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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2757/2018

ATA/1315/2018 du 04.12.2018 ( TAXIS ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : PRESCRIPTION ; TAXI ; CHAUFFEUR; TAXI ; PROFESSION ; AUTORISATION D'EXERCER ; MARCHÉ INTÉRIEUR ; AMENDE ; FIXATION DE L'AMENDE
Normes : aLTaxis.1; aLTaxis.5; aLTaxis.6; aLTaxis.7; LMI.2; LMI.3; aLTaxis.45; CP.47
Résumé : Infraction à l'aLTaxis par le recourant, qui a pris en charge des clients en se présentant comme un professionnel, alors qu'il n'y était pas autorisé. Non application de la LMI, le recourant n'ayant pas démontré exercer l'essentiel de son activité à l'extérieur du canton. Admission partielle du recours en raison de la prescription d'une partie des faits.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2757/2018-TAXIS ATA/1315/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 décembre 2018

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Guerric Canonica, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ est résident français et titulaire d’une autorisation pour travailleur frontalier.

Il est également titulaire de l’entreprise individuelle B______ (ci-après : l’entreprise), inscrite au registre du commerce du canton de Vaud (ci-après : RC) depuis le 18 septembre 2015, qui a pour but le transport professionnel de personnes avec ou sans chauffeur et a son siège à Nyon. L’entreprise est détentrice du véhicule automobile immatriculé VD 1______.

2) Le 2 juillet 2015, M. A______ a fait l’objet d’un contrôle, lors duquel il était apparu qu’il avait pris en charge un client à la rue Charles-Bonnet pour le déposer au quai de Cologny, alors qu’il n’était titulaire ni d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ni de l’autorisation d’exploiter une limousine en qualité d’indépendant, ayant loué à cette fin un véhicule immatriculé VD 2______ à l’entreprise C______ à Genève. L’historique de l’application Uber montrait qu’il avait effectué six autres courses dans la journée. Un rapport a été établi par le service du commerce, devenu depuis lors le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : le service) le 6 juillet 2015 en relation avec ces faits.

3) Le 15 décembre 2015, M. A______ a été contrôlé à l’Aéroport international de Genève (ci-après : l’aéroport), au niveau des départs, dans la file « kiss and fly », au volant du véhicule immatriculé au nom de l’entreprise, alors qu’il s’apprêtait à prendre en charge des clients, lesquels avaient indiqué avoir recouru à l’application Uber pour se rendre à Ferney-Voltaire, sans pour autant être au bénéfice d’une quelconque autorisation délivrée par le service. Interrogé, il avait indiqué travailler avec l’application Uber, autorisée sur l’ensemble du territoire suisse, et ignorer qu’à Genève il devait disposer d’une carte de chauffeur délivrée par le service. Un rapport de dénonciation, transmis au service, a été établi par la police le 18 décembre 2015 en relation avec ces faits.

4) Le 3 mars 2016, M. A______ a fait l’objet d’un contrôle à l’aéroport, alors qu’il avait pris en charge un client à Cologny avec le véhicule de l’entreprise, effectuant une course sans être au bénéfice d’une autorisation à cette fin. Un rapport de dénonciation, transmis au service, a été établi par la police le 15 avril 2016 en relation avec ces faits.

5) Le 17 août 2016, le service a délivré à M. A______, à sa demande, une carte de chauffeur professionnel de limousine.

6) Le 29 mai 2018, le service a informé M. A______ qu’il envisageait de prononcer à son encontre une sanction et/ou une mesure administrative en relation avec les faits des 2 juillet 2015, 15 décembre 2015 et 3 mars 2016, lui impartissant un délai au 11 juin 2018 pour se déterminer.

7) Le 11 juin 2018, M. A______ a contesté la commission d’une quelconque infraction. Étant au bénéfice d’un permis de conduire ainsi que d’une autorisation de transporter des personnes à titre professionnel rendant la pratique de son activité licite dans le canton de Vaud, il disposait d’un droit d’offrir ses services librement sur l’ensemble du territoire suisse. Il avait par ailleurs l’exercice des droits civils, était au bénéfice d’une autorisation frontalière valable pour toute la Suisse et titulaire d’un permis de conduire et de transporter professionnellement des personnes. Un examen portant sur la législation genevoise ainsi que sur la maîtrise de l’anglais ne pouvait en outre être considéré comme indispensable à la préservation d’intérêts publics prépondérants et ne constituait pas une différence suffisante pour réfuter la présomption d’équivalence.

8) Par décision du 14 juin 2018, le service a infligé à M. A______ une amende administrative de CHF 600.-.

M. A______ avait exercé une activité de chauffeur professionnel de limousine sur le territoire genevois, par le biais de l’application Uber, sans être au bénéfice d’une autorisation à cette fin. Dès lors qu’il était établi en France, il ne pouvait se prévaloir de la législation sur le marché intérieur, quand bien même son activité de chauffeur professionnel de personnes était licite dans le canton de Vaud. Il ne pouvait ainsi bénéficier d’un traitement préférentiel sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation délivrée par le service à cette fin. En ayant sollicité une carte professionnelle de chauffeur de limousine, il admettait implicitement que l’exercice d’une telle activité était soumis à l’obtention préalable d’une autorisation.

9) Par acte expédié le 17 août 2018, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation et à l’octroi d’une indemnité, subsidiairement à la réduction de l’amende à CHF 100.-.

Il reprenait ses précédents arguments, précisant que dès 2015, il avait exercé l’activité de chauffeur professionnel de manière licite dans le canton de Vaud, où son entreprise était inscrite au RC. Il disposait ainsi d’un droit d’offrir ses services librement sur tout le territoire suisse, l’accès au marché genevois ne pouvant être limité que sous la forme de charges ou de conditions. Dans ce cadre, un examen portant sur la législation genevoise ainsi que sur la maîtrise de l’anglais ne pouvait être considéré comme indispensable à la préservation d’intérêts publics prépondérants et constituer une différence suffisante pour réfuter la présomption d’équivalence. En tout état de cause, il disposait de l’exercice des droits civils, était au bénéfice d’une autorisation de séjour valable dans toute la Suisse et était titulaire d’un permis de conduire et de transporter professionnellement des personnes, remplissant toutes les conditions d’octroi de la carte professionnelle de chauffeur de limousines prévues par la loi. Au surplus, il avait exercé sa profession durant près de quatre ans. Il était par conséquent en droit de prendre en charge des clients et de les déposer dans le canton de Genève en 2015 et 2016.

La prescription était acquise pour les faits du 2 juillet 2015, pour lesquels aucune sanction ne pouvait être prononcée à son encontre.

La quotité de l’amende était disproportionnée, tant en lien avec les faits constatés qu’au regard de sa situation financière, laquelle était précaire, puisque son revenu mensuel s’élevait à seulement CHF 2'200.- et qu’il devait contribuer à l’entretien de ses enfants à hauteur d’EUR 220.- par mois. Elle devait ainsi être réduite à CHF 100.-.

10) Le 18 septembre 2018, le service a conclu au rejet du recours et à ce qu’il lui soit donné acte de la réduction de l’amende à CHF 450.-.

Dans la mesure où M. A______ était établi en France, il ne pouvait se prévaloir de la législation sur le marché intérieur, même si sa société, dont il conduisait le véhicule, avait son siège à Nyon, l’infraction qui lui était reprochée ne pouvant concerner que des personnes physiques. En outre, le fait de soumettre l’exercice de la profession de chauffeur de limousine à la possession d’une carte professionnelle visait à garantir la qualité du service offert, en particulier en assurant que lesdits chauffeurs maîtrisent le français, des rudiments d’anglais ainsi que les obligations résultant de la loi, exigences remplissant un intérêt public. Quand bien même dans le canton de Vaud la pratique de l’activité de chauffeur professionnel de personnes était licite dès lors que l’intéressé était titulaire d’une autorisation de transporter des personnes à titre professionnel, M. A______ ne pouvait se prévaloir de l’application de la législation sur le marché intérieur pour bénéficier d’un traitement préférentiel, sans avoir obtenu une autorisation délivrée par le service.

En présence d’une violation grave de la loi, comme en l’espèce, il se devait de faire preuve de sévérité, étant précisé que pour la fixation de l’amende, il avait tenu compte du concours d’infractions et de la situation financière de M. A______. Dans la mesure où la prescription pénale était acquise pour les faits du 2 juillet 2015, l’amende devait toutefois être réduite à CHF 450.-.

11) Le 25 septembre 2018, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 19 octobre 2018 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

12) a. Dans ses observations du 19 octobre 2018, M. A______ a persisté dans les conclusions et termes de son recours.

Il précisait que le service confondait le lieu de domicile avec le lieu d’établissement d’un chauffeur professionnel indépendant. Il ne pouvait ainsi être déduit de son domicile en France qu’il ne déployait pas d’activité professionnelle dans le canton de Vaud. La distinction opérée par le service entre sa personne et l’entreprise était également difficilement compréhensible, puisque celle-ci ne disposait pas de la personnalité juridique.

b. Il a produit des extraits de son compte bancaire auprès de D______ SA du 1er mars au 31 mai 2018, dont il ressortait qu’il s’était vu créditer, par Uber B.V. à Amsterdam, CHF 2'002.80 le 6 mars 2018, CHF 1'497.47 le 13 mars 2018, CHF 948.96 le 20 mars 2018, CHF 1'260.12 le 27 mars 2018, CHF 928.25 le 3 avril 2018, CHF 549.51 le 10 avril 2018, CHF 553.56 le 17 avril 2018, CHF 963.39 le 24 avril 2018, CHF 535.30 le 2 mai 2018, CHF 233.30 le 8 mai 2018, CHF 1'121.21 le 15 mai 2018, CHF 1'678.95 le 22 mai 2018 et CHF 734.18 le 29 mai 2018. Il avait également effectué des versements sur son propre compte de CHF 1'000.- le 13 mars 2018 et de CHF 1'000.- le 30 avril 2018. L’ensemble de ses dépenses et des retraits d’argent étaient en outre effectués à Genève.

13) Le service ne s’est pas déterminé à l’issue du délai imparti.

14) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le 1er juillet 2017 est entrée en vigueur la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et son règlement d’exécution de la LTVTC du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31.01) abrogeant la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (aLTaxis - H 1 30) et le règlement d’exécution de l’aLTaxis du 4 mai 2005 (aRTaxis - H 1 30.01 ; art. 40 LTVTC et 53 RTVTC).

Aux termes des dispositions transitoires du RTVTC, les faits constatés avant l’entrée en vigueur de la loi se poursuivent selon l’ancien droit et devant les autorités compétentes sous l’empire de ce droit. L’art. 48 aLTaxis, concernant la commission de discipline, n’est toutefois pas applicable. L’application du nouveau droit est réservée, si ce dernier est plus favorable à l’auteur de l’infraction (art. 66 RTVTC).

En règle générale, s’appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent (ATA/1212/2018 du 13 novembre 2018 et les références citées).

b. En l’espèce, les faits retenus dans la décision attaquée se sont déroulés entièrement sous l’ancien droit. S’agissant de l’amende, la chambre administrative a déjà retenu que le nouveau droit (art. 38 al. 1 LTVTC), prévoyant en cas de violation de ses prescriptions ou de ses dispositions d’exécution une amende de CHF 200.- à CHF 20'000.-, n’était pas plus favorable que l’art. 45 al. 1 aLTaxis, punissant d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- toute personne ayant enfreint les prescriptions de l’aLTaxis ou de ses dispositions d’exécution (ATA/1212/2018 précité et la référence citée).

Il s’ensuit que la présente cause est soumise à l’aLTaxis et au aRTaxis.

3) a. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister (ATA/313/2017 du 21 mars 2017).

En vertu de l’art. 1 al. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 1 et 3 et 107 CP). L’aLTaxis ne contenant pas de disposition réglant la question de la prescription, il y a lieu de faire application, par analogie, de l’art. 109 CP, à teneur duquel la prescription de l'action pénale est de trois ans (ATA/313/2017 précité et les références citées).

Selon l’art. 98 CP, la prescription court, alternativement, dès le jour où l’auteur a exercé son activité coupable, dès le jour du dernier acte si cette activité s’est exercée à plusieurs reprises ou encore dès le jour où les agissements coupables ont cessé s’ils ont eu une certaine durée. En vertu de l’art. 97 al. 3 CP, elle ne court plus si, avant son échéance, un jugement de première instance a été rendu.

La prescription est une question de droit matériel qu’il y a lieu d’examiner d’office lorsqu’elle joue en faveur de l’administré (ATF 138 II 169 consid. 3.2 ; ATA/1212/2018 précité et les références citées).

b. En l’espèce, au vu de la date du prononcé du présent arrêt, la prescription de l’action pénale est acquise pour les faits ayant eu lieu le 2 juillet 2015, lesquels étaient du reste déjà prescrits à réception du dossier par la chambre de céans, le recours ayant été expédié le 17 août 2018, ce qui sera constaté.

4) a. Le recourant conteste la commission d’une quelconque infraction, la législation sur le marché intérieur lui permettant d’exercer une activité de chauffeur professionnel de personnes sur l’ensemble du territoire Suisse, en particulier à Genève.

b. L’aLTaxis a pour objet d’assurer un exercice des professions de transport de personnes au moyen de voitures automobiles et une exploitation des services de taxis et de limousines conformes, notamment, aux exigences de la sécurité publique, de la moralité publique, du respect de l’environnement et de la loyauté dans les transactions commerciales ainsi qu’aux règles relatives à l’utilisation du domaine public (art. 1 aLTaxis).

Seul le titulaire d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ou de chauffeur de limousine peut conduire un véhicule pour transporter professionnellement des personnes (art. 5 al. 1 aLTaxis).

La carte professionnelle de chauffeur de taxi confère au chauffeur le droit d’exercer son activité comme chauffeur de taxi ou de limousine indépendant ou comme employé d’un tel chauffeur, ainsi qu’en qualité d’employé d’une entreprise de taxis ou de limousines ou de locataire d’un véhicule d’une entreprise de taxis de service public (art. 6 al. 1 aLTaxis). La carte professionnelle de chauffeur de limousine confère au chauffeur le droit d’exercer son activité comme chauffeur indépendant d’une limousine ou comme employé d’un exploitant indépendant ou d’une entreprise de limousines (art. 7 al. 1 aLTaxis). Ces autorisations sont délivrées lorsque le requérant a notamment réussi les examens prévus par la loi (art. 6 al. 2 let. d et 7 al. 2 let. d aLTaxis).

c. La loi fédérale sur le marché intérieur (LMI RS 943.02) garantit à toute personne ayant son siège ou son établissement en Suisse l’accès libre et non discriminatoire au marché afin qu’elle puisse exercer une activité lucrative sur tout le territoire suisse (art. 1 al. 1 LMI).

Toute personne a le droit d’offrir des marchandises, des services et des prestations de travail sur tout le territoire suisse pour autant que l’exercice de l’activité lucrative en question soit licite dans le canton ou la commune où elle a son siège ou son établissement (art. 2 al. 1 LMI).

Selon l’art. 3 al. 1 LMI, la liberté d’accès au marché ne peut être refusée à des offreurs externes. Les restrictions doivent prendre la forme de charges ou de conditions et ne sont autorisées que si elles s’appliquent de la même façon aux offreurs locaux (let. a), sont indispensables à la préservation d’intérêts publics prépondérants (let. b), répondent au principe de la proportionnalité (let. c). L’art. 3 al. 2 LMI dispose que les restrictions ne répondent pas au principe de la proportionnalité lorsqu’une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être obtenue au moyen des dispositions applicables au lieu de provenance (let. a), les attestations de sécurité ou certificats déjà produits par l’offreur au lieu de provenance sont suffisants (let. b), le siège ou l’établissement au lieu de destination est exigé comme préalable à l’autorisation d’exercer une activité lucrative (let. c), une protection suffisante des intérêts publics prépondérants peut être garantie par l’activité que l’offreur a exercée au lieu de provenance (let. d). Les restrictions visées à l’art. 3 al. 1 LMI ne doivent en aucun cas constituer une barrière déguisée à l’accès au marché destinée à favoriser les intérêts économiques locaux (art. 3 al. 3 LMI).

La LMI pose le principe du libre accès au marché selon les prescriptions du lieu de provenance, qui est l’un de ses principes fondamentaux avec celui de la non-discrimination entre les offreurs externes et locaux. Le principe du libre accès au marché a été renforcé par la modification de la LMI du 16 décembre 2005 entrée en vigueur le 1er juillet 2006, au travers de laquelle le législateur a tendu, en supprimant les entraves cantonales et communales à l’accès au marché, à consacrer la primauté du marché intérieur sur le fédéralisme. L’idée du législateur était entre autres d’empêcher que le principe du fédéralisme ne l’emporte sur celui du marché intérieur. Cela ne signifie pas pour autant que toutes les limitations cantonales au libre accès au marché sont prohibées, notamment lorsqu’elles résultent du droit fédéral (ATA/1212/2018 précitées et les références citées).

d. En l’espèce, il ressort des rapports des 18 décembre 2015 et 15 avril 2016 que le recourant a été contrôlé à deux reprises, les 15 décembre 2015 et 3 mars 2016, en train d’effectuer des courses sur le territoire genevois, une fois pour prendre en charge des clients à l’aéroport, une autre pour les y amener depuis Cologny, étant précisé que les faits en lien avec les événements du 2 juillet 2015 sont prescrits.

Le recourant n’a pas démontré exercer l’essentiel de son activité à l’extérieur du canton, la lecture des rapports dont il fait l’objet permettant, au contraire, de constater qu’elle se concentre sur le territoire genevois, tout comme d’ailleurs les achats et les retraits d’argent effectués au moyen de son compte bancaire, ce qui ressort des extraits qu’il a versés au dossier. Le fait qu’il dispose, depuis le 18 septembre 2015, d’une entreprise dans un canton ne connaissant pas les mêmes restrictions d’accès à la profession et qu’il utilise un véhicule immatriculé dans le canton de Vaud pour prendre en charge des clients à Genève n’apparaît pas suffisant pour admettre le contraire et ne lui permet pas de contourner la législation du canton dans lequel il exerce son métier et perçoit ses revenus.

Le recourant ne peut dans ces circonstances être considéré comme un offreur externe, de sorte que la LMI ne trouve pas application. Il est ainsi pleinement soumis à la législation genevoise, dont il ne respectait pas les conditions au moment des faits, en l’absence d’autorisation délivrée par le service, ce qu’il ne conteste du reste pas.

La décision entreprise sera dès lors confirmée en tant qu’elle retient que le recourant a contrevenu à la loi en prenant en charge des clients alors qu’il n’était titulaire ni d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ni de l’autorisation d’exploiter une limousine en qualité d’indépendant.

5) a. Le département, soit pour lui le service (art. 1 al. 1 et 2 aRTaxis), peut infliger une amende administrative de CHF 100.- à CHF 20'000.- à toute personne ayant enfreint les prescriptions de l’aLTaxis ou de ses dispositions d’exécution (art. 45 al. 1 aLTaxis).

b. L’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d’abus. L’amende doit également respecter le principe de la proportionnalité (ATA/1212/2018 précité et la référence citée).

c. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des principes applicables à la fixation de la peine contenus aux art. 47 ss CP, en tenant compte de la culpabilité de l’auteur et en prenant en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2 ; ATA/1472/2017 du 14 novembre 2017).

d. En l’espèce, en infligeant une amende de CHF 600.- au recourant en lien avec les faits du 2 juillet 2015 alors non prescrits, du 15 décembre 2015 et du 3 mars 2016, le service n’a ni excédé ni abusé de son pouvoir d’appréciation. En effet, les faits reprochés constituent des infractions graves à la LTaxis, dès lors que le recourant a pris en charge des clients, en se présentant comme un professionnel, alors qu’il n’y était nullement autorisé, étant rappelé que le but de la LTaxis est notamment d’assurer une exploitation des services de taxis et de limousines conforme aux exigences de la sécurité publique. Par ailleurs, contrairement à ce qu’allègue le recourant, les extraits de son compte bancaire ne permettent pas d’affirmer que son revenu mensuel se limiterait à CHF 2'200.-, au regard des montants versés plusieurs fois par mois par Uber B.V.

C’est dès lors conformément aux dispositions légales applicables que le service a infligé au recourant une amende de CHF 600.- en relation avec ces faits, laquelle sera toutefois réduite à CHF 400.- au regard de la prescription des événements du 2 juillet 2015. Par ailleurs, dans la mesure où le recourant ne conteste pas les faits constitutifs des infractions retenues, il n’apparaît pas nécessaire de retourner le dossier au service pour que ce dernier sollicite un préavis de la commission de discipline selon l’art. 48 al. 1 aLTaxis (ATA/319/2018 du 10 avril 2018).

Il s’ensuit que le recours sera partiellement admis.

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 250.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe pour l’essentiel (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure, réduite, de CHF 300.- lui sera allouée, à la charge de l’État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 août 2018 par Monsieur A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 14 juin 2018 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

constate la prescription des faits survenus le 2 juillet 2015 ;

réduit le montant de l’amende administrative infligée à Monsieur A______ à CHF 400.- ;

confirme la décision entreprise pour le surplus ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 300.-, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guerric Canonica, avocat du recourant, au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir, ainsi qu’à la commission fédérale de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Gutzwiller

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :