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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2471/2020

ATA/1189/2021 du 09.11.2021 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2471/2020-FPUBL ATA/1189/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 novembre 2021

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Marc Lironi, avocat

contre

TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS
représenté par Me Anne Meier, avocate

 



EN FAIT

1) M. A______, né le ______ 1967, a été engagé dès le ______ 2012 en qualité de conducteur par les Transports publics genevois
(ci-après : TPG). Il avait exercé auparavant en qualité d’indépendant la profession de tapissier-décorateur.

2) M. A______ a postulé en octobre 2015 et en octobre 2016 pour un poste respectivement de stagiaire responsable-manifestations et d’employé de Bureau Exploitation. Sa candidature n’a pas été retenue. En août 2019, M. A______ a à nouveau postulé pour une place de stagiaire responsable des travaux.

3) Dans son analyse de prestations et objectifs professionnels et personnels
(ci-après : APOP) concernant la période du 1er février 2012 au 28 février 2013, l’employeur a constaté que M. A______ correspondait aux exigences concernant la qualité de son travail ; seul un épisode isolé lors duquel suite à un litige avec un autre conducteur, il avait cassé volontairement l’essuie-glace de celui-là, a été retenu. Dans ses commentaires, M. A______ avait promis d’essayer de garder une attitude positive dans son travail malgré les agissements de certains usagers.

4) Dans l’APOP suivante (période du 1er mars 2013 au 28 février 2014), rien n’avait été remarqué de particulier. Ses qualités de fiabilité et ponctualité ont été mises en avant. Concernant son assiduité, il a été noté que les absences devaient rester rares.

5) À teneur de l’APOP pour la période du 1er mars 2014 au 28 février 2015, les TPG se sont déclarés satisfaits des prestations de M. A______, qui répondait à tous les critères d’appréciation, voire dépassait les exigences tant sur le plan professionnel que personnel. Dans les commentaires du collaborateur, M. A______ notait que ses postulations pour un roulement « ne correspondaient pas à ses attentes » et que son moral était au plus bas, mais qu’il gardait l’espoir d’un changement pour une évolution dans l’entreprise.

6) L’APOP 2015/2016 était sans particularité, étant précisé qu’il lui avait à nouveau été rappelé que les absences devaient rester rares et l’assiduité au travail devait être améliorée.

7) Dans l’APOP concernant la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, soit trois ans au total, trois critères ont été notés par la lettre B « répond partiellement aux exigences ». Il s’agissait du critère de « respect, intégrité et loyauté », de l’aptitude à communiquer et de l’aptitude à travailler en équipe. L’APOP relevait que la période d’évaluation concernait trente-six mois dont
vingt-quatre mois de présence suite à un accident professionnel.

Pendant la période couverte par l’APOP, il avait été observé à trois reprises que M. A______ avait tenu un langage inapproprié à la suite d’observations émises par des opérateurs et un conducteur de tram. Il avait été convenu à l’issue d’un entretien que M. A______ s’engageait à travailler de manière harmonieuse, collective et collaborative afin d’atteindre les objectifs communs au sein des TPG. Un des objectifs fixés était de respecter ses collègues directs et tous les collaborateurs de l’entreprise.

8) M. A______ a été en incapacité totale ou partielle de travail pour accident professionnel du 15 mars au 25 juillet 2019 puis du 4 août au 10 janvier 2020.

9) Le 9 mars 2020, M. A______ et les TPG ont conclu une « convention d’objectifs ». Cette convention se référait à un épisode de propos violents tenus par M. A______ envers un autre collaborateur le 19 janvier 2019. M. A______ s’engageait donc à gérer ses émotions, respecter le travail de tous et à communiquer de façon non violente. Si cela ne devait pas être le cas, les TPG rappelaient dans cette convention qu’ils pourraient être amenés à prendre des mesures plus contraignantes à l’égard de M. A______.

10) Suite à une dénonciation reçue par les TPG le 20 juin 2018 indiquant que M. A______ occupait un poste de concierge dans l’immeuble où il habitait au _____, chemin B______ au C______, qu’il était engagé par la régie D______ et percevait un salaire de CHF 1'200.- par mois, les TPG ont demandé des explications. Par courrier du 30 septembre 2018, M. A______ a admis avoir assuré le service d’immeuble avec son épouse depuis décembre 2010, soit treize mois avant son engagement aux TPG. Son épouse étant enceinte à l’époque et la régie voulant engager un homme, il avait été convenu que le contrat serait conclu avec lui mais que le travail serait effectué à 80 % par son épouse. Le 20 % restant correspondait à des travaux d’entretien d’extérieur comme l’entretien des luminaires, l’entretien des parkings, le gazon ou les feuilles mortes en automne. M. A______ relevait qu’il exerçait cette activité durant son temps libre et que cela relevait de sa sphère privée.

Dans un courrier du 1er octobre 2018, M. A______ demandait formellement à son employeur son accord afin d’exercer cette activité de concierge à 25 %.

11) Suite à un entretien du 31 janvier 2019 avec le service des ressources humaines (ci-après : RH), il avait été demandé à M. A______ de fournir son contrat de conciergerie, étant précisé qu’il pouvait être autorisé à pratiquer cette activité avec un nombre maximal d’heures. Relancé à ce sujet, M. A______ avait finalement indiqué à son responsable direct, soit M. E______, renoncer à cette fonction de conciergerie, son épouse s’en occupant dorénavant à 100 %.

12) Après son accident professionnel de 2019, M. A______ a repris le travail à 50 % dès le 1er décembre 2019 et à 100 % dès le 10 janvier 2020.

Il a ensuite été en arrêt de travail du 16 au 25 mars 2020 puis du 25 mars au 12 avril 2020.

13) Suite à des douleurs au dos (lombalgie), M. A______ a produit un certificat de M. F______, chiropraticien, attestant d’une incapacité de travail du 24 au 25 juin 2020. M. A______ avait toutefois annoncé son absence à son employeur le 23 juin 2020 déjà, ne pouvant plus bouger et ayant pris des antidouleurs. Il n’avait pu prendre rendez-vous que le 25 juin 2020 à 08h00.

14) Contacté par téléphone par M. E______ le 26 juin 2020 et informé qu’un collaborateur des TPG l’avait vu tondre le gazon le 23 juin 2020 aux alentours de 18h00, M. A______ avait nié les faits et avait prétendu avoir été vu lorsqu’il se rendait à la pharmacie du quartier pour chercher des antidouleurs.

Par un courriel du 29 juin 2020, le témoin a confirmé à M. E______ avoir vu M. A______ tondre le gazon avec une tondeuse devant l’immeuble où il habitait le 23 juin 2020 aux alentours de 18h10.

15) Sur une affiche posée devant la porte de l’immeuble chemin B______ 69, 1213 C______, le 2 juillet 2020, M. A______ figure comme « service d’immeuble » avec son numéro de téléphone privé et son numéro de portable. Le nom de son épouse n’y figure pas.

16) Le 3 juillet 2020, M. A______ a été convoqué par les RH des TPG au sujet du soupçon de fausse déclaration de l’existence d’une incapacité de travail, de fausse déclaration concernant la renonciation à l’activité de conciergerie et les rapports de travail avec son employeur. Cet entretien s’est tenu en présence de M. G______, responsable management conducteurs, et de Mme H______, conseillère RH exploitation.

17) Dans un courrier du 3 juillet 2020 résumant l’entretien du même jour, les TPG ont qualifié de crédible le témoignage concernant les faits du 23 juin 2020. Cette appréciation s’inscrivait dans un contexte global d’effritement progressif de la loyauté et de la motivation de M. A______ au sein de l’entreprise, corroboré par plusieurs absences, son souhait de changer de poste et sa difficulté croissante à collaborer avec ses collègues. Ces éléments, auxquels s’ajoutait le manque de sérieux avec lequel il avait géré le fait de concilier son activité de concierge (non annoncée et non autorisée) et celle de conducteur, amenaient les TPG à envisager de prononcer un licenciement avec effet immédiat pour des faits de gravité importante, propres à rompre définitivement le rapport de confiance. Un délai de dix jours lui était octroyé pour faire valoir son droit d’être entendu.

18) Par courrier du 13 juillet 2020, M. A______ s’est déterminé de la façon suivante concernant l’épisode du 23 juin 2020.

Il avait informé le bureau de roulement des TPG qu’il était souffrant et qu’en raison de douleurs aiguës au dos, il ne pourrait venir travailler ce jour-là. Pour la même raison, puisqu’il lui était extrêmement difficile de se déplacer, il n’avait pu se rendre chez son chiropraticien que le 25 juin 2020. Le Dr F______ l’avait alors immédiatement mis en arrêt maladie du 24 juin au 4 juillet 2020. Il contestait avoir tondu la pelouse le 23 juin 2020 et rien ne permettait d’accorder plus de crédibilité au témoin plutôt qu’à lui. Concernant l’activité de concierge, il avait demandé l’autorisation des TPG le 30 septembre 2018 pour un taux de 25 %. Par la suite, l’employeur avait demandé qu’il n’effectue qu’un nombre de 4 heures maximum par semaine dans cette activité accessoire, de sorte qu’il y avait finalement renoncé avec effet au 31 mars 2019 et informé son employeur. Il produisait la copie d’un contrat de travail concernant la conciergerie au nom de son épouse uniquement. La fiche dans le hall de l’immeuble n’était simplement pas à jour. Était annexé à ce courrier un contrat de travail pour le service de conciergerie à temps partiel signé par Madame A______ avec la régie D______ le 18 mars 2019 ainsi qu’une autre fiche où Mme A______ était mentionnée comme référente pour le service d’immeuble du chemin B______ ______ au C______.

19) Le 17 juillet 2020, considérant que la confiance indispensable à la poursuite des rapports de travail était définitivement rompue, les TPG ont confirmé le licenciement de M. A______ avec effet immédiat. Les TPG rappelaient que la première réaction de M. A______ avait été de rester muet, ensuite de nier avoir tondu la pelouse pour finalement, lors de l’entretien de service du 3 juillet 2020, admettre les faits en présence de son représentant syndical. Par ailleurs, le certificat médical produit couvrait uniquement la période à partir du 24 juin 2020 et non pas le 23 juin 2020. Le fait d’annoncer une fausse incapacité de travail suffisait en tant que tel à justifier un licenciement avec effet immédiat. Par ailleurs, les TPG avaient eu connaissance de son activité accessoire de concierge en juin 2018 par une dénonciation. M. A______ avait annoncé six cent vingt jours d’incapacité de travail totale ou partielle en huit ans de carrière aux TPG, de sorte que l’employeur pouvait se demander si l’accumulation de ces deux activités n’avait pas porté atteinte à sa capacité à assumer ses activités professionnelles.

20) Par acte mis à la poste le 17 août 2020, M. A______ a fait recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 17 juillet 2020. Il a conclu à ce que la nullité du licenciement soit constatée et qu’il soit ordonné aux TPG de le réintégrer en leur sein et reprendre le versement de son salaire dès le 18 juillet 2020 ainsi qu’à lui payer une indemnité équivalente à six mois de traitement en vertu des art. 328 et 328b de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). En cas d’opposition, il concluait à ce que les intimés lui versent l’équivalent de huit salaires mensuels avec intérêts à 5 % l’an dès le 31 octobre 2020 à titre d’indemnité pour licenciement injustifié, cumulés à une indemnité équivalente à six mois de traitement selon les art. 328 et 328b CO.

Il avait été « mis à la porte » après plus de huit ans de bons et loyaux services et contestait entièrement la rupture définitive du lien de confiance avec son employeur. Par ailleurs, il avait été atteint psychologiquement par l’attitude et la froideur des TPG à son égard, de sorte que sa santé en avait été péjorée. Les TPG avaient établi les faits de façon incomplète et inexacte conduisant à une décision choquante. Le licenciement avec effet immédiat ne reposait sur aucun juste motif et violait l’art. 74 ss du statut du personnel (ci-après : SP). Il avait été un employé irréprochable durant plusieurs années et son comportement général était apprécié par son employeur. Le 23 juin 2020, il avait informé le bureau de roulement des TPG qu’il était souffrant en raison de douleurs aiguës au dos et qu’il ne pourrait pas travailler ce jour-là. Il n’avait pu se rendre chez son chiropraticien que le surlendemain soit le 25 juin 2020. Il avait alors été mis en arrêt maladie du 24 juin jusqu’au 4 juillet 2020. Le 23 juin 2020 était ainsi un jour de carence pour des problèmes de santé avérés. Il ne pouvait pas avoir tondu la pelouse le 23 juin 2020, étant complètement bloqué du dos. Lors de l’entretien du 3 juillet 2020, il n’avait pas pu s’exprimer de manière sérieuse. Les pièces qu’il voulait produire n’avaient pas été prises en considération et il avait été mis à pied à la fin de cet entretien avec effet immédiat.

Concernant l’activité de concierge, il avait été interpellé par son employeur à ce sujet en juin 2018. Il avait alors annoncé cette activité accessoire pour un taux de 25 % et sollicité l’autorisation formelle de son employeur. Les TPG ayant précisé qu’il ne pouvait exercer cette activité que durant 4 heures maximum par semaine afin de concilier les tâches de concierge et son métier de conducteur, il avait alors renoncé totalement à cette activité accessoire avec effet au 31 mars 2019. Il en avait informé les TPG et son épouse avait repris la totalité de cette activité dès le 1er avril 2019. La fiche se trouvant dans le hall d’entrée de son immeuble n’était pas à jour.

Pendant toutes ces années, il avait été à de multiples reprises remercié par son employeur pour son engagement et félicité pour ses prestations professionnelles. Même dans le dernier rapport, figuraient de nombreux C (C = répond aux exigences) pour des prestations professionnelles et personnelles. Au vu de son âge et de son ancienneté, il aurait été souhaitable qu’une réelle discussion puisse être engagée avec son employeur avant qu’il soit procédé à son licenciement. La décision entreprise était ainsi arbitraire et violait le principe de proportionnalité. Il avait donc droit à son salaire jusqu’à la fin de l’échéance du délai de congé légal soit dans son cas le 31 octobre 2020.

21) Le 12 octobre 2020, les TPG ont conclu au rejet du recours. Ils avaient respecté le statut, l’ensemble des éléments invoqués étant propres à démontrer une rupture du lien de confiance avec le recourant. Le licenciement de ce dernier avec effet immédiat était justifié. Si au-delà de quelques incidents, la qualité des prestations de M. A______ donnait satisfaction, il fallait rappeler qu’il avait effectué plusieurs postulations à l’interne de l’entreprise en dehors du domaine de la conduite. Il avait notamment précisé dans l’APOP 2014 que son statut de « voltigeur » et ses horaires ne lui convenaient pas. À compter de 2015/2016, M. A______ avait été à plusieurs reprises averti qu’il fallait améliorer son assiduité au travail. En mars 2020, les TPG lui avaient par ailleurs fait signer une convention d’objectifs suite à des propos violents qu’il avait tenus à l’encontre d’un autre collaborateur. Dans l’APOP 2017/2019, certains points ne correspondaient plus que partiellement aux exigences fixées par les TPG.

Par ailleurs, M. A______ avait cumulé beaucoup de jours d’absence, notamment cent vingt-quatre jours en 2015 et deux cent nonante-et-un jours en 2019. À plusieurs reprises, il s’était agi d’absences de courte durée, un ou deux jours maximum, qui ne nécessitaient pas la remise d’un certificat médical. Selon son décompte d’absences, il avait cumulé vingt-huit absences d’un ou deux jours sans certificat médical.

Dès lors, à partir de septembre 2019, les TPG avaient mis en place un processus de retour au travail avec des mesures spécifiques en faveur de M. A______, comme un accompagnement individuel, une adaptation du poste de travail, des cours de formation et d’orientation professionnelle, du coaching et des stages. M. A______ avait signé une procuration en faveur de Mme I______, conseillère retour au travail. Par ailleurs, en octobre 2019, l’office de l’assurance-invalidité avait demandé aux TPG de remplir un formulaire concernant M. A______ afin d’examiner si une réadaptation professionnelle ou l’octroi d’une rente étaient envisageables. Cela n’avait pas été nécessaire au vu de la reprise du travail à 50 % par M. A______ dès le 1er décembre 2019 puis à 100 % dès le 10 janvier 2020. Par ailleurs, même après la fin des rapports de travail, M. A______ avait envoyé aux TPG des certificats attestant de son incapacité de travail à 100 % pour cause d’accident entre le 18 août et le 13 septembre 2020, ayant chuté dans l’escalier de son immeuble.

Alors que M. A______ travaillait en qualité de concierge depuis de nombreuses années, ils l’avaient appris par un des locataires le 20 juin 2018. Confronté à cela, M. A______ avait admis avoir pris ce poste en décembre 2010, soit avant son engagement auprès des TPG. Il avait alors demandé formellement l’accord de son employeur en précisant qu’il s’agissait d’une activité accessoire à 25 %. Les TPG lui avaient alors demandé de régulariser sa situation au vu des règles de limitations en terme de volume horaire prévues par la loi sur la durée du travail des conducteurs professionnels (ci-après : LDT) pour des motifs liés à la sécurité routière. Par la suite, au vu de l’exigence de son employeur de le limiter à 4 heures par semaine, il avait totalement renoncé à exercer cette activité. Ils l’avaient cru et partaient dès lors de l’idée qu’il n’exerçait plus aucune activité de conciergerie. Lorsqu’ils avaient été informés par un collègue de M. A______ que ce dernier tondait la pelouse le 23 juin 2020 alors qu’il s’était annoncé comme incapable de travailler et avait affirmé s’être bloqué le dos et ne pouvoir plus bouger, cela avait conduit à la rupture du rapport de confiance. Après avoir demandé à nouveau au témoin de confirmer ses dires et avoir vérifié par leurs soins que M. A______ était la personne indiquée comme étant en charge de la conciergerie sur l’affiche officielle de la régie placardée dans le hall de l’immeuble, son numéro de téléphone portable y figurant également, ils n’avaient plus de raison de douter de la véracité de ce témoignage. Par ailleurs, lors de l’entretien du 3 juillet 2020, M. A______, à nouveau confronté à ses allégations, n’avait plus nié les faits mais avait commenté « les carottes sont cuites ». Le représentant syndical qui l’accompagnait, n’avait fait que déplorer que des gens dénoncent des irrégularités.

Dès lors, le licenciement de M. A______ était justifié et fondé par le fait qu’il avait été vu en train d’exercer une activité de concierge alors que d’une part il avait prétendu y renoncer et d’autre part, qu’il avait annoncé le jour-même une incapacité de travail, rompant ainsi le lien de confiance avec son employeur. Ainsi, le recourant avait exercé une activité accessoire pendant près de six ans sans en informer les TPG et avait continué de l’exercer au mépris du danger que cela représentait pour la sécurité des usagers de la route et pour lui-même, ne respectant pas les heures de repos imposées par la LDT.

22) Le 28 janvier 2021 a eu lieu une comparution personnelle des parties. À cette audience, M. A______ a admis avoir conclu un contrat de conciergerie avec la régie D______ à son nom à partir de janvier 2010 pour un taux de 25 %. C’était son épouse qui faisait les travaux de conciergerie à l’exception des travaux plus lourds comme la tonte du gazon et des travaux techniques. Il n’avait pas jugé nécessaire d’en informer son employeur lorsqu’il avait pris son poste aux TPG. Deux mois après sa prise d’emploi, un locataire de l’immeuble avait avisé les TPG, de sorte que son responsable de groupe lui avait rendu visite. Après qu’il lui eut été expliqué qu’il s’agissait d’un travail à 25 % et que c’était surtout son épouse qui l’exerçait, on lui avait dit « de laisser tomber », ce qu’il avait compris comme une autorisation implicite d’exercer ce deuxième emploi. En 2015, lorsqu’il avait été en arrêt de travail suite à une agression, le nouveau responsable, M. E______, était passé le voir à la maison et avait vu l’affiche devant la porte de l’immeuble avec son nom en qualité de concierge. Il lui avait alors rappelé qu’il fallait formaliser l’accord des TPG mais finalement rien n’avait été fait. En 2018, les TPG avaient reçu un courrier de dénonciation et M. E______ lui avait dit qu’il fallait s’expliquer avec les RH. Le 7 février 2019, lors d’un entretien avec M. E______ et Mme H______, des RH, on lui avait dit qu’il pouvait garder cette activité à un taux maximum de 15 %. Finalement, afin de se sentir à l’aise avec cela, il avait décidé de conclure un contrat uniquement au nom de son épouse, ce qui avait été formalisé le 18 mars 2019 entre la régie D______ et cette dernière.

Concernant les épisodes où il avait tenu des propos déplacés, le premier était une altercation avec un conducteur de tram qui ne voulait pas ouvrir les portes alors qu’il se trouvait à l’extérieur du tram comme passager et voulait monter pour se rendre au travail. Le deuxième épisode était arrivé alors qu’il avait travaillé onze heures de suite et qu’il était fatigué. Comme il avait du retard dans son trajet de retour, il avait eu un échange de mots avec la responsable de la régularisation du trafic. Ensuite, il avait fait descendre les passagers restant dans le bus et pris un raccourci, ce qu’il n’était pas autorisé à faire. Concernant ses arrêts de travail, en mars 2019, il avait dû subir une opération suite à une rupture de tendon de l’avant-bras. Par la suite, il avait dû rester immobilisé pendant trois mois et subir une rééducation progressive. Cette rupture de tendon était conséquente à une blessure liée à son travail, ayant voulu aider une personne avec une chaise roulante très lourde.

Par la suite, il avait discuté avec son employeur de mesures d’accompagnement pour un retour au travail. Il avait souhaité un autre poste mais cela lui avait été refusé, de sorte qu’il avait repris le travail le 10 janvier 2020 à 100 %.

M. A______ a prétendu avoir été surveillé par une personne travaillant aux TPG qui aurait posté une camionnette en face de chez lui notamment en 2019 lors de son arrêt de travail.

Le 23 juin 2020, il avait eu une lombalgie, ce qui lui était déjà arrivé à plusieurs reprises. Il ne pouvait plus bouger, de sorte qu’il avait pris des antidouleurs et appelé son médecin qui n’avait pas pu le recevoir avant le 25 juin 2020 à 08h00. Il avait alors appelé le bureau de roulement mais pas son responsable, qui l’avait d’ailleurs rappelé le 25 juin 2020 pour avoir de ses nouvelles. Il avait expliqué à M. E______ qu’il n’avait pas pu tondre la pelouse le 23 juin 2020, car il était immobilisé mais que par contre il l’avait tondue le jour d’avant, soit le 22 juin 2020, jour de congé. Cette tondeuse pesait entre 30 et 40 kg, se trouvait dans un local technique à 5 m de la porte de l’immeuble mais on devait la pousser pour la faire rouler et la sortir avant de la mettre en marche.

Lors de l’entretien du 3 juillet 2020, alors qu’il était venu pour s’expliquer, on lui avait remis la lettre d’intention de licenciement avec effet immédiat, de sorte que l’entretien n’avait duré que 10 minutes. Il a confirmé qu’il tondait la pelouse devant son immeuble une fois par mois. Il s’agissait d’environ 800 m2 soit au total 4 heures et demie par mois. De plus, l’automne, il s’occupait des feuilles, estimant à 30 minutes la durée de cette activité. Il considérait que l’activité accessoire invoquée était un prétexte pour le licencier. En effet, lors de son altercation avec son collègue qui conduisait les trams, il avait admis l’avoir traité de « con » et la personne en charge du dossier, M. G______, lui avait dit qu’il ferait tout pour le faire licencier. Par ailleurs, il était conscient de sa responsabilité comme conducteur, de sorte qu’il n’avait toujours tondu la pelouse qu’une fois par mois, pendant son jour de congé, et respecté le temps de repos de neuf heures qui lui était imposé. Lorsqu’on lui avait proposé de ne le faire que quatre heures par semaine, il avait dit qu’il allait renoncer à la conciergerie mais finalement, il avait gardé la tonte qui était trop contraignante pour son épouse. Concernant l’affiche avec son nom en qualité de concierge, M. A______ a expliqué que son épouse avait été agressée à plusieurs reprises par un locataire de l’immeuble, de sorte qu’ils avaient gardé son nom afin d’éviter des problèmes à sa femme.

23) Le 20 mai 2021 ont eu lieu des enquêtes. À cette occasion, les témoins suivants ont été entendus.

a. M. F______, chiropraticien, a indiqué suivre M. A______ depuis 2015 pour différents problèmes. Ce patient était venu le voir le 25 juin 2020 pour une lombalgie basse. Il avait indiqué avoir tondu le gazon, ce qui avait déclenché cette crise. Cela arrivait assez souvent lorsque les gens se penchaient en avant pour pousser une tondeuse. M. A______ avait indiqué avoir mal depuis trois jours, soit depuis le 22 juin 2020. Son arrêt de travail était daté du 24 juin 2020. Il pensait n’avoir pas pu le voir tout de suite alors que normalement, il essayait de recevoir les gens le jour-même. Lorsqu’il l’avait reçu le 25 juin 2020, M. A______ ne pouvait plus se pencher en avant. Il pouvait marcher mais pas s’assoir, ce qui l’empêchait de retourner au travail. Il n’avait pas pris de médicaments et que neuf jours avaient été nécessaires pour le soigner par des manipulations articulaires. Le patient avait déclaré que l’épisode datait de trois jours auparavant, soit le 22 juin 2020. Sur question du conseil des TPG, le témoin a précisé qu’il ne s’agissait pas d’un certificat rétroactif, que le patient lui avait téléphoné la veille et qu’il lui avait fait confiance car il le connaissait depuis 2015.

b. M. J______, expert planification aux TPG, a affirmé connaître M. A______ de vue depuis plusieurs années. Habitant au
C______, il avait pu observer que le 23 juin 2020, soit un mardi à 18h10, M. A______ était en train de tondre la pelouse se trouvant à droite de l’entrée de son immeuble. Il avait été surpris car il savait que M. A______ commençait assez tard son service et terminait vers une heure du matin, de sorte qu’il s’était dit que c’était son jour de repos.

Devant également s’occuper de l’absentéisme, il avait été vérifier et avait vu que M. A______ s’était annoncé malade. Il avait été formel sur la date du 23 juin 2020. Il avait mémorisé la personne de M. A______ qu’il avait dû voir dix ou vingt fois auparavant. Par ailleurs, il connaissait son adresse.

c. M. E______ était le responsable de groupe de M. A______ depuis une dizaine d’années. Lorsque M. A______ avait commencé à travailler aux TPG, il était au courant du fait que son épouse gérait une conciergerie et que M. A______ l’aidait. À cette époque, le taux de travail accessoire n’avait pas été défini et la question ne s’était pas vraiment posée. En 2018, une dénonciation d’un locataire de l’immeuble avait amené à un entretien entre M. A______ et Mme H______. On lui avait expliqué qu’il pouvait travailler quatre heures par semaine mais qu’il n’y aurait pas vraiment de contrôle de la part des TPG. Il devait se mettre en conformité avec cette décision et prouver combien d’heures il travaillait pour cette régie. Finalement, c’était sa femme qui avait repris totalement la conciergerie, de sorte que pour les responsables des TPG, M. A______ n’y travaillait plus. Lorsque M. A______ avait annoncé son arrêt maladie, le témoin l’avait appelé pour prendre de ses nouvelles le 26 juin 2020. M. A______ avait dit qu’il n’allait pas bien, qu’il ne pouvait plus bouger et devait rester allongé. Il s’était étonné du fait qu’on l’ait vu tondre la pelouse le 23 juin 2020. M. A______ avait eu un blanc, avait réfléchi et finalement prétendu qu’on avait dû le voir aller à la pharmacie chercher des médicaments. M. E______ avait eu l’impression qu’il avait menti et avait senti qu’il était gêné lorsqu’il avait été confronté à la version du témoin.

M. E______ a admis fonctionner sur la confiance, de sorte qu’il n’y avait pas eu de contrôle pour savoir si M. A______ avait gardé une activité liée à cette conciergerie. Globalement, ses prestations professionnelles répondaient aux attentes des TPG mais l’assiduité au travail pouvait être améliorée. Il y avait eu beaucoup d’absences. Concernant le comportement inadéquat datant du 19 janvier 2019, M. A______ avait été collaborant et s’était engagé à ne plus récidiver.

d. M. G______ a également confirmé qu’il y avait eu une demande d’activité accessoire de conciergerie de la part de M. A______, que l’entreprise n’était pas opposée mais lui avait rappelé le cadre par rapport à la LDT, soit quatre heures par semaine. M. A______ avait indiqué que ceci n’était pas suffisant, de sorte que toute la conciergerie serait reprise par son épouse. Il n’y avait pas eu de contrôle par la suite car on lui faisait confiance jusqu’à l’épisode de juin 2020.

Lors de l’entretien du 3 juillet 2020, lors duquel M. A______ était accompagné par un représentant syndical, le collaborateur avait été stupéfait,
et peut-être même en colère. M. G______ ne se rappelait pas si M. A______ s’était prononcé sur l’épisode du 23 juin 2020 mais il avait dit « les carottes sont cuites ». L’entretien avait duré moins d’une heure, il n’y avait pas eu de dénégations fermes de sa part par rapport à l’épisode du 23 juin 2020. Plusieurs conducteurs exerçaient des activités accessoires mais d’un taux inférieur à 10 %, les TPG étant très attentifs au temps de repos pour les conducteurs.

Concernant l’épisode où M. A______ avait eu une altercation avec un autre collègue, il l’avait reçu personnellement et s’était excusé, de sorte que les TPG avaient renoncé à une sanction et fixé des objectifs pour douze mois. Cet épisode n’avait pas pesé dans la décision de licenciement. L’affaire était réglée avec la convention d’objectifs de mars 2020. En revanche, l’affichette se trouvant sur la porte de l’immeuble avait eu un poids important concernant la rupture du lien de confiance avec l’employeur.

24) Dans ses observations finales du 21 juin 2021, M. A______ a persisté dans ses conclusions. Selon la jurisprudence rendue en la matière, la résiliation immédiate pour justes motifs devait rester une mesure exceptionnelle et devait être admise de manière restrictive. Seule une violation particulièrement grave des obligations contractuelles pouvait la justifier. Il était exclu de considérer qu’il existait des motifs dûment justifiés si le travailleur avait été empêché sans sa faute de travailler. La comparution personnelle des parties avait démontré que les TPG n’avaient jamais remis en question la qualité du travail de M. A______ mis à part un épisode avec un collègue qui avait été réglé rapidement. La décision de licenciement immédiat était totalement disproportionnée, s’agissant pour l’épisode du 23 juin 2020 d’aide ponctuelle à l’activité de son épouse. Il était clair que M. A______ n’exerçait aucune activité accessoire de conciergerie et s’était limité à fournir un soutien externe à sa femme pour la tonte du gazon, ce qui correspondait à environ quatre heures par mois. Concernant l’affichette en bas de l’immeuble de M. A______, le recourant s’en était expliqué à l’audience, ce que le propriétaire de l’immeuble aurait pu confirmer si la requête d’audition de ce dernier avait été prise en compte. Les TPG avaient admis pendant les enquêtes qu’aucune autre dénonciation ni autre élément probant n’avaient été amenés à leur connaissance relativement à une activité accessoire de conciergerie de M. A______. Dès lors, aucune activité accessoire ne pouvait être retenue au moment de la décision de licenciement immédiat.

Il avait admis en audience avoir exercé, à titre exceptionnel, la tonte du gazon le 22 juin 2020. C’était lors de cette tonte qu’il s’était potentiellement fait mal au dos. Le témoin F______ avait précisé que ce genre de blessure n’empêchait pas la marche, de sorte qu’il était possible qu’il se trouve à l’extérieur le 23 juin 2020 tout en étant dans un état d’incapacité de travail. Dès lors, son licenciement était uniquement basé sur le témoignage de l’unique personne l’ayant dénoncé, soit une personne qui aurait observé M. A______ en train de pousser une tondeuse sans être capable de déterminer s’il avait entendu un bruit particulier de tondeuse alors qu’il était dans son véhicule avec sa famille pendant un laps de temps de 10 secondes. Dès lors, les TPG auraient dû questionner sérieusement ce témoin et non pas se contenter d’un courriel du 29 juin 2020. Par ailleurs, les TPG avaient ignoré totalement le contrat de travail de son épouse avec le propriétaire de l’immeuble s’agissant de la conciergerie. Le témoin ne pouvait par ailleurs pas exclure être passé dans le quartier également le lundi 22 juin 2020.

25) Dans leurs observations après enquêtes du 21 juin 2021, les TPG ont persisté dans leurs conclusions, rappelant s’opposer à la réintégration de M. A______ et lui niant le droit de se voir verser le salaire dû dès le 18 juillet 2020 de même qu’à une quelconque indemnité. Il avait admis travailler pour cette conciergerie depuis janvier 2012, sa femme s’occupant des travaux courants de conciergerie et lui-même des travaux lourds comme la tonte du gazon sur une surface de 800 m2, des travaux techniques et de ramasser les feuilles ou les déchets sur les huit places de parking. Il avait également admis que suite à une dénonciation de 2018, il avait été convoqué à un entretien et que cette activité avait été autorisée pour autant qu’il l’exerce au maximum quatre heures par semaine soit un taux d’activité de 10 % mais qu’il devait néanmoins formaliser cette démarche en demandant l’autorisation, ce qu’il n’avait pas fait. M. A______ avait également admis avoir finalement affirmé qu’il renonçait à cette activité accessoire et un contrat avait été à nouveau signé le 18 mars 2019 entre la régie D______ et son épouse. Cette déclaration avait été reprise dans son mémoire de recours du 17 août 2020 et tous les témoins avaient confirmé cette version.

Les enquêtes avaient permis d’établir que M. A______ n’avait pas tenu cet engagement et avait continué à tondre la pelouse car ce travail était trop contraignant pour son épouse. Il avait ajouté que pendant l’été 2019, ne pouvant pas tondre suite à sa blessure à l’avant-bras, il avait engagé quelqu’un pour soulager son épouse de cette tâche. L’affiche officielle placardée dans le hall de l’immeuble photographiée en juillet 2020 apportait une preuve supplémentaire du fait que M. A______ n’avait pas renoncé totalement à son activité accessoire de concierge. Il n’y avait aucun doute quant à la date à laquelle M. J______ l’avait vu tondre la pelouse de son immeuble. Il s’agissait bien du 23 juin 2020. Lorsque le témoin l’avait vu en train de tondre la pelouse, il était en voiture et roulait très lentement car il y avait un dos d’âne, de sorte qu’ils se trouvaient à 10 m l’un de l’autre. Les propos tenus par ce témoin étaient crédibles, d’autant plus qu’il s’occupait au sein des TPG de contrôler l’absentéisme et que pendant plusieurs années, il avait attribué les horaires des conducteurs. Par ailleurs, M. A______ avait eu des réactions contradictoires et avait fourni d’abord une version selon laquelle il avait dû probablement être vu lorsqu’il se rendait à la pharmacie pour prendre des médicaments. Cette version avait été contredite par le témoignage du Dr F______ selon lequel M. A______ n’avait pas pris de médicaments lorsqu’il l’avait vu en consultation le 25 juin 2020. Par ailleurs, le recourant avait sous-entendu dans son mémoire de recours que le 23 juin 2020, il avait le dos bloqué, que tout déplacement était extrêmement difficile, de sorte qu’il n’avait pu se rendre chez son chiropraticien que le surlendemain, soit le 25 juin 2020. Le certificat médical fourni aux TPG bien qu’antidaté, mentionnait une incapacité de travail à partir du 24 juin 2020 et ne couvrait donc pas le 23 juin 2020. Le Dr F______ avait expliqué que M. A______ lui avait indiqué avoir mal au dos depuis le 22 juin 2020. Par ailleurs, les enquêtes avaient établi que la tondeuse utilisée par M. A______ devait être guidée et pesait une trentaine ou une quarantaine de kilos. Dès lors, non seulement M. A______ n’avait pas respecté ses engagements en continuant à exercer cette activité accessoire mais c’était cette activité qui avait de toute évidence provoqué les maux de dos, soit son incapacité de travail attestée par les certificats médicaux des 25 juin et 3 juillet 2020. M. A______ avait indiqué à son chiropraticien lors de la consultation du 25 juin 2020 que c’était bien la tonte de la pelouse qui avait déclenché sa lombalgie basse.

Par ailleurs, l’avis d’instruction de service n° 30/05 (avis d’absence pour maladie ou accident et avis de reprise) était valable depuis le 1er septembre 2018 et disponible sur l’intranet des TPG dès cette date, de sorte que le recourant ne pouvait pas l’ignorer. M. A______ avait fait preuve de désinvolture et d’absence de remise en cause face à ses manquements et contradictions.

Les TPG se sont référés à la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant le caractère justifié d’un licenciement avec effet immédiat d’un travailleur ayant exercé une activité accessoire alors qu’il s’était déclaré incapable de travailler. Dès lors, M. A______ avait violé l’art. 19 SP, étant rappelé également que la loi sur la durée du travail (LDT) à laquelle les TPG étaient soumis consacrait des règles strictes relatives à la durée du travail et au repos des conducteurs professionnels dans le but d’assurer la sécurité des usagers. Dès lors, la confiance que les TPG avaient mis en M. A______ avait été rompue par le fait que le recourant avait menti à plusieurs reprises et que l’exercice de cette activité accessoire contrevenait aux règles de sécurité. En effet, le recourant travaillait essentiellement de nuit, soit entre 16/17h00 jusqu’à 02h00/02h30, de sorte que pendant ses jours de congé, il devait se reposer.

26) La cause a été gardée à juger le 22 juin 2021.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les TPG, établissement de droit public genevois, sont dotés de la personnalité juridique et autonomes dans les limites fixées par la loi sur les transports publics genevois du 21 novembre 1975 (art. 2 al. 1 LTPG - H 1 55). À teneur de l’art. 8 LTPG, les organes administratifs des TPG sont le conseil d’administration (let. a) et le conseil de direction (let. b).

Le conseil d’administration établit le statut du personnel et fixe les traitements, après consultation du personnel (art. 19 al. 2 let. o LTPG). Il nomme et révoque le personnel, sous réserve des attributions du conseil de direction et des dispositions du statut du personnel concernant le droit de recours (art. 19 al. 2 let. p LTPG).

3) a. Les rapports de travail sont régis, outre par la législation fédérale applicable, par le statut, son règlement d'application et ses règlements particuliers et les instructions de service (art. 2 SP).

Tous les employés sont liés aux TPG par un rapport de droit public (art. 2 al. 2 SP). La loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (Code des obligations CO - RS 220), notamment son titre dixième (du contrat de travail), s'applique à titre de droit public supplétif (art. 2 al. 3 SP).

b. L’APOP a pour but, par le biais de l’évaluation des prestations de l’employé, d’intensifier le dialogue, de contribuer à la bonne marche de l’entreprise et d’identifier les besoins en formation (art. 58 al. 1 SP).

4) Parmi les obligations de l’employé figure à l’art. 19 SP que « si l’employé souhaite exercer une autre activité accessoire rémunérée, il doit en faire préalablement la demande à la direction. L’autorisation sera accordée si cette activité n’est pas de nature à nuire à l’accomplissement de sa fonction ».

En l’espèce, il apparaît clairement que si, en 2018, le recourant aurait pu être autorisé à exercer une activité accessoire à temps partiel de concierge limitée à quatre heures, il avait par la suite renoncé expressément à cette activité et informé son employeur de ce qu’un nouveau contrat avait été signé avec son épouse uniquement.

Le recourant a admis en comparution personnelle avoir continué à tondre la pelouse, activité trop lourde pour son épouse. Il a également donné des explications peu crédibles concernant l’affiche posée en bas de son immeuble le désignant en qualité de concierge avec son numéro de téléphone privé et son numéro de portable. L’employeur pouvait donc retenir sans excès de son pouvoir d’appréciation qu’il continuait d’exercer cette activité accessoire de concierge, contrairement à ce qu’il avait affirmé. Dès lors, une violation de l’art. 19 SP doit être constatée. Il y a lieu d’examiner si l’employeur avait le droit de licencier M. A______ avec effet immédiat pour avoir tondu la pelouse le 23 juin 2020 alors qu’il avait annoncé une incapacité de travail le jour-même.

5) Selon l’art. 74 SP, l’employeur et l’employé peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour des motifs justifiés, soit selon l’al. 2, toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail. Selon l’al. 3, le juge apprécie librement s’il existe des motifs dûment justifiés mais en aucun cas, il ne peut considérer comme tel le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler. S’il s’avère que cette résiliation avec effet immédiat était injustifiée, le travailleur a droit à ce qu’il aurait gagné si les rapports de travail avaient pris fin à l’échéance du délai de congé ou à la cessation du contrat conclu pour une durée déterminée. De plus, s’il retient que le licenciement ne repose pas sur un motif justifié, le juge peut proposer à l’entreprise la réintégration du salarié. Si l’entreprise s’y oppose, le juge fixera une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un ni supérieur à huit salaires mensuels (art. 76 SP).

Selon la jurisprudence rendue en matière civile, qui peut en l'occurrence se voir utilisée par analogie vu la proximité de la formulation de l'art. 74 des statuts, la résiliation immédiate pour justes motifs constitue une mesure exceptionnelle et doit être admise de manière restrictive ; les faits invoqués à l'appui d'une résiliation immédiate doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. En règle générale, seule une violation particulièrement grave des obligations contractuelles peut justifier une telle résiliation, mais d'autres incidents peuvent également justifier une telle mesure; ainsi, une infraction pénale commise au détriment de l'autre partie constitue en règle générale un motif justifiant la résiliation immédiate. Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 in initio CO) et il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 du code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210) ; à cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des incidents invoqués (ATF 130 III 28 consid. 4.1 et les arrêts cités, SJ 2011 I p. 454 ss).

Le Tribunal fédéral a confirmé à plusieurs occasions que le seul fait de travailler ou d’exercer une activité accessoire à l’insu de son employeur, alors même que l’employé était au bénéfice d’un arrêt de travail, est une violation grave du devoir de fidélité et entraînant une rupture du lien de confiance qui justifie un licenciement avec effet immédiat (ATF 8C_885/2017 du 11 octobre 2018, ATF 8C_548/2012 du 18 juillet 2013). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé que « durant son engagement, en contrepartie du traitement qui lui est versé, le fonctionnaire est tenu de consacrer à sa fonction l’entier de son temps et sa force de travail, à moins qu’il ne soit empêché de travailler à cause d’une atteinte physique, mentale ou psychique. Ce temps dû à l’employeur « qu’il soit travaillé ou non travaillé en raison de l’incapacité de travail – ne constitue pas du temps libre dont le fonctionnaire peut disposer à sa guise comme d’un jour férié ». Indépendamment du type d’activité que couvrait le certificat médical de la recourante in casu, la gravité de sa faute résidait dans le fait qu’elle avait consacré à son activité accessoire un temps où elle était réputée incapable de travailler. Or, ceci n’était pas tolérable pour un employeur (ATF 8C_548/2012 consid. 6.2).

Par ailleurs, selon la doctrine relative à l’art. 337 CO, indépendamment de tous rapports de concurrence, viole son devoir de fidélité le travailleur qui exerce une activité accessoire sans l’accord de son employeur lorsque le statut du personnel de l’employeur subordonne une telle activité à une autorisation préalable (Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 4ème éd., 2019, p. 115).

6) En l’espèce, les responsables des intimés ont indiqué que la résiliation avec effet immédiat était uniquement basée sur le fait que le recourant avait été vu en train de tondre la pelouse le 23 juin 2020 à 18h00, alors qu’il avait annoncé pour le jour-même une incapacité de travail. Les autres épisodes de comportements inadéquats avaient en effet été réglés de façon satisfaisante pour l’employeur, de sorte qu’ils n’étaient pas entrés en ligne de compte dans la décision de licenciement.

Il n’y a pas lieu de remettre en cause la crédibilité du témoin ayant dénoncé les faits. Ce témoin a été réentendu pendant les enquêtes et confirmé qu’il s’agissait bien du 23 juin 2020 à 18h10 et qu’il avait reconnu M. A______. Par ailleurs, s’occupant des horaires des conducteurs TPG, il s’était rappelé que ce dernier travaillait en fin de journée et en début de nuit, de sorte qu’il en avait déduit que c’était pour lui un jour de congé. Aucun élément du dossier ne permet de remettre en question ce témoignage, d’autant plus que les réponses diverses et contradictoires du recourant à son employeur ne permettent pas de déterminer une autre version des faits.

En particulier, le Dr F______ n’a reçu le recourant que le 25 juin 2020, de sorte qu’il n’a pas pu déterminer s’il était souffrant déjà le 23 juin 2020 ; bien qu’il ait cru comprendre que le début de l’incapacité de travail datait du 22 juin 2020, ce médecin a attesté d’une incapacité à partir du 24 juin 2020. Par ailleurs, ce témoin a clairement indiqué que les douleurs au dos étaient provoquées par le fait que le recourant avait poussé une lourde tondeuse à gazon quelques jours auparavant. D’autre part, il a également indiqué que le recourant n’avait pas pris de médicaments, ce qui met à mal la version de ce dernier selon laquelle il aurait été vu se rendre à la pharmacie le 23 juin 2020 au soir. Dès lors, il faut admettre que le recourant a continué de tondre le gazon devant son immeuble en 2018, 2019 et 2020, à l’exception de la période où sa blessure au tendon l’en a empêché. En continuant cette activité qui n’était pas autorisée par son employeur, M. A______ a provoqué lui-même des douleurs au dos qu’il a subies à plusieurs reprises et notamment en juin 2020.

L’ensemble de ces éléments permet de retenir que l’employeur ne pouvait plus avoir confiance en son employé qui a de plus varié de version selon son opportunité et a finalement fini par se contredire. Par ailleurs, le certificat médical fourni par le recourant déployant son effet à partir du 24 juin 2020 et ne couvrait donc pas le 23 juin 2020.

Quant à l’affiche photographiée le 2 juillet 2020 en bas de son immeuble indiquant qu’il était encore concierge à cette date, elle ne fait que renforcer l’impression de mauvaise foi de la part du recourant, qui a profité à partir de 2018 d’un manque de contrôle de la part de M. E______ qui était persuadé qu’il avait arrêté définitivement cette activité de concierge.

Dès lors, les TPG étaient en droit de résilier avec effet immédiat le contrat les liant à M. A______. Il en résulte que le recourant ne peut faire valoir aucune prétention de salaire pour la période ayant suivi son licenciement, ne peut demander à être réintégré à l’entreprise ni prétendre à une indemnité du fait de sa non-réintégration.

Par ces motifs, le recours sera rejeté.

7) Compte tenu de l’issue de la présente procédure, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 août 2020 par Monsieur A______ contre la décision des Transports publics genevois du 17 juillet 2020 ;

au fond :

le rejette ;

condamne M. A______ à verser un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marc Lironi, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Anne Meier, avocate des Transports publics genevois.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

la greffière :