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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3079/2021

ATA/176/2022 du 17.02.2022 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3079/2021-EXPLOI ATA/176/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 février 2022

1ère section

 

dans la cause

 

A______

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES



EN FAIT

1) A______ (ci-après : A______) est une société de droit suisse, domiciliée à ______ dans le canton de Vaud, dont le but social est « l'exploitation d'un laboratoire de microbiologie et de technologie alimentaires ; conseils et expertises en technologie alimentaire ».

2) Le 28 octobre 2020, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a commandé sur le site internet d'A______ le produit « perte de poids – complément alimentaire Fitalgan » (ci-après : le produit), référencé sous l'échantillon n° 1______ (ci-après : l'échantillon).

3) Le 5 novembre 2020, le SCAV a établi un rapport de prélèvement concernant ledit échantillon et a averti A______ de cet « achat-test » le 20 novembre 2020.

4) Par courrier recommandé du 3 février 2021, le SCAV a informé A______ que l'examen de l'échantillon avait révélé la présence d'extrait d'algues brunes (ci-après : l'extrait). À cet égard, il requérait d'A______ la production de plusieurs documents, à savoir une analyse de risque spécifique à la présence de cet ingrédient ; la fiche technique de celui-ci, y compris la nature de l'extrait, sa méthode de production et sa fonction dans l'échantillon ; ainsi que l'autorisation de commercialisation en tant que nouvelle sorte de denrée alimentaire ou la preuve qu'il s'agissait d'une denrée alimentaire dont la consommation humaine en Suisse ou dans les États membres de l'Union européenne (ci-après : UE) n'était pas négligeable avant le 15 mai 1997.

5) Dans sa réponse du 17 février 2021, A______ a transmis au SCAV plusieurs documents concernant l'ingrédient « ID-alG » (ci-après : l'ingrédient), fait d'extraits d'algue brune (ascophyllum nodosum) et de raisin (vitis vinifera), fabriqué par l'entreprise Nexira sise en France.

Le « statut légal » de l'ingrédient établi par Nexira le 27 septembre 2017 concluait que celui-ci n'était pas considéré comme une « Novel Food » (ci-après : NF) au sens du droit européen applicable. Celui-ci était autorisé comme complément alimentaire dans plusieurs États membres de l'UE, comme la France, la Belgique, l'Italie, le Danemark et la Slovénie, et figurait dans le catalogue des NF établi par la Commission européenne. Le rapport d'analyse du 21 octobre 2019 indiquait notamment une concentration des tannins de 41,5 %. La brochure sur les données techniques de l'ingrédient précisait que celui-ci revêtait des « propriétés remarquables de gestion du poids en lien avec des activités spécifiques d'inhibition d'enzymes. [ ] les molécules actives de l'ID-alG, phlorotannins de l'extrait d'ascophyllum nodosum, mis en évidence in vitro, une puissante activité d'inhibition des deux principaux enzymes digestifs, lipase et amylase. En inhibant les enzymes digestives des glucides et des graisses, ces phlorotannins spécifiques auraient la capacité de réduire l'efficacité et de limiter l'apport calorique ».

6) Selon le rapport d’analyse-décision du 29 avril 2021, le SCAV a prononcé à l'encontre d'A______, d'entente avec le chimiste cantonal du canton de Vaud (soit l'office de la consommation du canton de Vaud - ci-après : OFCO), les mesures suivantes :

- les denrées alimentaires contenant des ingrédients considérés comme « nouvelle sorte de denrée alimentaire » ne devaient ni être commercialisées ni être utilisées dès lors qu'elles n'avaient pas été autorisées au sens des art. 16 et 17 de l’ordonnance sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 16 décembre 2016 (RS 817.02 - ODAIOUs). Le solde de la marchandise devait être retiré du commerce avec effet immédiat ;

- l'ensemble des allégations de santé non autorisées devait être supprimé de ses étiquettes, documents publicitaires et site internet afin de les rendre conformes au droit alimentaire en vigueur ;

- les causes devaient être élucidées et les mesures correctives appropriées au sens de l'art. 34 al. 3 de la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 20 juin 2014 (RS 817.0 - LDAI) prises. Mettre en place ou modifier son autocontrôle afin de veiller, dans le cadre de son activité, à ce que les marchandises soient conformes aux exigences légales au sens de l'art. 26 LDAI ;

- l'OFCO devait être mis au courant des informations de traçabilité pour la marchandise concernée, des quantités totales de marchandises importées, encore en stock, vendues ou retirés du commerce et des mesures correctives mises en place au sens de l'art. 34 al. 3 LDAI.

Pour les trois dernières mesures, un délai au 21 mai 2021 était imparti.

Il était retenu que l'échantillon ne correspondait pas aux exigences légales pour les motifs suivants :

- le procédé de préparation de l'ingrédient modifiait de façon significative la composition et la structure par rapport à l'algue brune dans son ensemble. L'extrait était dès lors à considérer comme une nouvelle sorte de denrée alimentaire, par opposition à l'algue brune qui ne l'était pas. L'utilisation de cet ingrédient dans une denrée alimentaire nécessitait une autorisation préalable de l'office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (ci-après : OSAV) afin de pouvoir être commercialisée ;

- une allégation de santé, que ce soit sous la forme de message ou de représentation graphique, qui affirmait, suggérait ou impliquait l'existence d'une relation entre une denrée alimentaire et la santé était interdite sauf si explicitement autorisée par l'OSAV. En particulier, la mention sur le produit suggérant que cette denrée « bloquait » les graisses et le sucre ainsi que les allégations de santé « active la perte de poids » et « en cas de problème de poids » sur le site internet https://naturiva.ch n'étaient pas autorisées. Ces indications suggérant que cette denrée alimentaire possédait des propriétés particulières que les autres denrées semblables ne possédaient pas étaient trompeuses.

7) Le 14 mai 2021, A______ a formé opposition contre cette décision.

Le SCAV n’était pas compétent ratione loci, son siège étant dans le canton de Vaud.

Le produit était conforme à la législation alimentaire puisque l’algue brune utilisée dans la production de l’échantillon contesté était autorisée par le catalogue NF de l’UE et que la méthode d’extraction n’altérait ni ne modifiait la composition de la matière première.

Était joint un rapport dit « de conformité réglementaire en vue de la mise sur le marché suisse de compléments alimentaires à base de plantes » établi par le cabinet de conseil juridique LegSys (à Neuchâtel) le 10 juillet 2020, mis à jour le 10 mai 2021, selon lequel notamment « cette algue figur[ait] dans les listes positives française, belge et italienne notamment, ce qui démontr[ait] bien son utilisation en denrées alimentaires au sein de l'UE. Il n'[était] donc pas nécessaire de démontrer son usage avant mai 1997. [ ] l'algue ascophyllum nodosum [devait] être considérée au sens du droit suisse comme une denrée alimentaire ayant fait l'objet d'une utilisation suffisante au sein de l'UE ou en Suisse avant 1997 et ne nécessit[ait] pas d'autorisation pour sa mise sur le marché suisse dans une denrée alimentaire. [ ] l'extraction à l'eau chaude [pouvait] être considérée comme une infusion, purement et simplement. Cette opération ne dénatur[ait] pas la matière première et n'en change[ait] pas la composition. Dans le cas contraire, tous les ingrédients utilisés en infusion seraient dénaturés. Le reste du processus n'[était] que filtration et stabilisation-homogénéisation. Aucune de ces étapes ne [pouvait] amener une transformation de l'ingrédient ou de sa structure ».

8) Par décision du 11 août 2021, le SCAV a rejeté cette opposition.

Il était compétent, l’échantillon contesté étant vendu sur le territoire genevois.

Celui-ci était composé d'un extrait et non de l'algue brune en elle-même. Compte tenu du processus d'ultrafiltration et de séchage utilisé in casu, la composition de l'extrait était différente de celle de l'algue brune dans son ensemble, car elle était modifiée de façon significative dans sa composition et sa structure. Ainsi, il s'agissait d'une nouvelle sorte de denrée alimentaire, laquelle ne pouvait être mise sur le marché sans autorisation de l'OSAV. Il ne ressortait pas du dossier qu'A______ aurait obtenu dite autorisation préalable de commercialisation de produits composés d'extrait auprès de l'OSAV.

Les mesures ordonnées étaient proportionnelles, puisque nécessaires et aptes à atteindre les intérêts publics qu'étaient la protection des consommateurs et la santé publique. La mesure n° 1, soit le retrait du solde de la marchandise présente dans le commerce avec effet immédiat puisqu'il s'agissait d'une NF, permettait d'empêcher les consommateurs de se procurer et de consommer ce complément alimentaire dont on ne connaissait pas les effets sur la santé. Le rappel étant l'ultima ratio, le seul prononcé d'un retrait était proportionnel en l'espèce. Concernant la mesure n° 3, l'autocontrôle étant l'un des devoirs fondamentaux de toute entreprise ou individu agissant dans le domaine alimentaire, il était crucial qu'A______ l'améliore et s'y conforme. Celle-ci était libre dans la manière d'appliquer cette mesure, ce qui était conforme à la jurisprudence récente qui avait jugé un cas similaire comme proportionné.

9) Par acte du 14 septembre 2021, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant principalement, à son annulation et à la constatation de l'incompétence du SCAV pour ordonner des mesures administratives à une entreprise sise sur le territoire vaudois, et subsidiairement, à la constatation que l'extrait était une denrée alimentaire autorisée au sens du droit alimentaire suisse et européen. Elle demandait également la restitution de l'effet suspensif au recours.

Le droit fédéral déléguait l’exécution de la surveillance aux cantons, notamment par le biais des organes d’exécution qu’étaient les vingt-six chimistes cantonaux. Chaque canton était donc souverain sur son territoire, conformément au commentaire de l’art. 52 LDAI. L’incohérence de la compétence du SCAV aboutissait à une double vérification, illogique, du produit. En effet, l'OFCO avait effectué une vérification approfondie de ses produits le 1er octobre 2020, y compris celle du produit concerné, dont il avait sanctionné l’étiquetage, mais avait déclaré la composition conforme. Il était donc choquant qu’une seconde entité administrative, extérieure à son canton de résidence, puisse, quelques mois plus tard, rendre une décision contraire sans coordination aucune avec l’autorité cantonale compétente. Au surplus, le SCAV ordonnait une mesure sur l’étiquetage qui était déjà en cours et qui bénéficiait d’un délai dans le cadre de la procédure de contrôle par l'OFCO. La coordination et la communication entre les deux chimistes cantonaux semblaient donc inexistantes. L’insécurité ainsi créée était incompréhensible et préjudiciable à la sécurité des administrés. Il n'existait aucune délégation de compétence permettant au SCAV de sanctionner un établissement dont le siège n'était pas dans son canton. La coordination voulait qu'il dénonce l'infraction constatée au chimiste compétent pour exécution et respect du droit administratif cantonal.

Le SCAV considérait à tort que l’ultrafiltration et le séchage créaient une nouvelle sorte de denrée alimentaire, sans preuve que la composition de l'extrait était différente de celle de l'algue brune. Il s’était fondé sur une définition unique et étroite du début des années 1990. Le processus d’ultrafiltration n’ajoutait rien, mais enlevait et était utilisé pour la clarification, la concentration, le dessalage ou la purification, de manière quasi généralisée dans la fabrication des jus de fruits et légumes, et de manière très régulière dans la filtration du vin et de la bière, du fromage, du beurre et de nombreux produits laitiers et écrémés notamment. Il s’agissait d’un processus permettant d’améliorer la sécurité des aliments tout en évitant les traitements thermiques néfastes. Ces utilisations ne transformaient pas les denrées alimentaires soumises au processus de filtration en nouvelle sorte de denrées alimentaires et aucune d’entre elles n’avait jamais été contestée par une autorité suisse ou européenne. Le fabricant de la denrée alimentaire avait confirmé que les autorités européennes, notamment françaises, belges ou italiennes, ne considéraient pas cet extrait comme une NF. Ce faisant, la Suisse n’était pas autorisée à considérer ladite denrée autrement que l’UE. Le rapport de LegSys confirmait ce point de vue.

Le SCAV affirmait qu'un extrait issu d'une ultrafiltration et d'un séchage créait une nouvelle sorte de denrée alimentaire, sans preuve que la composition de l'extrait était alors différente de celle de l'algue. En affirmant qu'un processus de filtration utilisé largement depuis le début des années 1990 dans l'industrie
agro-alimentaire et dont la sécurité n'avait encore jamais été remise en question jusqu'à aujourd'hui, permettait à lui seul de transformer une denrée alimentaire autorisée en nouvelle sorte de denrée alimentaire nécessitant une autorisation de mise sur le marché, le SCAV se méprenait sur le processus. La filtration n'ajoutait rien, puisque, par définition, elle enlevait.

À l'appui de ses écritures, la recourante a notamment produit :

- une facture portant sur l'achat de 5 kg d'ingrédient à la société ______ sise en Suisse ;

- un courriel du 3 décembre 2021 du directeur des ventes pour l'exportation de Nexira précisant que cette société avait « en 2020 commercialisé environ 2'000 kg d'ascophyllum nodosum (sous forme individuelle ou en combinaison avec d'autres produits comme ID-alG sur l'Europe) dont 650 kg en France [ ] ». Une liste de produits contenant l'ingrédient et commercialisés en France était indiquée ;

- une copie de la décision de l'OFCO du 1er octobre 2020 portant notamment sur le produit, dont l'étiquetage et certaines allégations avaient été déclarés non conformes. Aucune substance active interdite n'avait été décelée ;

- un rapport de Nexira du 9 septembre 2021 sur la réglementation NF concernant l'extrait précisant qu'il « pouvait être considéré que l'ultrafiltration [allait] modifier la composition de l'extrait puisque certains composés [allaient] être partiellement éliminés. Cependant, il ne s'agi[ssait] pas de modifications significatives et ce procédé ne modifi[ait] pas la structure de l'extrait puisqu'il s'agi[ssait] d'un procédé de séparation physique. La structure des composés initialement présents dans l'algue n'[était] pas modifiée. [Elle ne disposait pas] d'analyses détaillées permettant de comparer l'algue avec l'extrait d'algue. Néanmoins, en consultant des données générales de composition nutritionnelle des algues, [elle constatait] que les faibles différences observées avec l'extrait d'algue ne permett[aient] pas de témoigner d'un changement significatif dans la composition et la structure. Par ailleurs, le procédé d'ultrafiltration [était] largement utilisé en alimentaire au sein de l'UE depuis le début des années 1990 : dans les produits laitiers et dans les boissons notamment. [ ] En l'état actuel de ses connaissances, [elle confirmait] que l'extrait d'ascophyllum nodosum ne rentr[ait] pas dans le champ d'application du règlement (CE) n° 2283/2015 sur les nouveaux aliments. Depuis presque vingt ans, cet ingrédient entr[ait] dans la composition de compléments alimentaires qui [avaient] été déclarés auprès des autorités nationales et approuvées par celles-ci pour mise sur le marché. Le statut de non NF n'[avait] jamais été remis en cause par les États membres. [ ] [Elle considérait] donc que l'extrait d'ascophyllum nodosum ne répond[ait] pas à la définition de "nouvelle sorte de denrée alimentaire" ».

10) Dans ses déterminations sur effet suspensif, le SCAV a conclu préalablement à la confirmation de sa compétence et du retrait de l'effet suspensif, et principalement, au rejet du recours.

11) Dans ses écritures responsives, le SCAV a maintenu ses conclusions.

Comme il était un laboratoire d'analyse certifié ISO 17025 et qu'il employait des chimistes diplômés, il était qualifié pour se prononcer sur le changement de composition d'une denrée alimentaire par le processus utilisé in casu. Les constatations étaient également basées sur les documents produits par la recourante, selon lesquels il était admis qu'il y avait eu modification par le procédé d'ultrafiltration. Il en ressortait que l'échantillon contesté contenait 41 % de tannins, alors que l'algue brune en contenait habituellement moins de 5 % (par rapport à l'algue sèche). La concentration en phloroglucinol avait donc été augmentée d'un facteur 8. La recourante admettait que la composition avait changé puisqu'elle indiquait que la filtration n'ajoutait rien, mais enlevait par définition. Le changement opéré par ultrafiltration de l'algue brune pour créer l'ingrédient était bien un changement significatif recherché par la recourante. Son objectif était de promouvoir un principe actif amincissant par l'inhibition des enzymes lipase et amylase, propriétés que l'algue brune n'avait pas. Cette dernière avait donc subi une modification notable, au regard de sa teneur en phloroglucinol ou encore de ses propriétés nouvelles prétendument amaigrissantes, par le processus utilisé pour créer son extrait.

La recourante n'avait pas été en mesure d'attester d'une consommation humaine du produit non négligeable en Suisse et en UE avant le 15 mai 1997. Elle s'était contentée de produire une brochure de son fournisseur dont il ressortait que les Japonais considéraient les algues comme les légumes de la mer et elles étaient consommées depuis des centaines d'années dans le monde entier. Elle admettait que l'extrait en question était une nouvelle sorte de denrée alimentaire puisque déclarée auprès d'autorités nationales européennes depuis près de vingt ans, soit après la date du 15 mai 1997. Ni le produit, ni l'ingrédient, ni l'extrait n'étaient listés dans le règlement d'exécution (UE) 2017/2470 de la Commission du 20 décembre 2017 établissant la liste de l'Union des nouveaux aliments conformément au règlement (UE) 2015/2283 du Parlement européen et du Conseil relatif aux nouveaux aliments.

Il n'était pas contesté que le processus d'ultrafiltration était courant en technologie alimentaire, toutefois son usage différait en l'occurrence puisqu'un enrichissement d'une certaine structure moléculaire était recherché. La composition de l'extrait était par conséquent différente de celle de l'algue brune dans son ensemble car modifiée de façon significative dans sa composition et sa structure. L'extrait issu d'une ultrafiltration et d'un séchage de l'algue brune était une nouvelle sorte de denrée alimentaire et ne pouvait ainsi être mis sur le marché sans une autorisation de l'OSAV. La recourante n'avait pas prouvé l'absence de risque pour la santé que présentait l'échantillon, composé notamment de l'extrait. Les analogies effectuées par la recourante avec d'autres processus de filtration n'étaient pas pertinentes car l'innocuité d'un procédé technologique utilisé sur une denrée alimentaire tel qu'un fruit ne pouvait être comparée à l'utilisation d'un procédé similaire sur une algue. Ce n'était pas le procédé de fabrication qui définissait si un extrait était autorisé, mais bien l'extrait lui-même dont la composition devait faire l'objet d'une évaluation spécifique. La classification de l'extrait en tant que NF était confirmée.

Au surplus, l’autorité intimée maintenait que, sous l'angle de la proportionnalité, les mesures prononcées étaient nécessaires et aptes à atteindre les intérêts publics visés, soit la protection des consommateurs et la santé publique.

12) Par décision présidentielle du 20 octobre 2021 (ATA/1107/2021), la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours, en réservant le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé sur le fond.

13) Par courrier du 2 novembre 2021, le SCAV a transmis la traduction requise de certaines pièces versées au dossier, ainsi qu'une copie de la lettre d'information 2021/7 de l'OSAV du 29 octobre 2021 intitulée « Autocontrôle pour les substances non réglementées dans les compléments alimentaires ».

14) A______ a répliqué, en persistant dans ses conclusions et précédents développements.

Il n'était pas contesté que le fait de procéder à une extraction sur une algue brune allait apporter des modifications à ses valeurs nutritionnelles puisque c'était bien le but recherché d'un tel procédé. De même, effectuer une filtration, qu'elle soit ultra ou ordinaire, allait nécessairement modifier ce même profil nutritionnel puisque certains éléments allaient être éliminés. Il était en revanche contesté que cela soit significatif d'un point de vue nutritionnel et au regard du droit alimentaire. Il ne s'agissait pas d'un changement notable conférant à l'extrait des caractéristiques très différentes de la plante originale. Les constatations du SCAV se fondaient sur un seul document pour caractériser la quantité habituelle de l'algue en tannins alors que les sources plus générales admettaient des valeurs plutôt variables allant de moins de 1 % à près de 112 %. Or, il s'agissait alors d'une concentration de principes actifs existants et non de modification notable de la structure des composants. Le SCAV ne prenait pas en compte le fait que ledit extrait était commercialisé en Suisse par la société B______. Il n'avait pas non plus considéré le statut de l'algue brune au regard du droit alimentaire européen.

Si le SCAV était très compétent en matière de chimie, il se fourvoyait dans l'interprétation de la réglementation alimentaire, ce que son résumé des éléments confirmait. Du fait de la validation de sa consommation significative avant le 15 mai 1997 dans l'UE par sa présence dans le catalogue NF de l'UE, l'algue brune ne pouvait être soumise à la règlementation NF ni nécessiter une autorisation de mise sur le marché. Lorsque la législation applicable mentionnait les algues ou les plantes, elle incluait systématiquement au même titre que la plante de base « des parties de végétaux, ou qui sont isolées ou produites à partir de végétaux ou de parties de végétaux ». La consommation d'extrait de plante, qui par définition se faisait en petite quantité par rapport à la denrée alimentaire de base, n'apportait souvent pas plus de principes actifs au consommateur que la denrée alimentaire consommée entière. La concentration des tannins dans une capsule du produit n'apparaissait pas significativement éloignée d'une consommation alimentaire ordinaire pour être remise en question au regard de la sécurité alimentaire. Les considérations du SCAV sur le caractère NF de l'extrait revenaient à remettre en question l'intégralité des extractions et une grande partie des denrées alimentaires désormais sur le marché, surtout en matière de complément alimentaire. Aucune des deux conditions nécessaires à la classification de l'extrait en NF n'était remplie in casu.

Compte tenu du caractère bien connu et « sécure » de l'algue brune, il n'apparaissait pas opportun d'exiger le retrait du produit dès lors que le consommateur était en mesure de se procurer d'autres produits similaires avec le même extrait sans aucune difficulté, que ce soit en Suisse ou en France. Vu qu'elle avait acheté valablement l'extrait auprès d'un fournisseur en Suisse, qu'elle avait fait valider l'utilisation de cet extrait par un expert en droit alimentaire et qu'elle avait obtenu du fabricant la validation de la légalité de l'extrait sur sol européen, il devenait difficile de contester ses méthodes d'autocontrôle.

15) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 69 et 70 al. 2 LDAI ; art. 14 de la loi d'application de la législation fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 13 septembre 2019 - LaLDAI - K 5 02 ; art. 19 du règlement d'exécution de la LaLDAI du 5 février 2020 - RaLDAI - K 5 02.01).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 11 août 2021 prononçant plusieurs mesures, soit le retrait du solde du produit présent dans le commerce avec effet immédiat, la suppression des allégations de santé litigieuses sur l’emballage, les sites Internet et les documents publicitaires, l’amélioration de l’autocontrôle et l’obligation d’informer l’autorité vaudoise de la mise en place desdites mesures, dans un délai au 21 mai 2021.

3) La recourante conteste la compétence rationae loci de l'intimé, compte tenu du fait que son siège social se trouve dans le canton de Vaud.

a. La LDAI, entrée en vigueur le 1er mai 2017, a notamment pour but de protéger la santé du consommateur des risques présentés par les denrées alimentaires qui ne sont pas sûres, de le protéger contre les tromperies et de mettre à sa disposition les informations nécessaires à l'acquisition de denrées alimentaires (art. 1 let. a, c et
d LDAI). La LDAI s'applique à la manipulation des denrées alimentaires,
c'est-à-dire à leur fabrication, leur traitement, leur entreposage, leur transport et leur mise sur le marché (art. 2 al. 1 let. a LDAI), à leur étiquetage et à leur présentation, ainsi qu'à la publicité et à l'information relatives à ces produits (art. 2 al. 1
let. b LDAI). Elle s'applique à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, y compris la production primaire (art. 2
al. 2 LDAI).

Selon l'art. 47 LDAI, les cantons exécutent la LDAI dans la mesure où la Confédération n’est pas compétente (al. 1). Ils pourvoient au contrôle des denrées alimentaires et des objets usuels à l’intérieur du pays (al. 2).

Les cantons coordonnent l’exécution, sur leur territoire, de la législation sur les denrées alimentaires et les objets usuels, de la fabrication à la remise au consommateur (art. 51 al. 1 LDAI). Le chimiste cantonal exécute la LDAI dans le domaine des denrées alimentaires et des objets usuels. Il est autonome dans l’exercice de cette tâche (art. 51 al. 2 LDAI). Le détail de l’organisation des rapports entre les différents organes d’exécution incombe aux cantons et n’est pas déterminé au niveau de la loi (Message relatif à la LDAI du 25 mai 2011, FF 2011 5181, p. 5238).

La LaLDAI fixe les modalités d’application dans le canton de la législation fédérale (art. 1 LaLDAI). Le chimiste cantonal dirige le contrôle des denrées alimentaires et des objets usuels et coordonne les activités de laboratoire et d’inspections (art. 3 al. 1 LaLDAI). Les autorités chargées de l’exécution de la présente loi peuvent effectuer des achats-tests afin de vérifier si les dispositions de la législation fédérale et cantonale sont respectées (art. 11 al. 1 LaLDAI). Les résultats des achats-tests ne peuvent être utilisés dans des procédures pénales et administratives que si : les inspecteurs et contrôleurs ont agi dans le cadre de leur activité professionnelle (let. a) ; les achats-tests ont été organisés par le chimiste cantonal (let. b) ; les achats-tests ont fait immédiatement l’objet d’un rapport et ont été documentés (let. c ; art. 11 al. 2).

L'art. 1 al. 2 RaLDAI précise que le SCAV contrôle les denrées alimentaires et les objets usuels dans les domaines de la fabrication, du traitement, de l'entreposage, du transport et de la distribution, ainsi que de la production primaire d'origine végétale. Il a notamment les tâches et attributions suivantes : il réalise des contrôles (inspections, achats-tests, prélèvements d'échantillons, analyses) et prononce des contestations (let. a) ; il ordonne des mesures administratives en application de la législation fédérale et cantonale (let. b) ; il collabore avec la Confédération et les autres cantons, en particulier ses homologues romands, dans la mesure nécessaire à l'application de la loi et du présent règlement; il reçoit des administrations concernées, telles que le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir et l'office des autorisations de construire, des Services industriels de Genève et des communes toute information utile relative aux commerces de denrées alimentaires et d'objets usuels (let. d). Le chimiste cantonal collabore avec les autres cantons romands en vue de l'exécution du droit alimentaire et réalise des activités coordonnées avec ces derniers (art. 3 al. 1 RaLDAI).

b. En l'occurrence, le 28 octobre 2020, l'intimé a procédé à un achat-test sur le site internet de la recourante, dont il a informé cette dernière le 20 novembre 2020.

Contrairement aux allégations de la recourante, la compétence de l'intimé résulte des lois fédérale et cantonale applicables. Il appartient, en effet, au SCAV d'assurer l'exécution de ladite législation sur le territoire genevois, dès lors que celle-ci est liée à la remise de denrées alimentaires au consommateur. Tel est bien le cas en l'espèce, puisque, par l'intermédiaire d'un achat-test prévu par la loi, le produit commercialisé par la recourante a été adressé à l'intimé sur le territoire genevois.

Le SCAV était donc compétent pour rendre la décision querellée, en se coordonnant avec son homologue vaudois. Cette approche est conforme à la jurisprudence récente de la chambre de céans concernant un cas similaire (ATA/1213/2021 du 10 novembre 2021 consid. 4).

4) La recourante reproche à l'intimé d'avoir considéré l'extrait d'algue brune présent dans le produit comme une nouvelle sorte de denrée alimentaire, nécessitant une autorisation de l'OSAV afin de pouvoir être commercialisée.

a. L'art. 4 al. 1 LDAI définit les denrées alimentaires comme l'ensemble des substances ou des produits transformés, partiellement transformés ou non transformés qui sont destinés à être ingérés ou dont on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'ils soient ingérés par l'être humain. Sont également considérées comme telles notamment toute substance incorporée intentionnellement dans la denrée alimentaire au cours de sa fabrication, de sa transformation ou de son traitement (art. 4 al. 2 let. c LDAI), mais non les médicaments (art. 4 al. 3
let. d LDAI). Le terme de denrées alimentaires englobe dès lors également des produits qui ne sont pas destinés à la constitution et à l'entretien de l'organisme humain ; est déterminant le fait que la denrée alimentaire soit destinée à être ingérée par l'être humain, ou qu'il soit raisonnablement attendu à ce qu'elle le soit (Message relatif à la LDAI du 25 mai 2011, FF 2011 5181, p. 5208). Font notamment partie des denrées alimentaires les algues telles qu'algues brunes, qui sont habituellement préparées comme des légumes ou consommées en tant que telles, en tant que produits végétaux non transformés, destinés à l’alimentation humaine (art. 1 let. d ch. 1 et 24 al. 2 let. i de l'ordonnance du département fédéral de l'intérieur [ci-après : DFI] sur les denrées alimentaires d'origine végétale, les champignons et le sel comestible du 16 décembre 2016 - ODAIOV - RS 817.022.17).

Selon l'art. 7 al. 1 LDAI, seules des denrées alimentaires sûres peuvent être mises sur le marché. Tel n'est pas le cas lorsqu'elles sont préjudiciables à la santé ou impropres à la consommation humaine (al. 2). Pour le déterminer, doivent notamment être prises en compte les conditions normales d'utilisation des denrées alimentaires par le consommateur (al. 3 let. b) ou les informations fournies au consommateur, ou d’autres informations généralement accessibles concernant la prévention d’effets préjudiciables à la santé liés à une denrée alimentaire ou à une catégorie de denrées alimentaires (al. 3 let. c). Le Conseil fédéral peut introduire une obligation d'autorisation ou de notification notamment pour les nouvelles sortes de denrées alimentaires (al. 5 let. a).

Quiconque notamment fabrique et met sur le marché des denrées alimentaires doit veiller à ce que les exigences fixées par la loi soient respectées et est tenu au devoir d'autocontrôle (art. 26 al. 1 LDAI).

b. Selon l'art. 15 al. 1 let. g ODAIOUs, les nouvelles sortes de denrées alimentaires sont celles dont la consommation humaine en Suisse ou dans les États membres de l’UE était négligeable avant le 15 mai 1997, en particulier les denrées alimentaires résultant d’un procédé de fabrication qui n’était pas utilisé avant le 15 mai 1997, qui entraîne des modifications significatives dans leur composition ou leur structure, lesquelles affectent leur valeur nutritionnelle, le type de leur métabolisme ou leur teneur en substances indésirables.

Les nouvelles sortes de denrées alimentaires peuvent être mises sur le marché si le DFI les a désignées dans une ordonnance comme pouvant l'être ou si l'OSAV les a autorisées conformément à l'art. 17 ODAIOUs (art. 16 ODAIOUs). Sur cette base, le DFI a adopté l'ordonnance sur les nouvelles sortes de denrées alimentaires du 16 décembre 2016 (RS 817.022.2) qui contient, en annexe, une liste de nouvelles sortes de denrées alimentaires pouvant être mises sur le marché sans autorisation, laquelle ne mentionne pas l’algue brune. Elle mentionne en revanche toutes les denrées alimentaires qui peuvent être mises sur le marché selon le règlement (UE) 2015/2283 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relatif aux nouveaux aliments (JO L 327 du 11.12.2015, p. 1).

D'après l'art. 6 al. 1 du règlement (UE) 2015/2283, la Commission européenne établit et met à jour une liste de l'UE faisant apparaître les nouveaux aliments autorités à être mis sur le marché dans l'UE, qui figure dans l'annexe du règlement (UE) 2017/2470 la Commission du 20 décembre 2017 établissant la liste de l'Union des nouveaux aliments conformément au règlement (UE) 2015/2283 (JO L 351 du 30.12.2017, p. 72). L'algue brune, l'ID-alG ou l'extrait d'ascophyllum nodosum ne figure pas dans ladite liste.

c. Le site internet du catalogue NF de l'UE énumère les produits d’origine animale et végétale et les autres substances soumises au règlement sur les NF, sur la base des informations fournies par les États membres de l’UE. Il s’agit d’une liste non exhaustive qui sert d’orientation sur la question de savoir si un produit aura besoin d’une autorisation en vertu du règlement sur les NF. Les pays de l’UE peuvent restreindre la commercialisation d’un produit au moyen d’une législation spécifique. Pour information, les entreprises devraient s’adresser à leurs autorités nationales. Dans certains cas, il fournit des informations sur les antécédents d’utilisation des compléments alimentaires et des ingrédients utilisés exclusivement dans les compléments alimentaires dans les pays de l’UE. Si des aliments et/ou des ingrédients alimentaires ont été utilisés exclusivement dans des compléments alimentaires, les nouvelles utilisations dans d’autres aliments doivent être autorisées en vertu du règlement sur les NF. (https://ec.europa.eu/food/safety/novel-food/novel-food-catalogue_fr, consulté le 1er février 2021).

S'agissant en particulier de l'ascophyllum nodosum et du statut de celle-ci, le catalogue NF de l'UE précise que ce produit était sur le marché en tant qu'aliment ou ingrédient alimentaire et consommé dans une mesure significative avant le 15 mai 1997. Son accès au marché n'est donc pas soumis au règlement sur les NF (UE) 2015/2283. Cependant, d'autres législations spécifiques peuvent restreindre la mise sur le marché de ce produit en tant qu'aliment ou ingrédient alimentaire dans certains États membres.

d. En l'espèce, compte tenu des dispositions légales applicables suscitées, il convient de déterminer si la recourante pouvait commercialiser son produit, composé d'extrait d'algue brune, sans bénéficier d'une autorisation de l'OSAV à cette fin.

Il ressort du rapport de Nexira du 9 septembre 2021 produit par la recourante que, s'il pouvait être considéré que le procédé d'ultrafiltration allait modifier la composition de l'extrait puisque certains composés allaient être partiellement éliminés, la structure des composés initialement présents dans l'algue n'était pas modifiée. Cependant, l'art. 15 al. 1 let. g ODAIOUs ne vise pas des modifications significatives des composants de la denrée alimentaire concernée, mais bien des modifications significatives de la composition ou de la structure de la denrée en question, lesquelles affectent sa valeur nutritionnelle, le type de son métabolisme ou sa teneur en substances indésirables. Dès lors qu'en l'occurrence, le but de l'ultrafiltration de l'algue brune est bien d'obtenir une concentration des tannins afin de générer le prétendu effet amincissant recherché, force est de constater que l'algue brune subit effectivement une modification significative. Nexira affirme également que, depuis près de vingt ans, l'ingrédient entrait dans la composition de compléments alimentaires qui avaient été déclarés auprès des autorités nationales et approuvées par celles-ci pour mise sur le marché. Or, une consommation éventuelle depuis près de vingt ans n'est pas antérieure au 15 mai 1997. De plus, le fait que seuls certains États membres en autoriseraient la commercialisation ne justifie encore pas d'une autorisation généralisée au sein de l'UE. La recourante ne peut donc tirer du rapport de Nexira la conclusion que l’utilisation de l'extrait d'algue brune comme complément alimentaire serait autorisée au sein de l’UE.

Par ailleurs, si le catalogue NF de l'UE mentionne l'ascophyllum nodosum, les règlements européens applicables depuis le 15 mai 1997 ne comportent aucune mention de l'extrait d'algue brune, ni de l'ID-alG. En l'occurrence, contrairement aux allégations de la recourante, il ne s'agit in casu pas uniquement de la consommation d'algue brune, laquelle correspondrait dans cette hypothèse à la définition d'un végétal non transformé destiné à l'alimentation humaine au sens de l'art. 1 let. d ch. 1 et 21 al. 1 ODAIOV. Au contraire, il est fait référence à un processus de fabrication spécifique permettant d'aboutir à un extrait obtenu à partir de l'algue brune, laquelle ne constitue pas le légume lui-même au sens juridique du terme. Le fait que certains États membres de l'UE l'autorisent ne dispense pas le fabricant du complément alimentaire de s'adresser à l'autorité nationale, seule compétente, pour s'assurer du fait que la commercialisation de celui-ci est autorisée. Finalement, l'achat par la recourante de l'ingrédient auprès de la société B______ n'indique encore pas que cette dernière bénéficierait de l'autorisation requise pour le commercialiser en Suisse.

Force est donc de constater que les conditions nécessaires à l'utilisation de l'extrait d'algue brune ne sont pas remplies. La recourante devait solliciter une autorisation de l'OSAV à cette fin. À défaut de l'avoir fait et obtenue, c'est à juste titre que l'intimé a retenu que le produit ne pouvait être commercialisé.

5) Quand bien même le produit aurait pu être commercialisé sans autorisation, la recourante se voit également reprocher des allégations de santé trompeuses sur les étiquettes, documents publicitaires et son site internet.

a. Selon l’art. 18 LDAI, toute indication concernant des denrées alimentaires doit être conforme à la réalité (al. 1). La présentation, l’étiquetage et l’emballage des produits visés à l’al. 1 ainsi que la publicité pour ces produits ne doivent pas induire le consommateur en erreur (al. 2).

Ces principes sont repris et détaillés à l’art. 12 ODAIOUs, qui précise à son al. 1, que les dénominations, les indications, les illustrations, les conditionnements, les emballages et les inscriptions qui figurent sur les conditionnements et sur les emballages, ainsi que la présentation, la publicité et les informations alimentaires doivent correspondre à la réalité et exclure toute possibilité de tromperie quant à la nature, à la provenance, à la fabrication, au mode de production, à la composition, au contenu et à la durée de conservation de la denrée alimentaire concernée.

Selon l’art. 13 al. 4 LDAI, le Conseil fédéral règle l’admissibilité des allégations nutritionnelles et de santé (let. a) et l’étiquetage des denrées alimentaires auxquelles ont été ajoutées des substances considérées comme vitales ou physiologiquement utiles (let. b).

Le DFI détermine les allégations nutritionnelles et de santé qui peuvent être employées (art. 38 al. 1 ODAIOUs).

Les allégations de santé sont des allégations sous forme de message ou de représentation, y compris des éléments graphiques ou des symboles quelle qu’en soit la forme, qui affirment, suggèrent ou impliquent l’existence d’une relation entre, d’une part, une catégorie de denrées alimentaires, une denrée alimentaire ou l’un de ses composants et, d’autre part, la santé (art. 31 al. 1de l'ordonnance du Département fédéral de l’intérieur (ci-après : DFI) concernant l’information sur les denrées alimentaires du 16 décembre 2016 - OIDAI - RS 817.022.16). Les allégations de santé ne sont autorisées que si elles sont prévues à l’annexe 14 et qu’elles remplissent les exigences de la présente section (art. 31 al. 2 OIDAI).

Les allégations nutritionnelles et de santé ne doivent pas être inexactes, ambiguës ou trompeuses (art. 35 al. 1 let. e OIDAI).

b. En l'occurrence, les allégations de santé indiquées par la recourante sur l'étiquette du produit, les documents publicitaires y relatifs et son site internet ne figurent pas dans l'annexe 14 de l'OIDAI.

En outre, la recourante indique que ce point a déjà fait l'objet de la décision de l'OFCO du 1er octobre 2020, lui impartissant un délai au 9 octobre 2020 pour retirer les allégations non autorisées de son site internet, et au 6 novembre 2020 pour l'informer des mesures mises en place pour remédier aux non conformités aussi bien sur l'étiquette que sur son site internet. Il semblerait toutefois que, malgré ces mesures à prendre, la recourante ait continué à vendre le produit avec les allégations précitées, puisque celles-ci demeuraient affichées lorsque l'intimé a effectué l'achat-test le 28 octobre 2020, soit postérieurement à la décision de l'OFCO précitée. Elle n'apporte d'ailleurs pas la preuve d'avoir procédé à la rectification demandée depuis lors ni obtenu l'autorisation requise afin de les maintenir.

Au vu de ce qui précède, l'intimé pouvait considérer à bon droit que la recourante n'a pas rectifié à satisfaction de droit les allégations de santé trompeuses sur son l'emballage en question, ses documents publicitaires et son site Internet.

6) La recourante conteste la proportionnalité des trois mesures ordonnées par l'intimé, à savoir le retrait du solde de la marchandise présente dans le commerce avec effet immédiat, la suppression des allégations de santé trompeuses sur l'emballage, les sites internet et les documents publicitaires dans un délai au 21 mai 2021 et l'amélioration de son autocontrôle.

a. Selon l'art. 34 LDAI, lorsque les autorités d'exécution, soit à Genève le SCAV (art. 2 LaLDAI), contestent un produit, elles ordonnent les mesures nécessaires à la remise en conformité avec le droit (al. 1). Elles peuvent en particulier décider si le produit contesté (al. 2) : peut être utilisé, cette utilisation étant assortie ou non de charges (let. a), doit être éliminé par l'entreprise, aux frais de celle-ci (let. b), doit être confisqué, rendu inoffensif, utilisé de façon inoffensive ou éliminé aux frais de l'entreprise (let. c).

L'art. 13 LaLDAI précise qu'en cas d'infraction aux dispositions de la législation fédérale et cantonale sur les denrées alimentaires, le SCAV peut notamment interdire immédiatement, temporairement ou définitivement un procédé de fabrication (let. a) ou prononcer toute autre mesure prévue par la législation fédérale (let. d).

b. Garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATA/762/2020 du 18 août 2020 consid. 6b et les références citées).

c. S'agissant de la première mesure, au vu des intérêts publics visés par celle-ci, il ne saurait être permis à la recourante de commercialiser un produit dont l'un des ingrédients ne bénéficie pas de l'autorisation de l'OSAV à cette fin, alors que les effets de celui-ci sur le corps humain sont ignorés.

Quant à la seconde mesure litigieuse, il apparaît que la recourante a persisté à commercialiser un produit comportant des allégations inexactes en dépit de la décision de l'OFCO du 1er octobre 2020. Elle n'allègue pas avoir sollicité ni être désormais au bénéfice de l'autorisation nécessaire à cette fin. Non seulement la recourante a commercialisé un produit qui n'aurait pas dû l'être, mais elle n'a pas non plus respecté les mentions légales précisément indiquées dans l'ODAIOUs et l'OIDAI. Compte tenu de l'intérêt de santé publique tendant à l'information du consommateur que vise à protéger cette mesure, il ne saurait y être dérogé pour les seuls intérêts de la recourante, alors que celle-ci persiste à ne pas vouloir se conformer aux décisions prises à son encontre.

Quant à la nécessité d'améliorer son autocontrôle, la recourante prétend que celui-ci serait suffisant, dès lors qu'elle s'était référée à un fournisseur se trouvant en Suisse et dont elle avait sollicité un avis de droit sur le sujet. Elle ne s'est toutefois pas adressée à l'autorité compétente en la matière, à savoir à l'OSAV afin de bénéficier des autorisations utiles.

Partant, les mesures prises par l'intimé dans la décision querellée étaient proportionnées et justifiées par un intérêt public prépondérant.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 800.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2021 par A______ contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 11 août 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ un émolument de CHF 800.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

P. Hugi

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :