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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/927/2018

ATA/249/2018 du 20.03.2018 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/927/2018-FPUBL ATA/249/2018

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 20 mars 2018

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Christian Bruchez, avocat

contre

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

 



Attendu, en fait, que :

1) Madame A______ a été engagée par l'Université de Genève (ci-après : l'université) en qualité de directrice de la division de la formation et des étudiants dès le 19 septembre 2011.

2) Le 18 janvier 2018, le recteur de l'université a convoqué Mme A______ à un entretien de service le 5 février 2018 à 15h00. La convocation indiquait que la situation pouvait conduire le rectorat à prononcer une résiliation des rapports de service.

3) Cet entretien a été reporté au 28 février 2018 à 11h00.

4) Par courrier du 27 février 2018, le conseil de Mme A______ s'est adressé au recteur en demandant que l'entretien de service soit annulé.

Elle avait été auditionnée dans le cadre d'une enquête indépendante en cours au sujet d'accusations récurrentes de sexisme ou de mobbing à l'égard de femmes cadres de l'université. Il s'imposait d'attendre le résultat de cette enquête indépendante avant d'entamer une procédure à son encontre.

Afin que son droit d'être entendue fût respecté, il fallait en outre que les griefs vagues contenus dans la convocation fussent précisés.

Elle était enfin en droit de faire administrer des preuves, notamment en requérant l'audition de témoins.

5) Le jour même, le conseil du rectorat a fait savoir que l'entretien de service du lendemain était maintenu.

6) Un échange de correspondance s'en est ensuivi entre les deux conseils les 27 et 28 février 2018.

7) Mme A______ s'est rendue à l'entretien de service du 28 février 2018 en compagnie de son conseil.

8) Le 6 mars 2018, le recteur a adressé à Mme A______ un compte rendu de l'entretien de service, lui indiquant qu'elle disposait de 14 jours dès réception pour faire valoir ses observations écrites.

9) Le 6 mars 2018 également, le conseil du rectorat s'est adressé à celui de Mme A______. Sans préjuger de la décision qui serait prise par l'université, la procédure en cours ne concernant pas une révocation mais un licenciement pour motif fondé, il n'y avait pas possibilité de faire entendre des témoins. L'intéressée avait pu s'exprimer oralement lors de l'entretien de service et pouvait encore se déterminer par écrit ; son droit d'être entendue était ainsi respecté. Enfin, elle avait déjà eu communication de l'ensemble de son dossier administratif.

10) Par courrier du 9 mars 2018, Mme A______ a fait valoir auprès du rectorat qu'une autorité ne pouvait statuer par l'intermédiaire d'un avocat. Elle demandait au recteur de statuer formellement, par le biais d'une décision formelle, sur les requêtes qui lui avaient été faites, à savoir compléter le compte rendu de l'entretien de service en y mentionnant de manière exhaustive les pièces précises sur lesquelles se fondaient ses griefs ; suspendre la procédure jusqu'au dépôt du rapport d'enquête indépendante ; la possibilité de demander l'audition de témoins sur les faits qui lui étaient reprochés ; et la possibilité de s'exprimer oralement ou par écrit une fois le compte rendu d'entretien de service complété.

11) Le 13 mars 2018, le recteur a adressé le courrier suivant au conseil de Mme A______ :

« Comme déjà indiqué, la procédure relative à l'entretien de service initiée par le rectorat, qui a notamment pour but de permettre à la personne concernée de faire valoir son droit d'être entendue, lors dudit entretien et par la suite en formulant d'éventuelles observations écrites, respecte les exigences légales et réglementaires.

Comme déjà indiqué également, ces règles procédurales diffèrent de celles relatives à l'enquête administrative, enquête qui – contrairement à l'entretien de service – peut donner lieu à l'audition de témoins.

Nous ne manquerons pas bien entendu, avant de statuer, de prendre en compte les éventuelles observations écrites de Mme A______, qui doivent nous être adressées dans les 14 jours dès réception du compte rendu y relatif. Il est précisé qu'il n'y a ensuite pas lieu de fixer un nouvel entretien de service, afin que cette dernière soit à nouveau entendue oralement.

Au vu de ce qui précède, l'université ne saurait donner suite à vos différentes requêtes.

Enfin, nous relevons que notre conseil ne s'est nullement substitué à l'autorité administrative, comme il n'y avait justement pas lieu à statuer en prononçant une décision ».

Le courrier n'indiquait pas de voie ni de délai de recours.

12) Par acte déposé le 19 mars 2018, Mme A______ a interjeté un recours pour déni de justice auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant au prononcé de « mesures d'extrême urgence » (ordonner au recteur, sous la menace des peines prévues à l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0, de suspendre la procédure d'entretien de service jusqu'à droit jugé sur mesures provisionnelles, et d'annuler le délai arrivant à échéance le 21 mars 2018 pour faire part de ses observations écrites au sujet du compte rendu d'entretien de service), au prononcé de mesures provisionnelles (ordonner au recteur, sous la menace des peines prévues à l'art. 292 CP, de suspendre la procédure d'entretien de service) et, sur le fond, au constat de commission par le recteur d'un déni de justice de par son refus de rendre une décision sur ses requêtes procédurales, et à ce qu'il soit ordonné au recteur, sous la menace des peines prévues à l'art. 292 CP, de donner suite aux quatre requêtes contenues dans le courrier du 9 mars 2018.

Pour éviter que son recours pour déni de justice devienne sans objet du fait de la poursuite d'une procédure d'entretien de service et du prononcé rapide d'une décision de licenciement, il s'imposait de prononcer des mesures provisionnelles, sans quoi la procédure d'entretien de service s'achèverait le 21 mars 2018, sans que son droit d'être entendue ait pu être respecté.

13) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par le vice-président, ou en cas d’empêchement de ceux-ci, par un juge (art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 septembre 2017).

2) À teneur de l’art. 21 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (al. 1) ; ces mesures sont ordonnées par le président s’il s’agit d’une autorité collégiale ou d’une juridiction administrative (al. 2).

3) Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis, et ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/884/2016 du 10 octobre 2016 consid. 1 ; ATA/658/2016 du 28 juillet 2016 consid. 1). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

4) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

5) a. Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

b. Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA).

c. Si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (art. 69 al. 4 LPA).

6) L’autorité qui refuse expressément de statuer alors qu’elle en a l’obligation comme celle qui tarde sans droit à statuer commet un déni de justice formel susceptible de recours, dès lors qu’elle a été mise en demeure, mais qu’elle ne le fait pas. Toutefois, en dehors des cas où la loi fixe à l’autorité un délai impératif, l’administré n’a pas un droit à ce que l’autorité compétente statue dans un délai déterminé abstraitement. Ce délai dépend des circonstances, de la nature de l’affaire, de sa complexité et de la difficulté éventuelle d’élucider les questions de fait (ATF 135 I 265 et jurisprudences cités ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 1501).

7) En l'espèce, la recourante, sur le fond, ne prend pas de conclusion tendant au prononcé de la décision que le recteur aurait éludée, mais une conclusion constatatoire assortie de conclusions condamnatoires visant à la satisfaction de ses requêtes procédurales, ce qui sort a priori du pouvoir de décision de la chambre de céans dans le cadre d'un recours pour déni de justice. À cet égard, le fait qu'elle demande l'octroi de mesures provisionnelles « pour éviter que [son] recours pour déni de justice devienne sans objet » apparaît pour le moins singulier, le but d'un tel recours étant au contraire de devenir au plus vite sans objet de par le prononcé rapide d'une décision.

De plus, il ressort d'un examen prima facie, qui prévaut à ce stade, que le recteur a apparemment bien statué sur les requêtes procédurales en cause dans son courrier du 13 mars 2018. Le fait que ledit courrier ne soit pas décrit comme une décision et ne contienne ni voie ni délai de recours n'est à cet égard pas pertinent.

Quant aux griefs liés au respect du droit d'être entendu ou de la procédure légale d'entretien de service ou de licenciement, ils apparaissent également exorbitants à l'objet du présent litige.

8) Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de prononcer de quelconques mesures provisionnelles. Les demandes y relatives seront dès lors rejetées.

9) Le sort des frais sera quant à lui réservé jusqu'à droit jugé sur le recours.

Vu le recours interjeté le 16 mars 2018 par Madame A______ pour déni de justice commis par le recteur de l'université de Genève ;

vu les art. 21 et 66 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ;

vu l’art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 septembre 2017 ;

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette les demandes de mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé sur le recours ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Christian Bruchez, avocat de la recourante ainsi qu'à l'Université de Genève.

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :