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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/22/2021

ACPR/345/2021 du 26.05.2021 ( PSPECI ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 30.06.2021, rendu le 29.11.2021, REJETE, 1B_367/2021
Descripteurs : OBSERVATION DU DÉLAI;RETARD;SUSPENSION DU DÉLAI;FÉRIES JUDICIAIRES
Normes : CPP.58; CPP.89

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/22/2021 ACPR/345/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 26 mai 2021

 

Entre

 

A______ et B______, domiciliés ______ [GE], comparant par Me Andreas FABJAN, avocat, MULLER & FABJAN, rue Ferdinand-Hodler 13, case postale 3462, 1211 Genève 3,

requérants

et

 

C______, Procureur, p.a. Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

cité

 


EN FAIT :

A. a. Par pli du 14 avril 2021, A______ et B______ demandent la récusation du procureur C______.

b. Le magistrat a transmis cette demande le lendemain à la Chambre de céans, avec ses déterminations.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 13 juin 2018, une explosion a dévasté l'écurie D______, à E______, propriété de A______ et B______. F______, G______ et H______ ont été très grièvement brûlés. L'enquête tend à démontrer que F______, dans la cuisine de son logement, avait tenté de fabriquer de l'huile de cannabis avec du butane, qui s'était enflammé et avait violemment explosé. F______ est d'ailleurs soupçonné de vivre de la culture et de la vente de chanvre.

b.A______ et B______, qui se sont dénoncés après le sinistre auprès de l'assurance perte de gain pour avoir signé un contrat de travail de complaisance avec F______, sont accusés par ce dernier de n'avoir rien ignoré, voire d'avoir consciemment participé, à son trafic de stupéfiants et à toute l'installation nécessaire à ces fins, dans les sous-sols du bâtiment. Les époux A/B______ le contestent avec force.

c. Les 31 juillet, 27 septembre et 12 novembre 2019, les époux ont demandé au Procureur C______, chargé de la procédure, plusieurs investigations, notamment des auditions de témoins (qui ont eu lieu dans un premier temps à la police, puis au Ministère public). Les 24 avril et 14 mai 2020, ils ont demandé que F______ fût poursuivi pour escroquerie et faux dans les titres, en lien avec le contrat de travail susmentionné, et ce, "pour les mêmes motifs" qui avaient prévalu contre eux-mêmes [par quoi doit être comprise leur audition par la police à titre de prévenus, au mois de décembre 2019]. Le 4 juin 2020, C______ leur a donné la planification de prochaines auditions et les a priés de formuler leurs réquisitions de preuve. Ils lui ont alors demandé la jonction de la cause dirigée contre eux à celle ouverte par suite de l'explosion (ce qui sera fait le 24 août 2020), ainsi que des auditions de témoins et l'apport au dossier de tout document utile à déterminer la situation financière de F______ et d'une entreprise que celui-ci avait inscrite en raison individuelle au Registre du commerce.

d. Le 16 octobre 2020, F______, sa femme et la personne qui se trouvait avec lui le 13 juin 2018 ont été prévenus d'avoir causé une explosion et un incendie au D______ et de s'être par-là causé des lésions corporelles graves les uns aux autres.

e. Le 1er décembre 2020, F______ et A______ et B______ ont été prévenus de faux dans les titres et de tentative d'escroquerie, le cas échant aux prestations d'assurance sociale. Les époux A/B______ ont été prévenus d'infraction à la LStup, pour avoir mis à disposition de F______ le sous-sol de leur bâtiment afin que celui-ci y cultive et vende de la marijuana.

f. Le 5 février 2021, A______ et B______ ont soumis à C______ une liste de témoins en vue de démontrer l'inanité de cette prévention et réitéré leur demande de production de pièces censées établir la situation financière de F______.

g. Une audience d'instruction s'est tenue le 10 février 2021, consacrée en bref à l'audition de témoins au sujet de l'installation électrique voulue par F______ et de sa culture de cannabis.

h. Le 5 mars 2021, les époux A/B______ se sont inquiétés des auditions de témoins que C______ a déléguées à la police.

i. Une audience d'instruction s'est tenue le 31 mars 2021, consacrée à l'audition de deux témoins cités par A______ et B______. En fin d'audience, l'une des témoins s'est vu demander ses constatations lorsqu'elle descendait à la cave du bâtiment de E______. Elle a répondu qu'elle se concentrait sur la pièce où elle devait se rendre et qu'elle ne se sentait pas autorisée à s'intéresser à d'autres locaux.

Selon les époux A/B______, C______ se serait alors exclamé : "Mais quelle grandeur d'âme !" Ils ne s'en sont cependant pas fait donner acte au procès-verbal.

C. a. À l'appui de leur requête, A______ et B______ affirment avoir demandé à C______, à l'issue de l'audience du 31 mars 2021, quelle suite serait donnée à leurs réquisitions de preuve. À quoi le prénommé aurait répondu qu'en l'état, il ne disposait pas d'éléments rendant suffisamment vraisemblable un trafic de stupéfiants auquel F______ se serait livré par le passé. Cette appréciation était choquante, contraire au dossier et arbitraire. F______ s'adonnait à un tel trafic depuis de nombreuses années avant le sinistre de 2018; preuve en était une ordonnance pénale rendue contre lui en 2015. La prévention du magistrat était encore renforcée par son exclamation en fin d'audience, car il visait A______.

b. C______ conclut à l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de la demande de récusation, subsidiairement à son rejet. Il énumère les investigations entreprises en vue d'établir l'ampleur du trafic de stupéfiants mené par F______. Les requérants remettaient en question sa stratégie d'enquête. Quant à la remarque qu'il avait lancée, elle n'était pas destinée à A______, mais au témoin, pour la rendre attentive au peu de vraisemblance de sa déposition sur ce point.

c. A______ et B______ répliquent qu'en raison des jours fériés de Pâques, leur requête avait été formée dans les huit jours ouvrables qui suivirent l'audience. Pour le surplus, ils insistent sur la pertinence de leurs réquisitions de preuve.

EN DROIT :

1.             1.1. La récusation des magistrats et fonctionnaires judiciaires au sein d'une autorité pénale est régie expressément par le CPP (art. 56 et ss. CPP).

À Genève, lorsque, comme en l'espèce, le Ministère public est concerné, l'autorité compétente pour statuer sur la requête est la Chambre pénale de recours de la Cour de justice (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ), siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ).

1.2. Parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. a/b CPP), les requérants disposent de la qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP).

2.             2.1. La demande de récusation doit être présentée sans délai par les parties dès qu'elles ont connaissance d'un motif de récusation (art. 58 al. 1 CPP).

Même si la loi ne prévoit aucun délai particulier, il y a lieu d'admettre que la récusation doit être formée aussitôt, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, à peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275 et les arrêts cités). La jurisprudence admet le dépôt d'une demande de récusation six à sept jours après la connaissance des motifs (arrêt du Tribunal fédéral 1B_630/2020 du 23 mars 2021 consid. 2.2 et les arrêts cités), mais considère qu'une demande déposée deux à trois semaines après est tardive (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 3 ad art. 58 CPP et références cités; arrêts du Tribunal fédéral 1B_14/2016 du 2 février 2016 consid. 2 et 1B_60/2014 du 1er mai 2014 consid. 2.2).

L'autorité qui constate qu'une demande de récusation est tardive n'entre pas en matière et la déclare irrecevable (A. DONATSCH / T. HANSJAKOB / V. LIEBER (éds), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 2e éd., Zurich 2014, n. 4 ad art. 58 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 2C_239/2010 du 30 juin 2010 consid. 2.2; ACPR/303/2014 du 18 juin 2014).

2.2. En l'espèce, les requérants semblent partir de l'idée que le délai pour agir en récusation était suspendu par les jours fériés de Pâques. À tort. La procédure pénale ne connaît pas de féries judiciaires (art. 89 al. 2 CPP), et donc pas de suspension de délais à l'occasion du congé pascal. La computation à laquelle se livrent les requérants est par conséquent erronée. En laissant s'écouler deux semaines après l'audience du 31 mars 2021, les recourants ont agi tardivement. Ils ne donnent aucune explication à l'appui d'un éventuel empêchement d'agir plus tôt qu'ils ne l'ont fait. Leur requête doit être déclarée irrecevable.

3.             En tant qu'ils succombent, les requérants supporteront, solidairement (art. 418 al. 2 CPP), les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP), fixés en totalité à CHF 900.-, émolument compris (art. 13 let. b du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010; RTFMP - E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare irrecevable la demande de récusation formée le 14 avril 2021 contre C______ dans le cadre de la procédure P/1______/2018.

Condamne A______ et B______, solidairement, aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux requérants, soit pour eux leur conseil, et à C______.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/22/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur récusation (let. b)

CHF

815.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

900.00