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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4314/2020

ATA/268/2021 du 02.03.2021 ( LFAIE ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4314/2020-LFAIE ATA/268/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mars 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Albert Righini, avocat

contre

MINISTÈRE PUBLIC

et

Madame B______
représentée par Me Vincent Tattini, avocat

 



EN FAIT

1) Par ordonnance du 7 décembre 2020, le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés le 26 novembre 2020 par Monsieur A______.

Ce dernier avait vendu ses actions de C______ SA à Madame B______, épouse de Monsieur D______. Celle-ci avait fait usage de la prérogative prévue dans le contrat de vente et s'était substitué E______ SA, société dont le siège était à Fribourg et dont l'administrateur était M. D______, domicilié à Genève, de nationalité française et titulaire d'un permis d'établissement.

Le Ministère public a retenu qu'aucune des dispositions pénales contenues aux art. 28 à 30 de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE - RS 211.412.41) n'avait été violée. La décision pouvait être contestée devant la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : CPR).

2) Par acte expédié le 17 décembre 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), M. A______ a recouru contre cette ordonnance, dont il a demandé l'annulation. Il a conclu à ce qu'il soit ordonné au Ministère public d'ouvrir une procédure pénale.

Il apparaissait, au regard de l'ATA/862/2020 du 8 septembre 2020, que la chambre administrative était compétente pour connaître du recours. Il avait néanmoins également saisi la CPR, dans l'hypothèse où la chambre administrative s'estimait incompétente.

3) Se déterminant sur la question de la compétence de la chambre de céans, le Ministère public a exposé que la procédure portait sur l'allégation d'une infraction pénale, que sa compétence en la matière, selon la section 3 de la LFAIE, ressortissait au droit pénal et, par extension, à la procédure pénale.

L'autorité de recours contre l'ordonnance était donc la CPR.

4) Mme B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours.

L'ordonnance querellée n'était pas une décision au sens de l'art. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), dès lors qu'elle ne trouvait pas son fondement dans le droit public. Elle n'avait, par ailleurs, pas été rendue par une autorité réputée être une juridiction administrative au sens de l'art. 6 LPA. Le Ministère public pouvait exceptionnellement, lorsqu'il agissait pour préserver l'ordre public, être investi d'un pouvoir de décision en matière de droit public et, alors seulement, revêtir la qualité d'autorité administrative au sens de l'art. 5 let. g LPA.

Tel n'était cependant pas le cas lorsqu'il se prononçait, comme en l'espèce, dans le cadre d'une procédure pénale.

5) Par courrier du 11 février 2021, les parties ainsi que le Ministère public ont été informés que la cause était gardée à juger sur la question de la compétence de la chambre administrative.

6) Dans un courrier du 11 janvier [recte : février] 2021, E______ SA a fait parvenir à la chambre de céans une écriture spontanée ainsi que deux pièces.

7) Celles-ci ont été transmises aux parties à qui il a été rappelé que la cause était gardée à juger sur compétence.

EN DROIT

1) Se pose la question de savoir si la chambre de céans est compétente pour connaître du recours formé par devant elle.

a. Selon l'art. 132 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre administrative connaît des recours contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 LPA, sous réserve des exceptions prévues par la loi.

b. Sont des décisions au sens de l'art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b) ou de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

Toute décision administrative, au sens de l'art. 4 LPA, doit avoir un fondement de droit public. Il ne peut, en effet, y avoir décision que s'il y a application, au travers de celle-ci, de normes de droit public (ATA/48/2017 du 24 janvier 2017 consid. 3; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 318 n. 973 ; Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, Vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 194 n. 2.1.1.1).

c. L'art. 5 LPA énumère, de manière exhaustive, les autorités administratives pouvant rendre des décisions au sens de l'art. 4 LPA (arrêt du Tribunal fédéral 1C_471/2012 du 23 mai 2013 consid. 3.4). Selon l'art. 5 let. g LPA, sont des autorités administratives les personnes, institutions et organismes investis du pouvoir de décision par le droit fédéral ou cantonal.

d. Selon l'art. 15 al. 1 LFAIE, chaque canton désigne : une ou plusieurs autorités de première instance chargées de statuer sur l'assujettissement au régime de l'autorisation, sur l'octroi de l'autorisation ainsi que sur la révocation d'une autorisation ou d'une charge (let. a) ; une autorité habilitée à recourir, à requérir la révocation d'une autorisation ou l'ouverture d'une procédure pénale et à agir en cessation de l'état illicite (let. b) et une autorité de recours (let. c).

À Genève, l'autorité habilitée à ordonner l'ouverture d'une procédure pénale est le Ministère public est (art. 9 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger du 20 juin 1986 - LaLFAIE - E 1 43).

e. En l'espèce, le Ministère public a été saisi d'une plainte pénale, en sa qualité d'organe chargé de la poursuite pénale et d'autorité habilitée à ordonner l'ouverture d'une procédure pénale. Le raisonnement conduit par le Ministère public repose exclusivement sur des dispositions de nature pénale. Les art. 28 à 30 LFAIE, au regard desquels il a examiné le comportement que le recourant estime répréhensible, figurent d'ailleurs dans la « Section 3 : Droit pénal » de la LFAIE. Les sanctions envisagées en cas d'infraction auxdites dispositions - peine privative de liberté, peine pécuniaire et amende - sont, en outre, de nature pénale.

Ainsi, le contentieux ne relève pas du droit public, mais du droit pénal. Le Ministère public n'a donc pas agi en qualité d'autorité administrative au sens de l'art. 5 let. g LPA ni rendu une décision administrative au sens de l'art. 4 LPA.

La chambre administrative n'est par conséquent pas compétente pour connaître du recours. Celui-ci sera donc déclaré irrecevable.

Le recourant ayant indiqué qu'il avait également saisi la CPR dans le délai de dix jours, doutant - à juste titre - de la compétence de la chambre administrative, il n'y a pas lieu d'examiner s'il convient, en application de l'art. 11 al. 3 LPA, de transmettre le recours à la CPR. Pour le surplus, il est relevé que l'ATA/862/2020 cité par le recourant avait retenu l'irrecevabilité du recours, quand bien même la motivation relative à la compétence à raison de la matière s'était avérée quelque peu complexe au regard des circonstances de la cause.

2) Au vu des circonstances du cas d'espèce, il sera renoncé à la perception d'un émolument (art. 87 al. 1 LPA). Compte tenu de l'issue du litige, le recourant qui succombe s'acquittera d'une indemnité de procédure de CHF 500.- en faveur de l'intimée (art. 87 al. 2 LPA). E______ SA, qui n'a pas été invitée à se déterminer, ne peut se voir allouer une indemnité de procédure.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

 

déclare irrecevable le recours interjeté le 18 décembre 2020 par Monsieur A______ contre l'ordonnance du Ministère public du 7 décembre 2020 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Madame B______, à la charge de Monsieur A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Albert Righini, avocat du recourant, à Me Vincent Tattini, avocat de l'intimée, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :