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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/857/2017

ACPR/570/2018 du 04.10.2018 sur OMP/7832/2018 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : ESCROQUERIE ; ASSURANCE SOCIALE ; SOUPÇON ; ALLOCATION FAMILIALE
Normes : CPP.263; LAFam.10; LAF.3c; CP.146; CP.148a

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/857/2017ACPR/570/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 5 octobre 2018

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me B______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de levée de séquestre rendue le 8 juin 2018 par le Ministère public et pour retard injustifié,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé au greffe de la Chambre de céans le 21 juin 2018, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 juin 2018, notifiée par pli simple – qu'il déclare avoir reçue le 13 suivant –, par laquelle le Ministère public a refusé de lever le séquestre sur ses comptes et ceux de la société C______.

Le recourant conclut, avec suite de frais et "dépens", au constat d'un retard injustifié et à l'annulation de l'ordonnance précitée, ainsi qu'à la levée partielle du séquestre sur le compte no. ______ auprès de [la banque] D______, à concurrence de son minimum vital avec effet rétroactif depuis le 5 avril 2018.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant ______ et ______, titulaire d'un diplôme de médecin obtenu en ______, est prévenu d'escroquerie (art. 146 CP), subsidiairement obtention illicite de prestations d'une assurance sociales ou de l'aide sociale (art. 148a CP), faux dans les titres (art. 251 CP), voire faux dans les certificats (art. 252 CP), infraction à l'art. 58 de la Loi fédérale sur les professions médicales (LPMed), à l'art. 92 de la Loi fédérale sur l'assurance maladie (LAMal), à l'art. 19 de la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup), à l'art. 86 de la Loi fédérale sur les produits thérapeutiques (LPTh), à l'art. 136 [recte : 134] de la Loi genevoise sur la santé (K 1 03) et à l'art. 23 de la Loi fédérale sur la concurrence déloyale (LCD).

Il lui est reproché d'avoir pratiqué, sans droit, depuis le 1er septembre 2011, en qualité de médecin, au sein du cabinet médical exploité à Genève par C______ – sise à ______ [VD] et dont il était l'administrateur président –, alors qu'il ne possédait pas de diplôme ni autorisation lui permettant de pratiquer la médecine en Suisse et facturé ses prestations aux assurances maladie en utilisant le code créancier de deux médecins autorisés à pratiquer en Suisse, notamment E______, administrateur délégué de C______.

b. Placé en détention provisoire le 28 mars 2018, A______ a été libéré le 27 juin 2018 au profit de mesures de substitution, en particulier l'obligation de résider à Genève, ainsi que l'interdiction de donner des consultations et de pratiquer la médecine.

c. Par ordonnance du 26 mars 2018, le Ministère public a ordonné la mise sous séquestre, notamment, de la relation no. ______ de A______ auprès de D______, au motif qu'il était vraisemblable que ce compte abritait le produit des infractions reprochées au prévenu. Cette mesure apparaissait seule susceptible de permettre la mise en sûretés des valeurs pouvant être utilisées comme moyens de preuve et pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités confisquées, dès lors que ces dernières étaient en lien de connexité avec les infractions reprochées.

L'ordonnance n'a pas fait l'objet d'un recours.

d. Entendu par le Ministère public, A______ a confirmé n'avoir jamais obtenu la reconnaissance de son diplôme de médecin chinois ni l'autorisation de pratiquer, alors qu'il avait fait toute sa formation en Suisse. Il avait toutefois obtenu une autorisation de pratiquer la médecine complémentaire et avait concentré ses activités sur la médecine esthétique, le laser et l'acupuncture. Il a expliqué qu'il était le remplaçant de E______ au cabinet médical, lors des absences de celui-ci. Il donnait aussi des consultations de médecine générale en l'absence du précité, surtout depuis fin 2016, lorsque E______ était tombé malade.

Il était salarié de C______, pour un revenu mensuel de CHF 10'000.-, indépendamment du nombre de consultations. Il prenait en charge une partie du loyer des locaux et y avait installé du matériel. Imposé à la source, il était propriétaire d'une maison à ______, en France.

Travaillant à Genève, il estimait avoir droit à des allocations familiales. Deux de ses enfants habitaient à Genève. Sa troisième fille habitait en France, mais il venait de déposer les documents pour le changement de domicile en Suisse.

e. Par lettre de son conseil, du 5 avril 2018, A______ a demandé la levée partielle du séquestre du compte joint no. ______ en raison de l'atteinte à son minimum vital. Les avoirs déposés sur ce compte étaient affectés aux frais et dépenses indispensables aux besoins de sa famille. Ses revenus représentaient la seule ressource financière du ménage, son épouse n'exerçant plus d'activité professionnelle et n'ayant pas de fortune. Ils avaient trois enfants à charge. Le revenu minimum du ménage s'élevait, par mois, à CHF 3'500.-, soit CHF 1'700.- pour l'entretien de base et CHF 600.- par enfant.

f. Par lettre du 8 mai 2018, le conseil de A______ a prié le Procureur de rendre rapidement une décision sur la demande de levée de séquestre. Une nouvelle relance a été adressée au Procureur le 1er juin 2018.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient que le Service d'allocations familiales avait versé la somme de CHF 66'100.- sur le compte litigieux, à titre de rétroactifs pour la période du 1er décembre 2012 au 28 février 2018, sur la base d'une décision du 13 mars 2018. Cette dernière avait été rendue par suite de la demande d'allocations familiales adressée par le prévenu, dans laquelle il avait allégué résider avec sa famille à Genève, à l'adresse du cabinet médical où il avait exercé illégalement en qualité de médecin. Or, à teneur de l'enquête, le prévenu et sa famille résidaient en France. Il avait dès lors fourni des informations non conformes à la vérité au Service des allocations familiales. Une demande auprès du Service CAF de ______ [France] avait été adressée aux autorités françaises, par voie d'entraide judiciaire, pour obtenir le dossier de la famille A______ en France.

Les fonds séquestrés représentaient donc le produit d'une infraction. De surcroît, les normes d'insaisissabilité pour le calcul du minimum d'existence en matière de poursuite, selon l'art. 93 LP, n'étaient pas applicables au prévenu, qui résidait en France.

D. a. À l'appui de son recours, A______ expose que l'ordonnance querellée, intervenue plus de deux mois après le dépôt de sa demande de levée de séquestre, consacrait un retard injustifié que "le tribunal" devait constater.

Par ailleurs, le Ministère public avait ordonné un séquestre probatoire et "en garantie". Le raisonnement consistant à dire que les normes d'insaisissabilité LP n'avaient pas à être respectées au motif qu'il vivait en France était contraire à l'art. 268 CPP, ainsi qu'au principe de la proportionnalité. Son minimum vital, ainsi que celui des membres de sa famille, devait bien au contraire être préservé. Cette somme s'élevait à CHF 3'500.-, qui pouvait être réduite de 15% au vu de son domicile en France, soit CHF 2'975.-, auxquels il convenait encore d'ajouter les frais de logement, d'assurance maladie et de formation des enfants. En définitive, le séquestre devait être partiellement levé à concurrence de CHF 7'656.20 par mois depuis le 5 avril 2018.

L'autorité pénale aurait, de plus, dû respecter le principe d'insaisissabilité des allocations familiales, selon l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP, par renvoi de l'art. 268 al. 3 CPP, dès lors que le séquestre avait été ordonné "en garantie". Par ailleurs, la loi sur les allocations familiales prévoyait que le lieu où était exercée l'activité professionnelle du demandeur était pertinent, sans égard à son lieu de domicile. En cas de concours international, l'État dans lequel était exercée l'activité lucrative était compétent pour verser les allocations familiales (art. 3C LAF – J 5 10). Dès lors qu'il avait travaillé à Genève pendant plus de cinq ans, le droit aux allocations familiales pour ses enfants était ouvert. Or, l'ordonnance de séquestre du 26 mars 2018 ne lui reprochait pas un comportement en lien avec les aspects évoqués dans l'ordonnance querellée. Aucun élément de l'enquête ne permettait d'étayer, en l'état, les soupçons soulevés nouvellement dans celle-ci. Partant, le rétroactif des allocations familiales, soit CHF 66'100.-, devait lui être intégralement restitué.

b. Dans ses observations du 5 septembre 2018, le Ministère public conclut au rejet du recours. Dès la mise en détention de A______, le Procureur avait autorisé D______ à exécuter les ordres permanents pour le paiement des frais d'assurance maladie pour la famille. Lors de l'audience du 27 juin 2018, le précité avait admis avoir retiré, quelques jours avant son arrestation, la somme de CHF 50'000.- sur le compte litigieux, à réception du versement rétroactif des allocations familiales, de sorte que le séquestre ne portait pas, sur ce compte, exclusivement sur le rétroactif des allocations familiales puisque l'essentiel avait été retiré. Par ailleurs, A______ et son épouse étaient propriétaires de leur logement en France et celle-ci disposait d'un compte bancaire dans ce pays, à teneur des documents reçus par voie de commission rogatoire.

Les comptes bancaires séquestrés semblaient avoir été alimentés dans une large mesure, voire exclusivement, grâce à la pratique illégale de la médecine et aux remboursements indus des honoraires par les assurances. Le séquestre ordonné au moment de l'arrestation du prévenu était donc conservatoire et les soupçons sur l'activité illicite de l'intéressé s'étaient renforcés en cours de l'instruction. Selon le Tribunal fédéral (ATF 139 IV 209 consid. 5.3. p. 211 et les arrêts cités), tant que l'enquête ne permettait pas de déterminer exactement la part des fonds concernés qui pourrait provenir d'une activité criminelle et qu'un doute sérieux subsistait sur ce point, l'intérêt public exigeait que les fonds demeurent en totalité à disposition de la justice. In casu, l'enquête continuait et le solde des fonds se trouvant sur le compte litigieux devait demeurer sous séquestre tant que leur provenance n'avait pas été correctement établie et leur sort déterminé.

c. Dans sa réplique, A______ fait valoir que les primes d'assurance maladie de sa famille n'étaient que partiellement honorées, ce qui avait provoqué sa mise aux poursuites. Le bien immobilier dont il était copropriétaire en France était grevé d'une hypothèque dont les charges devaient être prises en considération dans le calcul de son minimum vital. Le solde, en CHF 11'100.-, du rétroactif des allocations familiales (CHF 61'100.- - CHF 50'000.-) ne pouvait faire l'objet d'un séquestre et devait être libéré indépendamment de la question du respect de son minimum vital. Le compte bancaire de son épouse était quasiment vide.

EN DROIT :

1.             1.1 Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP –, concerne une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

1.2. La conclusion visant au constat d'un retard injustifié est irrecevable.

1.2.1. Au regard de la jurisprudence fédérale, il convient de distinguer entre, d’un côté, la constatation du déni de justice formel lui-même et, de l’autre, celle d’une éventuelle violation du principe de la célérité, qui sanctionne le dépassement du délai raisonnable adéquat et qui constitue une forme de réparation pour celui qui en est la victime. S’agissant du premier cas de figure, il ressort de la jurisprudence en question que, dans l’hypothèse où l’autorité intimée a rendu sa décision dans l’intervalle, les recourants ne sauraient se voir reconnaître un intérêt à la constatation du déni de justice formel, ce dernier fût-il réalisé. Dans le second, le Tribunal fédéral a admis, sans toutefois y répondre dans le cas concret, que pouvait se poser la question de savoir s’il subsistait en pareille situation un droit à la constatation d’une éventuelle violation du principe de la célérité en tant que tel (arrêts du Tribunal fédéral 8C_698/2012 du 12 décembre 2012 consid. 1; 8C_681/2008 du 20 mars 2009 consid. 3.2 non publié aux ATF 135 I 119; L. MOREILLON, M. DUPUIS, M. MAZOU, La pratique judiciaire du Tribunal fédéral en matière de droit pénal en 2012, in JdT 2013 IV p. 110ss, 168-169).

1.2.2. En l'espèce, le Ministère public ayant rendu l'ordonnance querellée que le recourant réclamait depuis deux mois, la conclusion visant au constat d'un déni de justice formel (le retard à statuer), est irrecevable, le recourant n'ayant plus d'intérêt juridiquement protégé à un tel constat.

1.3. En tant qu'il vise l'annulation de l'ordonnance de refus de levée de séquestre, le recours est recevable, le recourant disposant de la qualité pour agir, conservant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de celle-ci (art. 382 al. 1 CPP.

2.             Le recourant reproche à l'ordonnance querellée de ne pas avoir respecté l'insaisissabilité du rétroactif d'allocations familiales et son minimum vital.

2.1. À teneur de l'art. 263 al. 1 CPP, des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mises sous séquestre, notamment, lorsqu'elles seront utilisées comme moyens de preuve (let. a) ou qu'elles seront restituées au lésé (let. c). En raison de l'atteinte portée aux droits fondamentaux des personnes concernées, la mesure de séquestre doit être prévue par la loi ; des soupçons suffisants doivent laisser présumer la commission d'une infraction ; le principe de la proportionnalité doit être respecté, et il doit exister un rapport de connexité entre l'objet saisi et l'infraction. Il a toutefois été jugé que la saisie pouvait avoir pour objet des biens, certes présents dans le patrimoine concerné, mais dépourvus d'une connexité immédiate avec l'infraction (arrêt du Tribunal fédéral 1P.94/1990 du 15 juin 1990 p. 5).

Au début de l'enquête, un soupçon crédible ou un début de preuve de l'existence de l'infraction reprochée suffit à permettre le séquestre, ce qui laisse une grande place à l'appréciation du juge. On exige toutefois que ce soupçon se renforce au cours de l'instruction pour justifier le maintien de la mesure (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 17/22 ad art. 263).

2.2. Une saisie ne peut être maintenue si les conditions de sa mise en œuvre ne sont plus réunies (art. 267 al. 1 CPP). La personne touchée a ainsi le droit d'en demander la levée lorsqu'un changement des circonstances l'exige ou le justifie (SJ 1990 445 n. 5.3), soit lorsque les indices de connexité entre les biens saisis et l'infraction ne sont plus suffisants (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), op. cit., n. 8 ad art. 267 ; C. PERRIER / J. VUILLE (éds), Procédure pénale suisse : tables pour les études et la pratique, Bâle 2011, p. 161).

2.3. Selon la systématique du CPP, seul le séquestre en couverture des frais impose de prendre en compte le revenu et la fortune du prévenu (art. 268 al. 2 CPP) et d'exclure du séquestre les valeurs insaisissables selon les art. 92 à 94 de la loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP ou loi sur la poursuite; RS 821.1; art. 268 al. 3 CPP). Un tel examen s'impose car cette mesure tend exclusivement à la sauvegarde des intérêts publics, soit à garantir le recouvrement de la future dette de droit public du prévenu (ATF 119 Ia 453 consid. 4d p. 458; arrêt 1B_274/2012 du 11 juillet 2012 consid. 3). Il se justifie donc, sous l'angle du principe de proportionnalité (art. 197 al. 1 let. c et d CPP), de respecter le minimum vital de la personne touchée par ce type de séquestre (arrêts du Tribunal fédéral 1B_136/2014 du 14 mai 2014 consid. 2.1 et 1P.21/2007 du 2 mai 2007 consid. 4).

Même dans le cadre d'un séquestre en vue de garantir une possible créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP), la saisie des indemnités pour perte de gain perçues par le prévenu, en raison de son incapacité de travail, doit respecter les conditions minimales d'existence garanties par le droit constitutionnel, de sorte qu'il appartient à l'autorité pénale, déjà au stade du séquestre, de tenir compte de l'éventuelle atteinte du minimum vital du prévenu (ATF 141 IV 360 consid. 3.4).

2.4. Selon l'art. 146 al. 1 CP, est punissable celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

À teneur de l'art. 148a al. 1 CP, est punissable quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d'une assurance sociale ou de l'aide sociale.

2.5. En l'espèce, il existe, en l'état, des soupçons suffisants que le recourant, qui reconnaît ne pas être titulaire d'une autorisation d'exercer la médecine en Suisse, ait pratiqué cette activité durant plusieurs années et utilisé les codes créanciers de confrères dûment autorisés à pratiquer en Suisse, pour obtenir des prestations des assurances maladie. À cet égard, le séquestre des revenus de cette activité illicite est fondé.

Dans son ordonnance de refus de levée du séquestre sur le compte personnel du recourant, le Ministère public explique que le séquestre devait être maintenu sur le rétroactif reçu par le prévenu à la suite de la décision du 13 mars 2018 du Service des allocations familiales, car il avait faussement déclaré, dans le formulaire de demande, être domicilié en Suisse. Dans son recours, le recourant expose, dispositions légales à l'appui, que les allocations familiales lui étaient dues, nonobstant son domicile en France, dès lors qu'il travaillait en Suisse. Le Ministère public n'a, dans ses observations, pas répondu à ce grief.

En l'occurrence, les allocations familiales, bien qu'insaisissables (art. 10 de la Loi fédérale sur les allocations familiales, LAFam – RS 836.2), pourraient faire l'objet d'un séquestre si elles étaient le produit d'une infraction. Or, il n'existe pas, en l'espèce, de prévention pénale suffisante que le recourant aurait obtenu ces prestations-là au moyen d'une tromperie, dès lors qu'il rend vraisemblable qu'il remplissait les conditions à l'octroi de telles allocations, contrairement à ce qu'a retenu le Ministère public, qui n'a, dans ses observations, pas répondu au recours sur ce point. On relèvera d'ailleurs que le Service des allocations familiales n'a, à teneur du dossier remis à la Chambre de céans, pas déposé plainte pénale – même si cette démarche n'est pas obligatoire –. Le seul fait que le recourant ait exercé la médecine sans autorisation ne suffit pas à fonder un soupçon d'infraction à la LAF, puisqu'il pouvait, en dehors du cadre de la médecine qu'il n'était pas autorisé à pratiquer en Suisse, fournir certaines prestations pour lesquelles sa rémunération par son employeur, C______ – dont il était l'administrateur président – était licite.

Partant, la vraisemblance d'un assujettissement à la LAF est plus vraisemblable que l'inverse, de sorte que le séquestre sur le solde provenant du rétroactif des allocations familiales, soit CHF 16'100.- (CHF 66'100.- - CHF 50'000.- déjà prélevés), devra être levé.

2.6. Le recourant ne peut en revanche opposer le respect de son minimum vital à un séquestre conservatoire portant sur le produit de l'infraction. L'arrêt du Tribunal fédéral auquel il se réfère, soit l'ATF 141 IV 360 référencé ci-dessus, ne lui est d'aucun secours, puisqu'il s'agissait, dans le cas examiné par les juges fédéraux, d'un séquestre en vue de l'exécution d'une créance compensatrice (l'art. 71 al. 3 CP), alors qu'il porte ici sur les prestations et montants que le recourant a perçu directement au moyen des infractions dont il est soupçonné. En l'état, la part supposément licite de sa rémunération n'a pas été déterminée par l'instruction, de sorte que le maintien du séquestre pour le surplus est justifié, conformément aux principes jurisprudentiels rappelés par le Ministère public. Le recours est donc infondé sur ce point.

3. Partiellement fondé, le recours doit être admis ; partant la levée du séquestre sera ordonnée à concurrence de la somme de CHF 16'100.-.

4. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

5. Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade de la procédure (cf. art. 135 al. 2 CPP) le défenseur d'office.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours.

Ordonne la levée, en faveur de A______, du séquestre portant sur le compte no.  ______ auprès de D______, à concurrence de CHF 16'100.-.

Confirme l'ordonnance querellée pour le surplus.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).