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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12985/2019

ACPR/862/2021 du 09.12.2021 sur CTDP/539/2021 ( TDP ) , ADMIS

Recours TF déposé le 25.01.2022, rendu le 01.03.2022, IRRECEVABLE, 6B_126/2022
Descripteurs : RETRAIT(VOIE DE DROIT);PLAINTE PÉNALE
Normes : CPP.304; CP.30; CP.33

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12985/2019 ACPR/862/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 9 décembre 2021

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______ [GE], comparant par Me Michael ANDERS, avocat, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève

recourant

 

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 9 juin 2021 par le Tribunal de police

 

et

C______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Yann ARNOLD, avocat, Etude Benoît & Arnold, rue des Eaux-Vives 49, case postale 6213, 1211 Genève 6

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3

intimés


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 21 juin 2021, A______ recourt contre l'ordonnance rendue le 9 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a classé une partie des faits reprochés à C______, soit ceux qualifiés de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP).

Il conclut, préalablement, à l'octroi de l'assistance juridique, et, principalement, à l'annulation de cette décision, la cause devant être renvoyée à la juridiction précitée afin qu'elle poursuive la procédure s'agissant de cette infraction.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ était employé au Café D______, dont le père de C______ était propriétaire. Le fils exploitait, quant à lui, l'établissement adjacent. En raison de l'absence de son père, C______ se chargeait également de collecter les loyers du Café D______, dont le gestion avait été confiée à l'épouse de A______.

b.a. Le 9 mars 2019, A______ a déposé plainte, à la police, contre C______ lui reprochant de l'avoir, la veille au Café D______, saisi par le cou et asséné un coup de poing au visage, puis, de l'avoir frappé alors qu'il était au sol. Lors de son audition du 17 avril 2019, il a ajouté avoir été également menacé de mort par le précité.

À teneur du procès-verbal de sa première audition, son attention a été attirée sur le fait qu'un retrait de plainte était définitif.

b.b. Le constat médical du 9 mars 2019, produit à l'appui de sa plainte et contenant des photographies de ses lésions, a mis en évidence notamment de multiples hématomes au niveau du cou, de l'épaule droite, des tempes et du bras gauche, une plaie de 2 centimètres sur l'arcade sourcilière droite, des pétéchies de 8 centimètres au niveau abdominal et de 6 centimètres au niveau sternal, ainsi que des dermabrasions de 2.5 centimètres au niveau du poignet droit. Il répertoriait également les plaintes et les douleurs du patient.

c. À la suite de son audition du 6 mai 2019, lors de laquelle il avait refusé de répondre aux questions posées, C______ a été condamné, par ordonnance pénale du 8 août 2019, pour lésions corporelles simples et menaces. Par pli du 31 suivant, il y a fait opposition.

d. Lors de l'audience de confrontation des parties du 10 mars 2020, A______ a confirmé son statut de partie plaignante, tant au civil qu'au pénal, et C______ a maintenu son opposition, contestant l'intégralité des faits reprochés. À l'issue de l'audience, A______ ne s'est pas opposé à ce que les conseils respectifs "ouvrent des pourparlers".

e.a. Le 26 août 2020, A______ a remis au Ministère public, par l'intermédiaire de son conseil, une attestation établie le 10 juillet 2020 par E______, psychologue, lequel l'avait suivi de manière régulière depuis le 20 mai 2019, ainsi qu'un certificat médical établi le 5 août 2020 par le Dresse F______, l'intervention de celle-ci s'étant résumée à établir des arrêts de travail et à prescrire des médicaments au vu du suivi "très épisodique". Il ressortait en substance de ces documents que le concerné avait présenté des "caractéristiques d'impacts psychologiques importants et de stress aigu" qui avaient perduré. Cet état de stress s'était transformé en un stress post-traumatique et s'était traduit par une forte anxiété, sous forme de crises d'angoisse sévères, des troubles du sommeil, des maux de ventre et une humeur triste. Selon la Dresse F______, son état de stress post-traumatique, auquel s'était ajouté un état dépressif, était devenu chronique. Le patient avait été adressé au centre G______ pour une consultation auprès d'un psychologue. Un suivi psychiatrique s'avérait nécessaire, surtout en lien avec la procédure pénale. Selon l'attestation de E______, cet état avait perduré également en raison de la proximité géographique et professionnelle de l'auteur des faits. En tant que mécanismes de protection, les symptômes avaient ainsi été réactivés en permanence. Malgré ces conditions difficiles, le patient avait pu reprendre le travail.

e.b. Plus tard dans la procédure, A______ a produit une seconde attestation de E______, établie le 31 mai 2021. Le thérapeute expliquait notamment que la réaction de son patient s'était produite de "manière immédiate et non contrôlée par la pensée" et en raison d'un besoin de protection. Le retrait de plainte opéré par ce dernier n'avait ainsi pas reposé sur ses pleines capacités cognitives et volitives.

f. Après avoir entendu deux témoins, les 26 août et 1ère octobre 2020, le Ministère public a, par ordonnance sur opposition du 26 suivant, maintenu son ordonnance pénale et transmis la procédure au Tribunal de police.

g. Par ordonnance du 14 janvier 2021, le tribunal a renvoyé la cause au Ministère public pour qu'il auditionne la mère de C______ et les épouses des deux parties.

h. Après avoir entendu les précitées lors de l'audience du 7 mai 2021, laquelle a duré 2h55, le Ministère public a demandé en dernier lieu à A______ s'il souhaitait ajouter quelque chose. Ce dernier a répondu : "Oui. Je souhaite faire le film de ces événements. Ensuite je veux arrêter la procédure". Après avoir résumé le contexte et le déroulement des faits, il a terminé son exposé de la façon suivante : "Il m'a alors saisi au cou, m'a donné un coup de poing au niveau de l'arcade, j'ai eu des points de suture et deux dents cassées. Je suis tombé. Il m'a donné des coups de pied lorsque j'étais à terre. Pendant un an, j'ai fait des crises d'angoisse, j'ai perdu 20 kg. Je retire la plainte".

À teneur du procès-verbal, la Procureure a suspendu l'audience de 11h38 à 11h41 pour permettre au conseil de A______ de discuter des conséquences d'un retrait de plainte. Lors de la reprise de l'audience, le précité a déclaré : "Je me rétracte. Je n'enlève pas ma plainte".

i. Considérant que l'administration des preuves était terminée et que les dernières auditions des témoins n'avaient apporté aucun élément nouveau, le Ministère public a, par ordonnance sur opposition du 10 mai 2021, maintenu son ordonnance pénale et transmis la procédure au Tribunal de police.

j. Le Tribunal a informé les parties qu'il entendait procéder au classement de la procédure au vu du retrait de plainte de A______ et leur a laissé la possibilité de déposer des observations, ce qu'elles ont fait.

C. Dans la décision querellée, la juridiction de première instance a considéré que l'attestation établie le 31 mai 2021 n'apparaissait pas suffisante pour considérer que A______ n'avait pas la capacité de discernement lors du retrait de plainte. Un classement partiel de la procédure devait donc être prononcé.

D. a. À l'appui de son recours, A______ relève que les attestations produites durant la procédure avaient posé les diagnostics "d'état de stress aigu suivi d'état de stress post-traumatique (ESPT)". La réduction des symptômes pathologiques avait été difficile, voire impossible, en raison de la proximité géographique et professionnelle de l'auteur. Il soutenait que sa déclaration – prononcée en fin de récit, de manière spontanée et qualifiée, par son thérapeute, de "mécanisme psychologique défensif", détaché de la pensée, typique de victimes – était invalide, dès lors qu'elle avait émané d'une personne affectée d'un trouble mental (ESPT), mais aussi d'une victime dont les facultés cognitives et volitives avaient été altérées par l'une des causes énumérées à l'art. 16 CC.

b. Invité à se déterminer, C______ conclut, avec suite de frais et indemnité, au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance querellée. Il a à nouveau contesté les faits qui lui étaient reprochés, tout en relativisant la portée des attestations médicales produites par A______. Le médecin généraliste du précité n'avait posé un diagnostic psychiatrique qu'en 2020 et qualifié le suivi de "très épisodique", minimisant son intervention. Son psychologue ne disposait pas des capacités professionnelles pour formuler un diagnostic psychiatrique et avait souligné que son patient avait repris son travail, malgré la confrontation quotidienne avec son prétendu agresseur, et sans relater le moindre épisode d'altération de capacité de discernement. La dernière attestation du thérapeute avait été établie le 31 mai 2021 pour les besoins de la cause, soit après la notification de la décision querellée. Elle n'emportait pas valeur d'expertise médicale, d'autant plus qu'elle n'expliquait pas les raisons de la survenance d'un "mécanisme psychologique défensif" et ne se basait sur aucune documentation médicale. À la suite de la discussion avec son conseil, le plaignant n'avait d'ailleurs donné aucune explication sur ses agissements, ne faisant référence à aucun état qui l'aurait privé de ses facultés. Il n'avait pas été incapable de discernement durant l'audience, qui l'eût empêché de saisir la portée d'un retrait de plainte. Cette décision n'exigeait pas de capacités mentales élevées et le plaignant n'avait pas établi qu'il ignorait les conséquences d'un tel retrait, étant relevé qu'il avait été assisté successivement par deux avocats durant la procédure et même disposé à ce que des pourparlers soient ouverts lors de l'audience du 10 mars 2020. Le fait de prendre une décision inattendue n'était pas à même de justifier ni d'établir une incapacité de discernement. Retenir un état de fait défavorable au prévenu reviendrait à violer le principe in dubio pro reo. Compte tenu des enjeux de la procédure et du principe d'égalité des armes, une indemnité pour l'instance de recours devait lui être octroyée.

c. Pour sa part, le Ministère public conclut au bien-fondé du recours. Il a rappelé le contexte dans lequel l'audience du 7 mai 2021 avait été agendée et souligné sa durée de près de trois heures. À la suite de l'intervention spontanée de A______, il avait eu "des doutes sur la validité de la déclaration finale du retrait de plainte [du précité], notamment en raison de son état émotionnel et du fait que l'enchainement des phrases articulées par A______ ne lui paraissait pas cohérent". L'audience avait alors été suspendue pour permettre au précité de discuter avec son conseil des conséquences d'un retrait de plainte. Le plaignant ayant ensuite immédiatement précisé qu'il n'entendait pas retirer sa plainte, il avait considéré qu'un tel retrait n'avait pas eu lieu. L'attestation établie le 31 mai 2021 par le thérapeute confirmait que cette manifestation de retrait était invalide, les facultés cognitives et volitives du plaignant ayant été altérées.

d. Quant au Tribunal de police, il se réfère à sa décision, sans autre développement.

e. C______ a répliqué que rien dans le procès-verbal n'établissait un état émotionnel particulier du plaignant et que les déclarations de ce dernier n'étaient pas incohérentes au sens d'une incapacité de discernement. Le retrait de plainte survenu en fin d'audience n'ôtait en rien sa validité et la suspension de celle-ci avait, tout au plus, pour but de s'interroger sur la connaissance de A______ des conséquences d'un retrait de plainte, étant souligné que ce dernier n'avait pas allégué le moindre fait allant dans ce sens et que ladite suspension était davantage apparue comme une opportunité offerte au plaignant de révoquer son retrait de plainte.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour voir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_336/2018 du 12 décembre 2018 consid. 2.3; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 44 ad art. 393), soit un classement partiel prononcé par le Tribunal de police, non dans le cadre d'un jugement au fond (art. 329 al. 5 CPP) mais lors des débats (art. 329 al. 4 CPP), et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. Selon l'art. 30 al. 1 CP, si une infraction n'est punie que sur plainte – ce qui est le cas des lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP) –, toute personne lésée peut porter plainte contre l'auteur.

2.2. À teneur de l'art. 304 al. 1 CPP, la plainte pénale peut être déposée oralement ou par écrit. Le retrait de la plainte pénale est soumis aux mêmes exigences de forme (art. 304 al. 2 CPP). Quiconque a retiré sa plainte ne peut la renouveler (art. 33 al. 2 CP). Le retrait de sa plainte pénale par le lésé – qu'il se soit ou non constitué plaignant – emporte renonciation totale au statut de partie plaignante (Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 9 ad art. 120). Les art. 30 à 33 CP ne s'appliquent toutefois que si l'infraction considérée est punie uniquement sur plainte préalable (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, 4e éd., Bâle 2019, n. 24 avant l'art. 30). Le retrait de plainte est une manifestation de volonté irrévocable (ATF 143 IV 104 consid. 5.1. p. 112). Cette renonciation est une déclaration de volonté de l'ayant droit selon laquelle il entend ne pas provoquer une poursuite pénale et qui doit être expresse, claire et sans réserve
(F. RIKLIN, Schweizeriches Strafrecht : Allgemeiner Teil I, Verbrechenslehre, 4e éd., Zurich 2017, § 21 N 34; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, op.cit., n. 5 ad 
art. 33).

2.3. La plainte pénale étant une condition de l'exercice de l'action publique pour les infractions poursuivies sur plainte, son retrait a pour conséquence l'abandon de la poursuite, soit l'extinction de l'action pénale (M. DUPUIS / L. MOREILLON /
C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 1 ss ad art. 30).

2.4. Une déclaration adressée à l'autorité doit être comprise selon le sens que, de bonne foi, son destinataire doit lui prêter. Il est possible de s'inspirer des règles applicables en matière de droit privé selon lesquelles une déclaration unilatérale permettant l'exercice d'un droit formateur s'interprète selon le principe de la confiance. Cette interprétation dite objective relève du droit et s'effectue non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_37/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 et les arrêts cités).

2.5. Dans un arrêt récent (6B_83/2021 du 8 septembre 2021), le Tribunal fédéral a mis en pratique les principes susvisés dans le cadre d'un retrait de l'opposition à une ordonnance pénale. L'instance cantonale avait considéré que la déclaration du prévenu était "claire et sans équivoque" dès lors que le prévenu avait précisé, en fin d'audience et sur question du Ministère public qui lui demandait s'il maintenait son opposition : "Non, je souhaite payer ce que je dois. J'accepte la condamnation". Le Tribunal fédéral estime que la Cour cantonale avait procédé directement à une interprétation de la déclaration selon le principe de confiance, mais en omettant de déterminer la volonté subjective du prévenu au regard de la totalité de ses déclarations consignées dans le procès-verbal. Or, il existait des indices permettant de douter de la volonté réelle du prévenu et de sa faculté à comprendre la portée du retrait de son opposition, notamment pour avoir déclaré, en début d'audience, qu'il confirmait celle-ci (consid. 2.3 et 2.4).

2.6. En l'espèce, comme le soutiennent, à juste titre, le Tribunal de police et l'intimé, il n'a pas été établi que le recourant était totalement incapable de discernement lors de l'audience du 7 mai 2021, précisément au moment de sa prise de parole. L'attestation de son thérapeute du 31 mai 2021 n'apparaît en effet pas suffisante pour considérer que ses déclarations n'avaient aucune valeur probante. Le recourant n'a jamais fait état d'un tel épisode auparavant et avait déjà été confronté à plusieurs reprises à l'intimé, dans le cadre de la présente procédure et également quotidiennement – au vu de la proximité professionnelle et géographique de leurs établissements –, sans que cela n'altère sa capacité de discernement, ou du moins il ne le prétend pas.

Cela étant, il ne peut être nié que le recourant ait été en proie à un état émotionnel lors de ladite audience, correspondant à une réaction immédiate dans un but de protection, comme le relève son thérapeute, le conduisant à effectuer des déclarations à la fin de l'instruction.

Conformément à la jurisprudence susvisée, il convient donc d'interpréter la volonté subjective du recourant en lien avec les propos litigieux, en prenant en compte les circonstances du cas d'espèce, afin de déterminer s'il avait la volonté de retirer sa plainte, avec toutes les conséquences que cela impliquent.

Or, au vu des éléments du dossier, il existe des indices permettant de douter de la volonté réelle du recourant et de sa faculté à saisir la portée de ses propos.

Durant toute l'instruction, qui a duré plus de deux ans, le recourant a confirmé son statut de partie plaignante et le contenu de sa plainte, et ce, même après que l'intimé eut contesté l'intégralité des faits.

Or, lors de la dernière audience d'instruction, convoquée en raison du renvoi de la cause au Ministère public par le Tribunal de police, et sur question de la Procureure, le recourant a souhaité "arrêter la procédure". Il a toutefois commencé son discours par "Oui. Je souhaite faire le film de ces événements. Ensuite, je veux arrêter la procédure", pour décrire ensuite le déroulement de la soirée, pourtant contesté par l'intimé, en insistant sur toutes les conséquences physiques et psychiques subies en raison de l'agression dont il soutient avoir été victime. Il a terminé son intervention par : "Je retire ma plainte".

Son discours est, certes, structuré, mais il ne ressort pas de son contenu que le recourant a souhaité que l'intimé ne soit plus poursuivi pour les faits reprochés. Son attitude relevait tout au plus d'une volonté que la procédure prenne fin, après deux ans d'instruction, procédure qui l'a nécessairement atteint.

Il est en effet notable que la durée et les circonstances du déroulement d'une instruction, celle-ci ayant notamment eu divers rebondissements (ordonnance pénale du 8 août 2019, ordonnances sur opposition des 26 octobre 2020 et 10 mai 2021, en raison de la décision du Tribunal de police du 14 janvier 2021 renvoyant la cause au Ministère public pour poursuivre l'instruction), ont nécessairement eu un impact sur l'état psychologique des parties, lesquelles sont constamment dans l'incertitude sur l'issue de la procédure.

Durant l'audience, la Procureure a même douté sur-le-champ de la validité du retrait de plainte opéré par le recourant, suspendant l'audience afin de s'assurer de la volonté réelle de ce dernier au vu des conséquences irrévocables d'un tel retrait. À teneur du procès-verbal, la suspension d'audience – de trois minutes – a permis au recourant de comprendre la portée de ses déclarations, si bien qu'il s'est immédiatement rétracté, à la suite de la très brève discussion avec son conseil, attitude qui a conforté le Ministère public dans sa décision. Ce dernier aurait, certes, pu intervenir directement pour s'assurer de la volonté réelle du plaignant, mais, comme le recourant était représenté, il a choisi de laisser son conseil intervenir, ce qui n'est pas critiquable.

À cet égard, le fait que le recourant ait été assisté d'un avocat tout au long de la procédure ne modifie pas ce constat. Au contraire, il avait l'opportunité de discuter avec son conseil, au cours de la procédure, d'une éventuelle renonciation à son statut procédural, voire même d'un retrait de plainte, si tel avait été réellement son souhait, ce qu'il n'a pas fait. Il en va de même d'être rendu attentif aux conséquences d'un retrait de plainte, soit pour le recourant lors de l'audition du 9 mars 2019, cette communication étant insuffisante, au vu des circonstances du cas d'espèce, pour attester que celui-ci avait le souvenir des conséquences de la portée de ses propos deux ans plus tard, lors de son intervention spontanée en fin d'instruction.

Au demeurant, prendre une décision inattendue n'établit, en effet, pas une incapacité de discernement, comme le relève à juste titre l'intimé, mais est un indice à prendre en considération pour établir la volonté subjective du recourant lors de son intervention.

Ainsi, au vu de ces considérations, les propos tenus par le recourant ne pouvaient être interprétés subjectivement comme un retrait de plainte, compte tenu notamment de son revirement radical après trois minutes de suspension d'audience durant lequel il a pu s'entretenir en aparté avec son avocat et de son état psychologique.

Un classement de la procédure ne pouvait ainsi être prononcé sur la base des déclarations du recourant. C'est donc à juste titre que le Ministère public à procéder en tenant compte de la validité de la plainte initiale du recourant.

Le recours sera dès lors admis.

3.             Cela conduit à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Tribunal de police pour qu'il poursuive la procédure.

4.             Les frais de recours seront laissés à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP).

5.             Le recourant sollicite l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

Celle-ci lui ayant d'ores et déjà été accordée par le Ministère public, par ordonnance du 18 mai 2020, cette décision demeure valable.

Il sera dès lors statué en fin de procédure sur l'indemnité due à son défenseur d'office (art. 135 al. 2 CPP).

6.             Au vu de l'issue du litige, aucune indemnisation ne sera accordée au prévenu (art. 429 CPP, a contrario, cum art. 436 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Admet le recours.

Annule l'ordonnance querellée et renvoie la cause au Tribunal de police pour qu'il procède dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), à l'intimé (soit, pour lui, son conseil), au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).