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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1197/2000

ATA/113/2002 du 26.02.2002 ( ASSU ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 23.04.2002, rendu le 04.07.2002, ADMINISTRATIF, B 32/02
Descripteurs : ASSURANCE SOCIALE; PREVOYANCE PROFESSIONNELLE; ASSURANCE OBLIGATOIRE; DEBUT; AFFILIATION; ASSU/LPP
Normes : OPP.2 1 al.2
Résumé : Un travailleur détaché en Suisse par son employeur à l'étranger ne peut échapper à l'obligation d'assurance qu'aux conditions matérielles fixées par l'art. 1 al.2 OPP 2, et si en outre il en fait la demande explicite et non équivoque.

 

 

 

 

 

 

 

 

du 26 février 2002

 

dans la cause

 

Monsieur G. S.

représenté par Me Philippe Girod, avocat

 

contre

 

BANQUE Z S.A.

représentée par Me Jean-Luc Bochatay, avocat

 

et

 

FONDATION DE PRÉVOYANCE EN FAVEUR DU PERSONNEL DE LA BANQUE X (SUISSE) S.A.

appelée en cause

et

 

BANQUE X (SUISSE) S.A.

appelée en cause

et

 

FONDATION DE PRÉVOYANCE EN FAVEUR DU PERSONNEL DE LA BANQUE Y

appelée en cause



EN FAIT

 

 

1. Monsieur G. S., né en 1945, a été engagé par la banque X en 1970 et a depuis lors effectué sa carrière au sein de cet établissement en travaillant successivement à Strasbourg durant neuf ans, à Genève durant sept ans et demi (de décembre 1979 à mars 1987), à Bruxelles durant quatre ans et enfin à Londres où il a occupé le poste de directeur du "desk commodities" de mars 1991 à août 1992.

 

2. Le 1er août 1992, il a pris la direction de l'agence de la banque X (Suisse) S.A. à Genève (ci-après : l'agence X).

 

Les termes de ce nouveau transfert ont été précisés par lettre du 4 août 1992 adressée par la banque X à Paris à M. S., et contresignée par celui-ci. Il se trouvait détaché à Genève pour une durée fixée en principe à trois ans et pouvant être prorogée, sous réserve d'un nouveau transfert pouvant intervenir à tout moment sur décision de la banque. Son salaire annuel brut était de CHF 260'000.-. Pendant toute la durée de son affectation à Genève, M. S. continuerait à faire partie du régime de retraite et de prévoyance de la banque X. Ses cotisations seraient calculées, à compter de la date du détachement, sur la base de son traitement actuel, appelé "situation d'assimilation". Celle-ci serait équivalente à celle qui lui serait accordée dans le cas où il serait amené à reprendre un poste en France métropolitaine, et en suivrait les évolutions. Enfin, un litige concernant l'exécution du contrat de détachement ne pourrait être soumis qu'aux tribunaux français.

 

3. La banque X ayant décidé de centraliser ses activités de négoce international auprès de sa filiale la banque Y (ci-après: la banque Y) à Genève, M. S. a été transféré auprès de cet établissement en tant que Contrôleur des Risques, dès le 1er septembre 1999. Cette nouvelle affectation a fait l'objet d'une lettre de la banque X du 9 août 1999 adressée à M. S., précisant que son salaire local brut se monterait CHF 338'740.- par année, mais que son traitement d'assimilation resterait inchangé à FF 435'000.-. Il se trouvait ainsi en service détaché auprès de la banque Y à Genève pour une durée indéterminée, sous réserve d'un changement d'affectation pouvant être décidé à tout moment par la banque X. Une annexe à cette lettre spécifiait encore que pendant toute la durée de son affectation à Genève, M. S. continuerait à appartenir au régime de retraite et de prévoyance en vigueur à la banque X.

 

4. M. S. a été affilié dès le 1er septembre 1999 à la fondation de prévoyance en faveur du personnel de la banque Y (ci-après: fondation de la banque Y), auprès de laquelle il a commencé à cotiser sur la base du 7,5% de son salaire mensuel brut.

 

5. Dès le mois de juin 2000, M. S., par l'intermédiaire de son avocat, a entamé avec la banque X (Suisse) S.A. une correspondance relative au fait qu'il n'avait pas été couvert en prévoyance professionnelle suisse avant 1999.

 

6. Le 7 novembre 2000, M. S. a déposé auprès du Tribunal administratif, fonctionnant comme tribunal cantonal des assurances sociales, une demande dirigée contre la banque X (Suisse) S.A., devenue depuis lors la banque Z S.A.. Il conclut à ce qu'il soit constaté qu'il devait être affilié auprès d'une institution de prévoyance professionnelle dès le début de son activité auprès de l'agence X. En outre, le tribunal était prié d'ordonner en conséquence que son dossier soit "soumis à un expert en matière actuarielle aux fins d'établir le montant exact qui devra être versé par la défenderesse auprès d'une institution de prévoyance pour rétablir le demandeur dans ses droits".

 

7. Par courrier du 14 novembre 2000, le juge délégué a appelé en cause la fondation de la banque Y, à laquelle il a transmis, ainsi qu'à Monsieur S. et à l'agence X, copie d'arrêts rendus le 10 octobre 2000 par le Tribunal administratif (causes G.R. et T.B.).

 

8. L'agence X a répondu à la demande le 31 janvier 2001 en concluant principalement à son rejet et subsidiairement à ce que l'affiliation rétroactive de M. S. à la prévoyance professionnelle ne soit prononcée que pour la partie de son salaire correspondant au salaire coordonné, toute prétention relative à des cotisations exigibles avant le 7 novembre 1995 étant en outre prescrite.

 

Les cotisations patronales versées en France n'avaient pas été répercutées sur le salaire versé en Suisse. Ce dernier avait été calculé comme une charge globale, dans laquelle auraient été comprises les cotisations de l'employé et de l'employeur si l'affiliation en Suisse avait été prévue.

 

En outre, Monsieur S. avait lui-même demandé son affiliation à partir de 1999, la banque n'y ayant consenti qu'en raison de leurs longs rapports de confiance.

 

M. S. savait dès le début de son engagement en Suisse qu'il n'était pas affilié à la prévoyance professionnelle et il l'avait expressément accepté en prenant connaissance du fait que l'assurance française serait maintenue. Celle-ci offrait une couverture très complète, se fondant sur un salaire supérieur à CHF 100'000.-. Enfin, M. S. avait un engagement qui pouvait être modifié par la banque X à tout moment et devait être assimilé à un contrat de courte durée. Les conditions légales d'une exemption d'affiliation à la prévoyance professionnelle étaient donc réunies. La demande de M. S. relevait de l'abus de droit.

 

Enfin, quand bien même le règlement de la fondation en faveur du personnel de la banque X (Suisse) S.A. (ci-après: fondation de la banque X) ne prévoyait qu'un seul niveau d'assurance pour tous les employés, incluant une part surobligatoire, M. S. ne pouvait de toute façon pas prétendre à une couverture rétroactive pour cette dernière, car elle devait faire l'objet d'une manifestation concordante de volonté qui avait fait défaut.

 

9. Par courrier du 30 janvier 2001, la fondation de la banque Y a déclaré faire entièrement siennes les observations de l'agence X.

 

10. Le juge délégué a entendu les parties en audience de comparution personnelle le 5 avril 2001.

 

M. S. a précisé que sous réserve des problèmes de prescription, sa demande concernait d'une part la période de décembre 1979 à mars 1987 pendant laquelle il avait travaillé auprès de la banque Y (à l'époque banque A.; ci-après: banque A.), ou subsidiairement dès l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40), et d'autre part la période du 1er août 1992 au 31 août 1999.

 

M. Ph. V., représentant de la fondation de la banque Y, a déclaré que cette dernière avait succédé à la fondation de la banque A. lorsque la banque A. était devenue la banque Y. Seul le nom avait changé, la banque de même que la fondation étant demeurées les mêmes entités juridiques. Les conditions salariales de M. S. avaient été modifiées au 1er septembre 1999 car le coût global pour la banque devait rester identique. Enfin, il serait opportun de savoir si la fondation de la banque X avait été saisie en 1992 d'une demande d'exemption de M. S..

 

Entendu à titre de renseignements, M. I. J., responsable des ressources humaines pour le groupe X en Suisse, a déclaré qu'il ne connaissait pas M. S. et ne s'était pas occupé de son engagement.

 

Entendu comme témoin, M. B. G., directeur des ressources humaines de la banque Y jusqu'au 31 décembre 2000, a expliqué que tous les expatriés de la banque X étaient à quelques exceptions près affiliés au système de sécurité sociale français et n'étaient pas assurés parallèlement en prévoyance professionnelle suisse. Les expatriés devaient implicitement savoir que la banque X ne voulait pas payer deux fois des cotisations pour une assurance de ce type, ce qui découlait également de la lettre d'engagement qu'ils signaient. L'autorisation, demandée par M. S. en 1999, d'être affilié à la LPP, avait été délivrée par la banque X à Paris moyennant la redéfinition de son salaire.

 

M. S. a encore précisé à ce sujet que son attention sur l'existence de la LPP avait été attirée par son comptable lors d'un calcul fiscal concernant les déductions liées aux assurances sociales. Il avait jusqu'alors ignoré le système suisse de la prévoyance professionnelle.

 

11. La banque X a rappelé M. S. à Paris par lettre du 19 avril 2001 en lui donnant une nouvelle affectation dès le 1er juin 2001. Par lettre du 25 avril 2001, l'avocat de M. S. s'est opposé à cette décision en se fondant notamment sur le fait que son mandant était en arrêt de travail pour cause de maladie. Une procédure était déjà pendante auprès du Tribunal des prud'hommes à Genève.

 

12. Le 30 avril 2001, le juge délégué à appelé en cause la fondation de la banque X.

 

13. Par courrier du 31 mai 2001, la fondation de la banque X a déclaré adhérer aux conclusions prises par l'agence X.

 

Les conditions légales pour l'exemption d'affiliation à la LPP concernaient deux types d'employés: tout d'abord les personnes qui ont à l'origine une couverture de prévoyance en Suisse, mais qui, détaché à l'étranger par un employeur suisse, peuvent renoncer à cette couverture parce qu'ils seront assurés de façon équivalente hors de Suisse. Dans un tel cas, l'exigence légale d'une déclaration de l'intéressé à l'institution de prévoyance s'explique par l'existence d'une assurance dont il bénéficie déjà et à laquelle il est amené à renoncer. Dans le second cas, celui d'une personne détachée en Suisse depuis un pays où elle dispose d'un plan de prévoyance, l'exigence d'une déclaration de renonciation à la couverture LPP est purement formelle et outrepasse le cadre fixé par la loi. Il suffit que les conditions matérielles de l'exemption soient remplies, ce qui est le cas en l'espèce, pour pouvoir renoncer valablement à la couverture de la LPP.

 

14. Par lettre du 20 septembre 2001, l'agence X, par l'entremise de son avocat, a informé le juge délégué que M. S. avait refusé d'obtempérer au rapatriement décidé par la banque X et qu'il avait de ce fait été licencié.

 

15. Le 29 octobre 2001, le juge délégué a fait parvenir aux parties les arrêts rendus par le Tribunal fédéral le 26 septembre 2001 (causes B 91/00 et B 92/00) suite aux deux arrêts susmentionnés, rendus par le Tribunal administratif le 10 octobre 2000.

 

16. M. S. et l'agence X se sont déterminés sur ces jugements le 15 novembre 2001, chacun considérant que son argumentation développée précédemment restait valable.

 

17. Le 12 décembre 2001, la fondation de la banque X a présenté à son tour ses observations. Elle a essentiellement insisté sur le fait que l'objectif principal d'une demande d'exemption présentée par un assuré était de permettre de connaître dès le début sa situation sous l'angle de la prévoyance professionnelle. Une demande tardive d'affiliation, sous prétexte qu'aucune exemption n'avait été requise, ne pouvait être admise sous peine d'exposer les employeurs à des risques financiers considérables, puisqu'il deviendrait impossible de budgétiser et de planifier le paiement des cotisations. Par ailleurs, l'interlocuteur privilégié d'une fondation de prévoyance était l'employeur. C'était de lui que parvenaient toutes les informations relatives à ses employés. Il était dès lors normal qu'il recueille pour le compte de l'institution de prévoyance le consentement de ses employés à leur non-affiliation. Or, ce consentement avait été clairement communiqué par M. S. à son employeur.

 

18. Le 14 janvier 2002, le juge délégué a appelé en cause la banque Y en l'invitant à indiquer si elle faisait sienne la position de l'agence X.

 

19. Dans le délai imparti, c'est la société X (Suisse) S.A. qui a répondu en apportant les précisions suivantes. Dès le 31 mars 2001, les activités de M. S. s'était poursuivies au sein de la banque X (Suisse) S.A. qui avait succédé juridiquement à la banque Y. Il fallait noter que la banque X (Suisse) S.A. ne se confondait pas avec la banque Z. S.A., cette dernière étant l'entité qui avait succédé à la banque X (Suisse) S.A., partie adverse de M. S..

 

La banque X (Suisse) S.A. s'est opposée à son appel en cause. Pour le surplus, elle a repris l'argumentation développée par les autres parties adverses de M. S..

 

EN DROIT

 

 

1. a. Le Tribunal administratif est à Genève la juridiction compétente pour trancher en dernière instance cantonale, au sens de l'article 73 alinéa 1 LPP, les contestations entre institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit (art. 56C litt. d de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05).

 

La demande, qui vise le versement rétroactif de cotisations de prévoyance professionnelle par les anciens employeurs du demandeur, est donc recevable de ce point de vue.

 

b. Le for est au lieu du siège ou du domicile du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP).

 

En l'occurrence, le demandeur a travaillé à Genève pour le compte de la défenderesse principale. Le tribunal de céans est donc compétent ratione loci. Le for français fixé par la banque X à Paris dans les lettres contresignées par le demandeur lors de ses engagements à Genève est une convention de droit privé qui n'affecte pas la compétence des tribunaux désignés par le droit public suisse. Au demeurant, les parties ne discutent pas cette question.

 

c. Le demandeur formule des conclusions tendant à la constatation de ses droits et à l'ouverture d'une expertise permettant de chiffrer précisément le montant devant être versé par la défenderesse principale à son institution de prévoyance.

 

aa) Lorsque le justiciable peut obtenir en sa faveur un jugement condamnatoire, la voie de l'action en constatation n'est pas admise par le Tribunal fédéral (ATF 119 V 13 et références citées). En effet, en vertu du principe de la subsidiarité, une décision de constatation ne sera prise qu'en cas d'impossibilité d'obtenir une décision formatrice (ATA B. du 6 octobre 1998; ATA M. du 1er décembre 1998).

 

bb) Les conclusions prises par un demandeur ou un recourant ne doivent pas être interprétées de façon trop restrictives, sous peine de faire preuve de formalisme excessif. Il importe avant tout que le tribunal et la partie adverse puissent connaître sans ambiguïté l'objet réel de la requête (ATA B. du 8 juin 1993 in SJ 1994 p. 529; ATA G. du 27 septembre 1989).

 

cc) En l'espèce, le demandeur a pour objectif principal que les périodes pendant lesquelles il a travaillé à Genève en tant que personne détachée par la banque X à Paris soient prises en compte comme périodes d'affiliation à la prévoyance professionnelle et qu'en conséquence, ses anciens employeurs à Genève doivent verser à une institution de prévoyance les cotisations patronales dont ils se seraient acquittés si cette affiliation avait eu lieu. Le tribunal de céans considérera donc que, nonobstant les termes employés, les conclusions du demandeur visent à obtenir un jugement condamnatoire. Ses parties adverses ne s'y sont du reste pas trompées.

 

2. a. Selon l'article 2 alinéa 1 LPP, sont soumis à l'assurance obligatoire les salariés qui ont plus de 17 ans et reçoivent d'un même employeur un salaire annuel supérieur au montant-limite fixé par l'article 7 LPP.

Conformément à la délégation de compétence contenue à l'article 2 alinéa 2 LPP, le Conseil fédéral a défini à l'article 1 de l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 18 avril 1984 (OPP2 - RS 831.441.1), les catégories de salariés qui, pour des motifs particuliers, ne sont pas soumis à l'assurance obligatoire. Selon l'alinéa 2 de cette disposition, les salariés dont l'activité en Suisse n'a probablement pas un caractère durable, et qui bénéficient de mesures de prévoyance suffisantes à l'étranger, seront exemptés de l'assurance obligatoire à condition qu'ils en fassent la demande à l'institution de prévoyance compétente.

 

Comme l'a relevé le Tribunal fédéral, cette règle, qui s'applique uniquement à la partie obligatoire de la prévoyance professionnelle, a pour but de coordonner les régimes de prévoyance sur le plan international et vise certains salariés au service de sociétés étrangères qui sont déjà affiliées à l'étranger à une institution de prévoyance bien développée (ATF Fondation de la banque X. du 26 septembre 2001 et références citées).

 

S'agissant des relations entre la Suisse et la France, cette coordination est précisée par la convention de sécurité sociale conclue entre ces deux pays le 3 juillet 1975 (ci-après: la convention de sécurité - RS 0.831.109.349.1). Selon l'article 7 alinéa 1 de cette convention, les travailleurs salariés exerçant leur activité sur le territoire de l'un des Etats sont soumis à la législation de cet Etat, même s'ils résident sur le territoire de l'autre Etat ou si leur employeur ou le siège de l'entreprise qui les occupe se trouve sur le territoire de ce dernier Etat. Ce principe souffre cependant une exception énoncée à l'article 8 alinéa 1 lettre a) de la convention de sécurité, selon lequel les travailleurs salariés d'une entreprise ayant son siège sur le territoire de l'un des Etats qui sont envoyés pour une période de durée limitée sur le territoire de l'autre pour y exécuter des travaux demeurent soumis, pour une durée de 24 mois, y compris la durée des congés, à la législation du premier Etat, comme s'ils étaient occupés à l'endroit où l'entreprise qui les détache a son siège. Si la durée du détachement se prolonge au-delà de ce délai, l'assujettissement à la législation du premier Etat peut exceptionnellement être maintenu pour une période à convenir d'un commun accord entre les autorités compétentes des deux Etats.

 

Il en ressort qu'au-delà de 24 mois de travail en Suisse, un employé détaché par une entreprise française est en principe soumis au droit suisse. Cela ne signifie pas qu'il est alors obligatoirement assuré selon la LPP, mais que c'est seulement à ce moment que cette dernière s'applique, de même que le régime exceptionnel de non-affiliation prévu par l'OPP 2.

 

b. Dans la jurisprudence précitée, le Tribunal fédéral souligne que même lorsque les conditions de fond d'une exemption sont réunies, le salarié n'échappe au régime de la LPP que s'il en a fait la demande, laquelle doit être formulée de façon explicite et non équivoque étant donné qu'elle traduit l'exercice d'un droit formateur. L'institution de prévoyance (et a fortiori l'employeur) ne peut décider librement de l'exemption. Dans l'espèce examinée par le Tribunal fédéral, l'attitude du salarié, même si elle pouvait éventuellement être interprétée comme une demande d'exemption, ne pouvait être considérée comme une demande explicite et non équivoque. L'assurance avait donc pris effet.

 

c. En l'occurrence, le litige concerne deux périodes durant lesquelles le demandeur a travaillé à Genève dans le cadre d'affectations décidées par la banque X à Paris. La première s'étend de décembre 1979 à mars 1987, et la deuxième du 1er août 1992 au 31 août 1999.

 

Le demandeur n'a jamais demandé formellement son exemption de la LPP, ce que sa partie adverse et les parties appelées en cause ne contestent pas.

 

Faut-il en revanche considérer que les conditions du détachement du demandeur en Suisse, acceptées par ce dernier, constituent une renonciation explicite et non équivoque à son affiliation à la LPP, selon les exigences de la jurisprudence fédérale ?

 

aa. Il convient tout d'abord d'observer que la lettre du 4 août 1992 contresignée par le demandeur ne fait aucunement allusion à la législation suisse en matière de prévoyance professionnelle, et en particulier aux conditions d'exemption de cette assurance. L'attention du demandeur n'a donc pas été attirée sur les critères légaux d'une telle exemption, notamment quant à la brièveté de l'affectation en Suisse et à l'existence d'une couverture équivalente à l'étranger.

 

Ensuite, le fait que les conditions de détachement soulignent la persistance d'une couverture d'assurance-vieillesse en France ne signifie pas une interdiction de s'affilier aux régimes de prévoyance des pays de détachement. Cette information a en réalité plutôt le sens d'un engagement que prend la société-mère vis-à-vis des personnes affectées dans d'autres pays, de garantir la poursuite sans interruption de leur plan de prévoyance en France. Il est probable que si la banque X à Paris avait entendu que ses employés à l'étranger fassent les démarches pour échapper au régime de prévoyance du lieu de leur affectation (et pour autant qu'une exemption soit possible), elle aurait pris la peine de l'exprimer en termes beaucoup plus clairs.

 

Par ailleurs, le fait que le demandeur n'a entrepris aucune démarche dès son arrivée en Suisse concernant la prévoyance professionnelle ne peut être interprété comme un acte concluant, indiquant qu'il aurait compris sans ambiguïté les conditions de son détachement. En effet, il appartient à l'employeur en Suisse, en l'occurrence la défenderesse, de déclarer à l'institution de prévoyance l'ensemble de ses salariés soumis à l'assurance obligatoire (art. 10 OPP 2). Ces derniers sont pour leur part assurés dès le premier jour de leur engagement sans qu'il leur faille effectuer la moindre démarche (art. 10 al. 1 LPP).

 

Il n'est pas relevant que le demandeur soit demeuré passif par rapport à l'absence de déductions LPP opérées sur son salaire. A cet égard, la défenderesse ne parvient pas à démontrer un abus de droit, compte tenu précisément du fait que la question de la LPP n'a jamais été explicitement abordée entre, d'une part, elle-même ou la banque X à Paris et, d'autre part, le demandeur.

 

Le tribunal de céans estime par conséquent que l'on ne peut assimiler à une manifestation de volonté explicite et claire du demandeur les circonstances de son engagement en Suisse.

 

bb. La fondation de la banque X relève que l'exigence d'une demande d'exemption posée par l'article 1 alinéa 2 OPP 2 va au-delà de la délégation de compétence contenue par l'article 2 alinéa 2 LPP, et qu'elle est pour cette raison illégale.

 

Ce point de vue ne saurait être partagé. L'article 2 alinéa 2 LPP laisse au Conseil fédéral une compétence très large pour définir le cercle des personnes qui échappent, pour des motifs particuliers, à l'assurance obligatoire. Une telle liberté s'accompagne évidemment de la possibilité de fixer pour certaines de ces personnes les conditions de leur exemption, par le biais d'exigences non seulement matérielles, mais également formelles. Par ailleurs, l'exigence d'une requête expresse de l'assuré en vue d'une exemption d'affiliation n'existe pas seulement dans le cadre de la LPP, mais également dans celui de l'assurance-vieillesse (art. 3 du règlement du 31 octobre 1947 sur l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité - RS 831.101; ATF 120 V 401), et ne constitue donc pas une réglementation exceptionnelle.

 

La fondation de la banque X considère également que l'exigence d'une demande d'exemption va au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts de travailleurs que leur employeur à l'étranger a déjà affiliés à un système de prévoyance.

 

Il convient cependant de rappeler que tous les salariés en provenance de pays étrangers ne disposent pas nécessairement de couvertures d'assurance-vieillesse. En outre, une personne détachée en Suisse est susceptible d'y demeurer à vie, auprès de nouveaux employeurs. Les salariés travaillant en Suisse ont donc un intérêt évident à être par principe soumis à la LPP; le fait de n'en être exempté que par une décision prise personnellement ne peut qu'améliorer leur position juridique.

 

La fondation de la banque X souligne également qu'une telle demande doit permettre de clarifier dès le début des relations de travail le statut du salarié vis-à-vis de la prévoyance professionnelle. A défaut, l'employeur et l'institution de prévoyance seraient exposés à des risques financiers importants qui découleraient d'une affiliation rétroactive susceptible de porter sur plusieurs années. La possibilité d'une telle rétroactivité est au demeurant contestée par la défenderesse et la fondation de la banque X.

 

Certes, tel est l'un des buts de la demande d'exemption. En outre, cette dernière est définitive, sous réserve d'un vice de la volonté, comme le souligne le Tribunal fédéral dans la jurisprudence susmentionnée. Dans le cas présent, cependant, on ne peut faire grief au demandeur de remettre en cause son exemption puisqu'il ne l'a jamais requise. Par ailleurs, il n'est pas question en l'occurrence d'une affiliation rétroactive, dès lors que celle-ci coïncide de iure avec le début des relations de travail. La rétroactivité ne concerne ici que le versement de cotisations en lien avec l'assurance. Un tel mécanisme ne saurait au demeurant être contesté, car il découle a contrario des règles sur la prescription (art. 41 LPP).

 

3. La part de la prévoyance professionnelle qui dépasse le minimum obligatoire déterminé par la LPP est appelée surobligatoire et découle d'un contrat sui generis entre l'assuré et l'institution de prévoyance. Comme tel, ce contrat obéit à la base aux dispositions générales du Code des obligations (ATF 122 V 142 consid. 4b p. 145). Il suppose par conséquent une manifestation concordante de volonté entre les parties (art. 1 al. 1 CO).

 

En l'espèce, force est de constater qu'un tel accord a fait défaut entre le demandeur et la fondation de la banque X, celle-ci ayant toujours considéré que celui-là n'était pas soumis à la prévoyance professionnelle suisse. Les prétentions du demandeur ne peuvent donc s'étendre à la part surobligatoire assurée par la fondation de la banque X.

 

4. Il faut conclure de ce qui précède qu'au terme de la période de 24 mois de travail en Suisse prévue par l'article 8 alinéa 1 lettre a de la convention de sécurité, soit dès le 1 août 1994, le demandeur était soumis au droit suisse concernant la prévoyance professionnelle, et assuré obligatoirement dès cette date.

 

Le tribunal de céans admettra donc la demande en ce qu'elle concerne le paiement par la défenderesse des cotisations qu'elle aurait dû verser pour la part obligatoire de la prévoyance professionnelle.

a. Les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les articles 129 à 142 du code des obligations sont applicables (art. 41 al. 1 LPP).

 

b. En l'espèce, la prescription a été interrompue à la date du dépôt de la demande (art. 135 ch. 2 CO), soit le 7 novembre 2000. S'agissant d'arriérés de cotisations, les prétentions du demandeur sont donc prescrites pour la période précédant le 7 novembre 1995.

 

c. Le salaire coordonné, soit la part du revenu assurée dans le cadre de la prévoyance obligatoire (art. 8 al. 1 LPP), correspond au salaire déterminant selon l'AVS, dont est soustrait le montant de coordination de l'article 7 alinéa 1 LPP (C. HELBLING, Personalvorsorge und BVG, édition 2000, pp. 164-165). Le salaire coordonné a cependant une limite supérieure (art. 8 al. 1 LPP), laquelle a régulièrement évolué depuis l'entrée en vigueur de la LPP. Elle était de CHF 69'840.- en 1995 et 1996 (ordonnance 95 sur l'adaptation des montants-limites de la prévoyance professionnelle - RO 1994 p. 3095), de CHF 71'640.- en 1997 et 1998 (ordonnance 97 du 13 novembre 1996 - RO 1996 p. 3037), et de CHF 72'360.- en 1999 (ordonnance 99 du 11 novembre 1998 - RO 1998 p. 3026). Quant au montant de coordination, il a évolué sur la base des mêmes modifications légales, et est passé de CHF 23'280.- en 1995 et 1996, à CHF 23'880.- en 1997 et 1998, puis à CHF 24'120.- en 1999.

 

Les bonifications de vieillesse sont calculées annuellement en pour-cent du salaire coordonné. Pour un homme entre 45 et 54 ans, soit l'âge du demandeur entre 1995 et 1999, le taux des bonifications est de 15 pour-cent (art. 16 LPP).

 

L'avoir de vieillesse comprend, outre l'avoir apporté par l'assuré à l'issue d'un précédent rapport de prévoyance, les bonifications de vieillesse afférentes à la période pendant laquelle l'assuré a appartenu à l'institution de prévoyance, avec les intérêts (art. 15 LPP). Ces derniers sont crédités à la fin de l'année civile et calculés sur l'avoir de vieillesse existant à la fin de l'année civile précédente (art. 11 al. 2 let. a OPP 2). Le taux d'intérêt doit être d'au moins 4% par an (art. 12 OPP 2).

 

d. Le demandeur recevait de la défenderesse, dès le 1er août 1992, un salaire annuel brut de CHF 260'000.- qui a augmenté par la suite. Le salaire coordonné sur lequel auraient dû être perçues les cotisations correspond donc, pour la période considérée, au montant maximum de l'article 8 alinéa 1 LPP, dans ses adaptations successives.

 

Il conviendra tout d'abord que la fondation de la banque X établisse, sur la base des considérants qui précèdent, un décompte précis des cotisations qu'elle aurait dû percevoir entre le 7 novembre 1995 et le 31 août 1999.

 

La banque Z S.A. devra ensuite verser à la fondation de la banque X la moitié desdites cotisations, la part patronale étant calculée sur une base paritaire (art. 66 al. 1 LPP et 6.1 du règlement de prévoyance de la fondation de la banque X). En outre, même si le règlement de la fondation de la banque X ne prévoit pas d'intérêts moratoires pour les cotisations payées tardivement (art. 66 al. 2 LPP), il n'en reste pas moins que l'avoir de vieillesse du demandeur devait être crédité, selon les dispositions qui précèdent, d'un intérêt technique. la banque Z S.A. n'ayant pas pris les mesures permettant à sa fondation de prévoyance de constituer régulièrement l'avoir de vieillesse, il lui revient de supporter le paiement d'un intérêt de 4% calculé sur l'ensemble des cotisations, part du demandeur comprise, et pour une durée de 23 mois correspondant à la moyenne de la période considérée. Cette solution correspond à celle déjà retenue par le Tribunal fédéral, par analogie avec le CO, en matière de cotisations versées tardivement par l'employeur (SZS 1990, p. 155).

 

La fondation de la banque X sera également condamnée à mettre à disposition du demandeur la prestation de libre-passage qui aurait été constituée au 31 août 1999, sous réserve du fait que le demandeur ait préalablement versé à la fondation de la banque X sa propre part de cotisations pour la période du 7 novembre 1995 au 31 août 1999, et étant précisé que cette somme ne pourra être employée que conformément aux dispositions légales en matière de prévoyance professionnelle.

Cette somme de libre-passage portera intérêt moratoire à 5% dès le 31 août 1999 (art. 2 al. 3 de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 17 décembre 1993 - LFLP - RS 831.42; art. 9.3 du règlement de prévoyance de la fondation de la banque X; ATF 119 V 131 consid. 4a p. 133 et références citées).

 

e. Enfin, l'ancien employeur du demandeur entre 1979 et 1987, devenu depuis lors la banque X (Suisse) S.A., doit être mis hors de cause, étant donné que la prescription de la demande le met hors d'atteinte. De surcroît, les griefs du demandeur relatifs à la répartition prétendument inéquitable des cotisations LPP entre lui et cette société, dès le 1er septembre 1999, ne donnent lieu à aucune conclusion formelle. La fondation de la banque Y devra pour les mêmes raisons être mise hors de cause.

 

f. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu.

 

g. Une indemnité de CHF 3'000.- sera octroyée au demandeur à charge de la défenderesse et de la fondation de la banque X, prises conjointement et solidairement.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable la demande déposée le 7 novembre 2000 par Monsieur G. S. contre la banque Z S.A.;

 

au fond :

 

l'admet partiellement;

invite la fondation de prévoyance en faveur du personnel de la banque X (Suisse) S.A. à établir, au sens des considérants, un décompte des cotisations qu'elle aurait dû percevoir concernant le demandeur pour la période du 7 novembre 1995 au 31 août 1999, et l'y condamne en tant que de besoin;

 

condamne la banque Z S.A. à payer à la fondation de prévoyance en faveur du personnel de la banque X (Suisse) S.A. la moitié des cotisations ainsi calculées;

 

condamne la banque Z S.A. à payer à la fondation de prévoyance en faveur du personnel de la banque X (Suisse) S.A. un intérêt de 4% calculé sur l'ensemble des cotisations déterminées par cette dernière, part de M. G. S. comprise, et sur une durée de 23 mois;

 

condamne la fondation de prévoyance en faveur du personnel de la banque X (Suisse) S.A. à mettre à disposition de M. G. S. le montant de libre-passage qui aurait dû être constitué en sa faveur pour la période du 7 novembre 1995 au 31 août 1999, sitôt que M. S. se sera lui-même acquitté auprès d'elle de sa part de cotisations au sens des considérants;

 

dit que le montant de libre-passage portera intérêt à 5% dès le 31 août 1999;

 

met hors de cause la banque X (Suisse) S.A. et la fondation de prévoyance en faveur du personnel de de la banque Y;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

 

alloue à M. G. S. une indemnité de CHF 3'000.- à charge de la banque Z S.A. et de la fondation de prévoyance en faveur du personnel de la banque X (Suisse) S.A., prises conjointement et solidairement;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, auprès du Tribunal fédéral des assurances. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire de recours sera adressé, en trois exemplaires, au Tribunal fédéral des assurances, Adligenswilerstrasse 24, 6006 Lucerne;

 

communique le présent arrêt à Me Ph. Girod, avocat du recourant, à Me Jean-Luc Bochatay, avocat de l'intimé, à la fondation de prévoyance en faveur du personnel de la banque X (Suisse) S.A., à la banque X (Suisse) S.A. ainsi qu'à la fondation de prévoyance en faveur du personnel de la banque Y et à l'Office fédéral des assurances sociales.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère et Schucani, Mme Bonnefemme-Hurni, juges, M. Bonard, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin


 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci