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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4643/2009

ATA/244/2010 du 13.04.2010 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : ; ALLOCATION D'ETUDE ; REVENU DÉTERMINANT ; FONCTIONNAIRE; ORGANISATION INTERNATIONALE
Normes : LFCA.9 ; LFCA.10 ; LFCA.11 ; LIPP-V.13
Résumé : : Recours contre le refus d'octroi d'un chèque annuel de formation, le revenu annuel de la recourante étant supérieur à la limite légale du revenu annuel pris en considération. Mariée à un fonctionnaire international exempté d'impôts, elle est soumise à un barème spécial et taxée comme "célibataire".
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4643/2009-FORMA ATA/244/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 13 avril 2010

2ème section

dans la cause

 

 

Madame M______

contre

 

SERVICE DES ALLOCATIONS D'ÉTUDES ET D'APPRENTISSAGE

 



EN FAIT

1. Madame M______ et Monsieur S______, domiciliés à Genève, sont mariés et ils ont deux enfants à charge. M. S______ est fonctionnaire international auprès de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle
(ci- après : OMPI). Du fait de son statut, il est exempté du paiement de tout impôt. Mme M______ est sans emploi depuis 2008, ses dernières allocations chômages remontant également à la fin de l'année 2008.

2. Le 2 septembre 2009, Mme M______ a déposé auprès du service des allocations d'études et d'apprentissage (ci-après : SAEA) une demande tendant à l'octroi d'un chèque annuel de formation au sens de l'art. 9 de la loi sur la formation continue des adultes du 18 mai 2000 (LFCA - C 2 08).

Elle désirait suivre le cours intitulé « le risque et la gestion opérationnelle LBA » dispensé en novembre 2009 par l'institut de formation des adultes à Genève (IFAGE).

3. Selon l'avis de taxation du 13 juillet 2009 transmis par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) au SAEA, le revenu brut imposable de Mme M______ était de CHF 108'977.- et sa fortune nette imposable de CHF 181'429.- pour la période d'imposition allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008.

4. Par décision du 3 septembre 2009, le SAEA a rejeté la demande au motif que les revenus de l'intéressée dépassaient la limite de revenu annuel pris en considération fixée par l'art. 11 LFCA.

Pour une personne célibataire, séparée ou divorcée ayant deux enfants à charge, la limite du revenu annuel pris en considération était de CHF 103'260.-. Elle passait à CHF 118'180.- pour une personne mariée avec deux enfants à charge.

Le revenu annuel pris en considération se composait du revenu annuel brut déclaré à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) auquel devait être additionnée la fortune nette après déduction d'une franchise de CHF 30'000.- ainsi que d'une franchise supplémentaire de CHF 30'000.- par enfant à charge, soit au total CHF 90'000.- en l'espèce.

5. Le 8 septembre 2009, Mme M______ a adressé un courriel au SAEA. Elle avait fait la demande de chèque annuel de formation en pensant que le service tiendrait compte de sa situation financière actuelle. Elle n'avait plus perçu d'allocations de chômage depuis le 14 décembre 2008 et n'avait pas retrouvé d'emploi depuis. Elle se demandait si ce changement permettrait « d'envisager sa demande ».

6. Le SAEA lui a répondu, par courriel du 15 octobre 2009. Sur la base de l'avis de taxation 2008, son revenu brut, déduction faite des franchises, dépassait le barème en raison d'une « fortune d'un montant élevé ».

7. Le 2 novembre 2009, Mme M______ a adressé un nouveau courriel au SAEA. La décision de refus était basée sur la taxation de l'année 2008. Elle s'interrogeait sur la prise en considération de cette dernière taxation alors que le cours avait lieu en novembre 2009. Elle n'avait pas perçu de revenu sur l'ensemble de l'année 2009.

8. Par décision du 24 novembre 2009, le SAEA a rejeté la réclamation de Mme M______. Il a maintenu sa décision du 3 septembre 2009, refusant l'octroi d'un chèque annuel de formation, au motif que le revenu annuel pris en considération pour l'année 2008 s'élevait, au regard de l'avis de taxation remis par l'AFC, à CHF 195'606.-. La limite du barème pour un couple avec deux enfants à charge était fixée à CHF 118'180.-. Le revenu de l'intéressée dépassait donc le barème.

Le SAEA a rappelé que le revenu annuel pris en considération pour déterminer le droit à l'octroi d'un chèque annuel de formation se composait du revenu annuel brut et de la fortune nette après déduction des franchises en fonction de la situation familiale

La voie et le délai de recours auprès du Tribunal administratif étaient indiqués.

9. Par acte posté le 22 décembre 2009, Mme M______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif. Elle conclut au réexamen de son dossier dans la mesure où, si elle ne devait pas retrouver d'emploi, elle entendrait suivre d'autres cours pour améliorer ses chances. Elle n'avait pas perçu de revenu en 2009, par conséquent, le revenu annuel à prendre en considération ne devait tenir compte que des chiffres de sa fortune. Il s'élevait à CHF 86'629.- et se situait en-dessous de la limite du barème.

10. Le 11 janvier 2010, le SAEA a déposé ses observations en concluant au rejet du recours.

Le statut de fonctionnaire international, exempté d'impôt, de M. S______ avait pour conséquence qu'il n'était pas possible d'imposer la totalité des revenus du groupe familial. Dès lors, à teneur des art. 10 al. 1er LFCA et 24 al. 2 du règlement d'application de la loi sur la formation continue des adultes du 13 décembre 2000 (RFCA - 2 08.01), Mme M______ ne pouvait pas bénéficier d'un chèque annuel de formation.

Si le Tribunal administratif devait considérer que le statut de fonctionnaire international de M. S______ n’empêchait pas l’octroi d’un chèque annuel de formation à sa conjointe, il y aurait alors lieu de tenir compte, dans le calcul du revenu annuel à prendre en considération, du montant de ses revenus, qui ne figurait pas dans les éléments de taxation communiqués par l’AFC. Cela conduirait à constater un dépassement de la limite de revenu de CHF 118'180.- applicable à un groupe de quatre personnes.

11. Le juge délégué a entendu les parties lors d'une audience de comparution personnelle le 12 mars 2010.

a. Mme M______ a expliqué qu'elle était au chômage en 2008. Elle avait perçu des indemnité de chômage jusqu'à fin décembre 2008. Depuis cette date, elle ne percevait plus aucun revenu. Son époux était fonctionnaire international auprès de l'OMPI et son statut l'exemptait du paiement d'impôts. Elle ne souhaitait pas indiquer le montant du salaire de son conjoint. Le SAEA devait tenir compte de sa situation de revenu en 2009 et non en 2008, notamment parce que les cours avaient eu lieu en 2009. En 2009, elle s'était vu notifier un bordereau de CHF 25.-, preuve qu'elle n'avait pas réalisé de gains cette année-là. Elle ne comprenait pas à quel titre le salaire de son époux devait entrer en considération dans l'octroi du chèque annuel de formation alors même qu'elle était taxée comme une célibataire, ne bénéficiant ainsi que de la moitié des déductions possibles.

b. Selon le SAEA, le processus décisionnel s'était déroulé en deux temps. Dans un premier temps, il avait pris une décision en se basant sur la situation de Mme M______ telle qu'elle ressortait de l'avis de taxation 2008. Suite à sa réclamation, le SAEA avait reconsidéré la situation de l'intéressée, en tenant compte du fait que celle-ci n'avait pas perçu de revenu en 2009. Par ailleurs, la fortune nette de l'intéressée, déduction faite des trois franchises de CHF 30'000.- et des allocations familiales, demeurait importante. Le SAEA considérait que la prise en compte des revenus de M. S______ mènerait à un dépassement de la limite légale du revenu annuel pris en considération.

12. Au terme de l'audience, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile auprès de la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 17 al. 2 LFCA ; art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l'art. 69 al. 1 LPA, la juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. En revanche, elle ne l'est pas par les motifs qu'elles invoquent.

3. a. Les décisions du SAEA peuvent faire l’objet d’une réclamation dans les trente jours (art. 17 al. 1 LFCA). L’acte d’opposition doit être formé par écrit, avec l’indication des motifs et des moyens de preuve éventuels (art. 51 al. 1 LPA). La réclamation doit être formée dans les 30 jours dès la notification de la décision (art. 51 al. 4 LPA). De jurisprudence constante, la signature olographe originale est une condition nécessaire que doit respecter tout acte de réclamation, d'opposition ou de recours (ATA/668/2009 du 15 décembre 2009 ; ATA 351/2009 du 28 juillet 2009 ; ATA/482/2009 du 29 septembre 2009 ; ATA/451/2007 du 4 septembre 2007).

b. La prohibition du formalisme excessif, garantie procédurale découlant de l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) commande cependant à l’autorité de ne pas sanctionner par l’irrecevabilité les vices de procédure aisément reconnaissables auxquels il pourrait être remédié à temps, car signalés utilement au plaideur (voir les arrêts précités).

En l’espèce, à la suite de la décision du 3 septembre 2009, la recourante a adressé les 8 septembre et 2 novembre 2009 deux courriels au SAEA que celui-ci a traités comme une réclamation même si dans sa décision de rejet du 24 novembre 2009, il n’a fait référence qu’au courriel du 2 novembre 2009. Aucun de ces deux messages électroniques n’était cependant signé, si bien que le SAEA aurait dû déclarer cette réclamation irrecevable. Toutefois, dès lors que la réclamation a été interjetée plus de trois semaines avant l'échéance du délai légal, la question de sa recevabilité souffre de rester ouverte. Si le vice de procédure avait été signalé utilement à la recourante, celle-ci aurait pu y remédier à temps (ATA/351/2009 déjà cité, consid. 7).

4. Reste à examiner le droit au chèque annuel de formation de la recourante.

a. Selon l'art. 9 LFCA, le chèque annuel de formation correspond au coût de quarante heures de cours de formation continue dispensées à Genève dans tous les domaines d'activité. Il est octroyé en vue de l'acquisition de connaissances de base, y compris la culture générale, et de connaissances professionnelles qualifiées, le développement des possibilités de perfectionnement et de recyclage professionnel, ainsi que l'acquisition de nouvelles formations.

b. Aux termes de l'art. 10 al. 1 let. a LFCA, le chèque annuel de formation est délivré aux personnes majeures, domiciliées et contribuables dans le canton depuis un an au moins au moment de la demande. Les mêmes conditions doivent être remplies au moment du début de la formation pour laquelle la demande est présentée (art. 24 al. 2 RFCA).

5. a. La limite maximale du revenu brut annuel ouvrant le droit à l'octroi d'un chèque annuel de formation est fixée à CHF 88'340.- pour les personnes célibataires (art. 11 al. 1er let. a LFCA) et à CHF 103'260.- pour les personnes mariées ou liées par un partenariat enregistré (art. 11 al. 1er let. b LFCA). En application de l'art. 11 al. 2 LFCA, la limite de revenu est augmentée d'un montant de CHF 7'460.- pour chaque enfant à charge.

b. Selon l'art. 11 al. 3 LFCA, le revenu annuel pris en considération se compose :

a) du revenu annuel brut déclaré à l'AFC par la personne qui sollicite le chèque annuel de formation, additionné à celui de son conjoint ou partenaire enregistré, sous déduction des allocations familiales ;

b) de la fortune nette déclarée à l'AFC, après déduction d'une franchise de CHF 30'000.-. et d'une franchise supplémentaire de CHF 30'000.- par enfant à charge.

Les notions de « revenu annuel brut déclaré » et de « fortune nette déclarée » de l’art. 11 al. 1 LFCA renvoient à la définition qu’en fait la législation fiscale cantonale. Celle-ci a changé le 1er janvier 2010 avec l’entrée en vigueur de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3.08). La requête de la recourante étant antérieure à cette modification législative, ce sont les définitions de l’ancien droit qui sont à prendre en considération. Ainsi, « le revenu annuel brut » correspond à celle qu’en fait l’art. 1 de la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14), soit « tous revenus, prestations et avantages du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèce ou en nature et quelque en soit l’origine, avant déductions ». Quant à la notion de fortune nette, elle correspond à celle énoncée à l’art. 13 al. 1 de la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur la fortune du 22 septembre 2000 (aLIPP-III - D 3 13). Il s’agit de la fortune imposable au sens de l’art. 2 aLIPP III après déductions des dettes et cautionnement donné selon l’art. 13 al. 1 aLIPP III, mais avant déductions sociales au sens de l’art. 15 aLIPP III.

En l’espèce, la recourante est domiciliée et contribuable à Genève depuis le 1er septembre 1986. Elle est mariée et a deux enfants à charge. Toutefois, son époux bénéficie d'une exemption fiscale liée à son statut de fonctionnaire international. Selon l'art. 13 de la loi sur l’imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l’impôt et rabais d’impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (aLIPP-V - D 3 16), lorsque le conjoint du contribuable n'est pas imposable dans le canton en vertu de conventions ou accords sur les relations diplomatiques ou consulaires ou accords de siège d'organisation internationales, le taux d'imposition applicable au conjoint est celui d'une personne seule, en application de l'art 11 aLIPP-V.

. Seuls les revenus et la fortune de la recourante étant déclarés à l’AFC et communiqués par celle-ci au SAEA, il en découle que s'applique dans ce cas de figure la limite de revenu annuel brut prévue pour une personne célibataire avec deux enfants, soit CHF 103'260.-.

Selon les informations communiquées par l'AFC, le revenu annuel brut de la recourante en 2008 s'élève à CHF 104'177.- après déduction des allocations familiales, et sa fortune nette à CHF 91'429.- après déduction des trois franchises. En conséquence, le revenu annuel devant être pris en considération dans son cas est de CHF 195'606.-, soit un montant bien supérieur à la limite maximale prévue. C'est donc à juste titre que le SAEA a refusé d'octroyer un chèque annuel de formation à la recourante.

6. La recourante allègue que le SAEA aurait dû considérer sa situation de revenus en 2009 puisque la formation qu'elle voulait suivre se déroulait en novembre 2009.

L'art. 11 LFCA se réfère au revenu brut ainsi qu'à la fortune nette déclarés à l'AFC. Il s'ensuit que ce sont les informations communiquées par cette dernière qui font foi pour la détermination du revenu annuel pris en considération. Ces éléments étant repris de la dernière déclaration fiscale, ils ne peuvent que se référer à la situation de revenus et de fortune du dernier exercice fiscal achevé, soit en l’occurrence aux revenus perçus durant l’année 2008 et à l'état de la fortune au 31 décembre 2008.

En l'espèce, la recourante a déposé sa demande de chèque annuel de formation le 2 septembre 2009. A cette date, les éléments de revenus et de fortune en possession de l'AFC correspondaient à ceux afférents à l'exercice fiscal 2008. C'est donc à juste titre que le SAEA s'est fondé sur ceux-ci pour rendre sa décision.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 LPA ; art. 10 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 décembre 2009 par Madame M______ contre la décision du 24 novembre 2009 du service des allocations d'études et d'apprentissage ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame M______ ainsi qu'au service des allocations d'études et d'apprentissage.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :