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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22262/2020

ACPR/333/2021 du 20.05.2021 ( MP ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 10.06.2021, rendu le 29.10.2021, REJETE, 1B_321/2021
Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);RESTITUTION(EN GÉNÉRAL);SOUPÇON
Normes : CPP.263; CPP.267; CP.305bis; CP.158

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22262/2020 ACPR/333/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 20 mai 2021

 

Entre

A______, domicilié ______, Fédération de Russie,

B______ INC, sise ______, République de Panama,

comparant tous deux par Me Pascal DEVAUD, avocat, Eardley Avocats,
rue De-Candolle 16, 1205 Genève,

recourants,

contre le refus de levée de séquestre rendu le 11 mars 2021 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 22 mars 2021, A______ et B______ INC (Panama) recourent contre la décision du 11 mars 2021, notifiée par simple pli, par laquelle le Ministère public a refusé leur demande de levée de séquestre.

Les recourants concluent, avec suite de frais et indemnité de procédure, préalablement, à l'accès au dossier puis à l'admission d'un second échange d'écritures ; au fond, à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de lui octroyer l'accès au dossier, à l'annulation de la décision susmentionnée et à la levée immédiate du séquestre sur les avoirs de B______ INC déposés auprès de la banque C______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par suite d'une dénonciation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (ci-après, MROS), le Ministère public a ouvert, le 25 novembre 2020, une instruction contre inconnu pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP).

b. Le même jour, il a ordonné le séquestre, auprès de la banque C______, de la relation n. 1______ dont B______ INC était titulaire en ses livres. Il était fait interdiction à la banque de communiquer l'existence de la mesure à ses clients.

c. Par lettre de son avocat, du 27 janvier 2021, A______ - ayant droit économique de B______ INC - a requis du Ministère public l'accès au dossier.

d. Le Ministère public a répondu, le 2 février 2021, que l'accès à la procédure lui était refusé "pour des motifs inhérents aux développements de la procédure elle-même". À ce stade, les parties n'avaient pas encore été entendues par le Ministère public et les preuves principales pas été administrées (art. 101 al. 1 CPP).

e. Par lettre du 16 février 2021, A______ a requis de la banque C______ diverses informations, parmi lesquelles copie de l'échange de courriers avec le Ministère public dans le cadre de la présente procédure pénale.

f. Le 19 février 2021, le Ministère public a rappelé à l'avocat de A______ que le dossier n'était pas consultable, de sorte qu'il ne pouvait pas requérir de l'établissement bancaire une copie des éléments figurant à la procédure.

g. Le 25 février 2021, A______ et B______ INC ont requis du Ministère public l'accès à "tout document synthétisant la raison de l'ouverture d'une procédure pénale" et "exposant l'étendue et le motif du séquestre opéré", ainsi qu'une confirmation que l'autorité de poursuite pénale ne s'opposait pas à la demande de reddition de compte qu'ils avaient adressée à la banque.

h. Le Ministère public a répondu, le 25 février 2021, avoir été saisi d'une communication de soupçons de blanchiment d'argent en lien avec une relation bancaire qui n'avait finalement pas été ouverte, après que A______ avait été amené comme client potentiel de l'établissement bancaire. Sur la base de cette communication initiale, le MROS avait requis des informations complémentaires auprès de la banque C______ et de la [banque] D______ à Zurich. Des entrées de fonds pour des sommes importantes (env. EUR 1,1 million) avaient été mises en lumière, en 2016, dont une partie avait "transité sur le compte de E______ LTD (BVI) auprès de la D______ sur un compte de B______ INC", lesquelles pourraient constituer le produit d'actes de gestion déloyale qualifiée. Ces transactions suspectes avaient donné lieu à une seconde communication de soupçons de blanchiment d'argent dont le Ministère public était également saisi. La documentation sur laquelle se fondaient ces communications était constituée de documents bancaires dont A______ disposait.

Le Procureur a pris note du souhait de A______ de collaborer à l'établissement des faits et l'a prié de faire connaître ses disponibilités pour être entendu par lui à compter du 10 mai 2021.

i. Le lendemain, la banque a communiqué à ses clients des documents bancaires, à l'exclusion de ceux relatifs à la procédure pénale.

j. Le 5 mars 2021, A______ et B______ INC ont requis la levée du séquestre sur USD 70'000.- crédités le 22 décembre 2015 et EUR 400'000.- crédités le 28 janvier 2016 sur le compte bloqué, ainsi que sur le fruit de la gestion opérée par la banque C______. Ils comprenaient des explications du Ministère public que la procédure concernait les fonds provenant de E______ LTD (BVI), d'un total de EUR 702'760.-, au motif qu'ils seraient le produit d'une supposée gestion déloyale qualifiée. Partant, aucun soupçon fondé ne visait les fonds qu'ils souhaitaient libérer, lesquels ne provenaient pas de cette société. B______ INC devait financer ses frais d'avocat et de traduction en lien avec la défense de ses intérêts, raison pour laquelle elle sollicitait la levée du séquestre sur les avoirs précités.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public a rappelé, en référence au contenu de sa lettre du 25 février 2021, avoir été saisi d'une seconde communication de soupçons de blanchiment d'argent, laquelle visait précisément les valeurs dont la levée du séquestre était demandée. Il n'entendait donc pas accéder à la demande, mais attendait de connaître les disponibilités de A______ pour être entendu.

D. a. À l'appui de leur recours, A______ et B______ INC exposent que le premier est l'unique actionnaire et ayant droit économique de la seconde. En avril 2015, B______ INC avait ouvert le compte n. 1______ auprès de C______, sur lequel la société F______ CORP avait transféré, les 21 décembre 2015 et 28 janvier 2016, respectivement, USD 70'000.- et EUR 400'000.-. Il s'était agi d'un transfert interne à l'établissement bancaire. D'autres sommes, d'un montant total de l'ordre de EUR 700'000.- avaient été créditées, entre le 15 février et le 21 mars 2016 par E______ LTD, en provenance de la D______ Zurich. Sous la rubrique "communication", les avis de crédits en lien avec les montants virés par E______ LTD mentionnaient tous le paiement partiel d'un contrat de prêt ("loan agreement"). Au 20 décembre 2020, le compte présentait, grâce à ces versements et à la gestion des avoirs, un solde de USD 1'524'072.-.

Les recourants soulèvent une violation de leur droit d'être entendus. B______ INC avait vu la totalité de ses actifs séquestrés, sans avoir reçu l'ordonnance de séquestre ni de décision équivalente. Elle ne connaissait rien des faits qui fonderaient, selon l'autorité pénale, la gestion déloyale supposée, étant relevé que les fonds versés par E______ LTD provenaient d'une autre banque suisse et mentionnaient le paiement partiel d'un contrat de prêt. Quant aux fonds versés par F______ CORP, depuis un autre compte de la banque C______, le Ministère public n'alléguait aucun fait susceptible de fonder un acte de gestion déloyale, ni quelle [autre] infraction aurait supposément été commise. A______ disposait d'un intérêt à obtenir plus d'éléments, car en sa qualité d'ayant droit économique de B______ INC, laquelle détenait ses avoirs à titre fiduciaire, il avait le droit de "puiser" dans les fonds de cette société. Il précise s'être dit prêt à collaborer pour fournir des documents et informations via son conseil, mais pas pour être entendu dans l'immédiat, faute de disposer du moindre élément sur les éléments ayant fondé le séquestre.

Ils demandent l'accès à la procédure ou à tout le moins l'obtention d'une description complète du contenu essentiel du dossier, le Ministère public n'ayant pas fourni, en violation de l'art. 108 al. 4 CPP, les éléments essentiels susceptibles de fonder le séquestre. N'ayant pu obtenir ne serait-ce qu'une synthèse complète des faits qui fonderaient le soupçon d'actes de gestion déloyale, ils demandent un second échange d'écritures, au sens de l'art. 390 al. 3 CPP, pour leur permettre de répondre sur ce point, après avoir pris connaissance des pièces y relatives.

Ils rappellent que, conformément au principe de l'art. 197 al. 2 CPP, le Ministère public devait faire preuve de retenue, puisqu'aucun d'eux n'était prévenu. De plus, ils avaient le droit d'être assisté d'un avocat et le séquestre devait être levé pour leur permettre de payer les provisions de leur conseil.

b. Le Ministère public conclut à l'irrecevabilité du recours, en tant que les recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus, et, au surplus, à son rejet.

S'agissant du premier point, la décision querellée ne portait pas sur le refus de consulter le dossier, dont les motifs leur avaient été expliqués par lettre du 2 février 2021. En tout état de cause, l'enquête n'en était qu'à ses prémices et la documentation bancaire n'avait pas encore été analysée. Les éléments portés à la connaissance de B______ INC étaient, à ce stade de la procédure, suffisants à lui permettre de comprendre les faits à la base de l'instruction. À ce jour, il n'avait reçu aucune réponse à son invitation de proposer des dates en vue de son audition.

Quant au fond, les dénonciations du MROS étaient, par essence, à même de fonder des soupçons suffisants au prononcé du séquestre litigieux. Le blocage était nécessaire et proportionné, au vu des montants en jeu (plus d'un million d'euros, dont la part pouvant provenir d'une activité criminelle devait être déterminée) et du fait qu'aucun des recourants n'avait annoncé ses disponibilités.

c. Les recourants ont demandé à la Chambre de céans à pouvoir consulter le dossier, pour pouvoir répliquer, ce qui leur a été refusé, la procédure ne leur étant pas accessible par suite du refus du Ministère public.

d. Dans leur réplique, B______ INC et A______ persistent dans leurs conclusions. Cinq mois après avoir ordonné le séquestre, le Ministère public ne pouvait pas alléguer l'absence d'analyse de la documentation bancaire, alors que seules sept transactions étaient concernées, qui plus est toutes provenant de banques suisses. Le Procureur invoquait une seconde dénonciation MROS - virement de F______ CORP - sans préciser aucun élément factuel ou juridique.

Ils produisent des pièces nouvelles, pour faire valoir que A______ disposait, en 2015 et 2016, auprès d'une banque de son pays, d'avoirs s'élevant à plus de 2 millions de francs suisses, justifiant ainsi de la surface financière adéquate pour exécuter les obligations lui incombant dans le cadre d'un "loan agreement". Il n'existait donc pas de soupçons d'une origine illicite des avoirs de B______ INC. Au surplus, le Ministère public, qui se plaignait que A______ n'avait pas suggéré des dates en vue de son audition, n'avait nullement sollicité des documents ou informations de sa part. Il s'était pourtant mis à la disposition de l'autorité pénale, par l'intermédiaire de son avocat, étant précisé qu'en raison de son domicile éloigné, en Sibérie occidentale, et de la pandémie, il lui était difficile de se déplacer.

EN DROIT :

1.             Le recours de B______ INC contre le refus de levée de séquestre est recevable, pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits - faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP - (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du tiers saisi qui a qualité pour agir (art. 105 al. 1 let. f et al. 2 CPP), ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             En revanche, le recours de A______ est irrecevable.

2.1. En vertu de l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision peut contester celle-ci. La notion de lésé est définie à l'art. 115 al. 1 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction; subit une telle atteinte le titulaire du bien juridique protégé par la norme pénale enfreinte (arrêt du Tribunal fédéral 1B_576/2018 du 26 juillet 2019 consid. 2.3).

2.2. S'agissant des infractions contre le patrimoine, le propriétaire des valeurs concernées est considéré comme la personne lésée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_62/2018 du 21 juin 2018 consid. 2.1 in fine). Lorsque le propriétaire est une personne morale, seule celle-ci subit un dommage, à l'exclusion de ses actionnaires ou ayants droit économiques (arrêt du Tribunal fédéral 6B_608/2020 du 4 décembre 2020 consid. 3.1 et les références citées).

2.3. En l'espèce, l'ayant droit économique de la relation bancaire sur laquelle se trouvent les fonds dont la levée de séquestre a été refusée est B______ INC. Seule celle-ci peut donc, conformément aux principes juridiques sus-rappelés, prétendre à la qualité de lésée, à l'exclusion de A______, quand bien même celui-ci serait le propriétaire de ladite société, laquelle détiendrait ses avoirs à titre fiduciaire, ce qu'il ne démontre au demeurant pas.

3.             Le recours de B______ INC est en outre irrecevable en tant qu'il conclut à ce qu'il soit ordonné au Ministère public de lui donner accès au dossier de la procédure, la décision querellée ne s'étant pas prononcée sur ce point. La Chambre de céans étant une autorité de recours, elle ne peut statuer que sur une décision préalable, qui fait ici défaut s'agissant de la conclusion précitée.

4.             La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue, en tant qu'elle n'a pas eu accès au dossier, en particulier avant la rédaction de sa réplique.

4.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment pour le justiciable le droit de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 144 I 11 consid. 5.3 ; 143 V 71 consid. 4.1 ;
142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

4.2. En l'espèce, la recourante a requis du Ministère public, le 27 janvier 2021, l'accès au dossier, qui lui a été refusé par décision du 2 février 2021, contre laquelle elle n'a pas recouru. Le 25 février 2021, elle a requis de cette même autorité l'accès aux documents "synthétisant l'ouverture de la procédure pénale" et "exposant l'étendue et le motif du séquestre". Le Ministère public lui a fourni des explications, par lettre du même jour, sans lui transmettre de pièce, et elle n'a pas renouvelé sa demande sur ce point devant cette autorité.

La recourante ne peut désormais prendre prétexte de la procédure de recours sur le refus de levée de séquestre pour contourner la restriction dont elle fait l'objet, en exigeant de la Chambre de céans la mise à sa disposition du dossier pénal, dont l'accès lui a été refusé par décision du 2 février 2021 et se plaindre d'une violation de son droit d'être entendue à cet égard.

Comme rappelé au consid. 3 supra, la présente procédure de recours est circonscrite à la décision querellée, soit un refus de levée de séquestre.

5. À bien la comprendre, la recourante semble en réalité se plaindre de ne pas être suffisamment informée des motifs ayant justifié le séquestre et, par extension, le refus de levée de séquestre.

5.1. Lorsque l'ordonnance de séquestre est destinée à l'intermédiaire financier, et non au titulaire du compte, qui est censé être tenu dans l'ignorance de la mesure, le ministère public n'a pas d'obligation particulière de motiver sa décision à l'attention de la banque. En revanche, il doit s'y plier - par exemple en accompagnant la communication de l'ordonnance d'une brève motivation ou, à tout le moins, d'une explication succincte sur les faits pertinents - envers le titulaire du compte qui l'interpelle sur les raisons du blocage de son compte. La Chambre de céans ne retient pas le grief de violation du droit d'être entendu lorsque le recourant a reçu postérieurement à l'ordonnance destinée à la banque une motivation séparée. En revanche, un défaut persistant de motivation sur les soupçons à l'origine d'un séquestre conduit à l'admission du recours et au renvoi de la cause au ministère public, tout comme la simple communication au titulaire du compte de l'ordonnance non motivée qui était destinée à la banque (ACPR/131/2020 du 18 février 2020 consid. 2.1 et les références citées).

5.2. En l'espèce, la décision querellée, qui refuse de lever le séquestre, est motivée. La recourante a, précédemment, été informée par le Ministère public des raisons du séquestre, puis du fait que les fonds dont il refuse de lever la saisie ont été bloqués en raison d'une suspicion de blanchiment d'argent, par suite de la seconde communication du MROS. Les motifs du séquestre et du refus lui sont, partant, connus, quand bien même elle n'aurait pas reçu, semble-t-il, copie de l'ordonnance de séquestre. La recourante a ainsi été en mesure de rédiger son acte de recours ainsi que d'y exposer ses griefs. Elle a, de plus, fait usage de son droit de répliquer (art. 390 al. 3 CPP).

On ne décèle ainsi aucune violation du droit d'être entendu.

L'éventuel refus, qu'elle invoque, de la banque de lui remettre la documentation bancaire dans son intégralité est un litige qui échappe à la cognition de la Chambre de céans.

6. La recourante reproche au Ministère public d'avoir refusé de lever le séquestre à concurrence de EUR 400'000.- et USD 70'000.-.

6.1. Selon l'art. 197 al. 1 CPP, toute mesure de contrainte doit être prévue par la loi (let. a), répondre à l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), respecter le principe de la proportionnalité (let. c) et apparaître justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

6.2. Le séquestre d'objets et de valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers figure au nombre des mesures prévues par la loi. Il peut être ordonné, notamment, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuve (art. 263 al. 1 let. a CPP), devront être restitués au lésé (art. 263 al. 1 let. c CPP), devront être confisqués (art. 263 al. 1 let. d CPP) ou pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP).

Une telle mesure est fondée sur la vraisemblance (ATF 126 I 97 consid. 3d/aa p. 107 et les références citées). Comme cela ressort de l'art. 263 al. 1 CPP, une simple probabilité suffit car la saisie se rapporte à des faits non encore établis, respectivement à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364 ; ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 p. 64 et les références citées).

6.3. À teneur de l'art. 267 al. 1 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal a l'obligation de lever la mesure et de restituer les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit.

Tant que l'instruction n'est pas achevée et que subsiste une probabilité de confiscation, de créance compensatrice ou d'une allocation au lésé, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2 p. 364). L'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle. Le séquestre ne peut donc être levé (art. 267 CPP) que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées, et ne pourront l'être (arrêts du Tribunal fédéral 1B_311/2009 du 17 février 2010 consid. 3 in fine et 1S.8/2006 du 12 décembre 2006 consid. 6.1). Les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent cependant se renforcer au cours de l'instruction et doivent être régulièrement vérifiées par l'autorité compétente, avec une plus grande rigueur à mesure que l'enquête progresse (ATF 122 IV 91 consid. 4 p. 96). Un séquestre peut en effet apparaître disproportionné lorsque la procédure dans laquelle il s'inscrit s'éternise sans motifs suffisants (ATF 132 I 229 consid. 11.6 p. 247).

6.4. En l'espèce, la recourante n'a pas recouru contre le séquestre de ses avoirs, lorsqu'elle en a eu connaissance. Depuis le prononcé de la mesure, elle a été informée par le Ministère public que le blocage des fonds était motivé par deux communications du MROS, la première pour le virement effectué par la société E______ LTD, et la seconde - qui concerne le refus de levée du blocage - pour le virement provenant de la société F______ CORP. Les communications du MROS, auxquelles se réfère le Ministère public, sont des dénonciations pénales, provenant d'une autorité étatique (le MROS) dont la mission est d'analyser les informations reçues des intermédiaires financiers, puis de les transférer aux autorités pénales lorsque des soupçons fondés permettent notamment de présumer qu'une infraction au sens de l'art. 305bis CP a été commise ou que des valeurs patrimoniales proviennent d'un crime (cf. art. 23 al. 2 et 4 let. a et b LBA). Une telle dénonciation est à même de fonder des soupçons suffisants (art. 197 al. 1 let. b CPP) au prononcé d'un séquestre (ACPR/388/2020 du 9 juin 2020).

Dans le cas d'espèce, le Ministère public refuse la levée du séquestre des sommes de EUR 400'000.- et USD 70'000.-, transférées par la société F______ CORP, en se fondant sur la communication du MROS, laquelle est suffisante, en l'état, à justifier le refus de levée du séquestre, puisque les valeurs sont susceptibles d'être confisquées. Le fait que les fonds provenant du transfert de la société F______ CORP se trouvaient déjà, avant leur versement sur le compte de la recourante, sur une relation bancaire au sein de la banque C______ ne préjuge pas de leur origine. L'information fournie par le Ministère public dans sa lettre du 25 février 2021, selon laquelle les sommes saisies pourraient être le produit d'actes de gestion déloyale qualifiée semble concerner tous les fonds séquestrés, donc aussi ceux faisant l'objet du refus de déblocage. Quoi qu'il en soit, il appartiendra précisément au Ministère public d'instruire ces faits.

Si les suspicions de blanchiment d'argent devront se renforcer au cours de l'enquête, il n'y a pas lieu, selon la jurisprudence précitée, de se montrer trop exigeant aux premiers stades de celle-ci. En l'occurrence, on ne saurait reprocher au Ministère public de ne pas avoir terminé l'analyse de tous les éléments bancaires dans un délai de cinq mois. On ne peut en effet exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3).

Il s'ensuit que, en l'état, la prévention pénale est suffisante à justifier le maintien du séquestre et la probabilité d'une confiscation demeure. La mesure sert donc toujours l'intérêt public (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire CPP, 2e éd., Bâle 2016, n. 6 ad Rem. prél. aux art. 263 à 268), lequel prime l'intérêt privé de la recourante à payer la provision de son avocat à l'aide de ses fonds saisis.

7. Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

8.             Les recourants, qui succombent tous deux, supporteront, conjointement et solidiairement, les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.-, y compris un émolument de décision (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare irrecevable le recours de A______.

Rejette le recours de B______ INC

Condamne A______ et B______ INC, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux recourants (soit pour eux leur conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22262/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

900.00