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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/316/2021

ATA/1010/2021 du 28.09.2021 ( DIV ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.11.2021, rendu le 24.08.2022, REJETE, 2C_868/2021
Descripteurs : LIBERTÉ SYNDICALE;ASSOCIATION DE TRAVAILLEURS;FIDÉLITÉ;GRÈVE;DIALOGUE;ÉTABLISSEMENT DE DROIT PUBLIC;COMPORTEMENT IRRESPECTUEUX;CONDAMNATION
Normes : LPA.62.al1.leta; LOIDP.1; LOIDP.3.al1.letd; LOIDP.42; Cst.28; Cst-GE.36; CEDH.11.par1; CEDH.11.par2; CC.60; Cst.36; RTHUG-SRS.16.al2
Résumé : Recours contre la décision d'un établissement public genevois (autorité intimée) refusant à un syndicat (la partie recourante) le statut de partenaire social. Décision rendue par l'organe compétent. Selon la jurisprudence, un syndicat est reconnu comme partenaire social lorsqu'il remplit notamment les conditions de représentativité et de loyauté. En l'espèce, le syndicat jouit d'une représentativité suffisante au niveau cantonal et remplit ainsi la condition de la représentativité. En revanche, deux de ses membres ont été condamnés sur le plan pénal à l'occasion de leurs activités syndicales. Le syndicat a également organisé et investigué deux grèves alors qu'elle n'était pas le partenaire social de l'autorité intimée, qui lui avait pourtant indiqué que les changements envisagés, qui faisaient l'objet de revendications des employés de cette dernière, ne seraient pas mis en œuvre à la date prévue et que les revendications précitées faisaient déjà l'objet de discussions avec les autres partenaires sociaux. Elle a dès lors fait preuve de comportements de nature à faire craindre qu'elle n'agirait pas de manière loyale dans le dialogue social et ne remplit ainsi pas la condition de la loyauté. Dans ces circonstances, elle ne peut pas être reconnue comme partenaire social de l'autorité intimée. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/316/2021-DIV ATA/1010/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 28 septembre 2021

 

dans la cause

 

ASSOCIATION A______

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Adrien Alberini, avocat



EN FAIT

1) L'association A______ (ci-après : A______), sise à Genève, est, selon ses statuts, une association sans but lucratif ayant pour but la sauvegarde et la promotion des intérêts professionnels, économiques, sociaux et politiques des salariés du service public et du secteur subventionné principalement. Elle a été créée le 19 mai 2020.

2) Au mois de juin 2020, l'A______ a requis auprès des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) la reconnaissance de son statut de partenaire social.

3) La précitée a également adressé au Cartel intersyndical du personnel de l'État (ci-après : le Cartel intersyndical) une demande d'adhésion à ce dernier, laquelle a été refusée le 6 juillet 2020 dans la mesure où l'association n'avait pas trois ans d'existence, condition nécessaire pour adhérer au Cartel intersyndical.

4) Le 19 juin 2020, les HUG ont informé l'A______ que, compte tenu notamment des critères jurisprudentiels relatifs à la reconnaissance des syndicats en tant que partenaires sociaux, ils n'étaient pas en mesure, à ce stade, de lui reconnaître cette qualité. Ils solliciteraient du Cartel intersyndical une détermination portant sur la question de savoir si elle était en droit d'obtenir un siège à la commission paritaire des HUG.

5) Par courrier du 20 juin 2020, l'A______ a répondu aux HUG qu'elle remplissait l'ensemble des critères visant à sa reconnaissance en tant que partenaire social. Elle a également sollicité une rencontre avec les membres de la direction des HUG afin de discuter de situations revêtant un caractère particulièrement urgent et touchant les salariés de l'établissement.

6) Par courrier du 10 juillet 2020, le Cartel intersyndical a informé les HUG et l'A______ du fait que cette dernière n'était pas en droit d'obtenir un siège à la commission paritaire des HUG.

7) Depuis cette date et notamment par courrier du 21 août 2020, l'A______ a revendiqué à plusieurs reprises son statut de partenaire social des HUG et a tenté d'engager avec la direction de ces derniers des négociations portant sur des demandes formulées par le personnel de l'établissement.

Les HUG lui ont rappelé à cet égard qu'elle n'était pas l'un de ses partenaires sociaux. Ils lui ont néanmoins indiqué qu'ils relaieraient les revendications du personnel auprès des organisations syndicales partenaires de l'établissement médical.

8) Le 31 août 2020, l'A______ a prévenu les HUG qu'elle organiserait une grève – à l'hôpital – au cas où ces derniers refuseraient d'entrer en négociation avec elle à propos des revendications de leur personnel.

Les HUG lui ont répondu que les mesures annoncées, qui faisaient l'objet de discussions au niveau « managérial », ne seraient pas mises en vigueur et qu'elles feraient l'objet d'arbitrages.

9) Le 1er septembre 2020, l'A______ a instigué et soutenu la grève – annoncée – du personnel du bloc opératoire contre les mesures envisagées par la direction des HUG. Plus de vingt infirmières des blocs opératoires ont « débrayé » pour marquer leur opposition à un projet de modification de leurs horaires.

10) Par courrier du 15 octobre 2020, les HUG ont rappelé à l'A______ qu'ils n'étaient pas en mesure, à ce moment-là, de prendre une décision quant à la reconnaissance de cette dernière en tant que partenaire social. Ils lui ont alors demandé de leur fournir les informations et documents pertinents à cet égard.

11) Le 27 octobre 2020, l'A______ a répondu aux HUG qu'elle leur avait déjà fourni les documents pertinents, dès lors qu'elle leur avait envoyé ses statuts.

12) Le 13 novembre 2020, les HUG ont à nouveau demandé à l'A______ de leur fournir toute information permettant d'apprécier la réalisation des critères de reconnaissance d'un syndicat comme partenaire social, afin de pouvoir donner suite à sa requête.

13) Par courrier du 1er décembre 2020, l'A______ a répondu qu'elle remplissait tous les critères pour être reconnue comme partenaire social. Une liste de ses affiliés était notamment à disposition de la Chambre des relations collectives de travail (ci-après : CRCT).

14) Le 7 décembre 2020, l'A______ a déposé une requête de conciliation devant la CRCT. Au terme de trois audiences, celle-ci a constaté l'échec des négociations et s'est abstenue de toute recommandation.

15) Par décision du 16 décembre 2020, la direction générale des HUG a refusé la reconnaissance d'A______ comme partenaire social, les conditions fixées par la jurisprudence pour une telle reconnaissance, en particulier celles de la représentativité et de la loyauté, n'étant pas réalisées.

Les HUG ne disposaient d'aucun élément permettant d'établir la représentativité de l'A______. L'affirmation de cette dernière selon laquelle « elle aurait probablement davantage d'affiliés que la plupart des partenaires sociaux des HUG » n'avait pas été démontrée par pièce.

La grève que l'A______ avait instiguée au mois de septembre 2020, au mépris de l'indication des HUG selon laquelle l'application des mesures envisagées avait été suspendue afin de permettre le dialogue social, était disproportionnée et illicite. Le comportement de ses membres était constitutif de déloyauté.

En outre, deux représentants de l'A______ avaient fait l'objet de condamnations pénales dans le cadre de leurs activités passées de syndicalistes. L'un d'eux avait été condamné à la suite d'un acte diffamatoire visant un membre du personnel des HUG. Dès lors, ces comportements faisaient sérieusement craindre que l'A______ n'agisse pas de manière loyale dans le dialogue social.

16) Par acte déposé le 1er février 2021, l'A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation – tout en la décrivant, dans le recours, comme étant nulle – et à ce qu'il soit ordonné aux HUG de reconnaître l'association comme leur partenaire social.

La direction générale des HUG n'avait pas la compétence de rendre une décision sur la reconnaissance de l'A______ comme partenaire social ; cette compétence appartenait en effet au conseil d'administration des HUG. Dès lors, la décision précitée avait été prise par un organe incompétent et devait être considérée comme nulle.

L'A______ était une association indépendante des HUG, dont les statuts étaient semblables à ceux d'autres syndicats agissant dans la fonction publique. En outre, les représentants de l'association qui conseillaient les salariés des HUG jouissaient d'une longue expérience. Certains d'entre eux avaient été salariés de l'établissement ou avaient siégé au sein de son conseil d'administration. Les instances dirigeantes de l'établissement avaient ainsi pu apprécier leurs qualités et ne pouvaient pas, à ce titre, refuser de traiter avec eux. Contrairement à ce qu'elles auraient dû faire, elles ne s'étaient pas demandé si l'A______ était apte à défendre correctement ses membres.

En termes de représentativité, l'association disposait de plus de sept cent quarante mandats de défense confiés par des salariés des HUG, et constituait probablement le syndicat comptant le plus d'adhérents au sein de cet établissement. Elle n'était certes pas membre du Cartel intersyndical mais la reconnaissance d'un syndicat par un employeur ne dépendait pas de sa qualité de membre d'une association faîtière. Au surplus, l'A______ avait, à l'occasion de chacune des mobilisations collectives qu'elle avait animées, agi de manière unitaire avec d'autres syndicats.

S'agissant de la grève du 1er septembre 2020, les salariés soutenus par l'A______ souhaitaient obtenir satisfaction sur plusieurs revendications dans le contexte de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19, qui avait induit une très forte dégradation des conditions de travail. La mobilisation des infirmières et infirmiers était ainsi légitime et la suspension temporaire de l'une des mesures contestées ne suffisait pas à remettre en cause cette légitimité, à plus forte raison alors que les HUG avaient refusé d'entamer les négociations sollicitées.

Ces derniers avaient adopté une attitude « déroutante » quant aux qualités prêtées aux membres de l'A______ qui avaient fait l'objet d'une condamnation pénale, soit Messieurs B______ et C______.

- M. C______ avait siégé au conseil d'administration des HUG avant, pendant et après la procédure pénale diligentée à son encontre et les HUG n'avaient jamais considéré, jusqu'à ce qu'ils rendissent leur décision, qu'il ne méritait pas de traiter avec eux. Au demeurant, ils avaient toujours accepté qu'il assistât des salariés ;

- M. B______ avait été condamné alors qu'il œuvrait en sa qualité de secrétaire syndical. Sa condamnation avait fait l'objet d'un revirement fondamental de la jurisprudence du Tribunal fédéral critiqué en doctrine.

17) Dans leur réponse du 26 mars 2021, les HUG ont conclu au rejet du recours ainsi qu'au versement d'une indemnité de procédure valant remboursement des frais d'avocat engagés.

Ils menaient déjà un dialogue social avec plusieurs organisations du personnel reconnues. Leurs employés n'étaient ainsi pas privés de canaux de dialogue avec la direction de l'établissement.

La question de la représentativité suffisante de l'A______ pouvait rester indécise dans la mesure où celle-ci ne remplissait pas la seconde condition cumulative – celle de la loyauté – lui permettant d'être reconnue comme partenaire social des HUG. En effet, ses représentants ne s'étaient pas comportés d'une manière telle qu'ils puissent être considérés comme aptes à intégrer le dialogue social.

Il était faux de prétendre que les HUG ne s'étaient pas demandés si l'A______ était apte à défendre correctement ses membres. En effet, ils l'avaient à plusieurs reprises interpellée en lui demandant de leur fournir tout élément qui aurait démontré qu'elle remplissait la condition de la représentativité. À ce titre, ce n'était que lors de la procédure devant la CRCT qu'elle avait produit des documents indiquant que sept cents employés des HUG l'avaient, selon elle, mandatée. Or, les procurations qu'elle avait fournies ne semblaient pas toujours refléter la réelle volonté desdits collaborateurs, dans la mesure où, à deux reprises, certains d'entre eux avaient informé l'établissement du fait qu'ils ne souhaitaient pas être représentés par l'A______. Ainsi, en l'absence d'information probante sur la réalisation de la condition de la représentativité, les HUG avaient cherché d'autres éléments permettant la reconnaissance de l'association comme leur partenaire social. Or, cette dernière n'étant pas membre du Cartel intersyndical, le dialogue social ne pouvait pas être fondé sur cette base.

L'A______ n'expliquait pas suffisamment la raison pour laquelle la grève du 1er septembre 2020 aurait été justifiée. Celle-ci avait concerné le personnel travaillant aux blocs opératoires, soit l'une des divisions hospitalières les plus délicates pour les patients, et avait menacé de retarder ou d'annuler des opérations qui auraient pu s'avérer vitales. La grève avait nécessité une réorganisation complète de la journée de travail des blocs opératoires, afin de ne pas porter préjudice à la santé des patients. Dès lors, elle était disproportionnée et le comportement des membres de l'A______ démontrait que ces derniers ne mesuraient pas la portée de leurs actes. Pourtant, la veille de la grève, les HUG avaient informé les représentants de l'association que les changements envisagés ne seraient pas mis en œuvre à la date prévue, ce dont cette dernière n'avait toutefois pas tenu compte. Elle avait voulu faire preuve de force et avait imposé à la direction de l'établissement des délais excessivement courts afin que cette dernière se conformât aux exigences que l'association avait formulées unilatéralement.

Le fait que l'A______ n'eût jamais donné suite aux requêtes des HUG visant à apprécier la reconnaissance de l'organisation comme partenaire social ainsi que la grève organisée le 1er septembre 2020 démontraient que l'association était incapable de se conformer au cadre légal existant et qu'elle était déterminée à inciter ses employés à entreprendre des démarches excessives et préjudiciables pour le dialogue social, voire à instiguer des employés à participer à des grèves illicites.

Le 9 mars 2021, l'A______ avait à nouveau organisé une grève illicite et injustifiée à la Clinique D______, intégrée aux HUG, après avoir fixé à ces derniers un ultimatum de quatre jours pour ouvrir une discussion, ce qu'ils avaient refusé dans la mesure où les revendications de l'A______ faisaient déjà l'objet de négociations avec les partenaires sociaux reconnus. L'association avait organisé cette grève alors même que la procédure portant sur sa reconnaissance en tant que partenaire social était pendante. Ces incidents prouvaient qu'elle tentait d'obtenir sa reconnaissance par la force, au mépris du dialogue social ainsi qu'au mépris de ladite procédure.

L'association reconnaissait certes les condamnations pénales prononcées à l'encontre de MM. B______ et C______ mais les minimisait. Or, ces condamnations se révélaient pertinentes, dans la mesure où elles devaient être mises en lien avec le comportement injustifié des précités lors des grèves du 1er septembre 2020 et du 9 mars 2021. Il ne s'agissait d'ailleurs pas du seul cas où ils avaient intentionnellement refusé de se conformer au cadre légal. Dès lors, les HUG craignaient que les représentants de l'A______ ne se conduisissent pas d'une manière conforme aux règles gouvernant le dialogue social.

L'A______ avait été créée par un syndicaliste contraint de quitter son ancien syndicat à la suite d'accusations de harcèlement sexuel par une dizaine de femmes. Cet élément remettait en cause la capacité des représentants de l'association à mener un dialogue social constructif avec un établissement médical qui comptait une part importante de collaboratrices.

18) Le 27 mai 2021, l'A______ a répliqué.

La question relative au respect du principe de la proportionnalité des grèves des 1er septembre 2020 et 9 mars 2021 pouvait rester indécise, dès lors que les mobilisations en question n'étaient pas remises en cause, mais critiquées sous l'angle du principe de la loyauté de l'association.

Depuis plusieurs mois, elle tentait en vain d'engager un dialogue avec les HUG, en association avec les autres syndicats actifs à l'hôpital. Elle avait par ailleurs agi de manière intersyndicale dans les autres mobilisations auxquelles elle avait participé.

E______AG (ci-après : E______) et le Conseil d'État avaient traité avec l'A______ alors même que cette dernière n'était pas signataire de la convention collective de travail (ci-après : CCT) dont ses adhérents sollicitaient une renégociation sérieuse. Le Conseil d'État reconnaissait l'association, qu'il associait depuis plusieurs mois aux discussions concernant le personnel de l'État et menées avec les autres organisations syndicales. En outre, les HUG revendiquaient le manque de représentativité et de loyauté de l'association alors même que celle-ci était majoritaire au sein de l'établissement et que M. C______ avait traité avec l'institution sans discontinuité pendant des décennies.

Les HUG commettaient un abus de droit en posant des conditions pour la reconnaissance de l'association et en lui refusant le dialogue social, dans le but de l'écarter des négociations alors même qu'elle portait les revendications de plusieurs centaines de salariés du secteur hospitalier genevois dans un contexte particulièrement houleux de la crise sanitaire du Covid-19. Cette attitude visait uniquement à empêcher les personnes qui avaient mandaté l'A______ et leurs adhérents de porter leurs revendications concernant leurs conditions de travail fortement mises à mal au sein des HUG. Ces derniers déniaient ainsi toute autonomie de la volonté et toute liberté syndicale à leurs propres employés, au motif qu'ils s'étaient adressés à l'A______. Ne niant pas le problème dénoncé, ils leur indiquaient qu'ils traiteraient leurs revendications avec d'autres salariés et un autre syndicat choisi à cet effet, ce qui constituait une réponse choquante et susceptible d'exacerber les tensions.

Le président de la CRCT avait pu constater la représentativité de l'A______ lors de la conciliation sollicitée par cette dernière. Elle disposait d'une forte légitimité au sein des HUG ainsi que dans le secteur des soins. La grève du 1er septembre 2020 avait été suivie par toutes les infirmières qui n'avaient pas la tâche de faire respecter le service minimum ce jour-là.

Les revendications qui avaient donné lieu à ladite grève n'avaient fait l'objet d'aucune discussion avec les HUG, qui s'étaient contentés d'indiquer que la mesure contestée par les infirmières ne serait pas mise en œuvre à la date prévue. Il ne s'agissait ni de l'acceptation d'une négociation, ni d'une renonciation à ladite mesure. La cause du litige restait donc d'actualité au moment de la grève.

L'A______ s'était efforcée de respecter les règles en matière de règlement des litiges collectifs de travail. Après avoir interpellé sans succès et à plusieurs reprises les HUG et suite à l'échec de la tentative de conciliation devant la CRCT, elle avait informé les HUG que les négociations restaient entières, avant de les appuyer par la lutte syndicale. La grève du 1er septembre 2020 n'était pas une grève reconductible, mais « un débrayage » de quelques dizaines de minutes, précédé de préavis. Les opérations s'étaient déroulées sans problème et le risque d'atteinte à la santé des patients s'était révélé inexistant. En effet, les membres de l'association et les infirmières qui avaient participé à la grève avaient veillé à maintenir un dialogue constant avec la hiérarchie opérationnelle des blocs opératoires afin d'assurer le service minimum et de ne faire courir aucun risque aux patients. Les infirmières en grève, qui se trouvaient à proximité immédiate du bâtiment hospitalier, étaient restées disponibles immédiatement en cas de nécessité.

La mobilisation des blocs opératoires avait concerné une vingtaine d'infirmières qui n'avaient pas jugé que la création de l'association par un syndicaliste accusé de harcèlement sexuel justifiait qu'elles ne fussent pas défendues par cette dernière. Il n'incombait pas à la direction des HUG de s'ériger – à leur place – en arbitre de leurs choix syndicaux, et elles seules devaient pouvoir choisir leur syndicat.

19) Dans leur duplique du 28 mai 2021, les HUG ont persisté dans les considérants et les conclusions de leur réponse du 26 mars 2021.

Un nouvel événement – postérieur à la décision attaquée – prouvait une nouvelle fois l'incapacité des représentants de l'A______ à se conformer à l'exigence de loyauté et à se présenter comme des interlocuteurs fiables et constructifs dans le dialogue social. En effet, M. C______ avait communiqué à trois employées des HUG, toutes représentées par l'A______, un rapport d'enquête administrative qui mentionnait que lesdites employées avaient fait pression sur une collègue afin que cette dernière ne témoignât pas en défaveur de l'employé mis sous enquête. Dès lors, l'A______ perdait de vue que des situations comme celle-ci la plongeaient dans une situation de conflit d'intérêts et l'empêchaient de représenter diligemment et de manière indépendante les personnes concernées. En outre, elle ne se rendait pas compte du fait que la divulgation à certains employés du contenu d'un témoignage à charge – et donc sensible – d'une autre employée risquait d'entraîner une dégradation importante des rapports de travail au sein du service concerné.

20) Par écriture spontanée du 12 juin 2021, l'A______ a relevé que, dans leur duplique, les HUG avaient cherché à mettre en cause la loyauté de l'A______ en « montant de toute pièce une affaire qui n'en était pas une ». En effet, M. C______ n'avait jamais transmis ni le rapport d'enquête ni les procès-verbaux y relatifs. Des collaborateurs avaient été alertés par des tiers de propos ayant été tenus durant la procédure et leur portant atteinte. Tous membres de l'A______, ils avaient demandé à être assistés d'un secrétaire syndical et avaient demandé confirmation de ces propos au syndicat, qui leur avait enjoint d'interpeller les HUG afin d'être entendus par rapport à l'atteinte qui leur avait été faite.

21) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

En effet, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, lorsque les rapports de travail ressortissent au droit public et que l'employeur est une entité de droit public, les litiges relatifs à l'admission d'un syndicat au dialogue social sont de la compétence des autorités et tribunaux administratifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_118/2014 du 22 mars 2015 consid. 4.2).

2) a. Dans un premier grief de nature formelle, la recourante invoque la nullité de la décision litigieuse en raison de l'incompétence de l'organe qui l'a rendue.

b. Une décision ne saurait être valable si elle a été rendue par une autorité qui n'était pas habilitée par l'ordre juridique à la prononcer. La conséquence de l'incompétence de l'auteur d'une décision peut varier suivant les circonstances : nullité ou simple annulabilité (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 880).

c. La loi sur l'organisation des institutions de droit public du 22 septembre 2017 (LOIDP - A 2 24) règle l’organisation des institutions décentralisées cantonales de droit public (art. 1 LOIDP). Elle est notamment applicable aux HUG (art. 3 al. 1 let. d LOIDP).

d. La direction générale des HUG est responsable de la gestion opérationnelle de l’institution (art. 42 LOIDP ; art. 16.2 du règlement relatif à l'organisation des HUG du 3 juin 2019 - PA 7210 [ci-après : le règlement des HUG]). Elle est dès lors, sur cette base, compétente pour prendre la décision de reconnaître ou non un syndicat comme partenaire social des HUG, aucune base légale ne confiant par ailleurs cette mission à un autre organe.

e. En l'espèce, la décision de ne pas reconnaître la recourante comme partenaire social a été prise par la direction générale des HUG, soit par l'organe compétent à cet effet.

Le grief sera dès lors écarté.

3) La recourante invoque une violation de la liberté syndicale dans la mesure où l'autorité intimée refuse de la reconnaître comme son partenaire social.

a. Sous la note marginale « liberté syndicale », l'art. 28 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) dispose que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d'y adhérer ou non (al. 1) ; les conflits sont, autant que possible, réglés par la négociation ou la médiation (al. 2) ; la grève et le lock-out sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail et sont conformes aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation (al. 3) et la loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes (al. 4).

L'art. 36 de la Constitution genevoise du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) dispose que la liberté syndicale est garantie (al. 1) ; nul ne doit subir de préjudice du fait de son appartenance ou de son activité syndicale (al. 2) ; l'information syndicale est accessible sur les lieux de travail (al. 3) et les conflits sont réglés en priorité par la négociation ou la médiation (al. 4).

b. Selon la jurisprudence, la liberté syndicale prévoit que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d'y adhérer ou non. On distingue la liberté syndicale individuelle de la liberté syndicale collective. La première donne au particulier le droit de contribuer à la création d'un syndicat, d'adhérer à un syndicat existant ou de participer à son activité (liberté syndicale positive), ainsi que celui de ne pas y adhérer ou d'en sortir (liberté syndicale négative), sans se heurter à des entraves étatiques. La seconde garantit au syndicat la possibilité d'exister et d'agir en tant que tel, c'est-à-dire de défendre les intérêts de ses membres. Elle implique notamment le droit de participer à des négociations collectives et de conclure des conventions collectives (ATF 144 I 50 consid. 4.1 in JdT 2019 I p. 11 ; 143 I 403 consid. 6.1 ; 140 I 257 consid. 5).

Un syndicat de la fonction publique peut également se prévaloir de la liberté syndicale collective. Cette position est clairement admise en doctrine (cf. notamment Jürg BRÜHWILER, Gesamtarbeitsvertrag im öffentlichen Dienst, DTA 2001 p. 172 ; Peter HELBLING, Gesamtarbeitsverträge [GAV] für den Staatsdienst, PJA 1998 p. 903 ; Markus METZ, Die bundesgerichtliche Rechtsprechung zum kollektiven Arbeitsrecht, DTA 2006 p. 163). Le Tribunal fédéral limite toutefois la portée de cette liberté au droit d'être entendu sous une forme appropriée lorsqu'il s'agit de la question de l'implication du syndicat de la fonction publique dans la préparation d'une loi ou d'un règlement, sous peine de porter atteinte au monopole de l'État en la matière (ATF 140 I 257 consid. 5.1.1 et les références citées).

La limitation de la portée de la liberté syndicale au droit d'être entendu pour un syndicat de la fonction publique n'a pas de raison d'être si la question consiste à déterminer si et dans quelle mesure un syndicat peut revendiquer un droit de participer à des négociations collectives ou de conclure des conventions collectives avec l'employeur public, puisque cette liberté ne se heurte alors pas – contrairement à la participation du syndicat au processus législatif – à la souveraineté de l'État, ce dernier ayant alors précisément renoncé à une parcelle de sa souveraineté pour privilégier des solutions négociées (Jürg BRÜHWILER, op. cit., p. 172 ; Peter HELBLING, op. cit., p. 903). Un syndicat de la fonction publique n'est donc pas par nature exclu de la titularité de l'art. 28 Cst. pour revendiquer le droit de participer à des négociations collectives, conclure une convention collective ou y adhérer (ATF 140 I 257 consid. 5.1.1).

Cette position est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH) rendue en application de l'art. 11 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), selon laquelle les membres d'un syndicat de la fonction publique ont le droit à ce que leur syndicat soit entendu en vue de la défense de leurs intérêts, laissant toutefois à chaque État le choix des moyens à employer à cette fin (ACEDH Syndicat national de la police belge c. Belgique du 27 octobre 1975, req. n° 4464/70 ; Syndicat suédois des conducteurs de locomotives c. Suède du 6 février 1976, req. n° 5614/72, § 40 ; Schmidt et Dahlström c. Suède du 6 février 1976, req. n° 5585/72, § 36). Elle va également dans le même sens de l'arrêt Demir et Baykara c. Turquie du 12 novembre 2008, (req. n° 34503/97), où la CourEDH, revoyant sa jurisprudence sur ce point, a retenu que le droit de mener des négociations collectives avec l'employeur était l'un des éléments essentiels du « droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts » énoncé à l'art. 11 § 1 CEDH. En effet, les États demeuraient libres d'organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial aux syndicats représentatifs, et les fonctionnaires devaient également en bénéficier en principe, sans préjudice des effets des restrictions légitimes pouvant être imposées aux membres de l'administration de l'État au sens de l'art. 11 § 2 CEDH (ATF 140 I 257, consid. 5.1.2).

c. Le droit d'exercer la liberté syndicale collective sous la forme d'une participation à des négociations collectives, de la conclusion de conventions collectives ou de l'adhésion à de telles conventions ne peut toutefois être d'emblée ouvert à tout syndicat sans restrictions. Une telle situation pourrait aboutir à une trop grande multiplication des acteurs sociaux, ce qui serait de nature à nuire à la qualité et à l'efficacité du dialogue social, ainsi qu'à la conclusion de conventions collectives, alors que cet instrument est considéré, avec l'autonomie des partenaires sociaux, comme un élément central du droit collectif du travail en Suisse (Jörg Paul MÜLLER/Markus SCHEFER, Grundrechte in der Schweiz, 4ème éd., 2008, p. 1090 ; Arthur ANDERMATT, Liberté syndicale et droit de grève, in Droit collectif du travail, 2010, p. 13 ; Gabriel AUBERT, Le droit de négocier ou d'adhérer à une convention collective de travail, in Mélanges Robert Patry, 1988, p. 29). C'est pour cette raison que seul un syndicat reconnu comme partenaire social peut se prévaloir d'un droit à entrer dans le dialogue social en invoquant l'art. 28 Cst. (ATF 140 I 257, consid. 5.2).

Les conditions de reconnaissance d'un syndicat ont été développées par la jurisprudence rendue en droit privé, selon laquelle un syndicat doit être reconnu comme partenaire social afin de participer à des négociations collectives, de conclure une convention collective ou d'y adhérer, même sans l'accord de l'employeur ou des autres partenaires sociaux, s'il est suffisamment représentatif et qu'il se comporte loyalement, sous peine de violer ses droits de la personnalité. En particulier, un syndicat minoritaire ne peut être écarté s'il est suffisamment représentatif (ATF 125 III 82 consid. 2 ; 118 II 431 consid. 4a ; 113 II 37 consid. 4c et 5 ; Gabriel AUBERT, op. cit., p. 28), à moins que l'auteur du refus ne fasse valoir un intérêt digne de protection à la participation dudit syndicat, par exemple en cas d'attitude déloyale de ce dernier (ATF 118 II 431 consid. 4a ; 113 II 37 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 4D_27/2018 du 8 juillet 2019).

La doctrine a systématisé cette jurisprudence en énonçant quatre conditions qu'un syndicat doit cumulativement remplir pour être reconnu comme partenaire social, à savoir : avoir la compétence de conclure des CCT ; avoir la compétence à raison du lieu et de la matière ; être suffisamment représentatif (condition de la représentativité) et faire preuve d'un comportement loyal (condition de la loyauté ; ATF 140 I 257 consid. 5.2.1 ; Jürg BRÜHWILER, op. cit., p. 175 ss). En principe, les syndicats constitués sous la forme d'associations au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ont la compétence de conclure des CCT (Rémy WYLER/Boris Heinzer, op. cit., p. 1043).

Sous l'angle de la liberté syndicale, la jurisprudence du Tribunal fédéral envisage également la représentativité et la loyauté comme des conditions qu'un syndicat doit remplir pour être reconnu comme partenaire social. Le fait de limiter la qualité de partenaire social aux syndicats qui remplissent des conditions de représentativité et de loyauté ne constitue pas une atteinte à la liberté syndicale qui emporterait l'obligation de respecter les exigences de l'art. 36 Cst. Les conditions de représentativité et de loyauté doivent au contraire être comprises comme des conditions inhérentes à la notion de partenaire social, qu'un syndicat doit remplir pour pouvoir revendiquer cette qualité (ATF 140 I 257 consid. 5.2.2).

Le même mécanisme de « condition inhérente » à l'exercice d'un droit constitutionnel se retrouve d'ailleurs à l'art. 28 al. 3 Cst. En effet, les conditions de licéité d'une grève contenues dans cette disposition constitutionnelle ne sont pas envisagées comme des atteintes au droit de grève, mais comme des conditions qui doivent être remplies pour que les personnes qui recourent à la grève puissent se prévaloir valablement de l'art. 28 al. 3 Cst. (ATF 140 I 257 consid. 5.2.2 ; Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 3ème éd., 2019, p. 1019 ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 4ème éd., 2021, n. 1806 ss).

4) a. Les conditions de représentativité et de loyauté sont des notions juridiquement indéterminées, qui doivent être concrétisées dans chaque cas particulier par usage du pouvoir d'appréciation (ATF 140 I 257 consid. 6 ; Gabriel AUBERT, op. cit., p. 28).

b. En ce qui concerne d'abord la condition de la représentativité, le pouvoir d'appréciation est correctement mis en œuvre si des critères adéquats et raisonnables sont utilisés. Ces critères doivent être suffisamment larges pour admettre dans le dialogue social des syndicats minoritaires, de manière à favoriser un certain pluralisme dans l'expression des voix syndicales, sans pour autant conduire à admettre tout syndicat minoritaire comme partenaire social. Il est ainsi nécessaire que le syndicat soit le porte-parole d'une minorité et non pas constitué de membres isolés (ATF 113 II 37 consid. 4c ; Gabriel AUBERT, op. cit., p. 28 ; Jürg BRÜHWILER, op. cit., p. 173). À cet égard, le Tribunal fédéral n'a pas fixé de seuil quantitatif minimal applicable de manière générale pour déterminer si un syndicat minoritaire est représentatif. Il a en revanche retenu, dans un cas d'espèce, qu'un syndicat comprenant 7 % des travailleurs de l'entreprise était suffisamment représentatif et que si l'on voulait le nier, ce syndicat devrait tout de même être reconnu en raison de son importance évidente au plan national (ATF 113 II 37 consid. 5). Il ressort de cette jurisprudence que, d'une part, un syndicat n'a pas besoin de représenter une forte minorité pour être représentatif et que, d'autre part, un syndicat non représentatif dans l'entreprise concernée, mais qui jouit d'une représentativité suffisante au niveau cantonal ou fédéral doit également être reconnu comme partenaire social (Jürg BRÜHWILER, op. cit., p. 177 ; Gabriel AUBERT, op. cit., p. 28). La représentativité d'un syndicat doit également être examinée compte tenu de la structure particulière de l'entreprise ou de l'institution publique par laquelle il demande à être reconnu comme partenaire social.

Les critères de représentativité peuvent être codifiés par l'employeur dans un document de portée générale ; si l'employeur est une collectivité publique ou un établissement de droit public, ils peuvent, même si cela n'est pas indispensable, être prévus dans une base légale, formelle ou matérielle (ATF 140 I 257 consid. 6.1).

Tel n'est toutefois pas le cas en l'espèce. Ni la LOIDP ni le règlement des HUG ne fixent des critères de représentativité relatifs à la reconnaissance des syndicats comme partenaires sociaux de l'autorité intimée.

c. La condition de la loyauté implique quant à elle que le syndicat concerné se déclare prêt à respecter toutes les obligations découlant de la CCT et, de manière générale, qu'il soit un partenaire social digne de confiance (Gabriel AUBERT, op. cit., p. 28 ; Jürg BRÜHWILER, op. cit., p. 177). Le syndicat doit ainsi se montrer comme un interlocuteur fiable et de bonne foi. Tel n'est en particulier pas le cas s'il entrave les négociations collectives de manière abusive ou s'il porte des accusations abusives à l'encontre des autres partenaires sociaux (Jürg BRÜHWILER, op. cit., p. 174).

La condition de la loyauté a trait au comportement du syndicat avec les autres partenaires sociaux ; en particulier, un syndicat ne peut être qualifié de déloyal au seul motif qu'il est en litige avec certains de ses membres ou de ses anciens membres, de tels litiges n'ayant pas de lien avec le comportement du syndicat en tant que partenaire social (ATF 140 I 257 consid. 6.2).

Dans la règle, la condition de loyauté, qui est l'une des modalités de la bonne foi, doit être considérée comme présumée (Jürg BRÜHWILER, op. cit., p. 177). En conséquence, si un syndicat demandant à être reconnu comme partenaire social se déclare prêt à respecter les obligations découlant de la CCT ou, plus largement, l'obligation de se comporter comme un partenaire social digne de confiance et qu'il remplit les autres conditions de reconnaissance, l'employeur ne peut alors en principe pas refuser de le reconnaître, sauf s'il apporte la preuve que la condition de loyauté n'est pas réalisée en raison de comportements passés de nature à faire sérieusement craindre qu'il n'agirait pas de manière loyale dans le dialogue social (ATF 140 I 257 consid. 6.2).

5) a. En l'espèce, l'autorité intimée a refusé d'intégrer la recourante dans le dialogue social au motif que celle-ci n'est pas son partenaire social, ne devant pas être reconnue comme tel dans la mesure où elle ne remplirait pas les conditions de représentativité et de loyauté, ce qu'elle conteste.

Il convient dès lors de déterminer si elle remplit les quatre conditions cumulatives – élaborées par la jurisprudence – nécessaires à sa reconnaissance en tant que partenaire social.

b. Selon ses statuts, la recourante est un syndicat constitué sous la forme d'une association au sens des art. 60 ss CC. Elle a dès lors la compétence de conclure des CCT. De plus, son siège se trouvant à Genève et son but consistant à sauvegarder et promouvoir les intérêts des salariés du service public et du secteur subventionné, elle est compétente à raison du lieu et de la matière pour devenir un partenaire social de l'autorité intimée, sise également à Genève.

Compte tenu de ce qui précède, elle remplit les deux premières conditions nécessaires à sa reconnaissance en tant que partenaire social de l'autorité intimée.

c. Reste à déterminer si elle remplit les conditions de représentativité et de loyauté.

Sur le plan de la représentativité, il ressort du dossier que l'autorité intimée n'a pas fixé de critères relatifs à la reconnaissance du syndicat en cause en tant que partenaire social. Quant à ce dernier, il ne démontre pas par pièces que plus de sept cents employés de l'établissement médical en cause l'auraient rejoint.

Cela étant, les grèves instiguées par la recourante, suivies au total par plus de quatre-vingts employés, tendent à démontrer qu'une minorité d'entre eux – à tout le moins – est devenue membre de l'association afin que celle-ci défende leurs intérêts. De plus, E______ – entreprise importante au niveau national – ainsi que le Conseil d'État ayant intégré la recourante dans leurs négociations respectives, touchant notamment aux questions liées aux conditions de travail du personnel, celle-ci jouit, malgré sa récente création, d'une représentativité suffisante au niveau cantonal.

Au vu de ce qui précède et en l'absence de critères posés par l'autorité intimée, il convient de considérer que la recourante remplit la condition de la représentativité.

En ce qui concerne la condition de la loyauté, l'autorité intimée soutient que les grèves instiguées par la recourante, les condamnations pénales de deux de ses membres, sa création par un syndicaliste accusé de harcèlement sexuel ainsi que la diffusion non autorisée d'un rapport d'enquête par l'un de ses membres constituent des éléments qui démontrent son incapacité à se comporter d'une façon loyale.

La recourante estime quant à elle qu'elle n'a fait preuve d'aucun comportement déloyal envers l'autorité intimée. Cette dernière refusant d'engager des négociations avec elle, les deux grèves précitées étaient licites et proportionnées. L'association ne se résumait pas aux deux membres condamnés sur le plan pénal et sa création par un syndicaliste accusé de harcèlement sexuel n'empêchait pas des femmes d'en devenir membres.

Sur ce dernier point, il convient de relever que les agissements d'un seul membre de l'association ne suffisent pas à remettre en cause, pour ce seul motif, la capacité de cette dernière à mener un dialogue social constructif avec l'autorité intimée, même si celle-ci emploie un grand nombre de collaboratrices. En effet, ce comportement n'est pas dirigé contre l'employeur, n'a pas de lien avec le comportement du syndicat en tant que partenaire social et ne saurait ainsi empêcher ce dernier de défendre correctement les intérêts de ses membres, y compris féminins. Il ne saurait également remettre en question sa capacité de collaborer avec les autres syndicats dans un esprit d'unité syndicale. Au demeurant, comme l'a relevé la recourante, les employées sont libres de choisir leur syndicat et, le cas échéant, d'accepter ou de refuser d'adhérer à une association dont l'un des membres fondateurs est accusé de harcèlement sexuel. Admettre que le comportement précité serait constitutif de déloyauté de la part de la recourante envers les autres partenaires sociaux conduirait à faire un amalgame entre cette dernière et l'un de ses fondateurs, alors qu'il convient de les distinguer dans le contexte du dialogue social.

En revanche, les deux condamnations pénales des membres de l'association recourante doivent être prises en compte – en défaveur de cette dernière – dans la mesure où elles sont intervenues dans le cadre de leur activité syndicale et ont un lien manifeste avec le comportement du syndicat en tant que partenaire social. De plus, l'un des membres précités ayant été condamné à la suite d'un acte diffamatoire visant un membre du personnel de l'autorité intimée elle-même, l'une de ces condamnations est directement liée à l'employeur. Il s'agit dès lors d'éléments tendant à remettre en cause la capacité des représentants de la recourante à se comporter d'une façon conforme aux règles gouvernant le dialogue social. On notera à cet égard que les deux membres précités ont instigué et participé à deux grèves alors même que le statut de partenaire social n'avait pas été reconnu à la recourante, démontrant par-là une tendance à passer outre le cadre légal régissant le dialogue social.

L'association recourante ayant demandé sa reconnaissance en tant que partenaire social un mois seulement après sa création, il ne peut être reproché à l'autorité intimée d'avoir pris le temps de la réflexion pour se déterminer sur cette question. Par ailleurs, le contexte dans lequel l'association a été créée – à la suite d'une scission avec un autre syndicat genevois et sur fond de tensions idéologiques – légitimait l'autorité intimée à demander au Cartel intersyndical si ce dernier considérait qu'un siège de la commission paritaire de l'établissement en cause devait être attribué à la recourante. Par la suite, l'autorité intimée a demandé à plusieurs reprises à cette dernière de lui fournir les documents nécessaires à sa reconnaissance en tant que partenaire social, en particulier ceux portant sur sa représentativité, ce qu'elle n'a pas fait. Dans ces circonstances, l'autorité intimée était fondée à ne pas lui reconnaître la qualité de partenaire social, ce que la recourante devait respecter. Or, celle-ci n'a tenu compte ni de cette situation provisoire ni de la procédure de reconnaissance qui était en cours et a cherché à plusieurs reprises à entrer en négociation avec l'autorité intimée, la menaçant d'organiser des grèves si celle-ci refusait d'entamer lesdites négociations. Elle a ce faisant perdu de vue qu'elle n'était pas son partenaire social et que l'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser d'entamer les négociations. Malgré cela, elle a mis ses menaces à exécution à deux reprises, ignorant l'information de l'autorité intimée selon laquelle les changements envisagés, qui faisaient l'objet de revendications des employés, ne seraient pas mis en œuvre à la date prévue. Elle n'a également pas tenu compte du fait que les revendications précitées faisaient déjà l'objet de discussions avec les autres partenaires sociaux, ce dont elle a pourtant été informée. Dans ces circonstances et sans préjuger de la légitimité des revendications du personnel, on relèvera que la recourante a adopté un comportement téméraire et disproportionné en instiguant et organisant deux grèves alors même qu'elle n'était pas le partenaire social de l'autorité intimée, faisant fi de la procédure de reconnaissance qui était en cours. Elle a tenté d'obtenir sa reconnaissance par la force, en fixant des ultimatums, et a de ce fait agi de façon contraire à son obligation de se comporter comme un partenaire social digne de confiance.

Au vu de ce qui précède, l'association recourante a fait preuve de comportements de nature à faire craindre qu'elle n'agirait pas de manière loyale dans le dialogue social. Elle ne remplit ainsi pas la condition de la loyauté, nécessaire à sa reconnaissance en tant que partenaire social, et ne saurait dès lors être reconnue comme tel par l'autorité intimée, dont la décision attaquée est conforme au droit.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2021 par l'association A______ contre la décision des Hôpitaux Universitaires de Genève du 16 décembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de l'association A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature de la recourante ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'association A______ ainsi qu'à Me Adrien Alberini, avocat des Hôpitaux Universitaires de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Zehetbauer Ghavami et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :