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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16814/2017

ACPR/718/2021 du 25.10.2021 sur OPMP/3928/2021 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : CLASSEMENT IMPLICITE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : CPP.324.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16814/2017 ACPR/718/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 25 octobre 2021

 

Entre

A______, B______et C______, comparant par Me Yann ARNOLD, avocat, Etude Benoît & Arnold, rue des Eaux-Vives 49, case postale 6213, 1211 Genève 6,

D______, domicilié c/o AUTORITÉ TUTÉLAIRE, rue des Glacis-de-Rive 6,
1207 Genève, comparant par Me Philippe JUVET, avocat, rue de la Fontaine 2, 1204 Genève,

recourants,

contre le classement partiel implicite résultant de l'ordonnance pénale du 26 avril 2021,

et

E______, domicilié c/o Me Sarah PEZARD, avocate, PEZARD AVOCAT,
rue De-Candolle 36, case postale, 1211 Genève 4,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


Vu :

- l'ordonnance pénale prononcée à l'encontre de E______ par le Ministère public le 26 avril 2021, le déclarant coupable de rixe (art. 133 CP) pour avoir pris part, avec des tiers, à une altercation lors de laquelle D______ a été très grièvement blessé. Il a été retenu que c'était un des tiers impliqués qui avait porté le coup dont D______ avait été victime;

- l'opposition formée le 7 mai 2021 par D______, partie plaignante, contre l'ordonnance pénale précitée, reçue par simple pli;

- l'opposition formée le 10 mai 2021 par A______, C______ et B______, respectivement la concubine, le père et la grand-mère de D______, parties plaignantes, contre la même ordonnance pénale, notifiée à eux par pli simple également;

- l'ordonnance sur opposition du 1er juin 2021, par laquelle le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale et transmis la cause au Tribunal de police, tout en mentionnant que l'ordonnance pénale tenait lieu d'acte d'accusation;

- l'arrêt de la Chambre de céans du 16 septembre 2021 (ACPR/601/2021) déclarant irrecevable le recours de D______ avec demande de restitution de délai du 7 septembre 2021 contre ladite ordonnance;

- l'ordonnance du Tribunal de police du 30 septembre 2021 constatant l'irrecevabilité des oppositions formées les 7 et 10 mai 2021 par D______, respectivement A______, C______ et B______, et transmettant la cause à la Chambre de céans pour examen des oppositions comme valant recours contre le classement implicite contenu dans l'ordonnance pénale du 26 avril 2021.

Attendu que :

- à teneur du dossier, le coup de poing porté à D______ avait entraîné un traumatisme crânien sévère, avec une fracture de l'os temporal droit et un hématome épidural temporo-pariétal droit, ayant nécessité plusieurs interventions neurochirurgicales, dont l'une en urgence, qui l'avait vu intuber et placer dans le coma. Sa vie avait été concrètement mise en danger. Des séquelles sérieuses étaient à craindre;

- dans son ordonnance pénale du 26 avril 2021, le Ministère public a déclaré E______ coupable de rixe (art. 133 CP), considérant qu'il n'était pas l'auteur du coup de poing porté à D______ qui l'avait gravement blessé. Ledit coup avait été porté selon lui par F______, alors mineur [lequel a été reconnu coupable par ordonnance du Juge des mineurs du 11 février 2020 de lésions corporelles simples (art. 123 CP) et de lésions corporelles graves par négligence (art. 125 CP)];

- dans son courrier d'opposition, D______ conteste ces faits. Trois témoins avaient certifié que E______ lui avait porté le coup fatidique. Celui-ci était en outre muni d'un poing américain. Par conséquent, ce n'était pas seulement l'infraction de rixe qui devait être retenue à l'endroit du précité mais également celle de tentative de meurtre, à tout le moins par dol éventuel, ou de lésions corporelles graves;

- dans leur courrier d'opposition, A______, C______ et B______ considèrent eux aussi qu'il existe au dossier des éléments suffisants pour condamner, respectivement renvoyer en jugement, E______ comme étant l'auteur du coup porté à D______.

Considérant que :

- selon l'art. 324 al. 2 CPP, l'acte d'accusation n'est pas sujet à recours;

- toutefois, si le ministère public n'entend réprimer qu'une partie des faits, il doit rendre une ordonnance pénale ou un acte d'accusation doublé d'une ordonnance de classement sujette à recours. En effet, le CPP subordonne l'abandon de la poursuite pénale au prononcé d'une ordonnance formelle de classement mentionnant expressément les faits que le ministère public renonce à poursuivre, de manière à en définir clairement et formellement les limites. Une telle formalisation de l'abandon des charges constitue le préalable essentiel à l'exercice du droit de recours prévu par l'art. 322 al. 2 CPP (ATF 138 IV 241 consid. 2.4 à 2.6);

- en l'occurrence, en abandonnant une partie des charges contre E______, le Ministère public a donc prononcé dans son ordonnance pénale du 26 avril 2021 un classement partiel implicite, attaquable par la voie du recours;

- le droit d'être entendu, garanti par l'art. 3 al. 2 let. c CPP et 29 al. 2 Cst., implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183; 138 I 232 consid. 5.1 p. 237);

- le Tribunal fédéral a statué que pour qu'une partie puisse recourir efficacement contre un classement implicite, elle devait connaître les faits classés et les motifs ayant guidé l'autorité. L'absence de décision formelle de classement viole ainsi le droit d'être entendu des parties, de sorte qu'il incombe à l'autorité de recours de renvoyer la cause au Ministère public pour qu'il rende une décision formelle. Une éventuelle réparation du droit d'être entendu devant elle doit rester l'exception (arrêt 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 3.8);

- en l'espèce, au vu de la gravité des faits et de leur complexité liée à l'intervention de plusieurs protagonistes, l'autorité de recours ne saurait réparer la violation du droit d'être entendu des parties plaignantes en disant quels faits le Ministère public entend écarter et pour quelle raison;

- il y a par ailleurs d'autant moins à convertir les oppositions des parties plaignantes en recours qu'il n'y a précisément pas (encore) de décision attaquable;

- dans son arrêt du 16 septembre 2021, la Chambre de céans ne s'est pas prononcée sur cette question, l'objet du litige étant circonscrit à une demande de restitution de délai;

- la cause sera dès lors renvoyée au Ministère public, charge à lui de rendre une ordonnance de classement formelle contre laquelle les parties plaignantes pourront, si elles s'y estiment fondées, exercer leur droit de recours en bonne et due forme;

- compte tenu de la nature procédurale du vice constaté, il n'était pas nécessaire d'inviter préalablement le Ministère public et le prévenu à se prononcer, puisque la Chambre de céans n'a pas traité de la cause sur le fond et ne préjuge donc pas de l'issue de celle-ci, une fois que les formalités requises auront été régulièrement accomplies (cf. par analogie arrêts du Tribunal fédéral 6B_1212/2020 du 9 février 2021 consid. 2. et les références, not. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296);

- les frais de la présente procédure seront supportés par l'État (art. 428 al. 1 CPP);

- il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade les conseils des parties plaignantes qui ne l'ont du reste pas demandé.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Renvoie la cause au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).