire. La vente du capital-actions de la société était donc intervenue hors le délai de cinq ans de l’art. 19 al. 2 LIFD.

Subsidiairement, le mode de calcul retenu par l’AFC-GE pour évaluer les réserves latentes transférées était contesté. La décision de taxation de l’AFC-GE du 24 janvier 2006, même accompagnée d’un tableau chiffré, n’était pas suffisamment motivée, car elle ne permettait pas de comprendre le mode de calcul. L’imposition devait porter sur les réserves latentes existantes au moment du transfert du patrimoine à la nouvelle société et non pas celle existant dans la société lors de la cession des actions. En retenant comme valeur d’apport CHF 303'216,58, la valeur retenue par l’AFC-GE de la raison individuelle dépassait CHF 940'000.-, ce qui était exagéré au regard de la valeur du capital-actions de la société en 2002, qui n’était que de CHF 400'000.-.

11. Le 7 mars 2006, l’AFC-GE a rejeté la réclamation. La société avait été constituée le 28 février 1997 et vendue le 20 septembre 2001, ce qui correspondait à la date du premier versement de M. G______. Le prix de vente des actions avait été fixé à CHF 400'000.- alors que le capital social était de CHF 100'000.-. Le montant dû avait été payé par le repreneur par trois versements, soit :

- CHF 220'000.- le 20 septembre 2001 ;

- CHF 100'000.- le 2 octobre 2002 ;

- CHF 80'000.- le 8 mai 2003.

Lors de l’entretien du 20 octobre 2005, en présence de MM. B______ et G______, elle avait constaté que des liens étroits existaient entre eux, ce qui expliquait que la vente, réalisée entre proches, n’avait pas fait l’objet d’un contrat écrit. Elle retenait comme date effective de la cession, celle du premier versement, même si M. B______ n’avait reçu la première tranche que le 2 avril 2002. Concernant le mode de calcul de la réserve latente. Il y avait lieu de se référer au tableau chiffré remis le 21 juillet 2005, dont il avait accusé réception le 26 juillet 2005. Le montant de CHF 640'000.- était pleinement expliqué. Les calculs se basaient sur les exercices comptables 1993 à 1996 de la raison individuelle et avaient été effectués conformément à la pratique fiscale en matière de détermination des réserves latentes et d’estimations d’entreprises de personnes. Le montant des réserves latentes n’était pas exagéré car la société avait distribué un dividende important en 2000 et versé des salaires élevés durant l’exercice 2001/2002 et 2002/2003, ceci en partie grâce à l’existence de la clientèle (goodwill) au moment de la transformation de la société simple en société anonyme. Or, le « goodwill » avait été transféré à la valeur comptable, soit CHF 10'000.-. Il y avait également lieu de tenir compte de l’expérience et de la clientèle importante acquise par M. B______.

12. Le 4 avril 2006, par pli recommandé, les époux B______ ont interjeté recours contre la décision précitée auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts, remplacée depuis le 1er janvier 2009 par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission). Ils concluaient à l’annulation du bordereau du 24 janvier 2006, à ce qu’il soit constaté que la vente du capital-actions de la société était intervenue plus de cinq après la transformation de la raison individuelle et à l’annulation du bordereau de taxation du 24 janvier 2006, confirmé le 7 mars 2006.

S’agissant des circonstances dans lesquelles la cession du capital de la société était intervenue, les contribuables ont répété les explications données. M. B______ avait accepté, en mars 2001, une offre que lui avait formulée M. G______ en été 2000, de louer une partie des locaux que celui-là occupait à C______. En mars 2002, M. B______, alors âgé de 67 ans, avait exprimé le besoin de mettre un terme ou de réduire son activité professionnelle et c’était dans ces circonstances que, pour la première fois, la cession de la société à M. G______ avait été envisagée.

La décision de l'AFC-GE, de considérer que le délai de l’art. 19 al. 2 LIFD n’avait pas été respecté, n’était pas fondée sur des éléments objectifs. En l’occurrence, cette aliénation n’avait pas eu lieu dans le délai prohibé de cinq ans et l'AFC-GE ne pouvait valablement faire coïncider la date de la vente avec celle du premier transfert d’argent effectué par M. G______ au notaire.

L’absence de convention de vente écrite ne facilitait pas la détermination de la date de l’aliénation, mais en l’espèce, le vendeur n’avait pu disposer du produit de la vente avant le 2 avril 2002, si bien que l’aliénation du capital-actions de la société ne pouvait pas être antérieure à cette date, postérieure à l’échéance du délai de carence de cinq ans qui expirait le 27 février 2002. Au demeurant, quelle que puisse être la date de leur accord, il était évident que les parties au contrat, en hommes d’affaires avisés, et compte tenu des montants en jeu, auraient assorti cette vente d’une condition suspensive liée au versement d’un premier acompte à titre de garantie de la bonne fin de l’opération. Le paiement anticipé devant être considéré comme une condition suspensive du contrat, la vente ne pouvait devenir ainsi effective qu’au moment du versement du premier acompte, soit le 2 avril 2002.

Le montant de réserves latentes retenu par l’AFC-GE était contesté. Elle avait appliqué un taux de capitalisation de 7,25 % alors que le taux à appliquer devait se situer entre 10 et 11 %, la prime de blocage se situant de 1 à 3 % et la prime de risque de 2 à 4 %. Non seulement le bénéfice durable retenu était exagéré, mais le taux de capitalisation était trop faible, ce qui accentuait la distorsion entre la valeur retenue pour la société et celle à laquelle elle avait été vendue.

13. L’AFC-GE a répondu le 23 janvier 2007, concluant au rejet du recours.

La cession du capital-actions de la société était intervenue en 2001, à tout le moins le 20 septembre 2001, date à laquelle M. G______ avait versé à l’étude de Me F______ plus de 50 % du prix convenu. La thèse des recourants selon laquelle aucune convention de vente d’actions écrite n’avait été signée, apparaissait dépourvue de toute bonne foi, même si une telle convention n’avait pas été produite. D’autres éléments faisaient considérer que la cession était intervenue à la date précitée. La société avait changé d’adresse le 27 septembre 2001 pour s’installer chez M. G______. Ce dernier était devenu administrateur avec signature individuelle dès le 27 septembre 2001 et son épouse bénéficiaire d’une procuration le 13 décembre 2001.

Concernant le calcul des réserves latentes au moment de la transformation en société anonyme, il avait été détaillé avec précision dans l’annexe jointe à la lettre de l’AFC-GE du 21 juillet 2005. Sur ce point, les explications données étaient maintenues.

14. Le 21 mai 2008, la commission a rejeté le recours.

Un transfert de réserves latentes sans incidence fiscale était justifié par la continuation de l’entreprise. Si la transformation visait la liquidation ou l’aliénation de celle-ci, les conditions de sursis à la position faisaient défaut et les réserves latentes transférées à la société de capitaux devait être imposées en tant que bénéfice de liquidation de la raison individuelle.

Un gain en capital était considéré comme réalisé au moment où le vendeur avait effectué la prestation stipulée dans le contrat et avait acquis ainsi une prétention ferme au paiement du prix par l’acheteur. L’AFC-GE avait transmis à la commission, sous le couvert du secret fiscal, des pièces relatives aux paiements effectués par M. G______. Le troisième d’entre eux, d’un montant de CHF 80'000.-, avait pour libellé « troisième acompte selon convention de vente d’actions du 21 septembre 2001 ». Ces faits étaient en contradiction flagrante avec les allégués des recourants sur le fait que ce n’était qu’en mars 2002 que l’intention de remettre la société avait été envisagée. De même, on ne pouvait croire qu’aucune convention de vente d’actions écrite n’ait été établie au sujet de cette vente. Pour la commission, les parties avaient conclu une convention de vente en septembre 2001, soit dans le délai de cinq ans qui avait suivi la restructuration de l’entreprise. S’agissant du calcul des réserves latentes, il était correct. L’AFC-GE avait procédé conformément à sa pratique en tenant compte de la valeur comptable du « goodwill » non revue lors de la création de la société. A défaut d’éléments concrets et précis de la part des contribuables, il y avait lieu de confirmer ces chiffres.

15. Par acte posté le 27 juin 2008, les époux B______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée, qu’ils avaient reçue le 2 juin 2008, concluant à son annulation avec suite de dépens.

Concernant les circonstances dans lesquelles le contrat de vente avait été conclu, ils reprenaient les faits exposés devant la commission.

En mars 2002, M. B______ avait évoqué avec M. G______ la possibilité que ce dernier reprenne la société. Les parties étaient arrivées à un accord sur un transfert de propriété du capital-actions au 30 septembre 2002. Le prix de vente, soit CHF 400'000.-, devait être acquitté en trois tranches dont CHF 220'000.- immédiatement afin de bloquer l’affaire et deux autres montants, l’un à la date de la vente, l’autre en septembre 2003. A la fin de l’année 2001, la société avait versé à son actionnaire unique un dividende de CHF 304'000.- à valoir sur l’exercice comptable 1999/2000 qui se terminait le 30 septembre 2000.

Lors d’un entretien avec les collaborateurs de l’AFC-GE, en compagnie de M. G______, il leur avait expliqué les modalités de la vente du capital-actions, celui-ci ayant été transféré le 30 septembre 2002 à l’acheteur.

La décision de la commission, qui retenait en particulier que le troisième et dernier versement effectué le 8 mai 2003 se référait à une convention de vente d’actions du 21 septembre 2001, était critiquable. L’AFC-GE n’avait jamais invoqué l’existence d’un tel contrat tandis que les recourants et l’acheteur avaient toujours affirmé qu’aucun document écrit n’avait été rédigé lors de la cession du capital-actions de la société.

Sur le fond, c’était à tort que la commission avait admis l’existence d’une vente du capital social en septembre 2001 et non en mars, voire en septembre 2002 et c’était à tort qu’elle avait considéré qu’il incombait au recourant d’infirmer ces éléments en versant le contrat du 21 septembre 2001, alors même que l’AFC-GE n’avait jamais conclu à l’existence de ce contrat. Ce faisant, la commission n’avait pas respecté les règles relatives au fardeau de la preuve. Bien plus, elle lui reprochait en fait l’absence de contrat écrit alors même que le code des obligations prévoyait expressément que la validité d’une vente d’actions d’une société anonyme n’était soumise à aucune forme particulière. Elle avait fait preuve d’arbitraire en imposant le fardeau d’une preuve qu’elle savait ne pas devoir exister, pour conclure que ces derniers avaient échoué dans la preuve des faits dont ils se prévalaient.

De fait, l’aliénation du capital social de la société ne pouvait pas être antérieure au 2 avril 2002. En retenant la date du 20 septembre 2001 comme celle du transfert du capital-actions, l’AFC-GE ne satisfaisait pas aux critères d’objectivités imposés par la LIFD.

Subsidiairement, le montant des réserves latentes retenu par l’AFC-GE était excessif et ils persistaient dans l’argumentation développé devant la commission.

16. Le 15 juillet 2008, la commission a transmis son dossier déclarant persister dans les considérants et le dispositif de sa décision.

17. Le 22 juillet 2008, l’AFC-CH a renoncé à fournir des observations. Elle conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision de la commission sous suite de frais.

18. Le 25 août 2008, l’AFC-GE a répondu au recours en concluant à son rejet.

La vente du capital-actions de la société avait été conclue de manière définitive en 2001, ce que l’acompte de CHF 220'000.-, versé au notaire par l’acheteur, le 20 septembre 2001, permettait de confirmer. Dans ces circonstances, la conclusion du contrat intervenait avant l’échéance du délai de cinq ans de l’art. 9 al. 1 LIFD. Le but de l’acheteur et du vendeur était manifestement de conclure de manière définitive la vente en 2001 déjà tout en prévoyant des versements échelonnés en faveur de M. B______, versements qui transitaient par le notaire. L’argumentation du recourant soutenant que c’était seulement en mars 2002 que pour la première fois les parties avaient évoqué la possibilité de céder le capital social de la société était contraire à la bonne foi, ce que d’autres éléments permettaient de confirmer, soit le déménagement de la société en septembre 2001 et la prise du poste d’administrateur de M. G______ à la même période. Dès 2001, les époux G______ s’étaient d’ailleurs vu octroyer des salaires importants par la société anonyme, ce qui ne pouvait s’expliquer que par le fait que le transfert du capital social était déjà effectif en 2001.

Les critiques formulées à l’encontre de la façon dont l’AFC-GE avait calculé le montant des réserves latentes étaient également infondées comme la commission l’avait relevé.

En annexe à ses écritures, l’AFC-GE a transmis un chargé de pièces numérotées de 1 à 10, ainsi qu’un chargé de pièces numérotées de 1 à 4 « couvertes par le secret fiscal » (art. 11 et 12 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 -LPFisc - D 3 17).

19. Le 27 novembre 2008, le juge délégué a écrit à l’AFC-GE en rapport avec ce bordereau de pièces susmentionnées dont les recourants n’avaient pas été avisés de la transmission.

Celui-ci était retourné à l’AFC-GE dans la mesure où aucun usage ne pouvait en être fait sans le communiquer ou en communiquer la teneur aux recourants eu égard au droit des parties à participer à l’administration des preuves découlant de l’art. 42 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et les aspects du droit d’être entendu découlant des art. 44 et 45 LPA. L’AFC-GE avait un délai au 15 décembre 2008 pour se déterminer sur l’utilisation de ces documents dans la procédure. Il était loisible dans ce délai de les verser formellement à la procédure. Si l’AFC-GE prenait cette option, ils seraient communiqués aux recourants.

20. Le 23 décembre 2008, l’AFC-GE a répondu au juge délégué. Elle maintenait vouloir verser à la procédure le bordereau spécial de pièces « couvertes par le secret fiscal ». Celles-ci devaient être prises en considération s’agissant de leur contenu, quand bien même elles ne sauraient être transmises dans leur intégralité aux recourants, eu égard au secret fiscal le plus absolu que la loi fiscale lui imposait. Ce qui importait dans la présente espèce était les faits en rapport avec la vente du capital-actions de la société qui ressortaient de ces pièces. Les recourants en connaissaient déjà le contenu qu’ils ne contestaient pas et s’étaient exprimés à ce sujet devant la commission.

21. Le 30 janvier 2009, le juge délégué a convoqué une audience de comparution personnelle des parties.

L’AFC-CH s’est faite excuser.

Liminairement, le juge délégué a indiqué aux parties présentes que l’audition ne porterait pas sur le contenu des quatre pièces transmises sous bordereau spécial puisque l’AFC-GE se prévalait du secret fiscal et refusait qu’elles soient communiquées à sa partie adverse.

M. B______ a persisté dans les termes de son recours. Il avait déménagé en février 2001 dans une partie des locaux loués par M. G______ dans la mesure où ce dernier s’engageait à racheter son entreprise. Ils avaient eu des discussions à ce sujet. Aucune convention écrite n’avait été passée pour formaliser la reprise de la société. De même, il n’y avait pas eu de convention écrite en rapport avec l’installation de la société dans les locaux de M. G______. Il s’était mis d’accord avec ce dernier pour reprendre la société seulement après l’échéance du délai de cinq ans qu’imposait la législation fiscale fédérale pour éviter l’imposition sur les réserves latentes. Il n’avait jamais voulu transférer la société avant fin février 2002. Ils avaient négocié d’avril 2001 à fin septembre 2001. Ils s’étaient mis d’accord à ce moment-là sur le transfert du capital social de l’entreprise moyennant un prix de CHF 400'000.- payable en trois parties dont la première tranche était payée en septembre 2001 chez le notaire. Ce versement n’était fait qu’à titre de garantie pour la conclusion de l’affaire. Il ne lui avait été remis qu’en avril 2002. C’était lui qui avait choisi de recourir au service du notaire. Ce dernier avait reçu des instructions pour conserver les CHF 220'000.- jusqu’en avril 2002. Les actions de la société avaient été émises et étaient en sa possession. Elles avaient été déposées chez le notaire à fin septembre 2001 et s’y trouvaient toujours car elles n’avaient pas encore été endossées en faveur de M. G______. Si cela n’avait pas été fait, c’était parce qu’avec l’acheteur, tout s’était toujours fait oralement.

La représentante de l’AFC-GE a persisté dans les termes de son recours.

22. Le 15 mai 2009, une audience d’enquêtes a eu lieu, à laquelle l’AFC-CH s’est excusée.

a. Me F______, notaire, délié de son secret professionnel par MM. B______ et G______, a accepté de témoigner. Il avait été mandaté par ces deux personnes en été 2000 en rapport avec la reprise de la société par le deuxième. Il avait préparé une convention de vente qui avait été signée le 21 septembre 2001. Cette convention avait été établie en trois exemplaires et il en produisait un dont le juge délégué a pris copie, ainsi que d'autres pièces remises par le notaire. Ce dernier a confirmé avoir reçu CHF 220'000.- le 20 septembre 2001, CHF 100'000.- le 2 octobre 2002 au lieu du 1er janvier 2002 et CHF 80'000.- le 9 mai 2003 au lieu du 1er janvier 2003. Ces montant avaient été transférés en trois fois à M. B______, respectivement les 2 avril 2002, 10 octobre 2002 et 18 septembre 2003. Il ignorait pour quelle raison il y avait eu ce délai entre la réception des fonds et le versement au vendeur. Il était possible qu’il n’ait pas reçu d’instructions de la part de ce dernier sur ce point. Il avait facturé son activité aux deux parties en parts égales. Les certificats d’actions nominatifs étaient toujours en sa possession et n’étaient pas encore endossés au nom de l’acheteur. Quant au titulaire des actions, ce qui faisait foi, c’était le registre des actions qui ne se trouvait pas chez lui. Les fonds étaient restés chez lui en compte-courant. Selon la convention, pour assurer la bonne fin de l’exécution de celle-ci, il devait conserver des actions jusqu’au paiement de la tranche et à concurrence du montant d’actions prévu pour celle-ci. Il n’aurait pas pu se dessaisir du prix reçu sauf accord des parties. Les parties n’avaient jamais évoqué devant lui la question du délai de carence de cinq ans prévu par la LIFD.

Il ressort de la convention du 21 septembre 2001 produite par le témoin que M. B______ vendait à M. G______ les deux cents actions de la société pour un prix de CHF 400'000.- fixé en fonction d'un bilan intermédiaire au 30 septembre 2000, payable à concurrence de CHF 220'000.- le 15 septembre 2001, CHF 100'000.- le 1er janvier 2002 et CHF 80'000.- le 1er janvier 2003. Les actions étaient remises à la conclusion du contrat par le vendeur au notaire. Elles faisaient l'objet d'un « séquestre amiable » auprès de celui-ci, lequel les détiendrait au fur et à mesure de la justification des paiements selon les tranches convenues, pour partie pour le compte du vendeur et pour partie pour celui de l'acquéreur. Il ne pouvait se dessaisir des actions appartenant au vendeur que moyennant l'accord de celui-ci et de l'acquéreur, et se dessaisir des actions appartenant à ce dernier que moyennant son accord. Le paiement du prix de vente était également garanti par le nantissement d'une cédule hypothécaire de CHF 550'000.-. La vente incluait tous les actifs substantiels, le stock de marchandises et de chaussures, les travaux en cours, la garantie de loyer de CHF 30'000.-, l'estimation du « goodwill », l'exclusivité de la raison sociale. Le vendeur remettait à la date de la signature à l'acquéreur toutes les archives et papiers officiels ou financiers de la société. M. B______ s'engageait à continuer son activité au sein de la société jusqu'à ce qu'un bottier-orthopédiste diplômé puisse le remplacer. Il était pris acte de ce que la société avait déjà été transférée le 1er janvier 2000 dans les locaux de M. G______. En cas de décès de M. B______ avant le 1er janvier 2003, le prix de vente serait réduit de CHF 80'000.- sauf si la société avait déjà pu conclure un contrat de travail avec un autre bottier-orthopédiste diplômé.

Parmi les autres pièces remises par le notaire figurait également un courrier du 11 mars 2002 qui lui avait été adressé par MM. B______ et G______, instruction lui étant donnée d'effectuer « pour les raisons qu'il savait » le premier versement à M. B______ à compter du 2 avril 2002. Il était avisé que le versement de la deuxième tranche du prix de vente était différé dans l'attente des conseils d'une tierce personne.

b. M. G______ a été entendu comme témoin. Le chargé du 26 août 2008 de l’AFC-GE lui a été soumis car il provenait d’un contrôle fiscal effectué chez lui par celle-ci. Il a relevé cette dernière du secret fiscal pour lui permettre d’utiliser les pièces dudit chargé.

Il était technicien-orthopédiste de formation et pouvait fabriquer toute prothèse et orthèse, sauf les chaussures. M. B______ était bottier-orthopédiste et pouvait les confectionner. Il avait acheté des locaux à la rue Z______. Il avait proposé à M. B______ d’utiliser une partie de ceux-ci pour créer une synergie. Ce dernier lui avait fait part de mauvais rapports qu’il avait eus avec ses employés alors qu’il avait eu le projet de leur transmettre la société à sa retraite. Il en avait été affecté. Il lui avait proposé de devenir administrateur de la société pour y mettre de l’ordre, mais que cela impliquait de déménager à la rue T______. C’était ce qu’il avait fait en 2001 et il était devenu administrateur de la société Y______ le 21 septembre 2001. Comme M. B______ craignait qu’il s’empare de la substance de la société en se séparant de lui, il avait demandé qu’il dépose de l’argent chez un notaire comme garantie jusqu’à la reprise du commerce. Après le premier paiement, il s’était acquitté des autres montants et était détenteur des certificats d’actions même s’il n’était pas allé les chercher chez le notaire.

S'agissant de la convention du 21 septembre 2001 qui lui était soumise par le juge délégué, il a expliqué qu’il avait accepté de racheter des actions en signant cette convention et en payant les différents montants qu’elle prévoyait. Selon sa compréhension, la première tranche de CHF 220'000.- était une garantie pour M. B______. En effet, il était devenu administrateur de la société et il lui suffisait de trouver un autre maître bottier ou une autre entreprise pour qu’il court le risque de voir son fond de commerce vendu à un tiers. Le problème de M. B______ était toutefois le délai de cinq ans dont il devait attendre l’échéance pour vendre le capital-actions sans être taxé. Il avait quitté en 2003 et il avait engagé un autre maître bottier.

Les quatre pièces transmises par l'AFC-GE sous bordereau spécial du 26 août 2008 sont constituées de trois courriers de la Fiduciaire C______ répondant à des questions de l'AFC-GE au sujet de l'achat de la société par M. B______ et d'un extrait de comptes bancaires de ce dernier qui ne fait que confirmer les dates indiquées par le notaire comme celles auxquelles il avait reçu les fonds du témoin.

c. Monsieur P______, comptable de M. G______ et de la société depuis 2001 lorsque celle-ci avait déménagé à la rue T______, a déclaré qu’il n’était pas intervenu dans le cadre de la vente du capital-actions par M. B______ à M. G______. C’était une collaboratrice de sa fiduciaire soit la Fiduciaire C______, qui avait signé les courriers des 15 avril et 4 mai 2005 Il ne pouvait rien dire de précis concernant le transfert de la société de M. B______ à M. G______. S’il avait su que les actions de la société avaient été transférées à ce dernier, il les aurait déclarées avant 2004. S’il avait parlé dans le courrier du 4 mai 2005 d’un blocage d’une opération, c’était qu’il ignorait qu’il y avait déjà eu une vente. En répondant, le 15 avril 2005, qu’il n’y avait pas de contrat écrit, il répercutait l’information donnée par son client. Les dates de paiements effectués par M. B______ figuraient dans le courrier du 4 mai 2005. Il fallait également se fonder sur les pièces bancaires annexées au courrier du 6 décembre 2005. Il n’avait jamais vu la convention notariale du 21 septembre 2001.

d. M. B______ a encore déclaré qu’il n’avait pas parlé au fisc de la convention du 21 septembre 2001 parce qu’il avait été convenu avec M. G______ que la vente serait complète en avril 2002. La convention du 21 septembre 2001 était une convention sous seing privé et il ne pensait pas que le notaire pouvait la produire. Il n’avait pas parlé de cette convention car il avait la crainte de payer des impôts. Son intention était de ne pas vendre la société avant l’échéance des cinq ans.

23. Le 22 juin 2009, les recourants ont formulé des observations après enquêtes.

Ils concluent à l’annulation de la décision de la commission du 27 juillet 2008 et du bordereau de taxation. Ils admettaient la conclusion de la convention devant notaire du 21 septembre 2001, dont le contenu était celui indiqué par le notaire lors de son audition. Le transfert de la propriété des actions ne pourrait se faire qu’au paiement du prix convenu pour chaque tranche. Les montants n’ayant été versés à M. B______ que les 2 avril 2002, 10 octobre 2002 et 18 septembre 2003, le transfert de la propriété des actions ne pouvait par conséquent intervenir qu’à ces dates. En outre, les certificats d’actions nominatifs étaient toujours en possession du notaire. Ainsi, bien que le contrat de cession d’actions conclu entre MM. B______ et G______ prévoie que la vente du capital-actions se ferait en trois tranches, le 1er janvier 2001, le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2003, le fait qu’ait également été prévu un séquestre amiable en main de Me F______ jusqu’à ce que le prix de vente relatif à chaque tranche soit payé, avait pour conséquence que le transfert de la propriété des titres n’était intervenu qu’au moment du paiement de ce montant à M. B______ par le notaire. Or, ces dates étaient postérieures au délai de cinq ans qui était échu le 27 février 2002.

Concernant la détermination du montant des réserves latentes que l’AFC-GE voulait reprendre, il était exagéré. Le taux de capitalisation de 7,25 % appliqué au bénéfice durable de CHF 91'956.- était trop élevé. Un taux de capitalisation de l’ordre de 9,5 à 10 % paraissait plus adéquat. En outre, à fin 2001, M. B______, avait toiletté le bilan de sa société en s’octroyant un dividende de CHF 304'000.- sur lequel un impôt anticipé de CHF 106'400.- avait été calculé. En outre, la charge fiscale totale était disproportionnée au regard du prix de vente. Le recourant avait vendu son entreprise pour un montant de CHF 400'000.-. Au moment de la vente, le bilan présentait un capital-actions de CHF 100'000.- et des réserves générales ainsi qu’un bénéfice reporté de CHF 326'576,90. Sur ce prix de vente, il s’était acquitté d’un impôt anticipé le 28 décembre 2001 en CHF 106'400.-, une reprise d’impôt fédéral direct de CHF 95'251,85 et d’une amende fiscale de CHF 90'583.- ce qui représentait un total de CHF 292'223,85, soit 73 % du prix de vente brut.

24. Le 22 juin 2009, l’AFC-GE a présenté ses observations.

Elle conclut au rejet du recours, persistant dans son argumentation. Les enquêtes avaient mis en évidence l’existence d’une convention de vente d’actions écrite du 21 septembre 2001 dont M. B______ lui avait dissimulé l’existence en sachant pertinemment que celle-ci démontrerait de manière catégorique que la cession du capital-actions de la société était intervenue avant la date d’échéance du délai de cinq ans. A la suite des enquêtes, il ne faisait aucun doute que la vente était intervenue avant l’échéance du délai de cinq ans, le 80 % du prix de vente devant intervenir en main du notaire avant le 28 février 2002. Dès septembre 2001, c’était M. G______ qui avait pris le contrôle de la société.

Le courrier adressé par MM. B______ et G______ au notaire, le 11 mars 2002, joint à la convention remise par ce dernier au Tribunal administratif lors de l’audience du 15 mars 2009, contenait des instructions de ces derniers au notaire puisqu’ils précisaient « d’effectuer le premier virement convenu et nantir à partir du 2 avril prochain ». Cet élément démontrait que M. B______ avait voulu éluder le délai de cinq ans.

L’art. 19 LIFD, dans sa teneur de 1997, ne mentionnait pas textuellement de délai de blocage de cinq ans comme son texte actuel. La commission avait appliqué de manière erronée la nouvelle disposition légale. Ce délai découlait cependant déjà de la jurisprudence à laquelle elle se référait et cela n’avait pas de conséquence sur le dispositif de la décision entreprise.

25. Le 23 juin 2009, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile et en la forme prescrite, auprès de la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 53 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art 57A à 65 LPA, par renvoi de l’art. 87 LPFisc).

2. Au cours de l'instruction, l'AFC-GE a produit un chargé de quatre pièces sous le couvert du secret fiscal de l’art. 11 LPFisc, puisqu'elles provenaient d'un contrôle effectué auprès de M. G______, et dont elle demandait qu'elles ne soient pas communiquées aux recourants. Dans la mesure où ce dernier, à l'audience du 15 mai 2009, a délié l'AFC-GE de son secret et accepté que les pièces en question soit utilisées dans la présente procédure, la question de la portée du secret fiscal ne se pose plus, ces pièces ont dès lors pu être utilisées sans restriction dans l’instruction de la présente cause.

3. La question de l'imposition des réserves latentes en cas de transformation d'une société de personnes en une société de capitaux est réglée à l'art. 19 LIFD. Dans sa teneur actuelle, cette disposition légale est entrée en vigueur le 1er juillet 2004, simultanément à la loi sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine du 3 octobre 2003 (LFus - 221. 301).

L'apport du « goodwill » de la raison individuelle à la société de capitaux constitué par le recourant le 28 février 1997, et la cession du capitale action de la société à M. G______, étant en toute hypothèse antérieurs à la fin de l'année 2003, quelle que soit la date de cette cession qui sera retenue à l'issue du litige, c'est à l'aune de l'art. 19 LIFD, dans sa teneur au 30 juin 2004, (ci-après : art. 19 aLIFD) que la situation juridique doit être appréhendée.

4. a. Selon l'art. 19 aLIFD, les réserves latentes d'une entreprise de personnes ne sont pas imposées à condition que celle-ci reste assujettie à l'impôt en Suisse et que les éléments commerciaux soient repris à leur dernière valeur déterminante pour l'impôt sur le revenu. C'est en particulier le cas lors d'une transformation en une personne morale, lorsque l'exploitation se poursuit sans changement et que les participations restent, en principe, proportionnellement les mêmes (art. 19 al. 1 let. a aLIFD).

b. Le transfert des réserves latentes en franchise d'impôt n'est justifié qu'en vue de la poursuite de l'exploitation d'une entreprise. Si la transformation ne vise pas la poursuite de celle-ci, mais la liquidation ou l'aliénation, les conditions du sursis à l'imposition font défaut et les réserves latentes transférées à la société de capitaux doivent être imposées auprès de l'entreprise de personnes comme excédent de liquidation (ATF 115 Ib 263, consid 2a).

c. Sous l'égide de l'art. 19 aLIFD, la jurisprudence a admis la conformité au droit de la pratique de l'AFC, considérant qu'une limite temporelle de cinq ans était fixée à partir de l'opération de restructuration, au cours de laquelle l'aliénation n'était pas admise et pendant laquelle les conditions objectives et subjectives de la neutralité d'un impôt devaient être remplies (Arrêt du Tribunal fédéral du 28 septembre 1998 dans une cause S., consid 2c, RDAF 2000 II 32 ; MARKUS REICH/MARCO DÜSS, Unternehmenstumstrukturierungen im Steuerrecht, n° 36 p. 56 et n° 214 p. 208 ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 1ère éd., 1998, p. 89).

d. L'imposition de l'excédent de liquidation pendant le délai de carence trouve son fondement non pas dans un acte constitutif d'impôt éludé, mais dans le respect du principe d'égalité, soit l'imposition égale de circonstances de fait économiquement comparables. Pour cette raison, la possibilité pour le contribuable de prouver qu'il avait aliéné les actions prématurément pour d'autres raisons que des motifs fiscaux n'est pas accordée à celui-ci (Arrêt du Tribunal fédéral précité, consid 2c, RDAF 2000 II 33).

5. Dans sa décision du 21 mai 2008, la commission a statué en appliquant l'art. 19 LIFD dans sa nouvelle teneur. Cette erreur n'a cependant pas d'incidence importante dans le cas d'espèce. En effet, le texte légal actuel, qui règle également les principes fiscaux à appliquer pour le traitement fiscal des réserves latentes en cas de transfert d'une raison individuelle à une société de capitaux, a repris pour l'essentiel les mêmes règles qu'antérieurement. Le nouveau droit a intégré formellement le délai de carence de cinq ans reconnu par la jurisprudence. Les éléments sur lesquels il diffère de l'ancien, soit l'abandon de l'exigence d'une « exploitation se poursuivant sans changement » coïncidant avec des « participations en principe proportionnellement identiques », n'ayant pas à être examinées dans le cas d'espèce puisqu'il ne s'agissait ici, par la vente des actions de la société, ni de modifier le but de l'exploitation transférée, ni de ne transférer qu'une partie du capital social.

6. La question à trancher est celle de savoir si la cession du capital-actions de la société est intervenue en deçà ou au-delà du délai de carence de cinq ans qui arrivait à échéance le 27 février 2003 compte-tenu de la date de sa constitution.

Les recourant ont soutenu à tous les stades de la procédure que l'accord entre MM. B______ et G______, sur la cession du capital social de la société, était intervenu en mars 2002 ou après cette date, n'avait pas fait l'objet d'une convention écrite et que si des montants avaient été versés antérieurement à la date précitée, c'était à titre de garantie. A la fin de l'instruction menée par le tribunal de céans, force est de constater que cette version ne correspond pas à la réalité.

Il existait une convention écrite le 21 septembre 2001 qui prévoyait la vente de l'entier du capital social pour un prix de CHF 400'000.- en fonction d'un bilan intermédiaire de la société au 30 septembre 2000. La cession avait déployé des effets immédiats. La gestion avait été transférée dès cette date à l'acheteur dans les locaux duquel son siège avait déjà été transféré le 1er janvier 2001 et qui reprenait l'exploitation, M. B______ ne restant encore actif qu'en raison de son titre de bottier-orthopédiste. Des modalités avaient été prévues pour organiser une collaboration future entre les parties et pour déterminer ce qui se passerait en cas de décès de l'une ou de l'autre. A la conclusion du contrat, le vendeur s'est dessaisi immédiatement des certificats d'actions en faveur de l'acheteur. Si les parties ont été d'accord qu'elles restent en mains du notaire, c'était pour garantir le paiement du prix de vente, qui était prévu en trois fois, seule une partie étant payée à la conclusion du contrat.

De ces éléments, il ressort sans équivoque que la volonté même des parties était de transférer non seulement le capital-social de la société, mais la direction de ses activités dès le 21 septembre 2001, volonté concrétisée immédiatement par un premier versement représentant plus de 50 % de la valeur des actions et qui devait être suivi d'un deuxième le 1er janvier 2002. Le fait que le prix de vente ait été payé au notaire et que le recourant se soit arrangé avec l'acheteur pour que les actions restent en main du notaire et ne reçoive aucun fond avant le 27 février 2001 ne change rien à cette appréciation. Ces modalités d'exécution de la convention étaient à mettre sur la « crainte », admise par le recourant lors de l'audience de comparution personnelle et d'enquêtes du 15 mai 2009, d'avoir à payer des impôts à la suite de cette vente.

La cession des actions de la société est ainsi intervenue dans le délai de carence de cinq ans imposé par la jurisprudence pour admettre la neutralité fiscale d'une opération de transformation d'une raison individuelle en une société de capitaux. La vente s'étant faite pour un prix supérieur à la valeur comptable de la société, c'est à juste titre que l'AFC-GE a décidé d'une reprise de l'imposition des réserves latentes existant au 27 février 1997 après détermination du montant de celles-ci. La décision de la commission doit donc être confirmée, par substitution de motifs, du fait de l'application de l'art. 19 aLIFD

7. Sans remettre en question les chiffres comptables retenus et la méthode de calcul, les recourants contestent le taux utilisé pour capitaliser le bénéfice durable, considérant que le taux à utiliser se situait entre 9,5 et 10 %. Ils admettent le recours à un taux de base de 4,5 %, mais considèrent que doit y être ajouté un taux lié à une prime de risque plus élevée tenant compte des difficultés à remettre la société, en raison de ses spécificités et de l'obligation de s'attacher les services d'un maître bottier-orthopédiste.

Cet argumentation ne peut être suivie. Pour calculer la valeur vénale permettant de déterminer le montant des réserves latentes imposables au titre de bénéfice en 1997, l'AFC-GE est partie d'un bénéfice net moyen calculé sur quatre ans de résultats de la raison individuelle. Elle a déterminé la valeur de rendement en appliquant le taux de capitalisation usuel, soit celui des obligations commerciales augmenté de 1 % . En ajoutant une prime de risque de 2 %, elle a tenu compte de la bonne santé de la société et le recourant n'établit aucunement en quoi celle-ci pourrait être sujette à des risques de perte futures particulières qui affecteraient la valeur de rendement estimée. En outre, en arrêtant la valeur vénale à CHF 943'315.-, montant pondéré car résultant d'une moyenne basée sur deux fois la valeur de rendement résultant de la capitalisation du bénéfice durable et d'une fois la valeur intrinsèque correspondant au capital net au 31 décembre 1997, et en déduisant la valeur comptable de la raison individuelle apportée à la société lorsqu'elle a été constituée, l’AFC-GE a déterminé correctement les réserves latentes imposables rétroactivement au titre de l'impôt sur le revenu.

8. Le grief d'une disproportion de la charge fiscale doit également être écarté. La décision de reprise ne se fonde pas sur la situation de la société existant au moment de la vente, mais sur celle qui prévalait au moment de l'apport de la raison individuelle de M. B______ à la société. De même, le montant de l’imposition n'a pas à être mis en rapport avec le prix de vente payé, mais avec le montant de réserves latentes qui avait été exempté d'impôt du fait de la reprise de l'activité par la société constituée à l'époque par le recourant.

9. Le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge conjointe et solidaire des recourants qui succombent (art. 87 al. LPA). Aucune indemnité ne sera allouée.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 juin 2008 par Madame et Monsieur B______ contre la décision du 21 mai 2008 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge conjointe et solidaire des recourants ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Patrice Genoud, avocat des recourants, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière administrative.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :