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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/5049/2007

ATA/1/2008 du 02.01.2008 ( DETEN ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/5049/2007-DETEN ATA/1/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 2 janvier 2008

en section

dans la cause

 

Monsieur D______
représenté par Me Dominique Bavarel, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

et

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS DE POLICE DES ÉTRANGERS


 


EN FAIT

1. Monsieur D______, né le X______ 1984, est ressortissant de la République de Guinée.

2. Sa demande d’asile en Suisse, déposée le 14 juillet 2002, a été rejetée par l’Office fédéral des réfugiés (ci-après : ODR) par décision du 13 septembre 2002, assortie d’un renvoi du territoire helvétique. Un délai au 8 novembre 2002 a été imparti à l’intéressé pour quitter la Suisse, sous peine de s’exposer à des mesures de contrainte.

3. La commission suisse de recours en matière d’asile (ci-après : CRA) ayant, le 14 novembre 2002, déclaré irrecevable le recours de M. D______ contre la décision précitée, l’ODR a prolongé le délai de départ de Suisse de ce dernier au 11 janvier 2003, en lui rappelant qu’il lui incombait d’effectuer les démarches nécessaires pour obtenir des documents de voyage valables.

4. Le 10 décembre 2002, M. D______ a déclaré à l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) qu’il ne connaissait personne en Guinée pouvant lui faire parvenir de documents de voyage.

5. Le 10 février 2003, l’OCP a sollicité de l’ambassade de la République de Guinée à Paris la délivrance d’un document de voyage en faveur de l’intéressé.

6. Le 16 mars 2003, M. D______ a été interpellé par la police pour avoir tenté de vendre une boulette de cocaïne. A cette occasion, il s’est vu notifier une interdiction de pénétrer sur une partie du territoire genevois pour une durée de six mois.

7. Le 22 février 2004, M. D______ a de nouveau été interpellé par la police pour avoir tenté de vendre une boulette de cocaïne. Une deuxième interdiction de pénétrer sur une partie du territoire genevois pour une durée de six mois lui a été notifiée.

8. Par ordonnance du 23 février 2004, le juge d’instruction a condamné l’intéressé en raison des faits susmentionnés, à une peine de vingt jours d’emprisonnement avec sursis pendant trois ans pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

9. Le 12 novembre 2004, un examen linguistique, effectué à la demande de l’ambassade de la République de Guinée, a conclu que M. D______ était bien originaire de ce pays.

10. Le 28 janvier 2005, M. D______ a signé, à l’intention de la représentation diplomatique précitée, une déclaration dans laquelle il confirmait être de nationalité guinéenne et souhaitait retourner dans son pays d’origine.

11. Le 3 novembre 2005, les autorités guinéennes ont établi au nom de M. D______ un laissez-passer valable jusqu’au mois de mai 2006.

12. Le 30 novembre 2005, M. D______ a indiqué qu’il était d’accord de se présenter auprès du bureau d’aide au départ de la Croix-Rouge (ci-après : BAD) et pris note que s’il n’effectuait aucune démarche en vue de son départ, il pourrait être soumis à des mesures de contrainte. Il a également fait part de son intérêt pour le programme d’aide au départ.

13. Un vol à destination de la Guinée a été organisé pour M. D______ le 10 janvier 2006, mais il a dû être annulé, l’intéressé ne s’étant pas présenté à l’aéroport de Genève-Cointrin.

14. Ce même jour, M. D______ a été contrôlé à la frontière austro-suisse à bord d’un train reliant Genève à Vienne. S’étant légitimé au moyen d’un passeport hollandais au nom de C______ K______ - Jardinier, né le Y______ 1981, il a été refoulé par les gardes-frontières autrichiens et est retourné à Genève après son audition par la police saint-galloise.

15. Le 11 janvier 2006, l’Hospice général a informé l’OCP que M. D______ avait disparu, sans laisser d’adresse, du foyer où il aurait dû loger depuis le 9 janvier 2006.

16. Le 17 janvier 2006, l’OCP a chargé la police d’exécuter le renvoi de l’intéressé sur Conakry.

17. Le 8 mars 2006, l’OCP a avisé que M. D______ ne s’était plus présenté auprès de ses services et que tout laissait supposer qu’il avait disparu.

18. Le 10 mars 2006, la police a diffusé un communiqué de recherche pour M. D______.

19. Le 5 septembre 2006, l’ODM a prononcé une interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES), valable jusqu’au 4 septembre 2011, à l’encontre de M. D______, en raison de son comportement et pour des motifs d’ordre et de sécurité publics (infractions à la Lstup).

20. Le 13 décembre 2006, la police a interpellé M. D______ dans un foyer genevois, à l’occasion d’une tierce opération. Elle lui a notifié l’IES.

21. Le même jour, l’intéressé a été mis en détention administrative pour une durée de trois mois par ordonnance du commissaire de police, confirmée le lendemain par la commission cantonale de recours de police des étrangers (ci-après : CCRPE).

22. Le 11 janvier 2007, l’ambassade de la République de Guinée a délivré un laissez-passer, valable jusqu’au 11 avril 2007, pour M. D______.

23. Le 7 février 2007, M. D______ s’est opposé physiquement à son refoulement, en refusant de monter dans l’avion. Selon le rapport de police établi à la suite de cette opposition, l’intéressé avait clairement exposé son intention d’agir ainsi à son arrivée à l’aéroport, à moins qu’on lui remette un montant de CHF 5’000.- au lieu des CHF 1’000.- que l’ODM avait prévu comme viatique.

24. Le 23 février 2007, l’OCP a remis en liberté M. D______, les autorités fédérales ayant interrompu temporairement l’exécution sous contrainte des renvois à destination de la République de Guinée.

25. Le 6 mars 2007, l’OCP a avisé que M. D______ ne s’était plus présenté auprès de ses services et que tout laissait supposer qu’il avait disparu.

26. Le 31 juillet 2007, l’OCP a, à nouveau, chargé la police d’exécuter le renvoi de l’intéressé sur Conakry.

27. Le 15 août 2007, la police a diffusé un communiqué de recherche pour M. D______.

28. Le 11 décembre 2007, la police a interpellé M. D______ dans un foyer genevois, à l’occasion d’une tierce opération. Il est ressorti de son audition qu’il faisait, depuis le 30 mars 2007, l’objet d’une mesure d’interdiction de pénétrer dans tous les foyers genevois, sans indication de l’auteur ni des circonstances dans lesquelles elle avait été prononcée.

29. Le 12 décembre 2007, l’intéressé a été mis en détention administrative pour une durée de trois mois par ordonnance du commissaire de police.

30. Le 13 décembre 2007, la CCRPE, a confirmé la décision susmentionnée. Il existait des indices concrets que l’intéressé entendait se soustraire à son refoulement et l’acquiescement à son retour, exprimé lors de son audition par l’autorité précitée, n’était assorti d’aucune garantie permettant d’assurer qu’une convocation pourrait lui parvenir. M. D______ avait à cet égard déclaré pouvoir être atteint au domicile d’une de ses amies, originaire du Niger et prénommée M______, dont il ne connaissait ni le nom, ni l’adresse ni le numéro de téléphone.

31. Par acte du 20 décembre 2007, reçu le lendemain par le Tribunal administratif, M. D______ a recouru contre la décision de la CCRPE, concluant à son annulation et au prononcé de sa mise en liberté immédiate. La situation globale ne permettait pas de retenir qu’il entendrait se soustraire à son refoulement. Il ne contestait pas le fait qu’il ne s’était pas présenté à l’aéroport le 10 janvier 2006, ni s’être opposé à son renvoi le 7 février 2007 mais à cette époque, la Guinée était en situation insurrectionnelle, raison pour laquelle il avait été libéré le 23 février 2007. Il n’avait alors pas disparu dans la clandestinité mais avait été hébergé par une amie, puisqu’il lui était interdit de pénétrer dans les foyers de Genève. S’il n’avait pas donné d’indications complètes concernant cette dernière, c’était parce que celle-ci ne souhaitait plus continuer sa relation avec lui en raison de son arrestation. Il se trouvait ainsi sans domicile fixe mais était disposé à collaborer avec les autorités. Pour le surplus, la mesure était disproportionnée car il ne lui était pas reproché de représenter un risque pour l’ordre ou la sécurité publics.

32. La CCRPE a transmis son dossier au tribunal de céans.

33. Le commissaire de police a transmis ses observations le 26 décembre 2007, concluant au rejet du recours. Un vol à destination de Conakry avait été réservé pour le 4 février 4008 et le laissez-passer serait délivré par l’autorité compétente dans le courant du mois de janvier 2008.

34. Le 27 décembre 2007, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile auprès de la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. l litt b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 5 et 10 al. l de la loi d’application de la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 16 juin 1988 - LaLSEE - F 2 10).

2. Le 1er janvier 2008, la loi fédérale sur les étrangers (LEtr - RS 142 20) du 16 décembre 2005 est entrée en vigueur, abrogeant la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE). Selon les dispositions transitoires de la novelle, les demandes déposées avant l’entrée en vigueur de cette dernière demeurent régies par l’ancien droit, tandis que la procédure est régie par le nouveau droit (art. 126 al. 1 et 2 LEtr). Le contrôle au fond de la détention administrative du recourant doit ainsi se faire au regard de la LSEE.

3. En application de l’article 10 alinéa 2 LaLSEE, le Tribunal administratif statue dans les dix jours qui suivent sa saisine. Le recours a été reçu au greffe le 21 décembre 2007. Le délai a commencé à courir dès le lendemain (art. 17 al. 1 LPA) et, par report (art. 17 al. 3 LPA), il vient à échéance le mercredi 2 janvier 2008 à minuit. En statuant ce jour, le tribunal de céans respecte ainsi ce délai (ATA/337/2007 du 29 juin 2007 et les références citées).

4. Lorsqu’une décision de renvoi ou d’expulsion de première instance a été notifiée à un étranger et que des indices concrets font craindre que celui-ci se soustraie au refoulement, en particulier lorsqu’il ne collabore pas au sens des articles 13f LSEE et 4 et 8 de la loi sur l’asile du 28 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), l’autorité compétente peut le mettre en détention pour assurer l’exécution de ladite décision (art. 13b al. l let. c LSEE).

En l’espèce, M. D______ fait l’objet d’une décision de refus d’asile et de renvoi, définitive et exécutoire depuis le 15 novembre 2002.

Depuis cette date, non seulement il n’a pas quitté le territoire helvétique, mais il s’est soustrait à un premier renvoi le 10 janvier 2006 en ne se présentant pas à l’aéroport et s’est opposé physiquement à un deuxième renvoi le 7 février 2007, non en raison de la situation dans son pays d’origine, mais parce qu’il n’avait pu obtenir des autorités suisses un viatique cinq fois supérieur à celui qui devait lui être remis.

Il a en outre cessé toute forme de collaboration avec l’OCP depuis janvier 2006, n’indiquant pas en particulier où il pouvait être atteint utilement pour l’exécution de son renvoi, alors que rien, à rigueur de dossier, ne l’empêchait de contacter cette autorité, notamment pas l’interdiction de pénétrer dans les foyers genevois du 30 mars 2007, postérieure aux deux échecs de renvoi.

Enfin, la déclaration faite par le recourant devant la CCRPE le 13 décembre 2007, selon laquelle il était disposé à se rendre à l’aéroport sur convocation de la police, n’est pas crédible, puisqu’il n’a fourni aucune adresse ni numéro de téléphone où il pourrait être atteint.

Les conditions d’application de l’article 13b alinéa 1 lettre c LSEE sont ainsi remplies.

5. En application de l’article 36 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le principe de la proportionnalité gouverne toute action étatique. La détention administrative constitue la forme la plus grave d’atteinte à la liberté personnelle, garantie par l’article 10 alinéa 2 Cst. La personne visée est en effet privée de sa liberté de mouvement. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il convient en outre que le noyau fondamental de la liberté personnelle ne soit pas touché (ATF 130 II 377 consid. 3.1 p. 380-381).

En l’espèce, le refoulement du recourant devrait intervenir début février 2008, les autorités chargées de l’exécution du renvoi ayant fait preuve de diligence dans le suivi du dossier du recourant. Dans ces conditions, une détention jusqu’au 15 février 2008 apparaît suffisante pour assurer le départ de M. D______ ou demander une prolongation de sa détention administrative en cas problème.

6. Le recours sera ainsi partiellement admis. La décision de la CCRPE sera annulée. L’ordre de mise en détention administrative sera confirmé dans son principe et son échéance sera fixée au 15 février 2008.

Le recourant étant au bénéfice de l’assistance juridique, aucun émolument ne sera mis à sa charge, bien qu’il n’obtienne que très partiellement gain de cause. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 décembre 2007 par Monsieur D______ contre la décision de la commission cantonale de recours de police des étrangers du 13 décembre 2007 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision prise le 13 décembre 2007 par la commission cantonale de recours de police des étrangers ;

confirme l’ordre de mise en détention administrative pris le 12 décembre 2007 par le commissaire de police à l’encontre de Monsieur D______ jusqu’au 15 février 2008 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Bavarel, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours de police des étrangers, à l’officier de police, à l’office cantonal de la population, à l’office fédéral des migrations à Berne ainsi qu’au centre Frambois, pour information.

Siégeants : M. Paychère, président, M. Thélin et Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la juge présidant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :