Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/865/1999

ATA/192/2000 du 28.03.2000 ( JPT ) , REJETE

Descripteurs : RESTAURANT; HEURE D'OUVERTURE; EFFET SUSPENSIF DU RECOURS; COMMERCE DE STUPEFIANT; JPT
Normes : LRDBH.19; LRDBH.69; LRDBH.74; LRDBH.22
Résumé : La restitution de l'effet suspensif ayant été refusée par le TA, la fermeture temporaire a été exécutée et le recours n'a à cet égard plus d'objet. Etablissement servant de base à un trafic de stupéfiants. Confirmation d'une amende de CHF 5'000.- (récidive et extrême gravité des faits).

 

 

 

 

 

 

 

 

du 28 mars 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur K. H.

représenté par Me Christiane Pittet-Smati, avocate-stagiaire

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DE JUSTICE ET POLICE ET DES TRANSPORTS

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur K. H. est né le 25 janvier 19.. en Tunisie; il est domicilié dans le canton de Genève.

 

2. Le 26 octobre 1998, le département de justice et police et des transports (ci-après : le DJPT) a ordonné aux gendarmes du poste de Pécolat d'établir un rapport de renseignements sur deux établissements publics, dont le "Le X." (ci-après : le Le X.), sis ….

 

3. À l'occasion de l'enquête, les gendarmes ont entendu notamment M. H.. Ce dernier a déclaré, le 20 novembre 1998, qu'il était gérant du Le X., un tiers étant en possession de la patente. Il s'occupait lui-même de l'engagement du personnel, mais la comptabilité était faite par une fiduciaire. Il payait directement le loyer de l'établissement où il avait investi environ CHF 150'000.-, mais ne pouvait encore se verser de salaire. Quant au tiers titulaire de la patente, il était rémunéré CHF 15.- de l'heure et restait dans l'établissement à raison de quatre heures par jour, tous les jours de la semaine.

 

Lors de son audition le même jour, ce tiers a déclaré qu'il possédait une vitrerie et qu'il se rendait environ quatre fois par semaine au Le X., à raison de quatre heures par jour. Le personnel était engagé par M. H. et ce dernier le rétribuait environ CHF 15.- de l'heure pour sa présence. Il ne savait pas qui était le propriétaire du fond de commerce.

 

4. Il ressort du rapport de renseignements établi le 27 novembre 1998 que les gendarmes avaient inspecté à quatorze reprises entre le 2 et le 26 novembre 1998 le X. sans jamais y rencontrer le tiers prétendument exploitant.

 

5. Le 15 juin 1999, le DJPT a invité le tiers précité à se déterminer.

 

Le 2 juillet 1999, ce dernier a annoncé à l'autorité qu'il mettrait fin à sa collaboration avec le dénommé H. dès que ce dernier serait revenu de vacances.

 

Le 20 juillet 1999, le DJPT a infligé à cette personne une amende de CHF 4'000.-.

 

6. Le 15 juin 1999 toujours, M. H. a été invité à se déterminer sur les faits concernant le Le X., étant précisé qu'il lui était reproché d'exploiter l'établissement sans autorisation, ni certificat de capacité.

7. Le 20 juillet 1999, le DJPT a constaté que l'intéressé n'avait pas répondu à sa précédente lettre et lui a infligé une amende administrative d'un montant de CHF 2'000.-.

 

8. Le 5 août 1999, M. H. a été entendu par la brigade des stupéfiants de la police de sûreté. Il était propriétaire des lieux occupés par le X. depuis le mois de mars 1999. Il exploitait le X. en tant que propriétaire du fond, ce qu'il faisait auparavant comme sous-locataire des mêmes locaux, et ce depuis 1995. Il avait engagé au mois de juin 1999 un nouveau gérant, M. J.M. Hu.. Ce dernier était titulaire d'un certificat de capacité. En tant que gérant libre, il était l'unique responsable pour tout problème ayant trait à l'exploitation de l'établissement. Il avait noté lui-même la présence de nombreux Albanais dans les lieux et avait signalé la chose à M. H.. Il ignorait qu'on y avait trouvé des produits stupéfiants.

 

Une fouille de l'établissement conduite le 5 août également avait permis de trouver dans les lieux 5,4 grammes d'héroïne dans une poubelle, 5,4 autres grammes d'héroïne dans un paquet de cigarettes sous un banc, 4,5 grammes de cocaïne au même endroit et 42,2 grammes de haschisch. Derrière le bar, les policiers avaient retrouvé diverses enveloppes contenant de l'argent liquide et munies de pseudonymes. D'autres liasses de billets avaient été retrouvées dans un dépôt fermé à clé derrière le bar, pour une somme totale de CHF 16'685,50 et pour FF 12'400.-. Les policiers avaient découvert également des armes blanches, soit un Opinel et deux couteaux à cran d'arrêt, ainsi qu'un poignard muni d'une lame de seize centimètres. Des Natels avaient été trouvés derrière le bar et d'autres objets divers de provenance douteuse. Une visite domiciliaire effectuée chez l'exploitant de l'établissement, le dénommé Hu., avait permis de découvrir d'autres liasses de billets munies de noms de fantaisie. La serveuse de l'établissement avait reconnu être consommatrice de drogue depuis plusieurs années et avoir observé le trafic de produits stupéfiants qui se déroulait dans l'établissement.

 

9. Le même jour, l'officier de police compétent a ordonné la fermeture immédiate de l'établissement.

 

10. Le 6 août 1999, le DJPT a ordonné la fermeture de l'établissement pour une durée de quatre mois et a infligé à l'intéressé une amende administrative d'un montant de CHF 5'000.-

 

11. Le 7 septembre 1999, un avocat s'est constitué pour la défense des intérêts de M. H. et a déposé un acte de recours. Il a conclu à la restitution de l'effet suspensif et, sur le fond, à la réouverture de l'établissement ainsi qu'à l'annulation de l'amende de CHF 5'000.-.

 

12. Le 15 septembre 1999, le DJPT s'est exprimé sur la question de l'effet suspensif. L'établissement s'était transformé en un repère de trafiquants de drogue et il y avait lieu de maintenir la fermeture provisoire.

 

13. Le 17 septembre 1999, considérant notamment que la police avait trouvé des produits stupéfiants, des sommes d'argent dans des enveloppes munies de pseudonymes et des téléphones portables dans l'établissement concerné, le président du Tribunal administratif a rejeté la demande de restitution de l'effet suspensif en tant qu'elle avait un objet.

 

14. Le 14 octobre 1999, le DJPT a répondu au recours.

 

Le précédent exploitant, qui s'occupait d'une vitrerie, avait renoncé à recourir contre l'amende d'un montant de CHF 4'000.- et la suspension de la validité du certificat de capacité durant dix-huit mois, qui lui avaient été infligés. Le Le X. avait été fermé immédiatement le 5 août 1999 par l'officier de police compétent en raison du trafic de produits stupéfiants qui se développait tant dans qu'aux alentours de l'établissement. Plusieurs consommateurs avaient reconnu se fournir dans cet établissement où ils trouvaient des trafiquants. Quant au nouvel exploitant de l'établissement, il avait notamment reconnu avoir assisté à une transaction dans l'établissement, avoir accepté des enveloppes remplies d'argent en se doutant que ces sommes provenaient du trafic de la drogue et en avoir même déposé deux chez lui, le propriétaire de l'une d'entre elles étant détenu à Lausanne. Le propriétaire du fonds de commerce devait se laisser opposer l'article 19 alinéa 2 de la loi sur la restauration selon lequel, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21) et il répondait du trouble grave à l'ordre public que constituait le trafic de produits stupéfiants. Compte tenu de la gravité des infractions reprochées à l'intéressé en matière de maintien de l'ordre et de la grande légèreté dont il avait fait preuve, une amende administrative d'un montant de CHF 5'000.- était amplement justifiée. Il était enfin amplement justifié également du point de vue de l'intérêt public de fermer l'établissement pendant une durée de quatre mois.

 

15. Le 3 décembre 1999, le DJPT a informé le tribunal qu'il avait ordonné la levée des scellés, à l'échéance du délai de quatre mois fixé dans sa propre décision du 6 août 1999. Le recours ne conservait dès lors comme seul objet que l'amende administrative.

 

16. Le 6 décembre 1999, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable formellement (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. La LRDBH a pour but d'assurer qu'aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l'ordre public, en particulier la tranquillité et la moralité publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu'en raison de sa construction, de son aménagement, de son implantation (art. 2 al. 1 let. a LRDBH).

 

a. Le propriétaire qui n'entend pas se charger lui-même de l'exploitation de son établissement est tenu d'annoncer au département la personne à laquelle il la confie et qui en assume la responsabilité à l'égard de ce dernier et les manquements de l'exploitant sont opposables au propriétaire (art. 19 al. 1er et 2 LRDBH).

 

b. L'exploitant doit veiller au maintien de l'ordre dans son établissement et prendre toutes les mesures utiles à cette fin (art. 22 al. 1 LRDBH). Si l'ordre est sérieusement troublé ou menace de l'être, que ce soit à l'intérieur de l'établissement ou dans ses environs immédiats, il doit faire appel à la police (art. 22 al. 3 LRDBH).

 

L'officier de police compétent peut ordonner la fermeture d'un établissement pendant quatre jours, mesure que le département peut porter à quatre mois, voire à douze Si l'établissement est mal famé ou favorise la débauche (art. 69 al. 1er à 3 LRDBH).

 

La réouverture de l'établissement peut toutefois être autorisée avant l'expiration de la durée pour laquelle la fermeture a été prononcée, si toutes les mesures ont été prises pour assainir l'établissement et en garantir une exploitation régulière (art. 69 al. 4 LRDBH).

 

3. Le département peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- en cas d'infraction à la LRDBH et à ses dispositions d'application (art. 74 al. 1er LRDBH). Lorsque l'infraction a été commise dans la gestion d'une personne morale, notamment d'une société en nom collectif, la sanction est applicable aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale répondant solidairement de l'amende (art. 74 al. 3 LRDBH).

 

En l'espèce, l'amende est infligée au propriétaire du fond de commerce. Ce dernier peut donc justifier l'intérêt digne de protection fondant sa qualité pour recourir (art. 60 LPA).

 

4. Lorsque l'intérêt actuel au recours disparaît en cours de procédure, le recours doit être déclaré irrecevable (ATA E.A.A. du 7 septembre 1999, R. et société V. du 18 décembre 1998, commune de C.-B. du 17 mars 1998 et les références citées).

 

Vu le rejet par décision présidentielle du 17 septembre 1999 de la demande de restitution de l'effet suspensif, la mesure de fermeture temporaire a été exécutée jusqu'à son terme le 6 décembre 1999. Dès la réouverture de l'établissement ce jour-là, le recourant avait perdu tout intérêt au recours sur la question de la mesure de fermeture temporaire.

 

Ainsi, dans la mesure où il conteste la fermeture de l'établissement, le recours sera déclaré irrecevable.

 

5. a. La jurisprudence relative à l'article 22 LRDBH et à l'obligation de maintenir l'ordre précise que l'exploitant doit non seulement s'assurer que son établissement n'engendre pas un bruit excessif tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ce dernier, mais encore ne tolérer aucun désordre ou trouble dans son établissement et expulser, le cas échéant en faisant appel à la police, toute personne qui se comporte de manière inconvenante ou qui n'observe pas les injonctions de l'exploitant (ATA E.A.A. précité, S. du 13 avril 1999, B. du 24 mars 1998 et les références citées).

 

b. Il ressort des différents rapports de police déposés au dossier qu'un important trafic de produits stupéfiants s'était développé au sein même de l'établissement et également dans le voisinage.

 

Au demeurant, la question de savoir si l'échange final d'argent contre de la drogue se déroulait dans l'établissement ou à proximité est sans grande importance. Les appareils de téléphone portables ainsi que les fortes sommes d'argent trouvés dans les locaux prouvent que l'établissement servait à tout le moins de base pour un trafic de stupéfiants. De surcroît, il y a été trouvé également des armes qui sont autant de sources de troubles à l'ordre public.

 

Un trafic de stupéfiants n'est pas compatible avec l'ordre que l'exploitant doit veiller à maintenir, il équivaut à un trouble sérieux à l'occasion duquel l'exploitant doit appeler la police. Quant au propriétaire du fonds, comme on l'a déjà vu, il doit se laisser opposer les agissements de la personne qu'il a désignée comme exploitante, de sorte que le recourant ne saurait se réfugier derrière une prétendue ignorance de la réalité des faits. La violation de l'article 22 LRDBH doit donc être confirmée.

 

6. Il faut encore examiner la question de la quotité de l'amende infligée au recourant.

 

a. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister (ATA O. et T. Sàrl du 19 mai 1998, U. du 18 février 1997; P. MOOR, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, Berne 1991, ch. 1.4.5.5, pp. 95-96; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht : allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 4ème édition, Zurich 1994, p. 30). L'application des principes généraux du droit pénal aux sanctions administratives n'est plus contestée.

 

En droit cantonal, l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1981 (LPG - E 4 05) renvoie expressément aux dispositions générales du code pénal : Il y a lieu ainsi de faire application des règles contenues dans ces dispositions, comme la juridiction de céans l'a fait en matière d'exploitation d'établissements publics (RDAF 1997, pp. 100-103) sous réserve des exceptions prévues en matière contraventionnelle par le législateur cantonal qui a exclu l'application des articles 13, 14 (aujourd'hui abolis), 15 (idem), 48, 49, 50, 57 et 103 du code pénal du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0; cf. art. 24 LPG).

 

b. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, ne fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (André GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel 1994, pp. 646-648; ATA G. du 20 septembre 1994).

 

En l'espèce, il n'est pas contestable que le recourant a commis une faute et qu'il était de surcroît parfaitement au courant de la législation applicable, ayant déjà été sanctionné le 20 juillet 1999 pour infraction à la LRDBH déjà.

 

En raison précisément de la récidive, mais également de l'extrême gravité des faits reprochés au recourant, l'autorité intimée était fondée à lui infliger une amende administrative s'écartant très largement du montant minimum prévu par l'article 74 alinéa premier LRDBH (ATA O. et T. SARL précités, H. du 27 janvier 1998 et les arrêts cités). En effet, il y a lieu de réserver les sanctions de moindre importance aux infractions mineures et de sévir en cas d'infraction grave, comme en l'espèce, faute de quoi le principe de la proportionnalité serait vidé de toute substance. La décision du DJPT sur ce point n'est pas non plus critiquable.

 

7. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable.

 

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif :

 

rejette le recours interjeté le 7 septembre 1999 par Monsieur K. H. contre la décision du département de justice et police et des transports dans la mesure où il est recevable;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.-;

 

communique le présent arrêt à Me Christiane Pittet-Smati, avocate du recourant, ainsi qu'au département de justice et police et des transports.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci