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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19609/2021

ACPR/811/2021 du 23.11.2021 sur OTMC/3818/2021 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE COLLUSION;MESURES DE SUBSTITUTION;MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19609/2021 ACPR/811/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 23 novembre 2021

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

recourant,

contre l'ordonnance de mise en liberté avec mesures de substitution rendue par le Tribunal des mesures de contrainte le 12 novembre 2021 (OTMC/3818/2021),

et

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me Sandra FIVIAN, avocate, rue de l'Arquebuse 10, 1204 Genève,

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

intimés.


Vu :

          la P/19609/2021;

          l'arrestation provisoire de A______ intervenue le 10 novembre 2021;

          la mise en prévention, le 11 novembre 2021, du précité pour avoir, en sa qualité d'adjoint au chef du Service C______ de la Commune de D______ (ci-après : le C______), de 2016 à 2021 : violé son devoir de fidélité envers son employeur en exploitant avec E______, administrateur-président de F______ SA, une société immobilière de droit français; organisé un système de boîte aux lettres visant à domicilier de manière fictive plusieurs entreprises non [sises à D______] à l'adresse sise chemin 1______ [no.] ______, [code postal] D______, de manière à les rendre éligibles à des mandats adjugés par la Commune de D______, soit les sociétés, G______ [entreprise individuelle], H______ SARL, I______ SARL, J______, étant précisé que ces sociétés n'ont jamais eu de bureaux au chemin 1______ [no.] ______ et se sont vues attribuer des mandats de la Commune de D______; reçu des présents et des avantages; reçu des véhicules détenus en son nom et pour son compte par la société F______ SA; perçu 10% des mandats payés par la Commune de D______ aux sociétés prétendument domiciliées au chemin 1______ [no.] ______ à D______. La Commune de D______ a déposé plainte pour ces faits le 12 octobre 2021;

          la mise en prévention, le même jour, de K______, ancien chef du C______ de la Commune de D______, des chefs de gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP), alternativement gestion déloyale (art. 158 CP), violation du secret de fonction (art. 320 CP), corruption passive (art. 322quater CP) et acceptation d'un avantage (art. 322sexies CP);

          la demande de mise en détention provisoire formée par le Ministère public le 11 novembre 2021, pour une durée de quinze jours, soit jusqu'au 30 novembre 2021;

          les déterminations écrites de A______ au TMC;

          l'ordonnance OTMC/3818/2021 rendue le 12 novembre 2021, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a refusé la mise en détention provisoire de A______ et ordonné la mise en liberté du précité sous les mesures de substitution suivantes, valables 6 mois, soit jusqu'au 11 mai 2022 :

a.
Interdiction de tout contact avec les personnes mêlées à la présente procédure, notamment ses supérieurs à D______, le personnel et les représentants de la Commune de D______, l'ensemble des employés et responsables des entreprises ciblées par l'enquête, l'ensemble des employés et responsables de l'entreprise F______ SA;

          b. Interdiction d'évoquer le contenu de la procédure pénale en cours avec quiconque hormis son Conseil, y compris dans le cercle familial; c. Interdiction de reprendre son emploi chez F______ SA jusqu'à décision contraire de la Direction de la procédure;

          le recours formé par messagerie sécurisée le même jour par le Ministère public, concluant, avec demande de mesures provisionnelles, à l'annulation de ladite ordonnance et à la mise en détention immédiate du prévenu jusqu'au 30 novembre 2021;

          l'ordonnance rendue le même jour par la Direction de la procédure de la Chambre de céans (OCPR/55/2021), faisant droit aux mesures provisionnelles;

          les courriers de A______ des 15 et 18 novembre 2021 à la Chambre de céans, concluant, d'une part, à sa mise en liberté immédiate au bénéfice des mesures de substitution et, d'autre part, à ce qu'il soit statué rapidement sur le recours;

          les observations de A______ sur le recours;

          les observations du TMC, qui persiste dans sa décision;

          la réplique du Ministère public;

          le certificat médical produit par A______;

          l'audience d'instruction fixée au 29 novembre 2021, visant à auditionner la partie plaignante, confronter A______ à son co-prévenu et auditionner deux témoins.

Attendu que :

          à teneur du rapport d'arrestation du 11 novembre 2021, une enquête administrative a été ouverte par la Commune de D______ à l'encontre de A______ le 10 janvier 2020, laquelle s'est achevée le 2 septembre 2020, concluant que ce dernier avait violé son devoir de fidélité envers son employeur. Les actes d'enquêtes menés n'avaient cependant pas permis de démontrer l'acceptation de dons ou d'autres avantages. À la suite d'une convention de résiliation des rapports de service, il a été mis fin à son emploi au sein de la commune dès juillet 2021. Quant à K______, une enquête administrative a également été ouverte à son encontre, le 3 août 2021, le précité ayant démissionné avec effet immédiat le 1er octobre 2021, ce qui a clos ainsi la procédure administrative;

          dans son ordonnance, le TMC relève que les charges sont suffisantes. Il existe un risque de collusion, dans la mesure où le prévenu pourrait être tenté d'influencer son ancien chef, son chef actuel et ami d'enfance, E______, ainsi que les diverses sociétés qu'il aurait favorisées. Si l'audience de confrontation fixée au 29 novembre prochain participera à écarter le risque de collusion, les enquêtes administratives et multiples auditions qui ont eu lieu au sein de la commune de D______ ainsi que le temps écoulé auront largement permis aux parties impliquées d'accorder leurs versions. Les agissements du prévenu ont par ailleurs été actés dans des contrats;

          dans son recours, le Ministère public conclut à l'annulation de l'ordonnance entreprise et à ce que la mise en détention provisoire du prévenu soit prononcée pour une durée de deux semaines, soit jusqu'au 30 novembre 2021. Il excipe un risque de collusion manifeste, le prévenu pouvant être tenté d'influencer son ancien chef, qui l'a été pendant près de 10 ans, ainsi que E______, son chef actuel et ami d'enfance. Le nombre d'entreprises impliquées n'est en outre pas encore connu à ce stade de l'instruction;

          dans ses observations, A______ conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance attaquée, sous suite de frais et dépens. La majorité des protagonistes, dont E______, ont déjà été entendus dans le cadre de l'enquête administrative qui a eu lieu il y a plus d'un an et qui a mené à la fin des rapports de travail. Il a recommencé à travailler pour F______ SA, aux côtés de E______, et le côtoie de manière extrêmement régulière. Son maintien en détention est donc disproportionné, ce d'autant qu'aucune sanction administrative n'a été prononcée contre lui à la suite de l'enquête diligentée par la Commune de D______. Il est prêt à se soumettre aux mesures de substitution retenues par le TMC, voire à toutes autres mesures qui seront ordonnées, étant précisé qu'il est de nationalité suisse, vit à Genève où il a toutes ses attaches et n'est plus fonctionnaire, ce qui rend tout risque de fuite et de récidive exclu;

          dans sa réplique, le Ministère public persiste dans son recours.

Considérant que :

          le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 393 et 396 CPP) – ce qui a déjà été constaté dans l'ordonnance provisionnelle du 12 novembre 2021 –, concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 20 al. 1 let. c et 393 al. 1 let. c) et émaner du Ministère public qui, partie au procès (art. 104 al. 1 let. c CPP), a qualité pour recourir (art. 381 al. 1 CPP; ATF 137 IV 22);

          le Ministère public reproche au premier juge d'avoir considéré que les mesures de substitution ordonnées pouvaient pallier le risque de collusion;

          conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en œuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. La liste des mesures de substitution énoncée à l'art. 237 CPP n'est pas exhaustive. Lorsque la mesure ne consiste pas uniquement en l'accomplissement d'un acte ponctuel, sa durée doit être limitée dans le temps (ATF 141 IV 190 consid. 3.3 p. 193);

          en l'espèce, le TMC a considéré que les mesures de substitution ordonnées, suffisaient à pallier le risque précité. À raison;

          le risque de collusion, s'il existe toujours avec les personnes impliquées, doit être cependant fortement relativisé, comme l'a relevé à juste titre le premier juge. La plainte pénale de la Commune de D______ a été déposée après la fin des rapports de service des co-prévenus et les deux enquêtes administratives diligentées à leur encontre sont aujourd'hui clôturées, l'enquête visant l'intimé s'étant au demeurant soldée par l'absence de sanction administrative contre lui. Dans le cadre desdites enquêtes, de nombreuses auditions ont eu lieu, dont celle de E______. On peut ainsi affirmer, avec le TMC, que le temps écoulé a déjà pu largement permettre aux protagonistes impliqués d'accorder leurs versions. Le Ministère public ne démontre pas l'existence d'un risque de collusion concret, se limitant à des conjectures. Par ailleurs, que l'enquête administrative ait d'autres visées que l'enquête pénale n'y change rien. Dès lors, l'interdiction de tout contact avec les personnes mêlées à la présente procédure ainsi que les autres mesures ordonnées par le TMC, que l'intimé s'est engagé à respecter, paraissent suffisantes pour pallier le risque de collusion, une mise en détention s'avérant, au vu de ce qui précède, disproportionnée;

          le recours doit être rejeté et l'ordonnance querellée sera confirmée;

          les frais de l'instance seront laissés à la charge de l'État;

          l'intimé, prévenu, qui a gain de cause, a sollicité des dépens qu'il n'a pas chiffrés;

          compte tenu de l'écriture de son Conseil (14 pages d'observations sur le recours, pages de garde et conclusions comprises), seule topique, dont les développements juridiques pertinents représentent 3 pages, l'indemnité mise à la charge de l'État sera fixée, ex aequo et bono, à CHF 1'000.- TTC.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Confirme l'ordonnance OTMC/3818/2021 rendue le 12 novembre 2021 par le Tribunal des mesures de contrainte.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 1'000.- TTC.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, préalablement par courriel, au Ministère public, à A______ (soit, pour lui, son défenseur), et au Tribunal des mesures de contrainte.

Le communique pour information, à la prison de B______ et aux Services financiers du Pouvoir judiciaire.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.