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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14620/2017

ACPR/176/2019 du 06.03.2019 sur OCL/1201/2018 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE ; DÉPENS ; REFUS DE PAYER
Normes : CPP.319; CPP.429.al1.leta

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14620/2017 ACPR/176/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 6 mars 2019

 

Entre

A______, domiciliée rue ______, France, comparant par Me E______, avocat, rue ______ Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 16 octobre 2018 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 29 octobre 2018, A______ recourt contre l'ordonnance de classement rendue le 16 du même mois, dans la P/14620/2017, à teneur de laquelle le Ministère public a refusé de lui allouer une indemnité fondée sur l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 2'000.-, à l'annulation de la décision querellée sur ce point et à ce qu'une somme de CHF 4'490.90 lui soit versée pour ses frais d'avocat encourus durant la procédure préliminaire.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

c. À réception de ce montant, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. À la suite d'une plainte pénale déposée par A______, B______, son ex-époux, a été, le 17 août 2016, reconnu coupable de violation d'une obligation d'entretien pour avoir cessé de payer diverses contributions en faveur de sa famille (ordonnance pénale rendue dans la P/1______/2015).

a.b. Le même jour, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte pénale parallèle déposée par B______ contre A______ du chef de dénonciation calomnieuse, celui-ci reprochant à celle-là de l'avoir injustement accusé en relation avec les faits évoqués au paragraphe précédent (P/2______/2015).

Cette décision, que la mise en cause a reçu en copie, stipulait que, sur le plan subjectif, l'infraction à l'art. 303 CP nécessitait, notamment, que l'auteur sache que la personne qu'il dénonce était innocente; or, tel n'était pas le cas de la prénommée en l'occurrence.

b.a. Le 17 février 2017, A______ a déposé une nouvelle plainte pénale pour violation d'une obligation d'entretien, B______ ne s'acquittant plus des sommes dont il était redevable (P/14620/2017). Il en avait pourtant les moyens, puisque, contrairement à ce qu'il alléguait, il exerçait une activité lucrative en tant qu'indépendant dans le domaine de la vente de véhicules automobiles, comme en attestait les deux pièces qu'elle annexait à son acte, à savoir : la photographie de profil ______ [réseau de communication] du dénoncé, représentant une carte de visite sur laquelle étaient inscrits "______"; une annonce publiée sur le site C______ au nom de "D______". Elle précisait élire domicile en l'étude de son avocat, Me E______.

Auditionné par la police en qualité de prévenu, B______ a déclaré bénéficier de l'aide financière de l'Hospice général depuis le 1er janvier 2016. Il contestait devoir les sommes réclamées, qu'il n'avait d'ailleurs pas versées faute de revenus suffisants.

La requête de B______ tendant à être mis bénéfice d'une défense d'office a été successivement rejetée par le Ministère public, la Chambre de céans (ACPR/81/2018), puis le Tribunal fédéral (1B_94/2018 du 9 mars 2018), au motif que la cause ne présentait pas de difficultés juridiques ou de fait particulières, de sorte que l'intéressé était à même de se défendre efficacement seul.

b.b. Le 21 juillet 2017, le prénommé a déposé plainte pénale contre A______ du chef d'infraction à l'art. 303 CP, reprochant à cette dernière d'avoir, dans la dénonciation sus-évoquée, allégué de manière totalement mensongère qu'il exerçait une activité lucrative (P/14620/2017 également).

Entendue par la police en qualité de prévenue, A______, assistée de Me E______, a rappelé qu'elle avait produit, à l'appui de ses dires, diverses pièces, lesquelles corroboraient le fait que B______ travaillait en qualité d'indépendant.

b.c. Les audiences appointées par le Procureur les 23 janvier puis 17 juillet 2018 en vue d'auditionner les parties ont toutes deux été annulées, en raison d'empêchements médicaux de B______.

b.d. Par avis de prochaine clôture du 8 août suivant, le Ministère public a informé les parties qu'une ordonnance pénale et de classement partiel serait prononcée à l'encontre de B______ et une décision de classement, rendue à l'égard de A______. Un délai leur était fixé pour requérir d'éventuelles indemnités de procédure.

La prénommée a sollicité d'être défrayée, note d'honoraires de son conseil à l'appui, de CHF 933.10 en application de l'art. 433 CPP [pour des prestations exécutées par l'avocat au mois de février 2017] et de CHF 4'490.90 conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP [pour toutes les autres activités accomplies dans la P/14620/2017, entre juillet 2017 et août 2018].

b.e. Le 16 octobre 2018, le Procureur a rendu, d'une part, la décision de classement querellée et, d'autre part, une ordonnance pénale et de classement partiel. À teneur de celle-ci, il a renvoyé A______ à agir par la voie civile pour faire valoir ses éventuelles prétentions [sans faire référence à l'art. 433 CPP].

B______ y a fait opposition; la cause est actuellement pendante devant le Tribunal de police.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a considéré qu'au vu des deux pièces évoquées à la lettre B.b.a ci-dessus, l'on ne pouvait reprocher à A______ d'avoir accusé, intentionnellement et à tort, son ex-mari d'exercer une activité professionnelle dans la vente de voitures. La procédure était donc classée et les frais, laissés à la charge de l'État. Pour le surplus, aucune indemnité n'était allouée à la prévenue, "qui n'en a[vait] d'ailleurs pas sollicité".

D. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que, dans la mesure où les frais de la cause avaient été mis à la charge du canton, son indemnisation au sens de l'art. 429 CPP s'imposait; de surcroît, elle n'avait adopté aucun comportement illicite ou fautif légitimant le refus de lui allouer un dédommagement (art. 430 al. 1 let. a CPP). Par ailleurs, la présence de son avocat lors de l'interrogatoire à la police se justifiait, ne sachant pas pour quel motif elle allait être entendue.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de classement, décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP; art. 128 LOJ/GE), et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la contestation du refus de son dédommagement (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. La recourante sollicite le versement d'une indemnité pour ses frais d'avocat encourus durant la procédure préliminaire.

3.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu au bénéfice d'une ordonnance de classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

Lorsque l'État supporte les frais de la cause, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2). Encore faut-il que l'assistance d'un avocat ait été nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_983/2016 du 13 septembre 2017 consid. 2.2).

L'allocation d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP n'est pas limitée aux cas de défense obligatoire (art. 130 CPP). Elle peut être accordée dans les cas où le recours à un avocat apparaît simplement raisonnable. Dans ce cadre, il doit être tenu compte, outre de la gravité de l'infraction et de la complexité de l'affaire en fait ou en droit, de la durée de la procédure et de son impact sur la vie personnelle et professionnelle du prévenu. Par rapport à un délit ou à un crime, ce n'est qu'exceptionnellement que l'assistance d'un avocat peut être considérée comme ne constituant pas un exercice raisonnable des droits de la défense (ATF 142 IV 45 consid. 2.1.; arrêts du Tribunal fédéral 6B_398/2018 du 28 novembre 2018 consid. 1.1, 6B_983/2016 précité et 6B 273/2016 du 18 juillet 2016 consid. 3.1).

3.2. En l'espèce, la recourante se méprend lorsqu'elle estime que l'imputation des frais au canton, d'une part, et l'absence de réalisation des conditions de l'art. 430 al. 1 let. a CPP, d'autre part, lui confèrent ipso jure une prétention en indemnisation au sens de l'art. 429 CPP.

En effet, encore faut-il que le recours à un avocat apparaisse raisonnable.

L'infraction reprochée à l'intéressée constituait, certes, un délit (art. 10 al. 3 cum 303 al. 1 CP). Pour autant, la cause s'avérait particulièrement simple en fait et en droit, dès lors qu'il s'agissait uniquement de déterminer si, oui ou non, la prévenue savait que son ex-époux ne disposait pas des ressources nécessaires pour s'acquitter des contributions dues; il suffisait que cette dernière explique les raisons pour lesquelles elle pensait que B______ travaillait dans le domaine de la vente de voitures, ce qu'elle a d'ailleurs fait à la police; aucun développement juridique particulier n'était nécessaire.

La durée de la présente procédure n'a pas de portée in casu, dès lors qu'elle n'était pas liée à une instruction complexe impliquant une multitude d'actes, mais résultait, pour l'essentiel, des recours successivement interjetés par B______ contre le refus d'ordonner sa défense d'office (en relation avec l'infraction à l'art. 217 CP).

La recourante n'avait guère matière à être inquiète s'agissant du sort de la plainte déposée contre elle. En effet, elle avait préalablement fait l'objet d'une dénonciation similaire, laquelle n'avait pas abouti. De surcroît, elle avait reçu, en 2016, une ordonnance énonçant les éléments constitutifs subjectifs de l'art. 303 CP. Elle était donc à même de savoir que son comportement ne contrevenait nullement à cette norme, dans la mesure où elle ignorait que B______ ne travaillait pas en qualité d'indépendant. En tant que de besoin, elle aurait pu être rapidement rassurée sur ce point en s'adressant à son avocat, mandaté pour poursuivre l'infraction à l'art. 217 CP, étant rappelé que les allégations litigieuses figuraient dans la plainte déposée du chef de la violation de l'obligation d'entretien.

Enfin et surtout, la mise en cause n'allègue pas que son choix d'être assistée d'un conseil aurait été dicté par l'une des raisons précitées, se contentant d'expliquer, en relation avec son audition à la police, que Me E______ l'avait accompagnée car elle ignorait les raisons de sa convocation. Or, le recours préventif à un avocat ne saurait – en l'absence d'élément permettant de retenir que sa participation serait d'emblée nécessaire – être considéré comme raisonnable, le prévenu (en particulier s'il est non détenu) étant habilité à demander, après avoir été informé des charges qui pèsent contre lui, que son interrogatoire soit repoussé pour être assisté du défenseur qu'il souhaite, si ce dernier est disponible dans un délai utile (art. 159 CPP; Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005, FF 2006 1175).

Au vu de ce qui précède, le recours de la mise en cause à Me E______ ne peut être considéré comme constituant un exercice raisonnable de ses droits de défense; les honoraires de ce conseil ne sauraient donc être assumés par l'État.

L'ordonnance querellée, exempte de critique dans son résultat, doit ainsi être confirmée par substitution de motifs et le recours, rejeté.

4. La prévenue succombe. Elle sera, conséquemment, déboutée de ses conclusions tendant au versement d'une indemnité au sens de l'art. 436 CPP.

Elle supportera les frais de la procédure de recours envers l'État (art. 428 al. 1 CPP), qui seront fixés à CHF 900.- en totalité, émolument de décision inclus (art. 3 cum art. 13 al. 1 Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP; E 4 10 03]), somme qui sera prélevée sur le montant des sûretés versées par ses soins (art. 383 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui seront fixés en totalité à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Le communique, pour information, à B______, avenue ______.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/14620/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

805.00

-

CHF

     

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

900.00