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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3557/2021

ACPR/547/2021 du 18.08.2021 sur OMP/5414/2021 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : EXPERTISE;ÂGE;FOUILLE DE PERSONNES;ACTE DE RECOURS;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ
Normes : CPP.251; CPP.382; CPP.393

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3557/2021 ACPR/547/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 18 août 2021

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocat, ______, Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance d'expertise rendue le 13 avril 2021 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 25 avril 2021, A______ recourt contre la décision du 13 précédent, notifiée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a ordonné de déterminer son âge par expertise.

Le recourant conclut, préalablement, à l'assistance juridique et, principalement, à l'annulation de cette décision et à l'injonction au Ministère public d'en rendre une nouvelle.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, qui s'affirme ressortissant algérien né le ______ 2004, a été interpellé le 14 février 2021, pour soupçon de vols de téléphone portable et séjour illégal. Libéré par le Juge des mineurs (ci-après, JMin), il a été appréhendé pour des faits analogues le 1er mars 2021. Il est en détention provisoire depuis lors.

b.             Sur la foi d'une prise de position du Secrétariat d’État aux migrations (ci-après, SEM), du 10 février 2021, à teneur de laquelle A______ devait être considéré comme étant né le 1er janvier 2003, le JMin s’est dessaisi au profit du Ministère public, le 2 mars 2021. Le 8 juillet 2021, le Procureur général a confirmé cette décision.

c.              Le 3 mars 2021, le Ministère public a prévenu A______ d’obtention illicite de prestations de l’aide sociale (art. 148a CP).

d.             Le 13 avril 2021, le Ministère public a décerné à la Pr D______, ______ [statut] du CURML, "avec faculté de délégation (art. 182 CPP)", un mandat d'"expertise d'âge" du prévenu, avec copie au défenseur de celui-ci.

e.              À réception, A______ a annoncé vouloir recourir contre cette décision et demandé la récusation de D______.

f.              Le 4 mai 2021, le Ministère public a confié à D______ la tâche complémentaire de dire s'il était possible que A______ fût né le ______ 2003 ou le ______ 2004.

g.             Le 6 mai 2021, le CURML, sous la plume de deux experts dont aucun n'est D______, a remis ses conclusions. Il retient que A______ est âgé de 18 ans et demi au minimum et exclut qu'il pût être né aux dates proposées par lui-même; la date de naissance fixée par le SEM était possible.

C. Dans la décision attaquée,le Ministère public estime indispensable de déterminer l'âge de A______, au motif implicite que celui donné par l'intéressé et celui retenu par le SEM étaient divergents. Il désigne la Pr D______ à cette fin, "avec faculté de délégation (art. 182 CPP)".

D. a. À l'appui de son recours, A______ invoque une violation de l'art. 184 al. 3 CPP, car le Ministère public ne l'avait pas consulté avant de décerner le mandat querellé. S'en suivait une violation de son droit d'être entendu, car l'exception réservée par (la deuxième phrase de) la disposition légale précitée n'était pas réalisée. Au surplus, la motivation adoptée n'était pas satisfaisante, car elle ne faisait pas ressortir clairement que sa date de naissance était contestée et qu'elle dépréciait ses allégations. Elle reposait aussi sur une violation des art. 4, 5 et 12 de la loi fédérale sur la protection des données (LPD; RS 235.1). Le fait même de procéder à une expertise d'âge n'était pas contesté.

b. À réception, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             L'acte de recours respecte les conditions formelles de recevabilité (art. 385 et 396 CPP).

L'ordonnance attaquée s'analyse comme un mandat d'examen corporel du prévenu, au sens de l'art. 251 CPP (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 58 ad art. 251/252), qui vise à faire déterminer son âge par l'institut de médecine légal compétent, conformément à l'art. 252 CPP (op. cit., n. 55). En cela, elle se distingue d'un ordre de fouille corporelle (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 1 ad art. 251).

Cette décision est en principe sujette à recours (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), op. cit., n. 29).

Sous l'angle de la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), il existe un intérêt juridiquement protégé du recourant à être jugé par la juridiction qui correspond à son âge (art. 9 al. 2 CP; art. 3 al. 1 DPMin; arrêt du Tribunal fédéral 1P.109/2000 du 26 avril 2000 consid. 1a).

2.             Le recourant ne remet pas en cause l'utilité de l'expertise, mais critique la décision du Ministère public en ce qu'elle n'indiquait pas clairement que sa date de naissance était contestée; les données le concernant devaient être présentées de manière objective et correspondre aux éléments du dossier, sans chercher à orienter les conclusions de l'expert (acte de recours, p. 10).

Ce grief est typiquement celui d'une critique des motivations d'une décision, et non de la décision elle-même, exprimée par son dispositif. Du reste, le recourant, au passage cité de son recours, ne refuse pas de se soumettre à la décision prise et, de fait, celle-ci a été suivie d'effets.

Or, un recours exercé sur les motifs est irrecevable. En effet, cette voie de droit n'est pas ouverte pour améliorer ou rectifier les motifs d'une décision (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et 2.4.3 p. 247 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2010 consid. 5 = SJ 2012 I 231; ACPR/563/2014 du 2 décembre 2014 consid. 2.2.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 4 ad art. 382).

3.             Mais il y a plus.

Le Tribunal fédéral considère que la voie du recours immédiat, au sens de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, est ouverte lors que la mise en œuvre d'une expertise psychiatrique est susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne en cause, raison pour laquelle il se justifie de pouvoir faire vérifier immédiatement si une telle expertise est pertinente et/ou respecte le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 1B_520/2017 du 4 juillet 2018 consid. 1.2 non publié in ATF 144 I 253; 1B_242/2018 du 6 septembre 2018 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral a pris soin de préciser qu'un tel contrôle judiciaire immédiat n'a cependant pas lieu d'être pour les autres expertises judiciaires, à moins que celles-ci doivent être aussitôt menées en raison de possibles altérations ou modifications de son objet (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_265/2020 du 31 août 2020 consid. 3.1; 1B_189/2012 du 17 août 2012 consid. 2.1 in SJ 2013 I p. 89 et les références de doctrine).

Or, la détermination de l'âge du recourant à la date des faits reprochés n'est pas susceptible d'être altérée ou modifiée, comme le serait, par exemple, l'évolution d'une blessure ou le risque de disparition d'une preuve périssable. L'expertise ordonnée est purement technique et vise à clarifier l'âge du recourant pour saisir l'autorité de jugement compétente. Elle fait partie des mesures de contrainte qu'un prévenu doit tolérer, au sens de l'art. 113 al. 1 CPP (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), op. cit., n. 20 ad art. 251/252). On ne voit pas en quoi les examens à subir – morphologique, dentaire et/ou radiologique (op. cit. n. 58) – exposaient le recourant à des douleurs particulières ou auraient nui à sa santé, au sens de l'art. 251 al. 3 CPP. Du reste, le recourant ne le prétend pas.

De ce qui précède résulte un autre motif d'irrecevabilité.

5.             Dès lors que le recours n'était pas ouvert, la question d'une violation du droit d'être entendu paraît n'avoir pas d'objet. Elle en a d'autant moins en l'espèce, puisque le recourant accepte expressément de se soumettre à l'expertise ordonnée, qu'il ne formule avec son recours aucune des questions qu'il aurait voulu voir poser et que le Ministère public, le 4 mai 2021, a spontanément complété la mission confiée dans le sens de la présentation "objective" préconisée par le recourant, à savoir arbitrer entre les deux dates de naissance litigieuses que sont celle qu'il allègue et celle que le SEM a retenue. Enfin, le recourant pourra encore s'exprimer sur le rapport rendu (art. 188 CPP), voire demander une nouvelle expertise (art. 189 CPP).

Dans les circonstances concrètes de l'espèce, on ne voit pas ce qui plaiderait contre l'assimilation du mandat d'examen corporel aux cas d'expertise dans lesquels la Direction de la procédure peut se dispenser de recueillir l'avis des parties, au sens de l'art. 184 al. 3, 2e phrase, CPP.

6.             Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable et, comme tel, pouvait être traité d'emblée par la Chambre de céans sans échange d'écritures ni débats (cf. art. 390 al. 5 a contrario CPP).

7.             Le recourant demande expressément à être mis au bénéfice d'un défenseur d'office pour l'instance de recours.

Or, les conclusions du recours n'avaient aucune chance de succès, ce que le mandataire professionnel qui les a prises au nom du recourant ne pouvait ignorer. Par conséquent, le recourant, même dans le dénuement, ne saurait voir les honoraires de celui-ci pris en charge par l'État pour la présente instance.

8.             Par identité de motifs, le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare le recours irrecevable.

Rejette la demande d'assistance juridique.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui son défenseur) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3557/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

500.00