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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2068/2011

ATA/219/2013 du 09.04.2013 sur JTAPI/680/2012 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2068/2011-ICCIFD ATA/219/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 avril 2013

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur G______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mai 2012 (JTAPI/680/2012)


EN FAIT

Monsieur G______, né le ______ 1949, est domicilié à Versoix.

Le 25 janvier 2010, M. G______ a écrit au service du recouvrement de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), en lui adressant le formulaire relatif au calcul des acomptes provisionnels. Il était au chômage depuis le 1er février 2009. Il précisait en outre : « De l'année 2009, j'ai l'impôt anticipé à récupérer, soit CHF 5'690.50. J'aimerais que vous aller le porter à déduction » (sic).

Le 5 février 2010, M. G______ a remis à l'AFC-GE sa déclaration fiscale 2009.

Il y a déclaré un revenu brut provenant de l'activité lucrative dépendante de CHF 62'766.-, à l'exception de tout autre revenu, et une fortune brute totale de CHF 9'634.- correspondant aux montants déposés sur son compte postal et ses quatre comptes bancaires. Ces cinq comptes étaient les seuls éléments mentionnés dans l'état des titres, la rubrique dédiée aux « titres suisses et étrangers (actions, obligations, produits dérivés, fonds de placements, créances, gains de loterie, etc.) » étant vide.

Etaient néanmoins annexées à la déclaration 38 quittances et attestations relatives à des gains au Pari mutuel urbain (ci-après : PMU) et au Loto express, avec indication des montants gagnés et de ceux retenus au titre de l'impôt anticipé, ainsi qu'une fiche récapitulative établie par le contribuable recensant 22 gains de loterie lors desquels un montant total de CHF 5'690,50 avait été retenu au titre de l'impôt anticipé.

Le 3 mars 2010, l'AFC-GE a fait parvenir à M. G______ ses bordereaux de taxation ICC et IFD 2009. L'ICC, d'un montant total de CHF 8'802,95, était calculé sur la base d'un revenu imposable de CHF 53'860.- au taux de CHF 53'860.- et d'une fortune imposable de CHF 0.-.

Le décompte annexé mentionnait un solde en faveur de l'AFC-GE de CHF 78,40, dont M. G______ s'est acquitté par bulletin de versement au bureau de poste. Sur la copie du récépissé figurant au dossier, la date du cachet postal est très peu lisible mais le paiement semble avoir été effectué en avril 2010 ; le délai imparti par l'AFC-GE pour le paiement de ce solde venait à échéance le 6 avril 2010.

Le 11 février 2011, M. G______ a écrit au service de la taxation de l'AFC-GE.

Il avait commis une erreur en ne mentionnant pas, dans l'état des titres (fiche F2) de sa déclaration fiscale 2009 les demandes d'imputation de l'impôt anticipé, quand bien même il avait fait figurer en annexe les documents pertinents. C'était la première fois qu'il devait soumettre une telle demande d'imputation, et il ignorait la manière de procéder. Il s'était rendu compte de son erreur le matin même, en se rendant au guichet des titres de l'AFC-GE, où une collaboratrice lui avait indiqué ce qu'il aurait dû faire.

Traitant ce courrier comme une réclamation, l'AFC-GE l'a déclarée irrecevable pour cause de tardiveté le 9 juin 2011. Elle n'avait pas été présentée dans le délai impératif de trente jours à compter de la réception du bordereau d'impôts.

Le 2 juillet 2011, M. G______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision sur réclamation précitée, concluant en substance à son annulation ainsi qu'à la récupération de l'impôt anticipé selon les décomptes présentés.

Il avait fourni les 22 attestations de jeu, avec le montant de l'impôt anticipé retenu, en annexe de sa déclaration fiscale 2009 ; en effet, la place faisait défaut dans la rubrique concernée de l'état des titres, et il n'avait en outre, faute d'expérience et de connaissances, pas rempli ce dernier correctement. L'AFC-GE avait tenu compte de la remarque qu'il avait faite au sujet de la récupération de l'impôt anticipé dans son courrier du 25 janvier 2010, mais seulement dans le cadre de ses acomptes provisionnels 2010. C'était en venant se renseigner au guichet de l'AFC-GE qu'il s'était rendu compte de ce qu'il n'avait pas rempli correctement l'état des titres dans sa déclaration 2009, et il avait aussitôt rédigé un courrier dans ce sens.

Par jugement du 21 mai 2012, expédié le 4 juin 2012, le TAPI a rejeté le recours.

M. G______ n'avait pas allégué avoir reçu son bordereau de taxation 2009 à une autre date que celle mentionnée sur celui-ci, à savoir le 3 mars 2010. En déposant sa réclamation le 12 février 2011, il avait manifestement agi en dehors du délai légal de trente jours, et n'avait invoqué aucun motif sérieux qui permette d'envisager une restitution de délai.

Par acte posté le 3 juillet 2012, M. G______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant en substance à son annulation ainsi qu'à la récupération de l'impôt anticipé selon les décomptes présentés.

En sus de ses précédentes explications, il s'était occupé en 2009 et 2010 de deux personnes de sa connaissance qui souffraient de la maladie d'Alzheimer ; en outre, durant ce laps de temps, son fils avait également traversé une période de chômage, tandis que lui-même avait dû se résoudre à solliciter l'aide sociale.

Le 24 juillet 2012, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

Le 24 août 2012, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le bordereau litigieux avait été notifié le 3 mars 2010 au contribuable. Ce dernier disposait donc d'un délai au 6 avril 2010 pour déposer une réclamation auprès de l’AFC-GE. Sa réclamation postée le 12 février 2011 était ainsi manifestement hors délai, et le contribuable n'avait invoqué aucun motif sérieux au sens de la loi.

De plus, pour pouvoir bénéficier du remboursement de l'impôt anticipé au sens de l'art. 23 de la loi fédérale sur l'impôt anticipé, du 13 octobre 1965 (LIA - RS 642.21), la déclaration tendant au remboursement devait intervenir en même temps que la déclaration ordinaire sur le revenu et la fortune, mais au plus tard avant que la taxation concernant ces impôts n'entre en force. Le texte de l'art. 23 LIA n'exigeait pas la commission d'une faute pour la déchéance du droit au remboursement. En l'espèce, les montants gagnés, soit CHF 16'718,75 si l'on additionnait tous les justificatifs, n'avaient pas été taxés faute d'avoir été formellement annoncés dans la déclaration, même si le contribuable avait annexé à celle-ci une liste des montants retenus au titre de l'impôt anticipé et les justificatifs y afférents.

Le 3 septembre 2012, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 28 septembre 2012 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

Le 28 septembre 2012, M. G______ a persisté dans son recours et ses conclusions.

L'AFC-GE ne s'est quant à elle pas manifestée.

Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

a. La Confédération perçoit un impôt anticipé de 35 % sur les gains de loterie (art. 132 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; art. 1 al. 1 LIA ; ATF 138 II 536 consid. 5.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.7). L'obligation fiscale incombe au débiteur de la prestation imposable (art. 10 al. 1 LIA). Pour les gains faits dans les loteries, la créance fiscale prend naissance au moment où échoit la prestation imposable (art. 12 al. 1 LIA).

b. Selon l'art. 21 al. 1 let. b LIA, l'ayant droit selon les art. 22 à 28 LIA peut demander le remboursement de l'impôt anticipé retenu à sa charge par le débiteur sur les gains faits dans les loteries s'il était propriétaire du billet de loterie au moment du tirage (sur cette condition, cf. Arrêt du Tribunal fédéral 2A.242/2005 du 17 mars 2006 consid. 4). Le remboursement est inadmissible dans tous les cas où il pourrait permettre d'éluder un impôt (art. 21 al. 2 LIA). Les personnes physiques ont droit au remboursement de l'impôt anticipé si elles étaient domiciliées en Suisse à l'échéance de la prestation imposable (art. 22 al. 1 LIA). D'après l'art. 48 al. 1 let. a et b LIA, celui qui demande le remboursement de l'impôt anticipé doit renseigner en conscience l'autorité compétente sur tous les faits qui peuvent avoir de l'importance pour déterminer le droit au remboursement ; il doit en particulier remplir complètement et exactement les formules de demandes et les questionnaires et fournir, à la requête de l'autorité, les attestations concernant la déduction de l'impôt et produire les livres, pièces justificatives et autres documents. Si le requérant ne satisfait pas à ses obligations de donner des renseignements et que le droit au remboursement ne puisse être déterminé sans les renseignements requis par l'autorité, la demande est rejetée (art. 48 al. 2 LIA).

c. Celui qui veut obtenir le remboursement de l’impôt anticipé doit présenter une demande écrite à l’autorité compétente (art. 29 al. 1 LIA), ici l'AFC-GE (cf. art. 30 al. 1 LIA). Cette demande doit en principe être faite en employant une formule officielle (art. 68 al. 1 de l'ordonnance sur l'impôt anticipé, du 19 décembre 1966 - OIA - RS 642.21) mais, selon la jurisprudence, l'absence d'utilisation d'une telle formule n'entraîne pas la péremption du droit au remboursement (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_95/2011 du 11 octobre 2011 consid. 3 = Revue Fiscale 2011 963, 967). Pour les gains faits dans les loteries, une attestation concernant la déduction de l’impôt (au sens de l'art. 3 al. 2 OIA) doit être jointe obligatoirement à la demande, si l’impôt dont le remboursement est requis a été déduit (art. 68 al. 2 let. a OIA).

d. Sauf exceptions (prévues par l'art. 29 al. 3 LIA), la demande peut être présentée au plus tôt après l’expiration de l’année civile au cours de laquelle la prestation imposable est échue (art. 29 al. 2 LIA). Le droit au remboursement s’éteint si la demande n’est pas présentée dans les trois ans après l’expiration de l’année civile au cours de laquelle la prestation est échue (art. 32 al. 1 LIA).

a. Enfin, selon l'art. 23 al. 1 LIA, celui qui, contrairement aux prescriptions légales, n'indique pas aux autorités fiscales compétentes un revenu grevé de l'impôt anticipé ou de la fortune d'où provient ce revenu, perd le droit au remboursement de l'impôt anticipé déduit de ce revenu (art. 23 LIA).

b. Selon cette « clause de déclaration », formulée sous forme de condition résolutoire, le droit au remboursement de l'impôt anticipé se périme lorsque le contribuable ne déclare pas les revenus afférents au gain soumis à l'impôt anticipé, quand bien même il remplit les conditions des art. 21 et 22 LIA (B. ZWAHLEN, in M. ZWEIFEL et al., Bundesgesetz über die Verrechnungssteuer - Basler Kommentar, 2012, n. 1 ad art. 23 LIA).

c. Pour éviter de perdre son droit au remboursement, le contribuable doit annoncer le rendement du capital qui a été grevé de l'impôt, ainsi que la valeur d'où il provient, dans la première déclaration fiscale consécutive à l'échéance du rendement (ou du gain), ou le faire ultérieurement en communiquant des renseignements complémentaires assez tôt pour qu'ils puissent être pris en considération avant l'entrée en force de la taxation (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_80/2012 du 16 janvier 2013 consid. 2.2 ; 2C_95/2011 précité consid. 2.1 et les arrêts cités).

d. Le contribuable doit déclarer lui-même les éléments de revenus et de fortune pour sauvegarder son droit au remboursement de l'impôt anticipé. En général, cette obligation est exécutée en mentionnant les éléments en question dans l'état des titres joint à la déclaration d'impôt. Le contribuable peut en outre les indiquer ultérieurement, à tout le moins jusqu'au prononcé de la décision de taxation, en complétant ou corrigeant sa déclaration Conformément au texte de l'art. 23 LIA, les éléments de revenus et de fortune doivent en outre être communiqués aux autorités fiscales compétentes pour la taxation. Les impératifs de l'administration de masse commandent en effet que l'autorité de taxation puisse s'en tenir à la déclaration d'impôt avec ses annexes et aux communications que le contribuable lui adresse par la suite - à tout le moins jusqu'au prononcé de la taxation - aux fins de compléter ou de corriger celle-ci. Seule une indication des éléments de revenus et de fortune conforme à ce qui précède permet en principe au contribuable de sauvegarder son droit au remboursement de l'impôt anticipé (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_95/2011 précité consid. 4.1).

En l'espèce, le recourant a obtenu divers gains au PMU et au Loto express durant l'année 2009 ; l'impôt anticipé afférent à ces montants a été prélevé à la source par l'organisme responsable de ces jeux.

Dans son courrier du 11 février 2011, le recourant a certes indiqué avoir commis une erreur en ne mentionnant pas, dans l'état des titres de sa déclaration fiscale 2009 les demandes d'imputation de l'impôt anticipé. Il n'en sollicitait pas moins clairement le remboursement dudit impôt, et non la rectification de sa taxation 2009. Dès lors, quand bien même il n'avait pas utilisé de formule officielle, il convenait de traiter ce courrier non pas comme une réclamation contre ladite taxation, mais comme une demande de remboursement au sens de l'art. 29 LIA, d'autant qu'en l'espèce cette demande intervenait dans le délai prévu par l'art. 32 LIA.

Dans ces conditions, le jugement entrepris ainsi que la décision sur réclamation du 9 juin 2011 doivent être annulés, car ladite décision de l'AFC-GE aurait dû être une décision de base de l'office cantonal de l'impôt anticipé (art. 52 LIA) et non une décision sur réclamation concernant l'impôt sur le revenu (art. 39 ss de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

De surcroît, la chambre de céans ne peut se prononcer sur le fond de la présente cause, c'est-à-dire sur la réalisation des conditions posées aux art. 21 ss LIA, dans la mesure où les dispositions applicables de procédure fiscale ne prévoient en matière de remboursement de l'impôt anticipé par les autorités cantonales qu'un seul degré de juridiction cantonal, lequel est assumé à Genève par le TAPI (art. 54 et 56 LIA ; art. 15 al. 2 du règlement d'application de diverses dispositions fiscales fédérales - RDDFF - D 3 80.04 ; ATA/822/2010 du 23 novembre 2010 consid. 3).

Le recours sera dès lors admis partiellement, et la cause renvoyée à l'AFC-GE pour que le courrier du contribuable du 11 février 2011 soit traité comme demande de remboursement de l'impôt anticipé au sens de l'art. 29 LIA.

Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Le recourant n'y ayant pas conclu, il ne lui sera pas alloué d'indemnité (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 juillet 2012 par Monsieur G______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mai 2012 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mai 2012 ainsi que la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 9 juin 2011 ;

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale au sens des considérants ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur G______, à l'administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

Mme Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :