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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/583/2012

ATA/307/2014 du 29.04.2014 sur JTAPI/347/2013 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT ; PROCÉDURE DE TAXATION; REPRISE; VALEUR LOCATIVE
Normes : LIFD.151 ; LPFisc.59
Résumé : Examen des conditions justifiant un rappel d'impôt. S'agissant d'une question d'évaluation d'un élément imposable, les correctifs ne peuvent être apportés par le biais d'une procédure de rappel d'impôt.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/583/2012-ICCIFD ATA/307/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 avril 2014

1ère section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

A______SA
représentée par Me Gregory von Gunten, avocat

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2013 (JTAPI/347/2013)


EN FAIT

1) Le litige concerne l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2001 à 2009 de A______ SA (ci-après : A______ ou la contribuable), inscrite au registre du commerce de Genève depuis le 19 février 1954.

De 1965 jusqu'à son décès, le ______ 2009, M. B______ était administrateur unique de A______. Depuis lors, ses filles, Mmes C______ et D______ , sont devenues administratrices de A______.

2) a. A______ est propriétaire d'un immeuble sis à ______, rue ______ ______, abritant vingt studios et une arcade.

Dans les documents remis chaque année avec les déclarations fiscales 2001 à 2009 de A______, l'immeuble figurait comme actif au bilan pour un montant de CHF 918'911,50. Les loyers encaissés se montaient à CHF 109'800.-. Les déclarations mentionnaient également sous la rubrique « dette envers les actionnaires ou leurs proches » un montant dû à M. B______ - ______.

b. M. B______ sous-louait les différents studios meublés ainsi que l'arcade, pour des sous-loyers supérieurs aux loyers encaissés par A______. Il n'est pas contesté par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) que les loyers encaissés pour cette activité figuraient dans les déclarations fiscales de l'entreprise individuelle de M. B______.

3) Le 21 janvier 2011, l'AFC-GE a informé la contribuable de l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt et d'une procédure pénale pour soustraction d'impôt pour l'IFD et l'ICC 2001 à 2009.

Il avait été constaté que A______ accordait à des proches des prestations appréciables en argent en leur louant son immeuble à des conditions très nettement inférieures aux conditions du marché. Des reprises sur bénéfice étaient fixées pour les années 2001 à 2009 pour un total de CHF 680'010.-.

4) Le 10 mars 2011, la contribuable a répondu à l'AFC-GE.

Feu M. B______ était actionnaire à 100 % de A______. Il avait exercé l'activité de location de studios meublés et d'arcades en la forme d'une raison individuelle. Les contrats de bail étaient conclus en son nom et son activité allait au-delà d'une simple gérance. Le mobilier ainsi que les assurances conclues, les frais de chauffage et d'entretien étaient à sa charge et comptabilisés dans les comptes de la raison individuelle. Les honoraires liés à cette activité et les bénéfices de la raison individuelle, allant de CHF 25'000.- à CHF 130'000 par an, ne paraissaient pas inadéquats. Aucune prestation à l'actionnaire ne pouvait être réintégrée au bénéfice de A______ pour les années concernées. Il n'y avait dès lors aucune soustraction d'impôt, même si l'on devait reconnaitre des prestations de A______ à son actionnaire. Les distributions dissimulées de bénéfice ne constituaient un cas de soustraction fiscale que lorsqu'elles violaient de manière flagrante le droit comptable, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

En l'absence de faits jusque-là inconnus de l'AFC-GE, les conditions pour l'ouverture d'une procédure en rappel d'impôt n'étaient pas remplies.

5) Le 20 mai 2011, après une rencontre avec l'AFC-GE, A______ a encore précisé que l'AFC-GE aurait dû connaître le fait que M. B______ était actionnaire unique et qu'il exerçait une activité de sous-location des studios. Ces éléments ressortaient des déclarations fiscales, notamment 2005 de A______, 2005 de M. B______, des comptes 2001 à 2009 de la raison individuelle et de la déclaration de succession de Feu Mme E______, décédée le ______ 2001.

La rectification à laquelle l'AFC-GE voulait procéder aurait pu être réalisée en procédure de taxation, les éléments nécessaires ayant été portés à sa connaissance. En outre, aucune prestation à l'actionnaire ne pouvait être retenue en raison d'un loyer de faveur.

6) Le 29 juillet 2011, A______ a encore fourni des éléments complémentaires à l'AFC-GE.

7) Le 16 septembre 2011, l'AFC-GE a notifié des bordereaux de supplément d'impôt à A______ pour l'IFD et l'ICC 2001 à 2009.

Pour toute cette période, le supplément d'IFD total était de CHF 58'429.- et les intérêts de retard se montaient à CHF 10'438,50.-. Le supplément d'ICC total était de CHF 184'562.- et les intérêts de retard se montaient à CHF 19'786,85.

8) Le 5 octobre 2011, l'AFC-GE a notifié un bordereau d'amende IFD de CHF 43'822.- et un bordereau d'amende ICC de CHF 138'422.- à la contribuable. Les montants étaient fixés à 0,75 % de l'impôt soustrait.

9) Le 17 octobre 2011, la contribuable a élevé réclamation contre les bordereaux de rappel d'impôt et les amendes pour soustraction fiscale en reprenant les arguments déjà présentés à l'AFC-GE.

10) Le 17 janvier 2012, par deux décisions, l'une concernant l'ICC et l'autre l'IFD, l'AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu intégralement les reprises d'impôt et les amendes.

Les conditions du rappel d'impôt étaient réunies. Les informations étaient disséminées dans des documents autres que les déclarations fiscales de A______. Elle n'avait pas l'obligation, en l'absence d'indice particulier, d'effectuer des recoupements avec les données d'autres contribuables ou de se mettre à la recherche de renseignements supplémentaires.

Les déclarations fiscales ne mentionnaient ni l'identité des locataires, ni le fait que les biens immobiliers étaient loués à des actionnaires. Elles ne mentionnaient pas non plus que les loyers encaissés par A______ étaient inférieurs aux conditions du marché ou encore que les biens étaient sous-loués par les actionnaires à des tiers « absolus ». Les déclarations étaient ainsi incomplètes et le rappel d'impôt n'était pas lié à une question d'évaluation.

11) Le 20 février 2012, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE du 17 janvier 2012 en concluant principalement à leur annulation ainsi qu'à celle des bordereaux de taxation rectificatifs et amendes tant pour l'ICC que l'IFD.

Le recours était motivé par des griefs déjà développés dans leurs écritures antérieures.

12) Le 30 mai 2012, l'AFC-GE a répondu au recours en confirmant son point de vue.

13) Le 21 mars 2013, le TAPI a admis le recours et annulé les décisions sur réclamation du 17 janvier 2012 ainsi que les bordereaux de taxation rectificatifs IFD et ICC 2001 à 2009 du 16 septembre 2011 et les bordereaux d'amende IFD et ICC du 5 octobre 2011.

Les reprises litigieuses reposaient sur le fait que le loyer annuel que la contribuable avait perçu auprès de son actionnaire au cours des années 2001 à 2009 était bien trop bas par rapport au total des loyers des sous-locations que ce dernier avait encaissés de son côté. Les formules de déclaration d'impôt n'exigeaient pas des contribuables qu'ils fournissent les renseignements tels que l'indication des locataires d'une SI ni ne fournissent les pièces justificatives telles que copie des contrats de bail dont l'AFC-GE faisait mention.

Depuis de longues années, soit depuis 1965, la contribuable avait appliqué, de manière cohérente, la méthode de la valeur locative pour estimer le montant des loyers à facturer à la raison individuelle de l'actionnaire. L'AFC-GE aurait dû s'étonner du fait que le montant du loyer encaissé ne variait aucunement au cours des toutes ces années et se livrer à des investigations complémentaires qui lui auraient permis de recevoir toutes les informations requises permettant de clarifier la question de la quotité du loyer. Les déclarations fiscales successives remplies de manière exhaustive comportaient suffisamment d'éléments qui auraient pu et dû susciter des doutes ou interrogations chez les taxateurs ayant procédé à leur vérification et, le cas échéant, les inviter à entreprendre des vérifications. Ne l'ayant pas fait en temps voulu, l'AFC-GE n'était pas fondée à réparer ses omissions dans le cadre d'un rappel d'impôt. Aucun fait ou moyen de preuve jusque-là inconnu n'avait été découvert pouvant justifier une procédure en rappel d'impôt.

En outre, même s'il fallait considérer que des éléments nouveaux avaient été découverts, la question de l'évaluation divergente du loyer ne pouvait être réglée par un rappel d'impôt « rétroactivement » sur dix périodes fiscales.

De plus, la collectivité publique n'avait subi aucune perte fiscale. Le bénéfice réalisé par l'actionnaire, soit la différence entre le loyer et les différents sous-loyers, avait été entièrement déclaré par M. B______ et imposé à son niveau. Il n'y avait dès lors pas de perte fiscale pour la collectivité.

Pour toutes ces raisons, les conditions du rappel d'impôt n'étaient pas remplies et il convenait d'annuler les reprises litigieuses et les amendes.

14) Le 22 avril 2013, l'AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI en concluant à son annulation.

A l'appui de son recours, elle a exposé que, vu l'importante différence entre le loyer perçu par la contribuable, soit CHF 109'800.-, et le total des loyers des sous-locations, entre CHF 184'400 et CHF 273'000.-, A______ ne pouvait ignorer qu'elle accordait à son actionnaire un prix de faveur qu'elle n'aurait pas accordé à un tiers. Cette faveur ne pouvait s'expliquer d'un point de vue économique, même en considérant que les locaux étaient sous-loués meublés, que l'actionnaire avait pris à sa charge certains frais incombant normalement au bailleur et qu'il avait apporté une plus-value par son activité commerciale. Il s'agissait d'une distribution dissimulée de bénéfice.

Les déclarations fiscales de la contribuable étaient incomplètes et ne permettaient pas de s'apercevoir que des distributions dissimulées de bénéfice avaient été octroyées à l'actionnaire. Le fait notamment que le nom de M. B______ ait été mentionné sous la rubrique « dettes envers les actionnaires ou leurs proches » ne permettait pas de comprendre qu'il était l'actionnaire unique de A______ ou qu'il était le locataire de l'ensemble des biens immobiliers.

15) Le 21 mai 2013, le TAPI a transmis son dossier en renonçant à formuler des observations.

16) Le 3 juin 2013, la contribuable a répondu au recours, par écriture de son mandataire, en concluant au rejet du recours ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure de CHF 18'000.- qui tienne compte de la difficulté du dossier et de la position inflexible de l'AFC-GE.

Les conditions d'une procédure en rappel d'impôt n'étaient pas remplies. Aucune prestation appréciable en argent n'avait été réalisée en faveur de M. B______ ou de ses héritières. En cas de reprise fiscale, une augmentation de la provision pour impôts devait être prise en compte et elle n'avait commis aucune soustraction fiscale, en particulier intentionnelle.

17) Le 31 juillet 2013, l'AFC-GE a déposé des observations.

Lors d'un entretien avec l'héritière de M. B______, Mme D______, celle-ci avait reconnu, en présence de deux représentants du service du contrôle de l'AFC-GE, que le loyer était insuffisant. Mme D______ précisait que ce loyer avait été fixé avec l'accord de l'AFC-GE, lors d'un entretien téléphonique.

Pour le surplus, l'AFC-GE a persisté dans son argumentation.

Elle produisait deux procès-verbaux d'entretien datés des 24 novembre 2010 et 17 janvier 2011, entre le service du contrôle de l'AFC-GE et Mme D______, desquels il ressort que celle-ci avait repris la location et l'activité de sous-location des studios et de l'arcade propriété de A______. Cet entretien avait eu lieu lors d'un contrôle du laboratoire dentaire du mari de Mme D______.

18) Le 1er novembre 2013, la contribuable a dupliqué.

La déclaration d'impôt 2011 contenait la mention manuscrite du taxateur « selon tél. du 06.07.03 » en regard des nom et prénom du créancier chirographaire, soit M. B______. L'AFC-GE était donc au courant de l'actionnariat de M. B______. Aucun élément nouveau n'avait été découvert qui justifierait une procédure de rappel d'impôt. La question de l'évaluation de la valeur du loyer ne pouvait justifier le rappel d'impôt.

S'agissant de la procédure pénale pour soustraction d'impôt, les déclarations de Mme D______ ne pouvaient servir à prouver la faute, intentionnelle ou par négligence, de la contribuable. Mme D______ n'était pas administratrice de A______ entre 2001 et 2008, elle n'avait pas contresigné le procès-verbal sur lequel se fondait l'AFC-GE et, en contradiction avec les principes de la procédure pénale applicable, elle n'avait pas été informée de l'ouverture de la procédure.

19) Suite à quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 8 novembre 2013.

20) Les différents griefs et arguments formulés par les parties et les faits qui ressortent des différentes pièces figurant au dossier seront, en outre, repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la question de savoir si les conditions justifiant un rappel d'impôt sont remplies et, cas échéant, si l'AFC-GE était en droit d'effectuer des reprises et d'infliger des amendes à la contribuable, en raison de la soustraction d'impôt retenue contre cette dernière.

3) a. S'agissant du droit applicable, il convient d'appliquer les règles sur le rappel d'impôt en vigueur au moment de l'ouverture de la procédure par l'AFC-GE, soit en janvier 2011. Il s'agit pour l'IFD des art. 151 ss de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et, pour l'ICC, des art. 59 ss de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17).

Ces législations prévoient des conditions similaires pour le rappel d'impôt. Lorsque des moyens de preuve ou des faits jusque-là inconnus de l'autorité fiscale permettent d'établir qu'une taxation n'a pas été effectuée, alors qu'elle aurait dû l'être, qu'une taxation entrée ne force est incomplète ou qu'une taxation non effectuée ou incomplète est due à un crime ou à un délit commis contre l'autorité fiscale, cette dernière procède au rappel d'impôt qui n'a pas été perçu, y compris les intérêts (art. 151 al. 1 LIFD, art. 59 al. 1 LPFisc).

b. Le rappel d'impôt constitue la perception après coup d'impôts qui n'ont, à tort, pas été perçus dans le cadre de la procédure de taxation (ATF 121 II 257 consid. 4b p. 265 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_104/2008 du 20 juin 2008 consid. 3.3 ; ATA/167/2012 du 27 mars 2012 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 486 ss n. 7 ss ; Hugo CASANOVA in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, ad art. 151 n. 1 ss). Il n'est soumis qu'à des conditions objectives : il suppose qu'une taxation n'a pas été établie ou est restée incomplète à tort, de sorte que la collectivité publique a subi une perte fiscale (Hugo CASANOVA, op. cit., ad art. 151 n. 5 s.).

c. L'art. 151 al. 2 LIFD précise que, lorsque le contribuable a déposé une déclaration complète et précise concernant son revenu, sa fortune et son bénéfice net, qu'il a déterminé son capital propre de façon adéquate et que l'autorité fiscale en a admis l'évaluation, tout rappel d'impôt est exclu, même si l'évaluation était insuffisante. L'art. 59 al. 2 LPFisc contient une règle similaire. Ainsi, de manière générale, la découverte d'une mauvaise appréciation des preuves ou application du droit ne saurait donner lieu à un rappel d'impôt, tout comme celle d'une simple sous-évaluation des éléments imposables, sauf si les éléments à la base de cette évaluation étaient faux ou incomplets (Hugo CASANOVA, op. cit., ad art. 151 n. 12 ; RB ZH 20000, 256).

4) a. Le Tribunal fédéral a notamment jugé qu'un rappel d'impôt était justifié parce qu'un contribuable astreint à tenir des comptes avait omis d'enregistrer le produit d'une vente dans ses comptes annuels (RDAF 2005 II 55) ou en raison de la découverte d'une distribution dissimulée de bénéfice par le biais de ristournes versées directement, à l'insu des autorités fiscales, à l'actionnaire (RDAF 1996 87). Les conditions du rappel étaient également remplies en l'absence de déclaration d'un compte privé ou de la déclaration dans la rubrique « fortune » au lieu de celle du « revenu » d'un montant reçu par la contribuable (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2012 du 8 août 2012) ainsi que dans le cas de salaires « fictifs » versés à un actionnaire et figurant dans les comptes de la contribuable (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_104/2008 du 20 juin 2008).

b. La chambre de céans a admis que les conditions du rappel d'impôt étaient remplies dans le cas de contribuables pour lesquels de nombreux frais à caractère privé avaient été passés en charge de l'activité commerciale, réduisant de la sorte le revenu imposable (ATA/657/2009 du 15 décembre 2009 confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2010 du 10 février 2010).

Dans une autre espèce (ATA/360/2011 du 7 juin 2011), les conditions étaient remplies du fait qu'un appartement comptabilisé comme servant à l'activité professionnelle du contribuable était en réalité utilisé comme logement et qu'un contrôle fiscal opéré dans la comptabilité d'une société, dont le contribuable était l'administrateur et l'actionnaire, avait mis en évidence une différence entre le montant des sommes perçues et les montants comptabilisés.

c. Le Tribunal cantonal vaudois a admis que les conditions d'un rappel d'impôt étaient réalisées s'agissant de la comptabilisation d'un loyer, dans les comptes d'une société, pour des locaux dont une partie était laissée à la disposition du bailleur-actionnaire. Concernant le contrat de bail, document qui n'était pas joint à la déclaration et n'avait pas été demandé par l'administration avant la taxation, ladite instance a relevé que, même en faisant preuve de l'attention que l'on pouvait exiger de sa part, l'autorité de taxation n'aurait pas découvert le loyer « fictif » en raison des indications erronées données par le contribuable, notamment dans le contrat de bail (Arrêt du Tribunal Cantonal vaudois FI.2011.0067 du 14 août 2012).

d. Dans une cause zurichoise, une taxation faite sur la base d'une valeur locative trop basse, annoncée par le contribuable dans sa déclaration, n'a pas pu être corrigée par le biais d'une procédure de rappel d'impôt, selon l'arrêt du Verwaltungsgericht zurichois (RB 1984 Nr 57, décision du 4 octobre 1984).

5) En l'espèce, pour déterminer si c'est à juste titre que l'AFC-GE a procédé aux rappels d'impôt, il convient d'examiner si les déclarations de la contribuable étaient complètes et, cas échéant, si l'objet des rappels porte sur une sous-évaluation d'un élément imposable ou non.

A cet égard, l'AFC-GE soutient que les déclarations fiscales étaient incomplètes du fait que la contribuable avait procédé à une distribution dissimulée de bénéfice en louant les studios et l'arcade à un prix inférieur à celui du marché.

Il n'est par contre pas contesté que les déclarations contiennent les montants comptabilisés par la contribuable. Ce que l'AFC-GE reproche à la contribuable, et qui fait l'objet des rappels d'impôt, c'est bien le montant pour lequel cette dernière a loué son immeuble. La distribution dissimulée de bénéfice reprochée résulte, cas échéant, de la différence entre les loyers décidés et perçus par la contribuable et l'évaluation des loyers correspondant aux prix usuels du marché faite par l'AFC-GE.

6) a. S'agissant de la valeur des immeubles et de leur valeur locative, le Tribunal fédéral a retenu, dans une affaire concernant l'impôt anticipé, que la valeur des appartements, villas et locaux commerciaux dépendait de facteurs particuliers trop nombreux pour permettre l'établissement de prix courants ou de mercuriales. Lorsqu'une société immobilière décidait d'emblée de ne traiter qu'avec ses actionnaires, il était souvent difficile d'estimer le loyer qu'elle aurait pu encaisser en concluant avec des tiers. Il était dès lors possible de se fonder sur la valeur locative d'un immeuble qui pouvait représenter le loyer que la société encaisserait normalement en traitant avec un tiers, bien que l'administration puisse établir que cette valeur était inférieure aux prix usuels du marché qui seraient alors seuls déterminants (ATF 107 Ib 325 dit « arrêt Bellatrix » consid. 4 p. 332).

b. Suite à cet arrêt, l'AFC-GE a adopté une directive concernant l'imposition des sociétés immobilières d'actionnaires-locataires (information n° 12/96 adressée aux associations professionnelles) dans laquelle elle fixe une méthode basée sur le principe de la valeur économique réelle, qui s'inspire de la règle plus générale du prix de pleine concurrence devant gouverner les rapports économiques entre personnes proches, par comparaison avec des tiers indépendants. Ainsi, la valeur comptable d'un immeuble doit être remplacée par une évaluation des logements et autres locaux, basée sur des critères objectifs. La valeur locative des biens immobiliers détenus par des SI d'actionnaires-locataires serait désormais déterminée, pour les logements, en se basant sur la méthode objective et pour les locaux commerciaux, la valeur locative serait fixée par comparaison avec les loyers du marché. La détermination du bénéfice imposable interviendrait par déduction des charges fiscalement admissibles de la société du total des valeurs locatives. En cas de sous-location par des actionnaires-locataires, l'AFC-GE se réserverait le droit de revoir l'ensemble des valeurs locatives, pour le calcul du bénéfice imposable de la société, en tenant compte du montant des sous-locations.

7) En l'occurence, comme l'AFC-GE l'indique elle-même dans ses écritures, la contribuable a appliqué la méthode de la valeur locative, pendant des années, pour estimer le montant des loyers à facturer à la raison individuelle de l'actionnaire. Il faut donc retenir que l'objet des rappels d'impôt serait constitué par une évaluation fausse ou une sous-évaluation de la part de la contribuable, contrairement à ce que soutient l'AFC-GE.

En effet, comme vu ci-dessus, la valeur économique réelle qu'aurait dû facturer la contribuable pour la location des studios et de l'arcade est une donnée qu'il s'agit d'évaluer par le biais de la méthode décrite par l'AFC-GE dans sa directive. Or, l'évaluation qui a été faite par la contribuable a été admise pendant de nombreuses années par l'AFC-GE. Au demeurant, la différence entre les loyers payés par l'actionnaire et ceux qu'il encaissait n'a pas été dissimulée mais figurait dans les déclarations de celui-ci. Que l'AFC-GE entende faire application desdites directives ou d'un calcul découlant d'une nouvelle interprétation n'est pas en cause ici, mais ces correctifs, qui auraient pu être faits dans le cadre d'une taxation ordinaire, ne peuvent l'être par le biais d'une procédure de rappel d'impôt. Il incombait à l'AFC-GE, dans le cadre de la taxation ordinaire, de requérir des explications et/ou pièces complémentaires si elle l'estimait nécessaire.

8) Il découle de ce qui précède que la procédure de rappel d'impôt était exclue, comme l'a retenu le TAPI dans son jugement. Le recours sera rejeté.

9) Malgré l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge de l'AFC-GE (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la contribuable (art. 87 al. 2 LPA), à la charge de l'Etat de Genève.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 avril 2013 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à A______ SA, à la charge de l'Etat de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à A______ SA, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :