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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1156/2011

ATA/296/2011 du 12.05.2011 sur JTAPI/337/2011 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1156/2011-MC ATA/296/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 mai 2011

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur P______
représenté par Me Andreas Von Flüe, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 avril 2011 (JTAPI/337/2011)


EN FAIT

1. Monsieur P______, né le ______ 1982, ressortissant de la République démocratique du Congo (ci-après : RDC), est titulaire d’un passeport congolais échu le 15 février 2005.

2. Il est en Suisse depuis 2002, où il est arrivé avec un permis d’étudiant. Cette autorisation de séjour n’a pas été renouvelée en 2005.

3. Entre 2005 et 2010, l’intéressé a été condamné à six reprises pour des infractions à loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), la dernière fois à vingt jours de peine privative de liberté en date du 28 octobre 2010.

4. En outre, il a fait l’objet de la part de l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM) de deux mesures d’interdiction d’entrée en Suisse consécutives, l’une prononcées le 7 juillet 2006 pour une durée de trois ans, l’autre le 29 octobre 2008 pour une durée similaire.

5. Le 27 octobre 2010, l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) a prononcé le renvoi de Suisse de M. P______, décision exécutoire nonobstant recours. L’intéressé n’a pas fait recours contre cette décision.

6. Après avoir purgé sa dernière peine privative de liberté, M. P______ a été placé le 27 janvier 2011 par l’officier de police en détention administrative pour une durée de trois mois.

7. Le même jour, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé l’ordre de mise en détention jusqu’au 26 avril 2011.

8. Le 4 février 2011, le recourant a déposé une demande d’asile auprès de l’ODM.

9. Par arrêt du 16 février 2011 (ATA/118/2011), la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours de l’intéressé contre le jugement du TAPI du 27 janvier 2011. La mise en détention administrative était fondée au regard des conditions de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. h LEtr.

10. Le 7 mars 2011, l’ODM a refusé d’entrer en matière sur la demande d’asile précitée et ordonné le renvoi de Suisse de M. P______, qui devait avoir quitté la Suisse le jour suivant l’entrée en force de cette décision.

11. Le 9 mars 2011, l’intéressé a sollicité la levée de la détention administrative, ce que le TAPI a refusé par jugement du 10 mars 2011.

12. Le 23 mars 2011, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours interjeté par M. P______ contre la décision de l’ODM du 7 mars 2011. Le renvoi de l’intéressé de Suisse était possible.

13. Le 23 mars 2011 également, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable un recours de l’intéressé contre l’arrêt de la chambre de céans du 16 février 2011 (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_256/2011).

14. Le même jour encore, M. P______ a été auditionné à Berne par une délégation de la RDC.

15. Par courrier du 31 mars 2011, l’ODM a informé l’OCP qu’un laissez-passer en faveur de M. P______ ne pourrait pas être obtenu avant le 26 avril 2011. Par courriel du 15 avril 2011, il a indiqué que l’ambassade de la RDC avait besoin de temps pour traiter toutes les demandes de réadmission, si bien que l’établissement d’un laissez-passer en faveur de l’intéressé ne pourrait se faire avant la fin mai 2011.

16. Le 19 avril 2011, l’OCP a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. P______ pour une durée de trois mois, afin de pouvoir obtenir le laissez-passer puis procéder aux démarches d’exécution du renvoi.

17. Les parties ont été entendues par le TAPI le 21 avril 2011. Le représentant de l’OCP a confirmé que les démarches étaient en cours afin d’obtenir un laissez-passer. Même lorsqu’un ressortissant de la RDC, qui s’opposait à son renvoi, possédait un passeport valable, les autorités de RDC exigeaient une présentation par-devant elles avant la délivrance d’un laissez-passer.

M. P______ a maintenu son refus de se rendre en RDC, craignant pour son intégrité corporelle. Il souffrait des ligaments du genou gauche et devait être hospitalisé le 26 avril 2011 pour subir une intervention chirurgicale. Il remettait au TAPI un certificat médical annonçant que son état de santé nécessiterait une hospitalisation de six semaines. Selon ce dernier document, émanant des Hôpitaux universitaires de Genève, une prise en charge chirurgicale pour tentative de réinsertion du ménisque externe devait être réalisée sous arthroscopie. Une décharge partielle de la jambe serait nécessaire après l’opération pour une durée minimale de six semaines avec usage de deux cannes anglaises. La date du 26 avril 2011 était prévue pour l’opération.

18. Par jugement du 21 avril 2011, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. P______ pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 26 juillet 2011. Les conditions d’une mise en détention administrative existaient toujours en raison du risque de fuite de l’intéressé, mais également parce qu’il avait été condamné à plusieurs reprises pour infractions à la LStup et que, ce faisant, il avait gravement mis en danger la santé d’autrui. En outre, la détention se justifiait également sur la base de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 2 LEtr puisque l’intéressé faisait l’objet suite à sa demande d’asile d’une décision de refus d’entrée en matière, entrée en force depuis le 23 mars 2011. Le renvoi n’étant pas possible, le maintien en détention constituait la seule mesure envisageable pour assurer le renvoi de l’intéressé.

19. Le 2 mai 2011, M. P______ a recouru contre le jugement précité auprès de la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à son annulation et à sa mise en liberté immédiate.

Les autorités suisses ne maîtrisaient aucunement le calendrier de l’hypothétique délivrance du laissez-passer indispensable à son renvoi. Il n’était pas admissible que l’obtention d’un laissez-passer prenne autant de temps, ce d’autant qu’il possédait un passeport.

20. Le 3 mai 2011, le TAPI a transmis son dossier à la chambre de céans, sans formuler d’observations.

21. Le 9 mai 2011, l’OCP a conclu au rejet du recours. La prolongation de la détention administrative devait être confirmée, dès lors que le recourant avait expressément indiqué qu’il refuserait tout départ volontaire à destination de la RDC. La seule possibilité pour renvoyer ce dernier encore plus vite dans son pays serait qu’il collabore. A défaut, la détention administrative devait être prolongée pour pouvoir s’assurer de sa présence le jour où l’ordre de renvoi pourrait être exécuté.

EN DROIT

1. Interjeté le lundi 2 mai 2011 contre le jugement du TAPI, prononcé et notifié le 21 avril 2011, le recours a été interjeté auprès de la juridiction compétente, dans le délai légal (art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 et 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 3 mai 2011 et se prononçant par arrêt de ce jour, elle respecte ce délai.

3. La chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4. Le principe de la mise en détention administrative du recourant fondé sur l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr renvoyant à l’art. 75 al. 1 let g LEtr a été admis par la chambre de céans dans son arrêt du 16 février 2011, lequel est devenu définitif après que le recours de l’intéressé ait été déclaré irrecevable faute de recours. Aucun élément figurant au dossier ne permet de revenir sur les appréciations faites à cette occasion par la chambre administrative, la prolongation de la détention administrative du recourant se justifie déjà sur cette base.

5. L’étranger qui a fait l’objet d’une décision de renvoi peut être mis en détention administrative si son comportement permet de conclure qu’il se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEtr) ce qui permet de conclure à l’existence d’un risque de fuite ou de disparition.

Un tel risque existe lorsque celui-ci laisse clairement apparaître qu’il n’est pas disposé à retourner dans son pays d’origine (ATF 130 II 56 consid. 3.1, et jurisprudence citée). Lorsqu’il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s’il existe des garanties que l’étranger prête son concours à l’exécution du renvoi, soit qu’il se conformera aux instructions de l’autorité et regagnera ainsi son pays d’origine le moment venu, c’est-à-dire lorsque les conditions seront réunies. Dans ce cas, le juge de la détention dispose d’une certaine marge d’appréciation (Arrêt du Tribunal fédéral du 16 juillet 2009 2C.400/2009, consid. 3.1).

En l’occurrence, le recourant est arrivé en Suisse avec un passeport valable, n’a entrepris par lui-même aucune démarche en vue de le faire renouveler et maintient malgré l’échec de toutes les démarches entreprises et des recours interjetés son refus d’obtempérer à l’injonction de quitter la Suisse. On doit dès lors retenir à son encontre l’existence d’un risque de fuite.

6. Un étranger peut être placé en détention administrative en vertu de l’art. 76 let. b ch. 2 LEtr, dès lors qu’après avoir déposé une demande d’asile il a essuyé un refus d’entrée en matière assorti d’un renvoi et que ces décisions sont exécutoires. C’est le cas de l’intéressé depuis le rejet, le 23 mars 2011, de son recours contre le refus de l’ODM.

7. L’ordre de mise en détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). En outre, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEtr).

A cet égard, aucune autre mesure moins incisive que la détention ne permettrait d’assurer la présence du recourant lorsque le laissez-passer aura pu être obtenu et que son rapatriement pourra être organisé et exécuté.

L’OCP et l’ODM ont agi avec célérité. Aucun reproche ne peut leur être fait dès lors que le temps d’attente résulte du délai dont ont besoin les autorités congolaises pour délivrer le titre de voyage.

Bien qu’il ne soit pas possible en l’état de fixer une date de départ, l’OCP a d’ores et déjà annoncé les mesures qui pourraient être prises si un vol spécial ne pouvait pas intervenir avant la fin du mois d’avril 2011.

La durée pour laquelle la détention du recourant a été prolongée par le TAPI, soit de trois mois en lieu et place des quatre mois requis initialement par l’OCP, est proportionnée et nécessaire pour permettre l’organisation du vol spécial pour le rapatriement du recourant.

8. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) ni aucune indemnité de procédure allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mai 2011 par Monsieur P______ contre le jugement du 21 avril 2011 du Tribunal administratif de première instance ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andreas Von Flüe, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population, à l’office fédéral des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu’à l’établissement Frambois LMC.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

la présidente siégeant :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :