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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2654/2017

ATA/1184/2018 du 06.11.2018 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE ; EMPLOYÉ PUBLIC ; PÉRIODE D'ESSAI ; RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC ; RÉINTÉGRATION PROFESSIONNELLE ; RÉSILIATION
Normes : Cst.5.al2; Cst.9; sPVG.27.al1; sPVG.27.al2; sPVG.27.al5; sPVG.32.al1; sPVG.32.al2; sPVG.32.al3; sPVG.32.al4; sPVG.96.al2; sPVG.99.al2
Résumé : Durant la période d'essai, l'autorité d'engagement dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui lui permet de mettre un terme aux rapports de service lorsque des lacunes d'un(e) employé(e) dans l'exécution de ses tâches compromettent sa mission et ses responsabilités. Une prolongation du temps d'essai doit répondre aux conditions légales posées et n'est pas envisageable en cas de manque d'intégration de la personne en cause au sein de l'équipe du service concerné qui pourrait handicaper le bon fonctionnement de celui-ci.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2654/2017-FPUBL ATA/1184/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 novembre 2018

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Judith Küenzi, avocate

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1961, est titulaire d’un brevet fédéral d’officière de l’état civil, obtenu le 24 octobre 2011. Elle est officière de l’état civil à Genève.

2) D’octobre 2006 à juin 2015, elle a travaillé comme commise administrative au secteur état civil spécialisé du service état civil et légalisation de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Elle s’occupait notamment de l’inscription des événements d’état civil survenus à l’étranger dans la banque centrale de données informatisées de l’état civil (ci-après : Infostar) et du contrôle des dossiers de naturalisation et des décisions judiciaires et administratives du canton de Genève.

3) Le 9 février 2015, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a fait paraître une annonce de recrutement de deux officières ou officiers de l’état civil.

a. Les personnes intéressées avaient pour mission et responsabilités de gérer, saisir et clôturer des événements de l’état civil selon les prescriptions fédérales et cantonales. Elles devaient seconder les chefs de sections dans l’exécution de leurs tâches et répondre aux besoins et demandes du public. Elles devaient être titulaires d’un brevet fédéral d’officier de l’état civil, être à l’aise dans les contacts avec le public. Elles devaient être autonomes et organisées dans l’accomplissement de leurs tâches et avoir un esprit d’initiative et d’analyse.

b. Selon une fiche de description de fonction modifiée le 7 janvier 2015, un officier de l’état civil avait notamment pour activités principales et responsabilités de saisir dans Infostar les événements de la vie d’une personne, rechercher, corriger et mettre à jour les données dans les registres d’état civil afin d’en garantir l’exactitude, rédiger, de manière autonome, la correspondance afférente à l’état civil, évaluer et encaisser les émoluments suivant les prescriptions fédérales, assurer le classement et l’archivage de documents de l’état civil.

4) Le 14 février 2015, Mme A______ a envoyé son dossier de candidature aux postes précités.

Elle avait une expérience de sept ans au poste d’adjointe de l’état civil spécialisé au service état civil et légalisation. Elle avait eu pour fonction d’assister la cheffe de secteur. Ses tâches principales avaient consisté à assister les offices d’état civil du canton de Genève et des autres cantons dans la rectification d’Infostar, la transcription des événements des ressortissants suisses de l’étranger et l’enregistrement des décisions judiciaires et administratives du canton de Genève. Elle était précise, rapide, polyvalente et appréciait le travail en équipe.

5) Par décision du 25 mars 2015, le Conseil administratif de la ville (ci-après : le Conseil administratif) a nommé Mme A______ au poste d’officière de l’état civil au service de l’état civil en qualité d’employée dès le 1er juillet 2015 pour une période de probation de deux ans. L’intéressée a été affectée à la section du registre des personnes, reprises du nom après divorce et procédures de naturalisation (ci-après : registre des personnes).

6) Le 28 avril 2016, Mme A______ a eu avec sa supérieure hiérarchique du registre des personnes un entretien d’évaluation de l’employée après neuf mois de service.

a. Elle avait des lacunes dans l’exécution de ses tâches journalières et n’avait pas acquis l’ensemble des connaissances pratiques nécessaires à son travail. Des erreurs étaient souvent constatées dans ses dossiers. Elle avait de la peine à comprendre les bases de son activité, et certaines tâches n’étaient pas faites correctement. Elle avait du mal à aller à l’essentiel, en donnant des informations inutiles ou en omettant des détails importants. Elle devait être plus rigoureuse dans l’exécution de son travail et apprendre à mieux classer les informations métier reçues. Elle était de caractère serviable et disponible pour rendre service. Elle avait des contacts corrects avec ses collègues et sa hiérarchie et de bons rapports avec le public.

b. Selon les critères d’appréciation de son évaluation, elle répondait aux attentes pour ce qui était des connaissances et des contacts humains. Elle répondait partiellement aux attentes concernant la pratique de l’emploi, l’organisation et l’exécution du travail et la bienfacture.

c. D’après le préavis de la cheffe de service de l’état civil du 28 avril 2016, une nette amélioration de l’intéressée était attendue. Le département des finances et du logement a, le 3 juin 2016, souscrit à la position de la cheffe de service.

7) Le 3 mai 2016, la cheffe de service a eu un entretien informel avec Mme A______ en présence de la supérieure hiérarchique de celle-ci.

La période qui suivait l’entretien d’évaluation précité était décisive. Il était demandé à l’intéressée de faire preuve de progrès.

8) De mai à septembre 2016, Mme A______ a été mise à la disposition de la section du service des mariages, enregistrements des partenariats et décès (ci-après : service des mariages) afin de tester ses compétences et son attitude.

9) Le 30 décembre 2016, Mme A______ a, avec d’autres collègues et une cheffe de section, assuré une permanence de service au cours de laquelle elle était seule répondante pour le registre des personnes.

10) Le 6 janvier 2017, Mme A______ a eu, avec sa supérieure hiérarchique, un entretien d’évaluation de l’employée après vingt mois de service.

a. Elle avait été rendue attentive lors des entretiens des 28 avril 2016 et 3 mai 2016 à son manque de connaissances pratiques nécessaires à son travail. Elle avait encore beaucoup de lacunes dans l’exécution de ses tâches. Elle donnait l’impression de ne pas comprendre le sens et la portée de ses erreurs. Elle ne tenait pas compte des remarques qui lui étaient faites au sujet de celles-ci. Cette attitude provoquait des tensions au sein de l’équipe. Elle manquait d’autonomie et d’esprit d’analyse, de précision et d’exhaustivité dans la gestion des dossiers. Un stage passé dans un autre service avait confirmé ses difficultés. Elle adoptait une attitude irritante et était parfois de mauvaise foi dans ses relations avec ses collègues. Néanmoins, elle entretenait de bons contacts avec le public.

b. Selon les critères d’appréciation de son évaluation, elle ne répondait pas aux attentes en ce qui concernait les connaissances, la pratique de l’emploi, l’organisation et l’exécution du travail et sa bienfacture. Elle répondait partiellement aux attentes pour ce qui était des contacts humains.

11) Le 9 janvier 2017, Mme A______ a présenté un certificat d’incapacité de travail à 100 % pour cause de maladie. Elle n’a pas repris son activité.

12) Le 16 janvier 2017, Mme A______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés lors de l’entretien du 6 janvier 2017 et a requis une prolongation de son temps d’essai voire un déplacement dans un autre service.

Ses tâches à l’OCPM étaient différentes de celles exercées au sein du registre des personnes. Elle n’avait pas bénéficié de l’appui d’un « parrain » à son entrée en service ou dès la constatation de ses premières lacunes. Elle n’avait pas été orientée de manière adéquate vers une formation à suivre en particulier pour combler ses éventuelles insuffisances. Elle ne se déchargeait pas de ses responsabilités sur ses collègues. La mauvaise ambiance régnant au sein de la section ne l’avait pas aidée dans l’apprentissage de ses nouvelles tâches. Elle avait été isolée du reste de l’équipe. Aucune collaboratrice ne lui adressait la parole. Elle n’avait pas eu de doléances de la part de la cheffe de section au sujet de son attitude à l’égard de ses collègues. Elle entretenait d’excellentes relations avec le public. Son stage au service des mariages avait été jugé satisfaisant.

13) Le 17 janvier 2017, la cheffe de service a requis de la directrice adjointe du département de la cohésion sociale et de la solidarité de la ville d’entamer une procédure de licenciement de Mme A______ et de libérer celle-ci de son obligation de travailler.

L’intéressée n’avait pas montré de signes d’amélioration dans son travail, malgré les mises en garde de sa hiérarchie. Elle avait, à plusieurs reprises, géré des dossiers de manière incomplète et demandé à des administrés des documents non nécessaires. Elle avait démontré n’avoir pas compris les règles de base de l’état civil. Elle n’avait pas d’attitude positive face à ses erreurs. Deux formations spécifiques « Développer son affirmation ? Améliorer ses relations » et « Mieux gérer son stress et ses facteurs de risque » lui avaient été conseillées. S’étant inscrite en liste d’attente, elle n’avait cependant pas pu les suivre.

14) Le 19 janvier 2017, Mme A______ a requis en vain un entretien avec les ressources humaines (ci-après : RH) afin d’expliquer sa situation, son dossier ayant été déjà transmis au Conseil administratif à qui il incombait de prendre une décision à son sujet.

15) Le 8 février 2017, le Conseil administratif a informé Mme A______ de son intention de résilier son engagement pendant la période d’essai et lui a imparti un délai au 17 février 2017 pour formuler ses observations et solliciter une audition orale.

Selon les rapports d’évaluation des 28 avril 2016 et 6 janvier 2017, de nombreuses et importantes lacunes subsistaient dans l’exécution de ses tâches. L’ensemble de sa hiérarchie avait préavisé défavorablement la poursuite des rapports de service.

16) Le 16 février 2017, Mme A______ a formulé des observations au sujet du courrier précité et a requis du Conseil administratif de reconsidérer sa position et de renoncer à son licenciement, d’envisager une prolongation de son temps d’essai ou un changement de service.

Depuis le début de ses rapports de service, l’attitude distante et apathique de sa supérieure hiérarchique et de ses collègues ne favorisait pas la collaboration. Elle avait fait part de cette situation à celle-là, dans son courrier du 16 janvier 2017, et aux RH.

17) Le 28 février 2017, le Conseil administratif a informé Mme A______ d’avoir décidé, au cours d’une séance du même jour, de poursuivre le processus de licenciement pendant la période d’essai et de résilier son engagement.

La notification de la résiliation interviendrait au terme de la période de protection, l’intéressée étant en incapacité de travail pour cause de maladie.

18) Par décision du 17 mai 2017, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseil administratif a résilié les rapports de service de Mme A______ avec effet au 31 juillet 2017 et l’a libérée de son obligation de travailler jusqu’au terme du délai de congé.

Les reproches qui lui étaient adressés figuraient dans les entretiens d’évaluation précités des 28 avril 2016 et 6 janvier 2017.

19) Par acte déposé le 19 juin 2017, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant préalablement à ce qu’une audience de comparution personnelle des parties, de preuves et d’audition de témoins soit ordonnée. Elle a aussi conclu principalement à l’annulation de la décision attaquée et à sa réintégration au poste d’officière d’état civil à compter du 1er août 2017. Subsidiairement, elle a conclu à la condamnation de la ville de Genève à lui verser une somme de CHF 94'139.- équivalent à douze mois de salaire avec intérêt à 5 % dès le 1er août 2015 (sic).

Le Conseil administratif avait constaté les faits de manière erronée en lui imputant de prétendues fautes non documentées. En raison des versions contradictoires des parties, l’autorité aurait dû ordonner une enquête ou recueillir des renseignements complémentaires. La décision attaquée violait le droit et était disproportionnée, d’autres solutions – notamment le changement de service ou la prolongation du temps d’essai – étant envisageables.

20) Le 21 juillet 2017, la ville a conclu au rejet du recours.

Le Conseil administratif disposait d’un pouvoir discrétionnaire pour ouvrir une enquête. Le dossier de la cause ne justifiait pas une telle enquête, des évaluations complètes et précises ayant été effectuées. Le principe de la proportionnalité n’avait pas été violé. L’intéressée avait été engagée pour un poste spécifique, il lui revenait d’effectuer ses tâches en lien avec celui-ci. Toute autre solution n’aurait pas été efficiente pour une bonne gestion du service et aurait déstabilisé les équipes. Le temps d’essai ne pouvait pas être prolongé, les conditions n’étant pas réunies. En outre, les manquements constatés et l’absence d’amélioration rendaient inutile une prolongation de celui-ci. La réintégration n’était pas envisageable, Mme A______ ayant des lacunes importantes dans l’exécution de son travail et son retour pouvant avoir des répercussions négatives sur ses collègues et sur le bon fonctionnement du service.

Pour surplus, la ville a repris les arguments de la décision attaquée.

21) Les 4 et 11 octobre 2017, le juge délégué a tenu des audiences de comparution personnelle des parties et d’enquêtes.

a. Mme A______ a déclaré avoir eu avec ses collègues des difficultés relationnelles, dont elle avait en vain essayé de discuter avec sa supérieure hiérarchique. Elle n’en avait pas référé à la cheffe de service. Avant son engagement à la ville, elle n’avait pas bénéficié d’une expérience pratique dans un arrondissement de l’état civil. Elle percevait toujours des indemnités perte de gain correspondant à son dernier traitement. Elle suivait un traitement médical.

b. Selon Madame B______, cheffe du registre des personnes, les officiers de l’état civil devaient être capables d’exercer toutes les tâches liées à leur fonction. Un dossier pouvait être traité parallèlement par plusieurs personnes.

Elle avait présenté à Mme A______ le fonctionnement du service et les tâches à accomplir. Celle-ci avait aussi été mise en tandem avec une autre collaboratrice. Elle-même avait mené les deux entretiens d’évaluation. Le deuxième faisait état d’exemples de lacunes de Mme A______. Il y avait un lien entre ces lacunes professionnelles et les relations avec ses collègues qui s’étaient dégradées au bout de quelques mois seulement après son engagement. Elle avait eu plusieurs entretiens informels avec Mme A______. Lors de l’un d’entre eux, celle-ci lui avait parlé d’une mauvaise ambiance au sein de la section, sans toutefois lui donner d’exemples précis. Elle-même avait proposé d’organiser une discussion à ce sujet, mais l’intéressée avait décliné la proposition. Plusieurs collaboratrices étaient en revanche venues lui parler des tensions engendrées par l’attitude de celle-ci. Elle avait invité celle-ci à aller discuter de la problématique avec ses collègues. Mme A______ avait commis des fautes graves notamment lors de la rédaction et de l’envoi d’un certificat d’état de famille (ci-après : CEFE) qui ne mentionnait pas les données relatives aux enfants nés à Genève dans le cadre d’une succession. L’intéressée avait aussi demandé à un ressortissant étranger un document qui n’était pas nécessaire, une simple confirmation de données actuelles (ci-après : CDA) étant suffisante.

À un moment donné, il avait été décidé avec la direction de mettre Mme A______ à la disposition du service des mariages, dans le but de vérifier si le travail lui conviendrait mieux et si les relations avec ses nouveaux collègues seraient meilleures. Elle-même n’avait pas constaté d’erreurs commises par l’intéressée dans l’accomplissement de ses tâches au sein du service des mariages.

c. Madame C______, cheffe de service, avait procédé à l’engagement de Mme A______, l’avait accueillie à son entrée en fonction et lui avait présenté les aspects organisationnels et logistiques du service.

Elle était présente aux deux entretiens d’évaluation. Elle ne participait en principe pas à l’entretien des neuf mois, mais dans le cas de Mme A______, la cheffe du registre des personnes lui avait fait part des difficultés de celle-là à saisir des attentes du service. Lors de l’entretien du 28 avril 2016, beaucoup d’exemples d’erreurs avaient été donnés. Elle avait, le 3 mai 2016, convoqué Mme A______ à un entretien en présence de la cheffe de section, destiné à souligner la nécessité « d’une sérieuse amélioration » de celle-là. Lors de l’évaluation des vingt mois, les mêmes problèmes étaient réapparus, avec à l’appui de nouveaux exemples concrets. Elle avait alors évoqué une possible résiliation des rapports de service. À l’issue du stage au service des mariages, elle s’était aussi posé la question de la poursuite des rapports de service.

d. Madame D______, engagée un mois après Mme A______, avait travaillé avec celle-ci au sein du registre des personnes. Au début de son activité, elle n’avait pas de notion en matière d’état civil. Elle avait été « coachée » pendant quelques mois par des collègues qui lui avaient expliqué les bases du fonctionnement de la section. Elle les accompagnait au guichet pour répondre aux administrés. Elle n’avait eu aucun problème d’intégration au sein de l’équipe. Pour elle, il existait des tensions entre Mme A______ et ses collègues. Elle n’avait cependant jamais assisté à des échanges inadéquats ou à des scènes de violence verbale. Au sein de la section, les collègues ne discutaient pas de l’intéressée en son absence et ils ne l’excluaient pas.

e. Madame E______, officière de l’état civil à F______, avait travaillé au service de l’état civil de la ville de 2010 à 2014. Les tâches à effectuer au registre des personnes étaient « basiques ». Elle avait déjà accompli ce genre de tâches dans d’autres communes notamment à G______, H______ et I______. L’ambiance au sein du registre des personnes était délétère. La situation confinait au harcèlement psychologique. Les discussions des membres de la section tournaient autour de la vie privée. Elle avait été, à sa demande, transférée au service du registre des naissances.

f. Madame J______, officière d’état civil, cheffe du service des mariages depuis 2010, avait passé deux semaines avec Mme A______ lors du stage de celle-ci, en étant très présente, pour lui expliquer les spécificités du travail au sein de la section et pour lui redonner confiance en elle. Celle-ci avait manifesté son envie d’apprendre et de faire son travail, et ne rechignait pas à la tâche. Elle posait des questions comme les autres collaborateurs. Lors de la séance de direction consacrée à une éventuelle fin des rapports de service de Mme A______, elle-même avait fait valoir le bon déroulement du stage. L’intéressée avait commis des erreurs durant son stage notamment celle d’avoir fixé une date de célébration d’un mariage sans vérifier si un des fiancés avait un titre de séjour en Suisse. Elle lui avait fait part de ses problèmes avec ses collègues du registre des personnes.

g. Monsieur K______, officier d’état civil, avait été collègue de Mme A______ durant son stage au service des mariages. Il l’avait initiée à la partie technique du travail. Il n’avait pas eu de soucis relationnels ou professionnels avec elle. L’ambiance était harmonieuse au sein du service des mariages, le stage de Mme A______ permettant de retrouver la force de travail qui manquait. Celle-ci était de bonne volonté et souhaitait devenir autonome rapidement. Cependant, quand elle avait commencé à travailler seule, elle avait commis des erreurs. Elle avait de la peine à reconnaître celles-ci. Elle lui avait parlé de difficultés rencontrées avec les collègues de la section du service du registre des personnes. Elle se sentait seule et isolée. Avant son stage, elle venait déjà discuter avec lui pour se libérer.

22) Le 22 décembre 2017, Mme A______ a, dans ses observations après enquêtes, persisté dans ses conclusions.

Ses prestations n’avaient pas été évaluées de manière objective et impartiale. Aucun avertissement écrit ne lui avait été donné. Elle n’avait pas obtenu de formation idéale pour l’accomplissement de ses tâches.

23) Le 22 décembre 2017, la ville a également persisté dans ses conclusions et a produit de nouvelles pièces illustrant les erreurs de Mme A______ dans ses activités.

24) Le 23 février 2018, Mme A______ a de nouveau persisté dans ses conclusions.

Les pièces nouvellement produites par la ville ne laissaient apparaître aucune faute grave de sa part, mais des oublis ou erreurs sans conséquences.

25) Le 13 mars 2018, la ville a persisté dans ses conclusions.

26) Le 16 mars 2018, les observations de la ville ont été transmises à Mme A______, ensuite de quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de la ville du 17 mai 2017 prononçant le licenciement de la recourante.

3) En tant qu’employée de la ville, la recourante est soumise au statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 (SPVG - LC 21 151) et à son règlement d’application du 14 octobre 2009 (REGAP - LC 21 152.0).

a. Les employées et employés sont nommés initialement pour une période d’essai de deux ans (art. 27 al. 1 SPVG). Le Conseil administratif peut prolonger la période d’essai par décision notifiée au moins un mois avant son échéance lorsque le travail a été interrompu pour cause de maladie, d’accident, de maternité, de congé parental ou d’accomplissement d’une obligation légale (al. 2 phr. 1). Une évaluation des employées et employés en période d’essai est menée au plus tard après neuf et vingt mois sous forme d’un entretien d’évaluation (al. 5).

b. Pendant la première année de la période d'essai, l'engagement peut être librement résilié de part et d'autre, un mois à l'avance pour la fin d'un mois ; ce délai est porté à deux mois dès la deuxième année (art. 32 al. 1 SPVG). La résiliation par l'employeur (licenciement) fait l'objet d'une décision motivée du Conseil administratif (art. 32 al. 2 SPVG). L’art. 336 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) est applicable en cas de licenciement abusif (art. 32 al. 3 SPVG). L’art. 336c CO sur la résiliation en temps inopportun est applicable par analogie dès le quatrième mois des rapports de service (art. 32 al. 4 SPVG).

Durant la période probatoire, l’administration dispose d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de la poursuite des rapports de service. Ce large pouvoir d’appréciation permet le recrutement d’agents répondant véritablement aux besoins du service. L’administration reste néanmoins tenue au respect des principes et droits constitutionnels, notamment la légalité, la proportionnalité, l’interdiction de l’arbitraire et le droit d’être entendu (ATA/1086/2018 du 16 octobre 2018 ; ATA/55/2018du 23 janvier 2018). En particulier, le grief d'arbitraire ne doit être admis que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque les motifs allégués sont manifestement inexistants, lorsque des assurances particulières ont été données à l'employé ou en cas de discrimination. En revanche, l'autorité de recours n'a pas à rechercher si les motifs invoqués sont ou non imputables à une faute de l'employé ; il suffit en effet que la continuation du rapport de service se heurte à des difficultés objectives, ou qu'elle n'apparaisse pas souhaitable pour une raison ou une autre (arrêt du Tribunal fédéral 8C_774/2011 du 28 novembre 2012 consid. 2.4 ; ATA/1086/2018 précité ; ATA/55/2018précité).

Il ressort également de l’exposé des motifs concernant la proposition du Conseil administratif du 14 octobre 2009 visant l’adoption du nouveau SPVG que le licenciement est libre pendant la période d’essai, sous réserve du respect du délai de préavis et de l’interdiction des licenciements abusifs ou prononcés en temps inopportun. La décision de licenciement doit être motivée et, comme toute décision fondée sur le SPVG, elle est sujette à recours (Mémorial des séances du Conseil municipal de la ville du 10 novembre 2009, PR-749 p. 2297 s.).

c. Les membres du personnel ont la possibilité de s’exprimer par écrit sur les motifs invoqués à l’appui de la décision. Les membres du personnel ont également droit à une audition orale devant l’autorité compétente pour rendre la décision, ou une délégation de celle-ci s’il s’agit du Conseil administratif, avec le droit de se faire assister (art. 96 al. 2 SPVG). Un licenciement ne peut être prononcé sans que la personne intéressée ait pu préalablement faire valoir ses observations sur les motifs avancés pour le justifier (art. 99 al. 2 SPVG).

d. Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. À cet égard, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d’un droit certain. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; 138 I 49 consid. 7.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_885/2017 du 11 octobre 2018 consid. 7.2 ; 1D_7/2017 du 13 juillet 2018 consid. 5.1). La chambre administrative suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/1086/2018 précité ; ATA/55/2018précité).

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 ; 125 I 474 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_956/2016 du 7 août 2017 consid. 4.2.3 ; 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

4) En l’occurrence, la recourante se plaint de la constatation inexacte des faits par l’autorité intimée et de la violation du droit et du principe de la proportionnalité. Elle soutient que les entretiens d’évaluation des 28 avril 2016 et 6 janvier 2017 sur lesquels se base la décision attaquée ne mentionnent pas de cas précis d’erreurs qui lui sont reprochées, mais que celles-ci reposent sur un point de vue subjectif de sa supérieure hiérarchique avec laquelle il existait une tension importante. Elle soutient en outre que d’autres solutions moins incisives comme la prolongation de son temps d’essai ou le changement de service étaient envisageables.

La ville reproche à la recourante de ne pas maîtriser les connaissances pratiques indispensables à l’exercice de sa fonction, de ne pas gérer convenablement le classement des informations reçues, de créer par son attitude face à ses erreurs des tensions avec ses collègues, de manquer d’autonomie, d’esprit d’analyse et de synthèse, d’assurance, de rigueur, de précision et d’exhaustivité dans la gestion des dossiers et de capacité d’amélioration.

Pour se forger son opinion, l’intimée s’est fondée sur les entretiens d’évaluation précités, lesquels font état de problèmes récurrents, en particulier s’agissant des lacunes dans l’exécution de ses tâches et l’assimilation des règles de base de l’état civil et la logique d’enregistrement des événements dans Infostar.

Il ressort de la procédure que des erreurs concrètes ont été reprochées à la recourante lors des entretiens d’évaluation, notamment celles d’avoir demandé un acte étranger à une personne qui s’était déjà mariée et avait divorcé en Suisse et à un ressortissant de l’Union européenne déjà saisi dans Infostar, d’avoir accepté un passeport échu d’un ressortissant étranger lors d’une procédure de mariage, de ne pas avoir fixé les émoluments exacts de certaines prestations, demandé le consentement d’un curateur pour certaines formalités, établi un CEFE et les procédures de contrôle indispensables, compris pourquoi dans certains cas une CDA d’un ressortissant étranger suffisait et pas dans d’autres. C’est dès lors à tort que la recourante reproche à la ville de manquer de précision dans les cas concrets qui lui ont été reprochés lors des entretiens d’évaluation précités.

En outre, les lacunes susrappelées dans l’exécution de ses tâches compromettent la mission et les responsabilités de la recourante de garantir l’exactitude de l’état civil. Celle-ci allègue certes n’avoir jamais travaillé dans un arrondissement de l’état civil du canton et que ses tâches auprès de l’OCPM étaient différentes de celles exercées pour la ville. Toutefois, au moment de sa postulation, elle avait, en connaissance de cause, envoyé sa candidature au poste d’officière de l’état civil mis au concours par la ville dont l’annonce de recrutement faisait état de tâches telles que saisir dans Infostar les événements de la vie d’une personne, et la fiche de description de la fonction précisait qu'il s'agissait de rechercher, corriger et mettre à jour les données dans les registres de l’état civil afin d’en garantir l’exactitude, d’évaluer et d’encaisser les émoluments suivant les prescriptions fédérales, d’assurer le classement et l’archivage de documents de l’état civil. Elle avait aussi affirmé être titulaire d’un brevet d’officière de l’état civil, avoir une expérience de sept ans au poste d’adjointe de l’état civil spécialisée au service état civil et légalisation, avoir eu pour fonction d’assister la cheffe de secteur, avoir assisté les offices de l’état civil du canton de Genève et des autres cantons dans la rectification d’Infostar, avoir transcrit des événements des ressortissants suisses de l’étranger et enregistré des décisions judiciaires et administratives du canton de Genève. Elle a également soutenu être précise, rapide, polyvalente et apprécier le travail en équipe.

Dans ces circonstances, la recourante ne peut pas invoquer son manque d’expérience pour justifier ses lacunes. Par ailleurs, s’il est exact que son stage auprès du service des mariages s’est bien déroulé, il ressort du témoignage de la cheffe de cette section que l’intéressée avait tout de même commis certaines erreurs durant son stage, notamment celle, considérée comme grave, d’avoir fixé une date de célébration d’un mariage sans vérifier si un des fiancés avait un titre de séjour en Suisse. De plus, un autre témoin, son collègue de travail durant le stage, avait confirmé que lorsque celle-ci a commencé à travailler seule, elle a commis des erreurs qu’elle avait de la peine à admettre.

Les allégations relatives à la tension entre la recourante et les autres collègues du registre des personnes et sa supérieure hiérarchique ne peuvent pas non plus expliquer les lacunes de celle-ci, dans la mesure où, selon le dossier, cette tension ne peut pas se comprendre sans prendre en considération non seulement les erreurs de la recourante, mais encore son refus systématique de reconnaître celles-ci. Elles ne permettent pas ainsi de douter de la crédibilité des éléments figurant dans les entretiens d’évaluation précités et confirmés par les témoignages lors des auditions susmentionnées.

Au vu de ce qui précède, les reproches formulés par l’autorité intimée apparaissent fondés et constituent des motifs qui lui permettaient, compte tenu de son très large pouvoir d’appréciation en période d'essai, de retenir que la recourante ne répondait pas à ses attentes et de mettre un terme aux rapports de service. Une prolongation du temps d’essai n’était au demeurant pas envisageable, aucune des conditions prévues par l’art. 27 al. 2 SPVG n’étant réalisées. Elle se heurte également au manque d’intégration de la recourante au sein de l’équipe du registre des personnes qui pourrait handicaper le bon fonctionnement de celui-ci. Il ne ressort pas du dossier qu’un changement d’affectation soit en outre possible, aucune place de travail n’étant disponible dans les autres sections du service.

Aussi, la décision de licenciement attaquée intervenant pendant la période probatoire de deux ans et respectant le délai de congé de deux mois est conforme au droit.

Les griefs de violation du droit, de constatation inexacte des faits et de violation du principe de la proportionnalité seront par conséquent écartés, et le recours sera rejeté.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure de ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 juin 2017 par Madame A______ contre la décision de la Ville de Genève du 17 mai 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Judith Küenzi, avocate de la recourante, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, MM, Pagan et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :