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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5684/2020

ACPR/223/2020 du 14.04.2020 sur OTMC/1084/2020 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : DETENTION;RISQUE DE COLLUSION;VIOLATION DU DEVOIR D'ASSISTANCE OU D'ÉDUCATION;LÉSION CORPORELLE
Normes : CPP.221; CP.219; CP.123

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5684/2020 ACPR/223/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 14 avril 2020

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______ (GE), comparant par Me C______, ______, ______, Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 26 mars 2020 par le Tribunal des mesures de contrainte

 

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

 

intimés.

 


EN FAIT :

A. Par acte du 1er avril 2020 au Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) qui l'a transmis à la Chambre de céans, A______, en personne, recourt contre l'ordonnance du 26 mars précédent par laquelle cette autorité a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 16 avril 2020.

Le 3 avril 2020, sollicité par le TMC de confirmer que ledit courrier valait recours, le conseil du recourant a conclu, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à la mise en liberté immédiate du prévenu, subsidiairement avec les mesures de substitution qu'il propose, soit l'interdiction de se rendre au domicile familial, et au besoin recourir à des moyens de surveillance électronique, et l'interdiction d'entrer en contact avec sa femme ou un de ses enfants.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À teneur des rapports d'interpellation du 18 mars 2020 et de renseignements du 19 suivant, à la suite des déclarations de D______ en pleurs, selon lesquelles son père l'avait violenté, la police municipale s'est rendue au domicile familial où elle a été confrontée à A______ qui lui a refusé l'entrée dans son appartement et a hurlé sur elle. Les agents ont alors demandé à l'épouse, qui les observait cachée derrière une porte, s'ils pouvaient entrer, ce à quoi elle a répondu favorablement en faisant un signe. Cette dernière, tremblant de peur, n'a pas osé répondre aux questions posées; A______ a dû être menotté au vu de son comportement agressif et a continué à hurler effrayant toute sa famille. Une fois seule, E______ a supplié qu'il ne soit pas dit à son mari qu'elle avait fait signe à la police d'entrer; elle avait été frappée en juillet 2019 par son mari, en Tunisie. Elle et son fils ont expliqué que A______ était agressif avec toute la famille; il les rabaissait et les insultait continuellement.

A______ a été emmené au poste de police; son épouse et son fils s'y sont également rendus.

i. E______, née en 1976, a déclaré avoir épousé A______ en 2004 et l'avoir rejoint en Suisse. Ils avaient 6 enfants âgés de 15 à 5 ans. Très rapidement, son mari avait commencé à la rabaisser et l'insulter. Il avait un comportement horrible et parlait très mal à toute la famille. Ayant très peur de la réaction de son mari, elle préférait laisser son fils décrire les violences du père envers les enfants et ne demandait pas la poursuite et la condamnation de celui-ci; elle était d'accord avec un éloignement administratif. Elle souhaitait que son mari change de comportement et qu'une solution soit trouvée pour qu'ils puissent vivre en paix.

ii. D______, né en 2004, a déclaré que, la veille ou l'avant-veille, après qu'il eut dit à son père qu'il ne l'aimait pas, ce dernier lui avait lancé un cadre de photo qui l'avait atteint à l'épaule. Le 18 mars 2020, son père l'avait traité de "grand con" et de "drogué", parce qu'il restait sur son téléphone portable ou son ordinateur; c'était la goutte qui avait fait déborder le vase de sorte que, lorsqu'il avait croisé la police, il lui avait raconté ce qui s'était passé.

Depuis son plus jeune âge, vers ses 4 ans, son père le frappait, environ deux fois par semaine, lorsqu'il faisait des bêtises; il lui donnait des coups de paume dans le dos, des coups de pied sur les cuisses et sur les fesses et des coups aux bras. Son père le frappait pour le punir, pas nécessairement pour lui faire mal; il n'avait généralement pas d'hématome à cette suite; il n'avait pas de certificats médicaux attestant de ses blessures. Depuis l'année dernière, comme il était plus grand que son père, ce dernier le frappait moins souvent. S'il ne le frappait pas, il l'insultait en arabe le traitant de "con", lui disait "d'aller se faire foutre". Son père agissait de la même manière avec ses frères et soeurs, frappant peut-être moins celle âgée de 5 ans. La veille, il avait pincé la joue de sa soeur F______, âgée de 7 ans, mais ne l'avait pas frappée. Il ne pensait pas que son père agissait par méchanceté mais c'était sa façon de les éduquer. Son père avait frappé également sa mère environ tous les quinze jours et ce jusqu'au mois de juillet 2019; à cette époque, ils étaient en vacances en Tunisie; sa mère n'était pas rentrée avec eux à Genève et à son retour en août 2019, elle était allée dans un foyer jusqu'en octobre suivant. Depuis son retour à la maison, il ne la frappait plus.

b. Entendu par la police, A______ se reconnait conservateur avec ses enfants, "éducatif", souhaitant qu'ils commencent leur vie d'adulte avec de bonnes bases. Le jour-même, G______, qui avait effectué, en raison de la pandémie, ses devoirs en ligne pendant deux heures, était toujours sur son ordinateur à jouer à des jeux violents. Il lui avait alors pris des mains son ordinateur ainsi que son téléphone portable pour qu'il se repose un peu. Son fils n'avait rien dit et, après s'être douché, était sorti sans dire où il allait. Il ne l'avait pas traité de "gros con" mais effectivement de "drogué" dans le sens "d'accro". Il exerçait des pressions sur son fils, il était sur lui afin qu'il fasse ses devoirs, pour l'encourager à réussir sa vie. Il le poussait à avoir de bons résultats scolaires afin qu'il puisse aller à l'école d'ingénieurs, comme son enfant le souhaitait. Il lui avait lancé le cadre photo, mais pas violemment, pour lui rappeler qu'il fallait remettre les choses à leur place. Il n'était pas violent physiquement avec ses enfants; il haussait le ton envers eux, lorsqu'ils étaient désobéissants. F______, âgée de 7 ans, souffrait d'un handicap mental et allait dans une école spécialisée; il était proche d'elle afin qu'elle soit en sécurité, et la protégeait de ses frères afin qu'elle ne se fasse pas embêter. Il n'avait jamais été violent avec elle.

Il n'avait jamais violenté physiquement ou verbalement son épouse; il était arrivé qu'il y ait des querelles de couple. Ils avaient effectivement eu un malentendu durant les vacances 2019, rien de grave.

c. À teneur d'une note du 24 mars 2020 du Procureur, celui-ci avait reçu deux emails, le jour-même, d'un intervenant du Service de protection des mineurs (ci-après; SPMI) faisant état de ce que la prise en charge des enfants de A/E______ par leurs parents était connue de son Service et suscitait de fortes inquiétudes. Des faits de maltraitance leur avaient été rapportés au cours des dernières années, traités par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, mais que A______ avait toujours niés. Quatre semaines auparavant, à la suite d'un signalement de violences physiques sur F______, adressé par l'école spécialisée, le père avait nié les faits reprochés attaquant l'institution scolaire. Le SPMI était très inquiet pour la situation des 6 enfants confinés dans un appartement de quatre pièces.

d. Sur ce, le Ministère public a délivré un mandat d'amener l'intéressé qui a été exécuté le 24 mars 2020.

e. Le 25 mars 2020, A______ a été mis en prévention pour lésions corporelles simples aggravées (article 123 ch. 2 al. 2 (enfant) et ch. 2 al. 3 (conjoint) CP) et violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 219 CP) pour avoir, à Genève, depuis une date que les enquêtes tenteront de déterminer, intentionnellement, soit avec conscience et volonté, à réitérées reprises, adopté des comportements violents tant à l'encontre de son épouse E______, née le ______ 1976, que de ses 6 enfants, soit : D______, né le ______ 2004, H______, né le ______ 2007, I______, né le ______ 2008, J______, née le ______ 2010, F______, née le ______ 2013 et K______, née le ______ 2015, en les frappant régulièrement avec ses mains et ses pieds, en leur lançant des objets, en causant à son épouse et ses enfants non seulement des lésions corporelles simples, notamment des hématomes et autres marques partout sur leurs corps, mais aussi des lésions psychologiques importantes, E______ craignant en effet régulièrement pour sa sécurité et celle de ses enfants et vivant ainsi constamment dans un climat de peur et de soumission vis-à-vis de son époux, étant précisé qu'une nouvelle altercation a éclaté le 18 mars 2020 au domicile familial, sis à 1______, Genève, qu'une patrouille dépêchée sur place a recueilli les déclarations de D______ et que ce dernier a confirmé que sa mère, sa soeur et F______ avaient fait l'objet de violences physiques et psychologiques de la part de leur père/époux.

Le prévenu a déclaré "ne pas contester en bloc" les faits, mais c'était "des choses" qu'il apprenait. Il n'y avait pas eu de violence entre son épouse et lui. Sa femme avait été dans un foyer, à la suite d'un malentendu entre eux; elle n'avait pas déposé plainte contre lui. Il avait haussé le ton lors de petites altercations, sans plus. Sa femme était gentille et, en général, disait la vérité et était transparente.

Les déclarations de son fils, qui était adolescent, avaient probablement été faites pour récupérer "ses objets précieux". Il ne l'avait jamais battu.

Il a minimisé les faits à l'origine de ses précédentes condamnations. Il avait frappé un voisin parce qu'il l'avait agressé chez lui; s'agissant du coup de pied donné dans l'entre-jambe d'un élève, il avait voulu dégagé son enfant de l'emprise du premier et les parents de cet élève avaient été poussés à déposer plainte car lui-même était mal vu par la direction de l'école.

f. Le 30 mars 2020, le SPMI a informé le Procureur de divers signalements et de violences conjugales en 2006 (procédure classée par le Ministère public), de mauvais traitements sur l'épouse et les enfants en 2015, de violence sur F______ en 2018 ainsi que d'un climat de terreur et du passage de l'épouse au foyer L______ du 21 août au 16 octobre 2019. Le 30 mars 2020, E______ a rapporté qu'elle et ses enfants ne subissaient plus de pression psychologique de la part de son mari, depuis qu'il n'était plus au domicile; elle ne pouvait plus accepter de vivre ces pressions et la violence physique qu'il lui infligeait. S'agissant de ses précédentes déclarations faites avant l'interpellation, elle a dit que son mari lui avait expliqué qu'elle ne devait pas parler de ce qui se passait à la maison, sinon le SPMI lui retirerait la garde de ses enfants. Son mari avait vécu beaucoup de violences dans son enfance, en Tunisie, et elle pensait qu'il reproduisait cela sur elle et leurs enfants.

g. Le 31 mars 2020, le TPAE a nommé un curateur de représentation aux enfants A/E______ dans la procédure pénale. Il a également transmis le procès-verbal d'une audience du 21 novembre 2018 concernant F______, placée dans une institution spécialisée. Aucune mesure de protection n'avait été ordonnée.

h. Le Procureur a convoqué les époux A/E______ pour une audience le 4 mai 2020.

i. Le 2 avril, E______, sous la plume de son conseil, s'est constituée partie plaignante et a demandé que la confrontation se fasse en salle M______.

j. Le 3 avril 2020, le Procureur a prié le CURML de lui proposer le nom d'un médecin-psychiatre en vue de l'expertise qu'il entendait ordonner sur la personne de A______.

k. À teneur de son casier judiciaire, A______, de nationalité suisse, a été condamné en 2014 pour lésions corporelle simples.

C. Dans sa décision querellée, le TMC a retenu que les charges graves pesant sur A______ étaient suffisantes eu égard aux constatations faites par la police le 18 mars 2020, aux déclarations de D______, au signalement urgent de la part du SPMI à la suite de l'évènement du 18 mars 2020, aux inquiétudes du SPMI, aux peurs de représailles exprimées par l'épouse du prévenu, aux déclarations de ce dernier du 18 mars 2020, qui minimise les incidents avec les membres de sa famille et aux déclarations du prévenu devant le Ministère public. L'instruction ne faisait que commencer; elle comprendrait des auditions EVIG des mineurs, la nomination d'un curateur par le TPAE pour les enfants, l'obtention du dossier de la famille ouvert auprès du SPMI, l'audition d'éventuels témoins, des auditions du prévenu, étant également précisé qu'il y avait également lieu d'envisager un mandat d'expertise.

Il existait un risque de collusion tangible, sous forme de pressions, voire de représailles, à l'égard des divers membres de sa famille.

Le risque de réitération était concret dès lors que le prévenu semblait avoir multiplié les comportements violents à l'égard des membres de sa famille, y compris des mineurs, durant une période prolongée, et qu'il conviendrait le cas échéant d'établir si l'intéressé souffre de troubles psychiatriques et s'il existe un risque de réitération de violences familiales et conjugales. Le prévenu présentait, en outre, des antécédents judiciaires psychiatriques en matière de violence à l'égard de tiers.

Aucune mesure de substitution n'était susceptible en l'état d'atteindre les mêmes buts que la détention au vu des risques retenus. Le risque de collusion, dont l'intensité est très élevée à ce stade initial de l'instruction, l'interdiction de contact avec son épouse et ses enfants étant clairement insuffisante, le simple engagement du prévenu en ce sens ne présentant aucune garantie particulière et le respect de cette mesure ne pouvant pas être concrètement vérifié

D. a. À l'appui de son recours, A______ considère que sa détention provisoire consistait plus en une mesure d'éloignement - non ordonnée par la police - coercitive qui se rapprochait d'une exécution de peine avant instruction et jugement. Sa détention n'avait pas pour but de procéder aux actes d'instruction nécessaires puisqu'elle devait s'achever le 16 avril 2020, soit avant l'audience de confrontation entre les époux prévue le 4 mai 2020, laquelle ne pouvait se faire plus tôt au vu de la pandémie. Il conteste le risque de collusion; les auditions utiles et nécessaires avaient déjà eu lieu et les infractions se poursuivant d'office, aucune pression envers les membres de sa famille ne le servirait. Aucun indice concret ne laissait supposer qu'il aurait l'intention d'exercer une influence sur sa famille. Incidemment, il soutient que les accusations ne reposaient que sur des faits non avérés et de faibles soupçons ne justifiant pas sa détention. Les mesures de substitution proposées étaient de nature à pallier ce risque. Il conteste le risque de récidive qui, s'il avait existé, aurait conduit à son arrestation dès le 18 mars 2020; il n'y avait eu aucune violence entre cette date et le jour de son arrestation. Les mesures proposées étaient également de nature à pallier ce risque. Enfin, la décision était inopportune. Cette détention était dangereuse pour sa santé, dans la mesure où il souffrait du syndrome de N______ (maladie), compte tenu que le Covid-19 sévissait à B______ (GE). Le Procureur général avait "recommandé à ses procureurs de renoncer à la détention avant jugement dans les cas où cette dernière serait objectivement justifiée".

b. Le TMC persiste dans sa décision sans autres observations.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Les charges étaient suffisantes et graves au regard des déclarations de l'épouse du recourant, du séjour de celle-ci dans un foyer, des déclarations de son fils, aux constatations de la police le 18 mars 2020 et des signalements et inquiétudes du SPMI. Le risque de collusion sous la forme de pressions voire représailles ne faisait aucun doute; sa femme le craignait et les enfants pourraient apporter des éléments significatifs. Le risque de réitération était concret; il avait des antécédents spécifiques. L'expertise psychiatrique qu'il allait ordonner aurait pour but d'éclairer ce risque. Il précise enfin : "Le juge de la détention a fixé la fin de la détention au 16 avril 2020. Indépendamment de la situation sanitaire actuelle, le Ministère public annonce d'ores et déjà son intention, si les risques de collusion et réitération devaient persister, de requérir une prolongation de la détention du recourant, étant rappelé que la demande initiale de mise en détention provisoire sollicitait un placement en détention pour une durée de 2 mois, vu les nombreux actes d'instruction à effectuer en l'espèce dans une procédure classique comportement (sic) des soupçons de violences domestiques à l'égard de 7 personnes (1 adulte et 6 enfants)".

d. Le recourant réplique, se plaignant que le Ministère public ait demandé la prolongation de sa détention avant même que la Chambre de céans n'ait statué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne conteste pas formellement l'existence des charges suffisantes et graves à son encontre. Il sera relevé que les soupçons de violation du devoir d'assistance ou d'éducation qui pèsent sur lui sont graves et sont accrédités tant par les déclarations de sa femme et de son fils que par les signalements du SPMI.

3.             Le recourant reproche au TMC d'avoir retenu les risques de collusion et réitération pour justifier sa mise en détention.

3.1.       Aux termes de l'art. 221 al. 1 CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves (let. b) ou qu'il compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.

Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations (art. 221 al. 1 let. b CPP). On ne saurait toutefois se contenter d'un risque de collusion abstrait, car ce risque est inhérent à toute procédure pénale en cours et doit, pour permettre à lui seul le maintien en détention préventive, présenter une certaine vraisemblance. L'autorité doit ainsi démontrer que les circonstances particulières de l'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de telles manoeuvres, propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; 128 I 149 consid. 2.1; 123 I 31 consid. 3c et les références).

3.2.       En l'espèce, il est reproché au recourant d'avoir mené les membres de sa famille "au doigt et à la baguette" n'hésitant pas à crier et frapper s'ils ne se pliaient pas à ses volontés, les faisant vivre dans un climat de terreur. Son épouse, qui s'est finalement constituée partie plaignante, a expliqué au SPMI qu'elle avait craint les affirmations de son mari, selon lesquelles ses enfants lui seraient retirés si elle parlait de ce qui se passait au domicile. Le risque que le prévenu ne fasse pression sur sa femme, qui semble aujourd'hui prête à expliquer les faits, est ainsi important. Il l'est également concernant ses enfants, pour qu'ils taisent ce qu'ils ont vécu, puisqu'il conteste les faits reprochés et pourrait dès lors être tenté, à leur contact, et compte tenu de leur jeune âge, d'influencer leurs déclarations.

4.             L'admission de ce risque dispense d'examiner si s'y ajoute encore le risque réitération

5.             5.1. Selon l'art. 237 al. 1 CPP, le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûretés si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention provisoire (éviter la fuite, la récidive ou la collusion; A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 2 ad. art. 237).

5.2. En l'espèce, le risque de collusion ne peut être pallié, à tout le moins, avant la confrontation des époux au cours de laquelle la plaignante devra expliciter les faits reprochés. Après celle-ci, et selon ce qui en ressortira, l'audition des enfants, à tout le moins celle de G______, devra être effectuée. Les interdictions de se rendre au domicile familial, même avec des moyens de surveillance électronique, et d'entrer en contact avec sa femme ou un de ses enfants, n'apparaissent pas suffisantes à ce stade de la procédure. En effet, le recourant ne dit pas où il trouverait un logement et les contacts collusoires qu'il aurait ne pourraient être constatés qu'a posteriori.

Le Procureur a pris l'option de convoquer l'audience de confrontation après l'échéance fixée par le TMC pour ce faire; le recourant n'a pas à en pâtir. Il appartiendra au magistrat d'organiser ladite confrontation avant le 16 avril 2020, une convocation téléphonique (art. 203 al. 1 let. a CPP) étant tout à fait praticable, compte tenu du délai qu'il reste jusqu'à l'échéance de la prolongation.

6.             Le recourant se réfère à l'art. 92 CP et aux recommandations du Procureur général pour contester l'opportunité de sa détention provisoire.

L'art. 92 CP qui trouve à s'appliquer dans le cadre de l'exécution des peines et des mesures prévoit la possibilité de leur interruption pour un motif grave. Contrairement à ce que soutient le recourant, le Procureur général n'a pas "recommandé" aux procureurs de renoncer à placer les prévenus en détention, mais a précisé que ceux-ci, conscients des limites de leur marge de manoeuvre actuelle, "n'hésitent pas à renoncer à la détention avant jugement dans des cas où cette dernière serait objectivement justifiée."

Ainsi, si l'état de santé du recourant devait se dégrader, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, ou que la situation sanitaire à B______ (GE) devait se péjorer au point de mettre des détenus en danger - ce qui n'est pas non plus le cas -, les services médicaux de la prison n'hésiteraient pas à prendre les dispositions nécessaires.

Cela étant, il est évident qu'en demandant la mise en détention du recourant, le 26 mars 2020, en "pleine pandémie", le Procureur savait qu'il devrait procéder à la confrontation des époux à bref délai. Bien qu'en effectif réduit, le Ministère public fonctionne justement pour ces situations-là.

La décision querellée est donc opportune.

7.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Tribunal des mesures de contrainte et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/5684/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

-

CHF

     

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

985.00